***Hikkaku Tomoko***

Bip Bip Bip

Fichu réveil !

Je tends ma main vers la table de chevet et tâtonne dans le noir pour m’en saisir et l’arrêter. Je sens un corps bouger contre moi dans le lit et quelques secondes plus tard, une tête apparait de sous la couette.

-Bonjour.

Je lui réponds par une vague tape sur la tête et sors du lit. Je n’ai aucune envie de lui parler. Je ne sais même pas ce qu’elle fout encore là. Elle devrait avoir débarrassé le plancher depuis longtemps déjà.

Je me dirige vers la salle de bain, me lave les dents, prend une douche rapide et en ressort habillé de pied en cap. Je la trouve toujours allongée sur mon lit, en train de zapper allégrement les chaines de la télévision. Je rigole intérieurement. Elle ne se prend pas pour de la merde cette fille. Je pense qu’elle a trop pris la confiance, vu que ça fait déjà une semaine qu’on se fréquente, et se croit ma petite amie. Je vais me faire un plaisir de lui rappeler qu’elle n’est rien.

Je m’avance dans la chambre, ramasse sa robe (encore que je doute que ce soit un nom approprié pour un bout de tissu pareil) et la lui lance à la figure.

- Rhabille-toi et rejoins-moi en bas. Tu as 3 minutes.

Je ne fais pas cas de son regard interloqué et je descends à la cuisine. Je salue Jane, ma gouvernante, et elle me sert une tasse de café bien serré. Je suis en train de savourer le délicieux arôme de mon ristretto au nicaraguayen quand elle apparaît, juchée sur des talons de 15 centimètres. Elle s’approche de moi et essaie de m’embrasser. Je détourne la tête. Elle n’est pas folle non ? Je me retiens de lui dire que ce n’est pas nécessaire qu’elle s’assoie vu qu’elle va dégager tout de suite.

-Mike (mon chauffeur) va te ramener chez toi. Tu trouveras ton sac sur le portemanteau du salon.

Elle me regarde avec une mine de chien battu et je ne peux m’empêcher de soupirer d’exaspération. Elle me perd le temps.

-Mais, J…

-Tu es encore là, Michelle ?

-C'est Micha

Qui s’en tape ?

-Well, rentre chez toi, Micha. J’ai du boulot.

Elle fait la moue. Je pense qu’elle croit que ça lui donne un air ingénu et que ça me plait. Elle a surtout l’air d’une parfaite imbécile, mais bon.

-On se voit ce soir ?

-Non. Ni demain, ni un autre jour. Je crois que je t’ai assez vue pour toute ma vie.

Son pseudo-air ingénu la quitte et elle affiche une mine incrédule.

-Tu me quittes ?

- On n’était pas ensemble, chérie.

Je repose ma tasse vide sur la table qui trône au milieu de la cuisine et me tourne vers Jane, qui a les yeux brillants et les joues rouges. Je crois qu’elle se retient d’éclater de rire. Il faut dire que la tête déconfite de Micha est très drôle.

-Des messages pour moi, Jane ?

Elle respire un grand coup pour reprendre son calme et répond :

-Oui, RACH de l'association "nos écrivains ont du talent" a téléphoné. Vous savez, ceux qui vous avaient interviewé a la sortie de votre premier mangas.

-Ah oui, je me souviens. Qu'est ce qu'ils veulent? Une donation?

- Non. Ils veulent interviewer Hikkaku Tomoko pour l'anniversaire des 10 ans de la trilogie.

Hikkaku Tomoko, c'est moi. Enfin, c'est le pseudonyme de mangaka que je me suis choisi. J'écris des romans depuis l'age de 16 et quand j'ai eu 18 ans, je les ai envoyé a une maison d'édition. Ils se sont fait adapter en mangas, et j'ai du me choisir un pseudo car je n'avais vraiment pas envie qu'on fasse le lien entre ce passe temps d'Otaku debile et le CEO tout puissant de firme informatique que je suis dans la vie de tous les jours.

Je réfléchis un instant. En temps normal, je refuse ce genre de choses, mais là, j’ai bien envie d’accepter. J’ai grand besoin de vacances en ce moment, et ça me ferait le plus grand bien de me remettre dans ma peau d'ado naïf et stupide.

-Vous a-t-on donné plus de détails ?

-Oui. L'interview se fera sur une ile, en souvenir du cadre du premier livre. Ils ont proposé le Zanzibar. Si vous acceptez, le départ sera pour dans une semaine, vous en aurez juste pour un week end et vous serez déplacé, logé et nourri a leurs frais.

Je souris, désabusé. 

Il espère que ce genre d’informations m’appâte ? 

Comme si ça, ce serait un problème pour moi.
Je réfléchis encore un instant.

- Bien, rappelez, et confirmez que je viendrais.

- Il faudrait que vous confirmiez vous-même, afin qu’on vous envoie le billet d’avion et toutes les autres informations par mail.

Cette fois ci, je pars d’un rire franc. Un billet d’avion ? Pourquoi ne pas envoyer un taxi pour me conduire a l'aéroport tant qu'ils y sont? Franchement, tout ce qu’il ne faut pas entendre.

-Rappelez, Jane. Informez les que je viendrais et donnez-leur le contact de Howard (mon pilote) afin qu’ils lui communique le plan de vol. Assurez-vous ensuite que Becca et Woodie (mes hôtesses) soient disponible pour la date qu’on vous a communiqué. 

On se voit ce soir.

Je prends l’attaché-case qu’elle me tend et me dirige vers la porte de la cuisine. Je vois du coin de l’œil Micha toujours assise à la table, l’air d’avoir tout perdu. La pauvre. Si jamais je mets la main sur celui qui l’a mise dans cet état. Ah, oui, c’est moi ! J’éclate de rire à ma blague que je trouve très drôle et sors de chez moi, soudain d’excellente humeur.

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