Que faire?

Ecrit par Les Chroniques de Naty

Chapitre 39

 

****Martine****

Certains êtres, à mesure que le temps passe, deviennent de plus en plus libres. Ils se redressent au lieu de s’affaisser. Il émane d’eux une énergie étonnante. Ils sont lumière pour qui les rencontre. J’aimerais savoir ce qu’ils ont fait des ombres de leur passé. De leurs regrets, de leurs déchirures. Comment ils s’en sont arrangés ? Parce qu’on n’oublie rien, je le sais maintenant. On n’oublie rien. Quand bien même on s’est efforcé du contraire. Le passé vit en nous. Masse informe tapie au plus profond de soi, qu’on pourrait croire endormie mais qui veille… Alors, eux, ces êtres de lumières, comment ont-ils ?

Mais j’ai quand même fini par tout enfouir au fond de moi. Ouvrir les fenêtres. Vider la chambre. Le vent la traverse en soufflant. On voit seulement le vide, on cherche dans tous les coins mais on ne se trouve pas. On ne trouve plus ma tristesse et ma peine, parce que je les ai tellement cachées qu’elles n’ont eu d’autres choix que de se taire toutes les deux.

Heureusement que je n’ai pas eu à faire cet effort toute seule. Sinon je crois que j’en aurais perdu la tête à force de vouloir absolument tout oublier.

Pour une fois, je n’ai pas voulu être forte. J’ai voulu de l’aide. J’ai voulu sentir la présence de mes proches dans cette douloureuse transition. Je suis passée de femme mariée à femme divorcée. Et pour finir je suis devenu veuve ; et ce même si je n’étais plus techniquement marié à Moctar. Mais pour moi c’était tout comme. Vu notre histoire, nos antécédents et surtout vu tout ce que nous avons eu à traverser ensemble.

Cela a été difficile. Cela a été douloureux. Mais tout cela a été ainsi parce que ça comptais, parce que cela avait de l’importance pour moi.

Et j’ai fini par comprendre que dans la vie, le plus important n'est pas nécessairement d'être fort, mais de se sentir fort. Et de se mettre à l'épreuve au moins une fois, de se retrouver au moins une fois dans la condition humaine la plus archaïque. Affronter seul la nature aveugle et sourde, sans rien pour vous aider, si ce n'est vos mains et vôtre tête. Mais aussi et surtout de pouvoir compter sur ces personnes qui nous entoure et que nous aimons.

Par ailleurs J'avais mille raisons de chialer, de me replier sur moi-même et de prier le ciel pour qu'il vienne m'emporter. Mais j'avais aussi milles et une raisons de sourire, de prendre appuie sur cet obstacle et de me lancer dans les airs pour voler jusqu'au soleil. La vie n'était pas finie, loin de là. Elle commençait.

Même plus d’un an après que Moctar s’en sois allé loin de nous, la vie ne devait pas et ne pouvais pas s’arrêter. J’ai tellement de raisons d’être heureuse et de bien faire les choses. Non seulement pour moi, mais aussi pour toutes ces personnes autour de moi.

Mais encore plus pour ces deux garnements qui ne cesse de grandir. Où vont-ils avec toute cette taille ?

Je n’arrive pas à croire que bientôt Orphée prendra la route du collège. Et il ressemble de plus en plus à son père. Cela rend encore plus douloureux son absence. Mais on finit toujours par s'inventer une manière de faire face à l'absence. Au début, on compte les jours puis les semaines, enfin les mois. Advient inévitablement le moment où l'on se résout à admettre que le décompte se fera en années ; alors on commence à ne plus compter du tout.

Après le deuil, j’ai récupérer les enfants. J’en ai profiter pour prendre du temps pour moi et me faire à l’idée que je dois définitivement me recentrer sur moi et sur ma vie. Ça n’a pas été du tout évident. Et pourtant j’y suis arrivée avec de la volonté. Mais surtout la volonté de vouloir bien faire les choses. J’ai donc parlé à mes garçons. Je leur ai dit la vérité ; d’une autre manière certes. Dans la mesure où à leur jeune âge, ils ne peuvent comprendre ce qu’implique la mort. Ils ne peuvent pas savoir que lorsqu’on dit qu’une personne est morte, cela sous-entend qu’elle ne reviendra plus jamais. Et qu’on ne la reverra plus. Je ne voulais pas les brusquer. Orphée était triste lorsque je lui ai dit qu’il ne reverra plus son papa.

Le pauvre a pensé que c’est à cause de lui. Que son père est fâché parce qu’il n’a pas bien travailler à l’école. Je me suis mise à pleurer ; et je l’ai rassuré. Il ne peut et ne doit pas se sentir coupable de quoi que ce soit.

J’ai dû user de toutes les techniques pour qu’ils puisse comprendre. La discussion fut houleuse ; mais en tout ça été l’occasion pour moi de constater à quel point mes deux fils sont différents. Et que je ne dois jamais faire l’erreur de les comparer, ni de les mettre en compétition.

Orphée est d’une douceur quasi maladive. Il est toujours fourré avec moi ou que je sois. Il n’aime pas trop les jeux de terrain. Il préfère lire ou regarder la télé. Ou même discuter avec moi. Tout le contraire de mon bébé Ely. Qui lui est une boule d’énergie et de turbulence. Il est aventurier dans l’âme et passe le clair de son temps à jouer au foot ou même à gambader partout. Lui n’a pas du tout mon temps ; il est fort et débordant de vitalité ; déjà qu’il fait plus que son âge. Quand je pense que les médecins me disaient qu’il ne pourrait pas naitre vivant et viable. Ou même au pire des cas, il pourrait être mentalement infirme.  Il est comme béni pour moi, car il a déjoué les lois de la médecine. Heureusement que Dieu m’a aidé et que je n’ai pas interrompu ma grossesse ; je ne me le serai pardonné d’avoir fait ça.

Alors comme si ce dernier savait qu’il venait d’entre les morts, et que cette vie n’était pas faite pour lui, il en profite dans tous les sens du terme.

Je me souviens que lors de notre petite entrevue, ils ont failli se battre. Après cela m’a fait rigolé. Mais sur le coup j’ai dû jouer de stratégie et de petit mensonges.

—Moi mon papa est là. A dit Ely. Il n’est pas parti en voyage ; et je sais qu’il m’apportera des glaces ce soir.

—Non mon bébé. Papa ne pourra pas faire cela. Aie je murmurer la voix brisée par les pleurs.

Mon fils se met sur son séant et m’essuya les larmes en me réconfortant.

—Mais si maman il viendra. Attend que je t’apporte ton téléphone pour lui dire que je veux des glaces au cerelac.

Je ne comprenais pas jusqu’à ce qu’il me ramené mon téléphone qui était en charge au salon.

—Tu peux appeler papa Franck Emmanuel.

Merde !

Il fait allusion au père de leur copain Nathan. J’ai vu le visage de Orphée s’étirer de colère.

—Ce n’est pas lui qui est notre papa.

—Si c’est lui. A répliquer son frère.

—Non. C’est celui de Nathan ; et moi je veux mon papa.

Puis il se mets à pleurer. Sur le coup j’étais vraiment perdu car moi-même j’avais le cœur complètement en miette. Comment fait-on pour expliquer à un petit garçon de 7 ans à peine que son papa n’est plus de ce monde, et qu’il ne le reverra surement plus jamais ?

—Calme toi mon chéri. Papa n’est plus avec nous. Il est monté au ciel retrouver Dieu et les anges.

Il me regarde sans comprendre. Mais je continue à lui expliquer que son papa n’est certes plus avec lui physiquement, mais il continue de veiller sur nous de là où il est et jamais il ne l’oubliera. Il sera toujours fier de lui et surtout il l’aime de tout son cœur.

Mes paroles l’ont surement calmé parce qu’il a cessé de pleurer. Je ne sais pas s’il a réellement compris ce que j’ai dit ; mais j’ai quand même vu dans ses yeux marrons de la joie. Mais aussi de la fierté. Je me garde la prérogative de lui dire la vérité quand il sera plus grand. Il pourra alors mieux comprendre ce que cela inclut. Grandir sans père est une situation que je ne souhaite à personne. Je ne l’ai certes pas vécu ; cependant, j’ai vu des amis le vivre. Et je n’en ai pas vraiment de très bons souvenirs. Je ferai pour ma part, l’effort de combler mes enfants de sorte qu’ils ne ressentent pas ce vide paternel.

—Maman tu n’as pas encore appelé papa.

La voix plaintive de mon dernier me ramène à la réalité. Pour lui, Franck Emmanuel est son père un point c’est tout. Il n’a pas connu Moctar et ne peut donc pas le pleurer comme le fait son frère. Je peux le comprendre ; dans la mesure où son père n’a pas été là dans les premiers instants de sa vie. Cela dit, il ne gardera aucun souvenir de lui. Mais avec le temps, je lui ferrai comprendre que celui qu’il appelle papa ne l’est pas. Je veux éviter des situations malencontreuses. Mais surtout, je veux éviter à mon fils de souffrir dans le futur. Nous avons assez souffert ces dernières années. Alors je crois qu’il est temps que nos souffrances cessent.

La vie ne peut pas toujours être douce et belle comme une rose, mais elle n’a pas à être tumultueuse comme les chutes du Niagara.

—Mon chéri je l’appelai plus tard. Pour l’instant vous allez vous reposer avec maman dans la chambre.

Il n’avait pas l’air emballé par mon programme. Cependant, il n’a pas refusé. J’avais juste envie de rester avec mes enfants et de passer du temps avec eux sans penser à rien d’autres. Je veux profiter de ces petits moments de tranquillité. La tempête a failli m’apporter et vue qu’elle n’a pas réussie, je crois que j’ai le droit de souffler un peu.

*

**

****

Je suis en retard à mon diner. Il faut pourtant que je me grouille si je ne veux pas être plus qu’en retard.

Et ce maudit téléphone qui ne cesse de sonner. Je pari que c’est encore Fatou qui me stress. Pour une fois qu’elle est à l’heure, elle va ma casser les oreilles.

Je décroche rapidement et mets sur haut-parleur.

—Mais où êtes-vous depuis ? attaqua-t-elle aussitôt. J’ai faim moi ; ne me faites pas attendre.

—Pour une fois que ce n’est pas toi qu’on attend, tu vas nous fatiguer.

—Ma sœur j’ai changé. Donc toi tu vas prendre ma place maintenant ; et tu comprendras ce que j’endure.

—Mauvaise.

—Oui je sais. Mais grouillez-vous. Et puis ton chéri là aussi ; il ne peut pas te tirer par le bras pour que tu finisses vite ? moi je n’en peux plus. J’ai déjà mangé tous les amuse-gueules qui sont sur ma table et depuis je veux commander mais on me dit de vous attendre.

—Attendre ne te tuera pas ; bien au contraire ça te rendra plus forte. Bon laisse-moi finir de m’apprêter.

Je coupe avant qu’elle n’est le temps de répondre. Quand Fatou s’y mets, personne ne peut l’arrêter. Je mettais une dernière couchée gloss quand on sonne à la porte.

—Ouvre Zita. C’est tonton Franck. Criais-je depuis la chambre.

J’entends les garçons lui sauter dessus. Que leur a-t-il encore apporter ? il finira par me les gâter. Il a toujours quelque chose pour eux. Je lui ai pourtant dit de ne pas les habituer à cela ; mais c’est peine perdue.

—Tu es toute en beauté ma chérie. Me complimenta-t-il lorsque je les rejoins au salon.

—Merci chéri.

Je lui fais une bise timide devant les enfants. Alors que j’ai plus envie de le serrer dans mes bras. Il m’a beaucoup manqué. Il est tout le temps parti en mission et je n’ai pas toujours l’occasion de profiter de lui. Je ne lui montre peut-être pas assez, mais je crois que je suis amoureuse de lui. Au début je l’appréciais pour sa douceur et sa disponibilité et tout ce qu’il a comme qualité. Mais maintenant c’est tout autre chose. Il me manque quand il n’est pas là et mon cœur se serre chaque fois qu’on se sépare.

J’ai des papillons dans le ventre quand je le vois. Et le meilleur c’est quand il m’embrasse. J’adore le gout de ses lèvres sur les miennes.

Quand j’en ai parlé à Fatou, elle m’a ris au nez. Et m’a crié tout de go comme ça.

—Tu es amoureuse ma belle.

Avant d’éclater de rire devant ma mine surprise. Aussi, maintenant que j’y penses, et surtout avec du recul, je me rends compte qu’elle n’a pas tort. Mais je suis encore trop timide pour me l’avouer, et surtout pour le lui avouer. Je ne sais pas dire je t’aime ; j’ai peur de dire je t’aime et de subir les conséquences de cette confession. Alors je suis prudente.

—Toi non plus tu n’es pas mal.

Je le détaille dans son ensemble sombre qui accentue sur son teint noir. J’aime les hommes qui savent se mettre en valeur et celui-là en fait partie. Il est beau. Et j’aime sa beauté. Il est bon et j’aime encore plus sa bonté.

Son regard approbateur glisse sur les généreuse courbes de mon corps que j’ai pris soin de glisser dans une belle robe noire. J’y lis du désir. Violent et sauvage. Oui il me désire et cela n’est plus un secret. Nous n’avons pas encore franchi le pas. Je suis encore trop renfermée pour le faire. Et puis je ne veux pas que notre relation s’arrête à « ça ». J’en veux surement plus. Mais pour l’instant, je veux juste profiter de ce que nous partageons sans que cela ne gâche ce que nous aurons à partager.

—Bon les garçons, soyez sage mais surtout n’emmerdez pas Zita. Sinon comptez sur moi pour vous punir. Et ce même si vous me jurer que vous êtes innocents. Dis-je à l’encontre de ces fouteurs de trouble.

—Nous le jurons solennellement maman. Répétèrent-ils tous les deux. La main sur le cœur.

Je lève les yeux au ciel. Exaspérée. Tandis que Franck-Emmanuel et Zita éclate de rire devant le tableau qu’ils offrent. Je les embrasse tous les deux et donne les dernières consignes à ma fille de ménage.

Lorsque nous sommes dans la voiture de Franck Emmanuel, ce dernier au lieu de démarrer se tourne vers moi pour me fixer.

—Quoi ? Dis-je gênée par son regard pénétrant.

—Rien.

—Démarre donc. Nous sommes très en retard tu sais.

Mais il ne bouge pas d’un poil et continue de m’observer.

—Bon je t’écoute.

Sans me quitter des yeux, il s’approche doucement de moi, et pose ses lèvres sur les miennes. Dans un baiser doux et chaud. Loin de me faire du bien, se baiser réveille en moi un brasier qui à la limite me fait du mal.

Quoi ??? Ce simple baiser veut m’enflammer ? Alors je n’imagine pas nos nuits ensemble. Cette simple pensée fait naitre une boule. Là. En bas.

Doux au début, celui-ci est de plus en plus profond et révélateur des intentions de celui qui le donne.

—Oohhh !

Merde ! C’est moi qui gémis comme ça ?

Je me dégage de ses bras. Honteuse.

—Tu m’as manqué. A moi aussi. Murmure –t-il.

Il démarre la voiture. Direction La Terrasse.

Lorsque nous arrivons, tout le monde est déjà installé. Ils n’attendaient plus que nous.

—Ce n’est vraiment pas trop tôt vous deux-là. Depuis mathusalem on vous attend. Je pari qu’ils se faisaient des trucs de grand au lieu de venir nous libérer.

—Fatou ! Cria les autres.

—Quoi ? Est-ce que j’ai mentis ? Se justifia –t-elle. Bon dites la vérité ; que faisiez-vous ?

Nous nous regardons tous les deux, en souriant.

—Ce n’est pas la peine de répondre. Nous le savons déjà.

La soirée pouvait commencer à présent. Nous appelions le serveur qui s’occupe de notre table et les commandes furent vite passées. Ça parlait de tout et de rien. Nous sommes trois couples ; à savoir Fatou et Bouba, Sié et Nouria ainsi que nous. Franck Emmanuel et moi. Nous avons décidé de nous retrouver pour passer du temps ensemble. Les hommes parlent politique, sport et tout ce qui les intéresse mais qui est sans importance pour nous. Nous parlons de notre côté des enfants et des dernières turbulences des uns et des autres.

—C’est prévu pour quand demandais-je à Nouria.

Elle me faisait vraiment pitié avec son gros ventre qui lui arrivait presque au visage. Pour une première grossesse je trouve son ventre un peu trop gros. Nous avons tous pensé au début que ce sont des jumeaux. Mais non c’est bel et bien un seul enfant qui remplit tout ce ventre.

—Pour ces temps-ci. J’ai même des contractions quand je fourni des efforts. Et mes douleurs dans le dos ne font que s’accentuer.

—Je lui demande de se reposer mais c’est mal la connaitre. Intervient Sié.

—Mais je ne suis pas fatigué bébé.

—Tu dis toi-même qu’on n’a pas besoin d’être fatigué pour se reposer. Heureusement que je ne suis pas ton gynécologue. Sinon je t’aurai collé un repos depuis ton septième mois.

—Heureusement que tu ne l’es pas alors. Se moqua cette dernière.

—Mais pourquoi tu n’as pas voulu être le médecin traitant de ta femme ? Questionna Bouba.

—Parce que ce n’est pas recommandé dans le corps. Il faut donner toute la latitude au praticien de bien faire son travail, sans qu’il ne soit guidé par les émotions. Si jamais il y’a une décision à prendre pour le patient, le médecin ne saura pas quoi faire dans la mesure où le patient lui est familier. Il pourrait faire un mauvais jugement des diagnostics et cela causerait plus de mal que de bien.

—Je comprends mieux. Mais je crois que cela n’est pas applicable à tous les cas.

—En effet ça ne n’est pas toujours. Mais bon, on préfère éviter des risques inutiles.

Ce dernier posa un regard attendri sur sa femme et lui serra la main. Ces deux-là sont amoureux depuis le premier jour qu’ils se connaissent. Je me rappelle encore de la peur qu’avait Nouria quant au mariage. Elle a toujours peur certes, mais je crois qu’avec le temps son mari ne cesse de la rassurer. C’est de ça dont a besoin une femme. Que son homme la rassure. Je ne parle pas d’amour. Mais plutôt d’assurance en cet amour. C’est difficile de croire en un sentiment si la personne qui prétend l’avoir pour vous ne fait rien pour vous en assurer. Si, dans les relations les concernés se rassurait mutuellement, je crois qu’ils éviteraient beaucoup de malentendus.

Nous avons été agréablement surpris par sa grossesse. Il faut dire aussi qu’eux non plus ne l’avait pas vu venir. Etant tous les deux médecins, aucuns des deux n’a soupçonné quoique ce soit, dans la mesure où elle n’a pas vite démontré les signes de grossesse. Elle se plaignait tout le temps de fatigue et du fait qu’elle mangeait beaucoup trop. Ce n’est qu’au début du troisième mois qu’elle sentit les symptômes.

Ils sont heureux ensemble et attendent avec empressement la venue de ce bébé. Nous ignorons le sexe de l’enfant. Les jeunes n’ont pas voulu le savoir. Alors nous patientons tous jusqu’à l’accouchement.

—Dis à ton gars-là d’arrêter de te regarder un peu. Murmura Fatou en faisant semblant d’arranger la bretelle de ma robe. Ainsi il n’ya que moi qui puisse entendre sa remarque.

Je lève les yeux vers le concerné et nos regards s’accroche pendant ce qui me parait être une éternité.

Le souffle me manque.

Suis-je réellement amoureuse ? Je crois que oui.

Il me sourit et mon cœur fond comme neige au soleil.

Il est beau cet homme. Pas seulement ça. Mais il a ce magnétisme. 45 ans mais toujours aussi bien conservé.

—C'est toujours dans les yeux qu'on voit si les gens sont tristes ou heureux. Le regard, on ne peut pas le maquiller. Et ce que je lis dans les yeux de ce monsieur là…

—Arrête Fatou. Je la pince pour qu’elle me laisse tranquille.

—Ok j’ai compris. Puis elle ajoute en élevant la voix ; messieurs veuillez excusez les belles dames que nous sommes, mais nous vous fausserons compagnie pour quelques minutes. Juste le temps de nous repoudrez le nez.

Nous nous levons de table pour suivre Fatou, quand Franck m’attrape par le bras.

—Tu es déjà très belle comme ça ma douce fleur. Dit-il en me caressant tendrement le poignet.

Je glousse mielleusement avant de continuer mon chemin vers les toilettes du restaurant.

—C’est à cause de toi que j’ai forcé ce petit rendez-vous dans les toilettes. Commença Fatou en me tirant par le bras.

—Toi tu es grave. Répond Nouria.

—Même Nouria a remarqué que tu es irrécupérable. Qu’est ce qu’il ya encore ?

—Vous deux, je ne vous écoute pas. Vous êtes encore jeune. Mais dis-moi, quand comptes-tu libérer le pauvre monsieur ? Il ne va pas attendre toute la vie hein…

— De quoi parles-tu ?

—Oui c’est ça jette toi en brousse. Je veux parler de « l’équilibre ». C’est quand tu vas bien lui faire la chose. Tu me déçois ma sœur. Donne au monsieur ses droits ou bien ya quoi ?

Je levés les mains au ciel. Celle-là finira par me tuer.

—Laisse ça Fatou. Pourquoi tu reviens toujours sur ce sujet ? Est-ce qu’il t’a dit qu’il veut faire ça ?

—Ahhh c’est là ton erreur. Soit tu es naïve, soit tu fais exprès. Sinon toi-même tu vois très bien dans les yeux du monsieur ce qu’il ressent. A sa place je t’aurais sauté dessus depuis belle lurette.

Nouria éclata de rire quand cette folle de Fatou imita le geste d’une tigresse à l’attaque sur sa proie. Son rire est contagieux. J’éclate aussi de rire tellement je trouve Fatou ridicule dans ses mimiques.

—Bon libéront les toilettes. Dis-je en voyant des dames faire leur entrée. Nous parlerons de tout ça dans un endroit plus approprié pour ce genre de conversation. N’est-ce pas Nouria ?

Cette dernière ne me répond pas. Elle fait une grimace de douleur et se plie en deux en s’attrapant le ventre. Nous nous précipitons vers elle pour la soutenir.

—Qu’est ce qu’il ya ma chérie ? dis-je d’une voix inquiète.

Elle cria de toutes ses forces. Je sens ses muscles se contracter sous nos mains, avant de voir un liquide clair couler le long de ses jambes.

Je crois que je viens d’avoir ma réponse.

Merde ! Elle a perdu les eaux…

Elle va donc accoucher... ici... et maintenant. Mon Dieu !

—Cours appelez les hommes. Intima Fatou. Reste calme ma belle, tout va bien se passer. Ne cessait-elle de répéter à Nouria qui haletait sous le coup de la douleur.

Je ne me le fais pas répéter deux fois et alla alerter les hommes qui sirotaient tranquillement leur thé à la menthe.

—Nouria a perdu les eaux.

Ils me regardaient bouche bée. Je crois qu’ils n’ont pas percuté sur ce que je viens de dire.

—Nouria a perdu les eaux. Dépêchez pour la conduire à l’hôpital ; elle va accoucher d’un instant à l’autre. Criais-je plus fort.

Franck Emmanuel et Sié se lèvent et se précipitèrent vers les toilettes. Tandis que Bouba demandais l’addition.

—Vous venez avec moi et Martine. Fatou et Bouba nous rejoindront plus tard avec votre voiture. Proposa Franck Emmanuel en aidant Sié à porter Nouria vers le parking.

Heureusement que nous ne sommes qu’au premier niveau. Ils n’attendirent pas l’ascenseur et dévalèrent les escaliers en un temps record. Dès que nous sommes dans la voiture, il démarra en trombe. J’étais assis sur le siège passager à côté du chauffeur, tandis que Sié était restait avec Nouria sur la banquette arrière. Celle-ci se tordait de douleur et je crois qu’elle va accoucher dans peu de temps si on ne se presse pas. La clinique Avicenne est encore loin et on doit se dépêcher.

—Respire ma chérie. Lui dit-il en lui massant les pieds.

On voyait à quel point il était inquiet. Le pauvre. Il a déjà appelé l’hôpital pour qu’ils préparent une salle d’accouchement et a prévenu le gynéco de Nouria de leur arrivée.

—Mon Dieu. Je crois qu’il arrive. Hurla Nouria.

— Qui demandais-je ?

—Le bébé répondit Sié. Gare-toi Franck ; elle va accoucher. Je vois déjà la tête du bébé.

—Mais…

—Je peux gérer Martine ne t’inquiète pas. Me coupa-t-il pour répondre à ma question silencieuse.

Franck Emmanuel avait une boite à pharmacie dans sa voiture. Elle ne contenait peut-être pas de kit d’accouchement, néanmoins il y avait les équipements de première nécessité. Alors quand il gara la voiture sur le côté de la route, nous descendions pour aider Sié à mettre son enfant au monde.

C’est fou comme cette nuit restera à jamais gravé dans nos mémoires. Nous n’avons pas seulement assisté à un simple accouchement. Non, nous avons plutôt assisté à la plus merveilleuse scène que la vie nous ait donné de voir. Nous avons vu un père mettre au monde son enfant, son sang, sa chaire. Nous avons vu un père accueillir son bébé. Aidant sa femme à se libérer, à lui livrer et lui donner le plus cadeau qui ne lui sera jamais offert. Et nous étions là pour l’y aider ; du mieux que nous pouvons.

Alors quand le cri de l’enfant à fuser, fort et vigoureux, nous avons tous sauté de joie et de soulagement.

C’est un garçon. Un beau et grand garçon.

Le cordon est très vite coupé. L’enfant est nettoyé avec ce que nous avions à notre portée. Direction l’hôpital. La mère et le bébé sont très vite pris en charge. Sié est heureux, plus que le mot.

Nous avons trouvé Bouba et Fatou nous attendant à l’hôpital. Ils ont pris un raccourci et sont arrivé avant nous. Ils sont eux aussi sous le choc quand je leur explique cette folle expérience. Nous discutions quand Sié vient nous informer qu’on pouvait voir la mère et l’enfant. Ils vont bien, juste qu’ils seront gardés en observation jusqu’à demain dans l’après-midi. Après quoi, ils pourront renter à la maison.

—Merci les gars. Sans vous je ne sais pas comment j’aurai gérer ça.

—J’imagine. Nous sommes heureux pour toi. Réponds Franck.

—C’est moi la marraine. C’est moi qui l’ai mis au monde. Dis-je.

—Chérie, toi qui avait autant peur du sang. Se moqua Franck.

Nous rions tous de bon cœur avant de nous séparer. Il faut qu’on se repose tous ; et Sié doit appeler les parents de Nouria ainsi que les siens pour leur annoncer la bonne nouvelle.

La voiture de Franck Emmanuel restera avec Sié. Ce dernier s’est proposé de la faire nettoyer avant de la lui rendre. Pour l’instant il peut garder la sienne le temps qu’il la lui rende.

Pendant que nous roulions en direction de chez moi, je ne cessais de parler de cette magnifique soirée. Il est bien vrai qu’elle a pris une tournure, cela n’enlève pourtant rien à sa beauté et à sa particularité. Je remarque cependant que mon compagnon ne fait aucun commentaire sur cette soirée. Se contentant juste de conduire jusqu’à se garer devant mon portail. Je lui fais donc la bise en lui souhaitant bonne nuit.

—Merci d’être passé. J’ai passé une belle soirée.

Je fais mine de descendre quand il me stoppa.

—Je peux venir avec toi ?

—Franck s’il te plait…

—Ce n’est pas ce que tu crois… je ne veux pas te … comment dire… je ne vais pas te toucher ; je veux juste discuter avec toi.

Lorsqu’on s’installe au salon, il ne cesse de me regarder. De ce regard dont lui seul a le secret. Je crois qu’il lit en moi ; comme s’il m’avait fait. Je me rends compte qu’il me sera difficile de cacher mes émotions à cet homme.

—Je t’écoute.

—Je sais. Mais tu es un peu trop loin de loin. Joignant l’acte à la parole, il vient se poser à mes côtés. Réduisant la distance qui nous séparait. Voilà qui est mieux.

Il s’est débarrassé sa veste. Il ne portait plus que sa chemise. Ses muscles roulaient sous la fin tissue à chacun de ses mouvements. L’odeur de son eau de toilette m’envahi, me chatouillant les narines et m’enveloppant.

J’aime.

Il approche son visage du mien. Je ferme les yeux pensant qu’il veut m’embraser. Je me sens prête du coup à accueillir ses lèvres et à me pendre à elles comme le naufragé à sa bouée de sauvetage. Mais rien ne vient.

Alors je sens son souffle dans mon cou, ensuite vers mes oreilles.

— Veux-tu m’épouser Martine ?

J’ouvre brusquement les yeux.

—Quoi ? Mais pourquoi ?

—Parce que je t’aime Martine. Sûrement comme je n’aimerai aucune autre femme et je ne veux d’aucune autre femme que toi. A ton avis pourquoi suis-je encore là ?

—(Silence)

—Pourquoi suis-je accroché à toi ? Pourquoi me manques-tu quand je vais en

La nounou de mon fil...