Quelques souvenirs
Ecrit par lpbk
— Désolé pour la tenue… Je… Euh… bredouille André.
Je tente de focaliser mon attention sur
son beau visage, tout en l’écoutant très attentivement. Malheureusement, son
corps dénudé ne m’aide pas. Mes yeux sont, sans cesse, attirés par lui. Je dois
lutter pour rester concentrée.
Un silence pesant s’installe.
— Ce n’est pas grave, laissai-je échapper à demi-mot.
Non, pas grave du tout même, car je dois
l’avouer, cette vision d’André enchante mes yeux.
— J’étais en train de cuisiner, m’explique-t-il quelque
peu embarrassé.
— Non, c’est moi ! le coupai-je. J’aime être
ponctuelle… Et ce n’est pas comme si c’était la première fois… murmurai-je
vaguement. Enfin je veux dire que…
A mon tour de balbutier comme une idiote.
Je préfère m’arrêter là dans mes explications, de peur de dire d’autres âneries.
Nous sommes, tous les deux, confus et
gênés. Personne n’ose parler, ce qui me laisse le loisir de détailler mon hôte.
Je suis incapable de fixer mon regard sur le joli minois d’André.
Mes prunelles dérivent dans un premier
temps sur son torse. J’observe, dans un premier temps, sa poitrine qui se
gonfle au rythme de sa respiration. Il est musclé, pas assez pour avoir des
tablettes de chocolat mais juste ce qu’il faut ; ce qui signifie qu’il
pratique une activité physique régulière. Son teint est légèrement hâlé comme
lorsque nous étions ensemble. Je suis la fine ligne de poils noirs qui ondule
de son nombril jusqu’à la serviette qui lui ceint les reins.
Au fond de moi, j’aimerais qu’elle glisse
le long de son corps. Rien qu’à cette pensée, je sens mon rythme cardiaque
s’accélérer. Je me remémore à nouveau ce qui se cache dessous. Son membre viril
dissimulé sous une toison noire lui qui sait enfin qui savait me donner tant de
plaisir. Est-il toujours aussi… robuste ? Ardent ? Ma tête s’incline
comme si d’un simple mouvement, je pouvais ordonner à ce morceau de tissu blanc
de lâcher prise pour satisfaire ma curiosité. Je sens mon sang s’échauffer dans
mes veines. Je suis toute émoustillée.
— Ce que tu vois te plait ? me questionne une voix
lointaine.
Je cligne des yeux, comme sortie d’un rêve
et relève la tête prestement. Instantanément, je rougis, trahie par
l’expression de mon visage. La honte intersidérale ! C’est, au moins, la
seconde fois, qu’il me surprend en train de le reluquer de la tête aux pieds.
Je me ressaisis et réponds, sans réfléchir :
— Je dois dire que tu n’as pas tellement changé.
Il me gratifie d’un léger sourire
triomphant. Ah les hommes et leur ego ! Je manque de lâcher un soupir
blasé et de lever le sourcil au ciel.
— Je vais me changer, m’informe André. Fais comme chez
toi et sers-toi quelque chose. Je me dépêche.
Il me lance un clin d’œil charmeur, avant
de s’en aller.
J’expire longuement, comme si tout le
temps qu’a duré notre entrevue, j’avais inconsciemment retenu ma respiration.
Je ne perds pas de temps à explorer le
salon que j’ai déjà vu lors de ma précédente visite en compagnie de la
charmante sœur de Pierre, Claire.
Je me dirige vers l’antre de Marguerite,
et y découvre une cuisine ultra moderne. L’ilot central est constitué d’un mélange
de bois et de marbre. Une plaque à induction est intégrée au meuble et une
hotte en acier inoxydable surplombe le tout. Le nec plus ultra pour recevoir du
monde, tout en cuisinant.
Les meubles de rangement, fixés au mur,
s’étendent du sol au plafond. Tous sont du même bois que l’ilot. Les tons
blancs et bruns de la pièce, combinés au carrelage couleur chêne massif, en
font un endroit chaleureux, convivial. Une enfilade de baies vitrées apporte de
la luminosité à la pièce, tout en donnant accès à une magnifique terrasse
garnie d’un salon de jardin en teck, ainsi que plusieurs fauteuils en rotin,
dispersés tout le long. Quelques plantes viennent sublimer l’ensemble,
apportant une jolie note colorée.
Ma main parcourt le plan de travail en
marbre, si lisse au toucher et si frais. J’ai envie d’y poser la tête pour
reprendre mes esprits après les palpitations provoquées par la vision d’André
dans le plus simple appareil ou presque. Je n’ose ouvrir aucun placard, même si
mon hôte m’en a donné l’autorisation et poursuis simplement mon exploration.
Son penthouse est splendide et doit valoir
une sacrée fortune, soit dit en passant. De mon côté, je me sens pleinement
satisfaite de mon petit appartement. Tout cet espace pourrait me rendre…
acrophobe.
Je sors prendre l’air sur la terrasse et
profite de la vue qui est aussi spectaculaire que celle du salon. Je respire à
pleins poumons l’air de Douala pollué, écoute les bruits en contre-bas et
soupire en me disant que je suis chanceuse de vivre ici, dans la plus belle
ville du monde. En tout cas à mes yeux. Je m’accoude à la balustrade et
contemple les immeubles, scintillants telles des décorations de Noël.
Le soir tombe vite désormais et une brise
me fait légèrement frissonner.
— Tu veux un gilet ? me propose une voix, derrière
moi.
Je me retourne pour faire face à André. Il
porte désormais une chemise bleue à manches longues, un pantalon chino noir. Un
look casual chic en quelque sorte. Je valide.
— Je te remercie, mais ça ira, objectai-je avec un
sourire. Je contemplais juste la vue que tu as, continuai-je de peur qu’un
nouveau silence gênant ne s’installe. C’est vraiment magnifique.
André s’approche alors d’une démarche féline
et s’accoude à son tour, à mes côtés.
— Je n’y ai jamais prêté attention pour tout te dire.
Je reste muette d’étonnement et le fixe,
décontenancée.
— Je suis rarement chez moi, reprend-il en se tournant
légèrement pour me faire face tout en restant appuyé sur la rambarde. Je ne
viens ici que pour manger, dormir et me doucher. Le reste du temps, je travaille
ou je suis en déplacement.
Son visage est tellement proche du mien
que je retrouve rapidement la fine cicatrice qui marque son front, souvenir
d’une cascade dans un arbre lorsque nous étions enfants. Je distingue nettement
les pattes d’oie qui commencent à se dessiner aux coins de ses yeux. Ses yeux
justement. Ils sont toujours aussi fascinants, envoûtants, ensorcelants. Je
pouvais me perdre, des heures durant, dans leur contemplation. Je descends sur
son nez droit et poursuis mon examen jusqu’à sa bouche. Elle reste aussi
sensuelle qu’autrefois. Elle est d’ailleurs mise en valeur par une légère
barbe, qui m’invite à la caresser tout en l’embrassant.
Sans que je m’en sois aperçue, nos visages
se sont sensiblement rapprochés. Je sens son haleine mentholée, venir
chatouiller ma joue.
— Monsieur Felton ! Je viens à la rescousse.
L’intervention de Marguerite nous sort de
notre état d’hébétude. Nous nous fixons quelques instants, gênés avant que la
gouvernante d’André ne fasse son apparition.
— Vous êtes déjà là, mademoiselle Kamdem,
s’étonne-t-elle en me voyant, visiblement déçue. J’ai fait aussi vite que j’ai
pu pourtant, continue-t-elle d’une petite voix.
— Ce n’est rien, Marguerite. Mélanie sait très bien que
je ne suis pas un grand cuisinier, répond André, puis se tournant vers moi, il
poursuit à mon intention : J’ai essayé de me mettre aux fourneaux pour te
prouver que je réussirais à préparer un poulet rôti digne de son nom. Masi
comme tu t’en doutes, je n’ai pas réussi cette épreuve.
Il se rappelle de cette histoire de poulet
rôti ? Vraiment ?
Pour la faire courte, il m’avait une fois
invitée à manger chez ses parents. Ceux-ci étant partis en voyage avec Olivia,
nous avions leur maison de Limbé, exclusivement pour nous et nous comptions en
profiter, sans que personne n’en sache rien. André avait donc congédié tout le
personnel. Nous avion discuté des heures durant de nos projets, de ce que nous
attendions de la vie, de nos familles respectives. Bien sûr, notre futur
n’avait jamais été mentionné, son entourage ne voyant pas d’un œil favorable
notre rapprochement.
Lorsque nos estomacs se sont rappelés à
nous, il était trop tard pour commander quoi que ce soit. Mon amant s’était
alors improvisé cuisinier d’un soir et avait tenté de préparer un poulet rôti, arguant
qu’il avait déjà vu madame Rose le faire à maintes reprises. L’expérience
s’était soldée par la dégustation d’un poulet carbonisé, résultat d’un
incendie, accompagné d’une bouillie de pommes de terre.
Je me souviens avoir alors déclaré à André
que jamais il ne serait capable de préparer un poulet rôti digne de ce nom. Peu
de temps après cet épisode, nous nous séparions.
Je sens ma gorge se serrer à l’évocation
de ces souvenirs mais essaie de faire bonne figure.
— C’est l’intention qui compte, tentai-je de répliquer
avec légèreté.
Mais André n’y fait pas attention, allant
prêter main forte à son employée.
— Je vous ai préparé mon fameux poulet au curry,
enchaine notre chef. Il faut l’accompagner de riz. Il y en a sur la seconde
étagère du meuble coulissant, à gauche de la plaque. Vous n’avez qu’à mettre de
l’eau à bouillir…
— — merci Marguerite, l’interrompt André, mais je
devrais réussir à faire cuire un peu de riz.
— Et je serai là pour le seconder, le soutins-je,
aimablement, en les rejoignant.
— Il faut remettre la cocotte à chauffer à feu doux. Surtout
pas de feu vif, mon poulet risquerait de finir comme le premier…
— Merci Marguerite, nous allons nous débrouiller
nous-même, proclame André tout en la raccompagnant vers la sortie. Ne vous
inquiétez pas…
— Ne pas m’inquiéter ? s’emporte la gouvernante. C’est
ce que vous m’avez dit lorsque je suis partie ce matin ; j’ai bien vu le
résultat… Enfin, c’est vous le patron donc je vous laisse.
— Je vous remercie encore pour tout, affirme non hôte en
refermant doucement la porte.