Retour dans le passé

Ecrit par Kossilate

Chapitre dix-sept : Retour dans le passé 



C'est avec un plaisir non dissimulé que je prends place à ma table pour profiter de mon petit déjeuner. Voilà l'une des autres choses que j'adore dans cet hôtel. Le petit déjeuner y est juste sensationnel. Viennoiseries, jus de fruits frais, café et thé, semblent se bousculer dans mon assiette et chacun à sa manière réclame ma totale attention. Du moins celle de ma bouche. Prenant un croissant dans ma bouche, je jette un coup d'œil à l'horloge murale de mon petit salon. Il est huit heures du matin. Adjilé n'est pas un lève tôt mais j'imagine que c'est lui qui a demandé à ce que le petit déjeuner me soit directement livré dans ma chambre. Il ne devrait donc pas tarder à me rejoindre, je profite donc de ma solitude temporaire, pour réfléchir avant que mon petit fils ne vienne m'honorer de sa présence. 


Hier, le dîner a eu lieu dans une atmosphère bonne enfant avec Adjilé qui ne se lassait de nous faire des compliments entre deux cuisses de poulets. Ce genre de moment me fait toujours remettre en cause les origines de ce garçon. Je pourrai jurer qu'il n'est pas le fils de ma Yelen mais plutôt les résultats du croisement entre le Pantagruel et Casanova. D'autre part, j'ai beaucoup aimé l'attitude de Shadé qui n'est pas restée réserver et à autant participer à la conversation que nous. Cependant, un détail de la soirée d'hier me revient sans cesse en tête et je ne peux m'empêcher de m'interroger. 


Lorsque Shadé est apparue sur la terrasse, Adjilé a réagi comme s'il la connaissait. N'eut été l'attitude complètement neutre de Shadé, je serai même convaincue de cet avis. Tout compte fait, j'ai bien l'intention d'éclairer ce point avec mon petit-fils mais d'abord, je vais devoir refaire un bon dans le passé avec Shadé, qui ne devrait pas  non plus tarder à venir.


- Ding dong.


- J'arrive, criai-je en me levant de ma chaise en rondin.



- …..


- Qui est-ce ???



- C'est moi Nani.


- Désolée, je ne connais aucun « c'est moi Nani »



- Hahaha très drôle. Maintenant ouvre, répondit sarcastiquement le petit prince.


L’Afrique est le seul continent où les personnes qui frappent aux portes ont une identité à part entière mais commune à tous ceux qui sont dans cette position. Tout le monde s'appelle « c'est moi ». Certains trouvent cela drôle mais moi je pense que c'est un détail qui prouve que les africains ont soit une mémoire digne des plus grands systèmes de stockage, soit ils sont d'une inconscience et d'un goût du suicide à toute épreuve. Ouvrir la porte de chez soi à quelqu'un juste en se fiant à sa voix, révèle de l'un ou de l'autre.


Je m'efface pour laisser entrer Adjilé qui était suivi de Shadé habillée d'un paréo noué en robe.


- On s'est rencontré sur le chemin, s'exclama le jeune homme en remarquant mon regard interrogateur.


- Hmmmm !!?



- Bonjour Phoebe, dit la jeune fille en me faisant la bise.

- Bonjour Shadé. Comment allez-vous ?? 


- Je me porte comme un charme. Les lits ici sont juste divins.



- Je vous comprends à un point inimaginable, dis-je en emmenant la jeune fille à la table à manger. 


Je lui avais proposé à la fin du diner hier de venir prendre le déjeuner avec moi, histoire de créer une atmosphère détendue avant l'histoire. 


J’installe Shadé à ma droite et me met à lui poser des questions sur ses impressions vis-à-vis du cadre de l'hôtel. 


- Si vous voulez mon avis les filles, ce cadre est juste pa-ra-di-sia-que. Avec ces vues, son eau, ses bungalows, lança Adjilé d'une voix haut perchée en s'installant sur la table à ma gauche.


- Si tu imites tes copines comme ça, je comprends pourquoi tu restes toujours célibataire…



- Mouf Nani !!!! Vu que tout le monde donnait son avis, je voulais faire pareil.


- Desserre ta mine, la jalousie ne te sieds pas petit prince, ajoutai je en regardant Adjilé piocher rapidement dans mon assiette. Espèce de pique-assiette comme ça.



- C'est un dédommagement pour manque d'attention, répondit le coupable en engloutissant à la hâte l'un des pains viennois que j'avais tartiné

Nous passons le reste du petit déjeuner dans une ambiance assez détendue et lorsque nous finissons, je m'installe dans les fauteuils suivie de Shadé et Adjilé.


- Phoebe, vous n'avez toujours pas répondu à ma question, lança Shadé lorsque nous eûmes finis de rire de l'une des blagues de Adjilé.


- Vous ne lâchez pas le morceau dit donc….



- Et non !! Je suis une fouineuse de nature et n'est-ce pas pour cela que nous sommes ici, répondit la jeune femme en me faisant un sourire aussi large qu’éclatant.


- Vous n'avez pas tort. Adjilé dis-je en me retournant vers mon petit-fils. Shadé et moi allons-nous remettre au travail donc si tu n'as pas envie d'écouter….



- Tu m'as déjà posé la question hier Nani et ma réponse n'a toujours pas changé, déclara Adjilé en prenant ses aises dans le grand fauteuil qu'il partageait avec Shadé.


- …….



- En plus, je préfère entre la compagnie de deux charmantes demoiselles que me perdre ou mourir d'ennui dans ce grand complexe.


- Et bien on y va.



La soirée chez Zayn, les confidences et le baiser…..en bref tout ce qui se passa ce jour sembla m'ouvrir une nouvelle dimension. Bien que tâtonnante à ces débuts, notre relation réussit à établir ses bases et ses contours. Zayn était plus présent dans nos vies à Yelen et moi, et toute la famille de son oncle Pedro me connaissait et m'aimait du moins je le crois. J'y suis même allée avec Yelen et à mon grand soulagement, elle fit l'unanimité dans le restaurant. Je crois que c'est plus à cause de son appétit que de sa beauté mais ça c'est un détail. 


Du côté de nos études, Zayn se donna à fond dans ces recherches avec quelques coups de pouce de ma part et il valida sa thèse de maîtrise. De mon côté, je vins à bout des deux ans de cours préliminaires sans même m'en rendre compte tant les matières et les études littéraires faites me captivaient. Au bout de ces deux années, j'avais définitivement acquis la  certitude que je voulais travailler dans l'édition. Certitude qui était renforcée par Mia qui avait décroché un stage dans une maison d'édition en même temps qu'elle préparait sa thèse de maîtrise.


À côté, j'avais régulièrement des nouvelles de Grace, Tati Joss, Kira et des jumelles. Ces dernières ont d'ailleurs obtenues leur bac scientifique en candidate libre, histoire de rattraper l'année de troisième perdue. Elles désiraient  selon Kira se lancer dans des études d'aéronautique et de commerçante  et cette dernière ne cessait de me bassiner pour que j'entame les démarches afin de les faire  venir.


- Les filles devraient avoir les meilleures chances de réussite vu les moyennes qu'elles ont eu au bac…en candidate libre….tu te rends compte ??? En candidate libre.


- Je sais Kira mais si elles viennent ici je ne pourrai pas veiller sur elles. Déjà que j'ai du mal à veiller toute seule sur Yelen, répondis-je en coupant les pommes de terre pour le diner, le téléphone caler entre mon oreille et mon épaule.

- Tu m'as déjà sorti cette excuse un nombre incalculable de fois. Je vais donc te faire la même réponse : Abeni et Adouni sont assez autonomes comme filles et ne demandent pas une grande attention. Et si ce n'est que cela qui t’effraie, je suis prête à venir avec elle. 


- ……



- Grâce est du même avis que moi. Les filles ont de grands rêves et l'intelligence qu'il faut pour les réaliser. Pourquoi les en priver si on a les moyens de les aider ?


- Je ne sais pas Kira. Je ne peux pas te demander de venir garder mes sœurs…..



- Elles sont aussi mes sœurs donc ne me sors pas cette excuse, lança Kira dont la voix commençait à monter.


- Je suis désolée si je me suis mal exprimée chérie. Mais je ne peux pas te demander d'abandonner ton travail pour venir à Seattle…..je ne peux pas, dis je dans un souffle.



- Tu ne me demandes rien Phoebe, c'est moi qui te fait cette proposition


- Tu en as fait déjà trop fait pour moi….



- Et c'est reparti pour un tour. Tu sais quoi, lorsque tu seras moins bornée rappelle moi mais quelque soit ta décision, mes sœurs iront étudier dans le meilleur pays pour elles. Bonsoir.


- Kira…



Avant que je ne plaçai un mot, elle raccrocha. Je déposai rageusement le téléphone sur la table de la cuisine et me mis à battre les œufs pour la tortilla du soir. Je détestais me disputer avec Kira mais je ne pouvais la laisser faire. Je tenais à ce que mes sœurs aient les meilleures chances mais pas au détriment du bonheur de Kira. Elle avait un bon poste d'interprète au Bénin et elle suivait des cours d'interprétariat à l'université pour mettre ses diplômes à jour. Je n’allais quand même pas lui demander de renoncer à sa situation juste pour mes sœurs. Elle en a déjà tellement fait pour nous et cela m'énervait de ne pas lui fait entendre raison. Tandis que je déversais mon énervement et mes non-dits sur les œufs, Zayn vint m’enlacer dans le dos en me demandant si tout allait bien. 


Ce garçon était devenu ma drogue au fil du temps. On avait développé une hypersensibilité l'un à l'autre qui nous étonnait à chaque fois. Il était capable de comprendre mes émotions juste du regard et moi je déchiffrais aisément son langage corporel et ce même sans avoir dépassé le stade des baisers et des caresses les plus timides. 


- Si tu continues à battre tes œufs aussi fort ce n'est plus une tortilla que tu vas faire mais plutôt des œufs en neige, dit Zayn en calant son menton dans mon cou.


- Au moins, vous n'en manquerez pas la prochaine fois que Yelen et toi, voudriez faire un gâteau.



- Bon point bien joué, continua Zayn en me faisant des bisous dans le cou, ce qui eut pour effet de faire retomber graduellement ma colère.


- Hmmm !! Zayn… ??!

- Oui chérie ??


- Tu fais quoi la ? Demandai-je en renversant mes œufs battus sur mes pommes de terre.



- Je t'assiste en cuisine, répondit-il en me mordillant l'oreille.


- Ah bon !? Depuis quand déconcentrer quelqu'un revenait à l'assister ??



- Depuis que cette personne est trop tendue et qu'on essaye de. La faire décompresser. Déclara Zayn en ponctuant chacun de ses derniers mots d'une bise sur ma nuque avant de me retourner pour prendre possession de mes lèvres.


Depuis notre premier baiser sur son balcon il y a deux ans, chacune de nos embrassades est comme un nouveau voyage. Nos langues n'ont de cesse de créer de nouvelles danses tandis que nos dents et nos lèvres se cherchent mutuellement. Zayn est mon premier baiser et j’en suis bien contente car toutes autres lèvres ou baisers seraient en comparaison bien fades à ceux dont me gratifiait mon homme. En moins de temps qu'il ne faut pour le dire, Zayn me prit et me posa sur le plan de travail pour mieux explorer ma bouche. 


- Zayn, dis-je en m’arrachant à l'emprise de ses lèvres.


- Hmm !! Grogna-t-il pour marquer son mécontentement.



- J'ai mis de l'huile au feu…


- Ça peut s'arranger, dit-il en déplaçant ma poêle pleine d'huile et en éteignant le feu.

- Non, criai-je sans pour autant descendre de mon piédestal. J'ai promis à Mia de préparer cette tortilla aujourd'hui. Depuis le temps qu'elle me harcèle pour le faire.


- Non !! J'aime finir ce que je commence et tu le sais.



- Obsédé, murmurai-je tandis que Zayn me reprenait dans ces bras.


- Source de mon obsession, répondit-il avant de me reprenant mes lèvres.



Tandis qu'Il alternait coup de langues et mordillement sur les lèvres, les oreilles et dans le cou, j’essayai de jouer la fille fâchée mais mon rôle ne tint pas une minute que je me surpris en train de répondre aux taquineries de Zayn. Peu à peu notre baiser s'approfondit. Il se fit plus envoûtant, plus enivrant….plus excitant. Chaque parcelle de mon être fourmillait de désir et mes mains qui étaient jusqu'alors chastement posées sur la nuque de mon homme, ne tardèrent pas à glisser dans ses cheveux et pour y jouer avec ses dreads. Les siennes glissaient dans mon dos sans pour autant franchir la limite de ma chute de reins. 


- Vous savez qu'il y'a des chambres pour cela ??? Demanda Mia avec Yelen dans les bras, brisant ainsi notre petit cocon sensuelle.


Je n'avais jamais été aussi déçue d'avoir une cuisine américaine. Ce qui n'est pas peu dire venant de ma part. J'adore préparer et les hautes technologies dans ce genre de cuisine m'ont permis d'assouvir tous mes fantasmes culinaires. J'y ai revisité toute sorte de plat du monde, mais ce jour-là j'aurai bien aimé avoir une cuisine normale tant la honte et la frustration me chatouillaient les entrailles. En effet, dans les cuisines de genre américaines, on a une vue sur tout ce qui s'y déroule depuis le salon où se trouve généralement la porte d'entrée et vice versa. Ce qui n'est pas franchement top lorsqu'on se retrouvait dans ma situation.


- Oh !! 


- On ne vous a pas attendu arrivé, répondit Zayn sans pour autant bouger.



- Tu fais quoi oncle Z ?? 


- Je faisais des câlins à maman.



- Moi aussi je veux en faire, cria Yelen en descendant des bras de Mia, qui se moquait ouvertement de l'expression horrifiée de mon regard.


Il nous est déjà arrivé à Zayn et moi de nous échanger de petits baisers devant Mia mais ce à quoi elle venait d'assister descendait plus des préliminaires que des baisers chastes auxquels on l'avait habitué. Reprenant contenance, je descendis du plan de travail et je pris ma petite Yelen dans les bras. Bientôt âgée de quatre ans, cette petite fille nous en faisait voir de toute les couleurs et égayaient nos journées avec cette logique propre aux enfants de son âge. Elle ressemblait beaucoup à ma mère mais avait certains traits qui m'étaient inconnus. J'espérais secrètement au fond de moi que ne sont pas ceux de son père.


- Est-ce que je t'ai déjà dit que j'adorais tes câlins mon amour.


- Oui maman. Parce que je fais les meilleurs câlins du monde.



- Exactement ma chérie.


- Tu as entendu oncle Z, je fais de meilleurs câlins que toi, lança Yelen à Zayn en lui tirant la langue.



- À ta place je n'en serai pas si sûre, distMia en disparaissant dans le couloir qui menait à sa chambre.


- Mia !!!



- Hahaha !


- Yelen qu’est-ce vous avez fait avec tante Mia aujourd'hui ? Demanda Zayn pour changer de sujet et me laisser finir ma tortilla.



- On est allée au parc et on a fait du kokogga

-

- Du toboggan chérie, rectifia Zayn en conduisant ma petite chérie au salon


- Tokoggan ????


Ce soir au cours du diner, Mia nous avertisque son frère  viendrait bientôt à Seattle pour y passer une semaine. Depuis mon arrivée dans cette ville, je n'avais jamais rencontré Marvin si ce n'est en photo. Nous n'avons non plus jamais discuté. Il est au courant de mon existence et moi de la sienne, c'est à cela que se limitent nos relations. Toutefois, grâce à la logorrhée de Mia, j'ai appris qu'il avait perdu sa femme un an après mon arrivée, et que depuis il passait son temps à voyager avec l'un de ses amis à travers le monde. Toujours d'après Mia, ces voyages étaient autant bénéfiques à sa santé mentale qu'à sa société de tourisme international.


Le lendemain, je finis mes cours un peu plus tôt que d'habitude et je décidai donc de passer le reste de la journée avec Yelen que j'allai récupérer à l'école maternelle.


- Coucou Yelen, dis-je tandis que ma chérie se précipitait dans mes bras tendus.


- T'es venue me chercher maman….



- Oui ma chérie. Ça te dirait de passer une journée juste avec maman sans tata Mia et oncle Z ???


- Sans oncle Z ?? demanda  ma lumière avec une toute petite voix tandis qu'on se dirigeait vers l'arrêt de bus.



- Oui…….


- Moi j'aime bien oncle Z



- Oui mais on n’est pas souvent toutes les deux


- ……..



En voyant Yelen froncés les sourcils sous l'effet d'une réflexion intense, je me demandai à quel moment Zayn s'était autant ancré dans le cœur de ma fille. C'est limite si elle ne m'en voulait pas de passer une journée sans lui. Une fois installées dans le bus, ce qui ne fut pas une mince affaire tant il y avait du monde, je pris les devants de la situation et j'utilisais l'une des techniques de diversion les plus vieilles du monde. 


- Tu ne voudrais pas qu'on regarde des dessins animés avec un grand bol de glace au chocolat ??


- Ouuuuiiiiiii…



- Mais oncle Z ne pourra pas être là…..tu sais qu'il n'aime pas le chocolat.


- Oui c'est vrai, répondit Yelen avec son petit air concentré qui me faisait tant craquer. En plus, il doit préparer ta surprise…



- Oui c'est vrai……attends de quel surprise tu parles ???


- Chut !! C'est un secret on ne doit pas te le dire, répondit Yelen dont les yeux brillaient à présent.



J'étais étonnée par ce que me disait ma fille. Mais je ne saurai dire si c'est à cause de la logique de Yelen qui me demandait de ne pas me révéler un secret à moi-même …..ou si c'est le fait d'apprendre que Zayn me préparait une surprise. 


Cher destin