Two can play that game

Ecrit par Gioia

***Ludovic EHIVET***

J’ignore d’où j’ai dégoté cette faculté à masquer mon ressenti mais c’est maintenant qu’elle me sert. En revanche Blair ne veut pas faire profil bas. Je l’entends derrière moi parler tout bas des transmissions pendant que je leur donne leur training. Agacé, je me retourne et elle s’arrête les yeux ronds comme quelqu’un qu’on a pris en flagrant délit.

-Pourquoi ne pas nous expliquer à tous ce qu’est une transmission ainsi que les différents types qu’on a Miss Gueye.

-Euh, la transmission conduit la puissance du moteur aux roues ? elle répond avec un soupçon de doute.

-Mais encore ?

-Il existe deux types de transmission ; la classique et l’intégrale.

-C’est tout ? Vous l’expliqueriez comme ça à des enfants par exemple ?

-Une transmission classique propose deux trucs différents qui...

-Madame nous ne sommes pas au collège pour donner des définitions en utilisant les mots trucs ou choses. C’est une question technique et j’attends une réponse du même genre.

-Bien! Une transmission classique propose deux modes ; la traction où les seules roues motrices sont celles d’avant et la propulsion où celles d’arrière sont les seules motrices. Inversement, chez une transmission intégrale, toutes les roues sont motrices.

-Bien vous connaissez les définitions mais concrètement qu’est ce qui les différencie, je la relance.

-Une transmission classique ne dispose pas de boîte de transfert contrairement à une transmission intégrale, elle me retourne avec à l’appui un regard plein de défi.

-Venez par ici, dis-je en la dirigeant vers une Subaru. Alors quel est le type de transmission de celle-ci ?

J’ai vu la panique monter directement et ses yeux se remplir de doute.

-En fait….umm, je..., c’est à dire que….

-Ce sont des transmissions ce que vous venez de m’aligner là ? je prends plaisir à ironiser.

-Transmission intégrale ? elle répond hésitante.

J’ai souri satisfait. Je m’attendais à une connerie de toute façon.

-Vous nous avez clairement présenté l’architecture des transmissions et c’est la réponse que vous donnez ?

-Je...je.....ne sais pas.

-Au lieu de répéter les définitions comme un perroquet et jacasser derrière quand je parle, concentrez-vous et mobilisez vos neurones pour comprendre ce qu’on fait. La Subaru Impreza 2018 dispose d’une traction intégrale en plus d’une transmission manuelle.

Elle me regardait comme quelqu’un qui m’aurait griffé le visage si elle pouvait me sauter dessus. Une heure après j’en avais fini avec la formation et je devais travailler sur des cas complexes mais Mandy était encore avec ma secrétaire. Cette fille ne travaille jamais et pourtant elle est supposée être expert-comptable. Beaucoup ne se prononcent pas sur son cas ici parce qu’elle est la nièce du CEO. Et Dès qu’elle me voit elle me suit.

-Coucou Ludo. Ça va aujourd’hui ?

-Je vais aussi bien que j’allais quand tu m’as demandé il y a une heure.

-Lol tu es tellement amusant. Ça te dit qu’on se fasse un resto après ?

-Non je n’ai pas d’argent à mettre dans un resto.

-Non mais c’est moi qui t’invite. Tu travailles trop dur.

-Non merci.

-Allez, ne fait pas ton macho. Le mois passé tu m’as invité et as payé.

-C’était pour ton anniversaire. Tu me l’as tellement dit que je voulais te faire plaisir. Et là j’ai beaucoup de travail. Tu devrais peut-être y aller toi aussi. Le travail attend.

-Non je suis bien ici dit-elle en s’enfonçant dans le sofa dans mon bureau avant de croiser ses jambes.

Ma secrétaire est entrée et lui a dit que Miss Gueyee demandait à la voir. Sans aucune gêne elle a répliqué à Vera de faire entrer Blair dans mon bureau. Cette dernière semblait aussi surprise que j’étais dépassé.

-Oui Miss Gueye ?

-Madame Ayé, j’ai bouclé les vérifications d’il y a quatre ans. J’ai besoin que vous regardiez le tout parce qu’on doit la documentation dans deux jours.

-Mais si tu as fini soumet non c’est comment ?

-Beh madame, en tant que superviseur vous devriez regarder mon travail avant.

-Genre tu veux m’apprendre mon travail maintenant ? Tu as étudié la comptabilité oui ou non ? On doit toujours être derrière toi ?  Va me soumettre la chose en vitesse avec tes histoires à la noix, elle rabroue Blair.

Je ne participais pas à leur échange mais toute mon attention était  sur Blair. Je pouvais voir en elle la même attitude qu’elle avait eue avec moi tout à l’heure. Si elle pouvait, Mandy allait comprendre sa douleur. Va savoir où ma petite Blair timide et tranquille est passée. Il faut avouer qu’elle n’est plus petite du tout. Toute en forme et voluptueuse là où il faut et comme il faut. Et ce nouveau look naturel lui va à ravir. La petite Blair est devenue une femme extrêmement attirante. Ma petite? Ma? Comme il faut? Je m’arrête quand je comprends le fil de mes pensées. Un cerveau stupide, c’est ce que j’ai parfois.

Mandy continuait à radoter bien que Blair soit déjà sortie. Quel genre de superviseur laisse une comptabilité entière à la charge d’une stagiaire ? Je ne m’y connais certes pas dans le domaine mais ça ne me semble pas logique. La majorité de ce qui se fait dans mon département doit avoir mon approbation. Et ça c’est pour 80% des cas. Le 20% est assez simple pour que les ingénieurs juniors et mécaniciens puissent gérer. Je tiens trop à notre réputation et si ça veut dire que je fasse des heures plus longues que les autres et bien ça sera le cas.

***Blair Gueye***

Ça fait une semaine que je suis chez le groupe Conception. J’ai finalement changé mon attitude. Tout ce que je cherchais c’était un stage et pas l’amitié. Par la grâce de Dieu je l’ai eu donc le reste il faut que j’apprenne à faire avec. Ludovic se plaît à m’emmerder d’un côté tandis que madame Ayé me délaisse de l’autre. Je prie juste qu’on ne m’accuse pas de faute dans mes rapports. J’ai entamé le suivant et il y a plein de factures illisibles et dépenses sans reçu. Je me suis dirigée vers la mécanique pour avoir des clarifications et la secrétaire n’arrivait pas à me renseigner. Elle me regardait méchamment genre pourquoi tu viens me déranger mais c’est son travail.

-Miss Gueye moi je travaille ici depuis un an. Comment je peux vous retrouver des choses d’il y a deux ans, me questionne-t-elle sur un ton acerbe.

-Madame, j’imagine que la personne avant vous a sûrement laissé des archives pouvant m’aider. J’ai juste besoin de les vérifier.

-Oui mais j’ai déjà beaucoup de travail, dit-elle en haussant le ton.

Qu’est ce qui se passe ici ? nous demande la voix qui m’emmerde depuis un moment.

-Monsieur c’est qu’elle veut qu’on lui trouve des archives d’il y a deux ans mais on a déjà beaucoup de travail, se plaint la secrétaire.

-Je vais m’en charger. Suivez-moi, il dit à mon encontre.

C’est bien la première fois que je viens seule avec lui dans le bureau. Le décor propre et sophistiqué de l’intérieur contraste avec son look décontracté. Depuis que je suis ici je ne l’ai jamais vu en veste comparé aux autres chefs de département. Il est constamment en chemise et pantalon mais pas de cravate.

-Donc tu cherches des archives ?

J’étais surprise qu’il se permette de passer au tutoiement sans demander. Mais moi je ne suis pas d’humeur. Il a voulu jouer ? Eh bien on va continuer le jeu.

-Oui Mr Ehivet, dis-je en mettant l’accent sur le monsieur. Il y a plein de bons d’approvisionnements qui ont été donnés à certains de vos ingénieurs pour acheter des pièces. Ils n’ont pas été remboursés ou les factures données sont illisibles. Certaines sont carrément inexistantes. Vous comprendrez que j’ai besoin de faire un rapport clair et concis.

-Blair ici ce n’est pas Paris ou Positano, il ironise. Les bons ont été tous régularisés. Certains de nos fournisseurs font encore des factures à la main donc tu comprendras que c’est difficile de te fournir le tout comme tu le souhaites. Je suis sûr qu’en tant que comptable tu sauras adéquatement reporter le tout.

-Eh bien en tant que comptable j’ai besoin de preuves de paiements claires tout comme en tant qu’ingénieur vous demandez qu’on connaisse l’information exacte. On n’a pas besoin d’être à Positano ou Paris pour fournir des preuves n’est-ce pas ?  

-Cela va de soi, dit-il avec le petit sourire que j’aime pas. Je te trouverai tes archives. Donne-moi quatre jours.

-Trois, j’ai des charges importantes, dis-je en poussant le bouchon et va savoir sur quoi je me base.

Il a souri. Un sourire différent des autres qu’il m’a fait avant. Un sourire qui montre qu’il est exaspéré et prêt à me tordre le cou.

-Je te ferai parvenir le tout au matin de la quatrième journée. Non négociable sinon je le rajoute à ton dossier comme deuxième insubordination, dit-il en croisant les bras

Si la fumée pouvait sortir de mes oreilles j’aurais déclenché l’alarme incendie du bâtiment.

-Bien ! Je l’attends à la première heure alors dis-je. Je ne pouvais m’empêcher d’avoir le dernier mot, surtout avec lui. Je hais son arrogance.

-D’accord B, il répond quand je sors en trombe. Connard que B. Lui-même B !

***Ludovic EHIVET***

Elle n’a pas poussé n’importe quelles ailes, mais des ailes de dragon. Il fallait la voir me donner des ordres en me regardant droit dans les yeux. Et plus elle le faisait, plus je voulais avoir le dernier mot. La petite effrontée dis-je en souriant malgré moi. Mon attention fut attirée par un message entrant.

-Chéri je viens te chercher ce soir. Attends-moi hein. On va à la salle après. Ton Mel et des bisous.

-Je vais devoir avertir ta copine qu’elle perd son temps avec toi, et pour la énième fois, tu n’as pas besoin de signer chacun de tes SMS, je lui retourne.

-Moi aussi je t’aime et tu me manques. À plus. Ton Melchou.

Mon frère franchement je me demande qui me l’a collé certains jours.

***Blair Gueye***

La journée est finie. J’ai changé mes chaussures pour des basket et je sortais prête à marcher pour me rendre à la maison comme à mon habitude. Sicogi à la Gare UTB de Yop où se trouve le groupe Conception, c’est long les premiers jours mais on s’habitue. En plus d’économiser je peux enfin faire fondre un peu mes cuisses comme il parait que je dois faire quelque chose avec. J’étais tellement dans la lune que je suis rentrée dans quelqu’un.

-Désolée miss, clairement ma copine ici ne voit rien malgré ses quatre yeux, me dit une voix masculine grave.

-Méfie-toi Mel dit la fille à côté. Désolée miss ça va ?

-Oui répondis-je en me remettant sur mes jambes.

-Tenez dit le gars en me tendant un mouchoir. Vous avez sali votre robe.

C’est comme ça que j’ai levé mes yeux et je pouvais voir l’homme en question.

-Ça va ma co’o ? me questionne la copine et je reprends rapidement. Il ne faut pas qu’on me chauffe ici en croyant que je louche sur l’homme d’autrui.

-Hum, je sais que je suis beau et tu es agréable à regarder, mais ma femme ici peut nous briser le cou tous les deux si tu m’admires ainsi hein.

Honteuse d’avoir été découverte, j’allais bredouiller des excuses et déguerpi mais la réaction de sa copine me freine.

-Ahka Melvin, arrête de déranger, dit-elle en le pinçant.

Si Ludo est là c’est que c’est Melvin qui se tient devant moi. Un Melvin que je ne reconnais pas du tout !  

-Oh mon Ludo adoré je t’attendais, le nouveau Mel dit tout en faisant des signes de main à quelqu’un derrière moi.

-Leslie gère ton type, Mr Ehivet répond avec sa vilaine voix. Tiens tu es là toi ? Tu cherches encore les amis ? se moque-t-il.

Je me suis retournée et je l’ai traité de connard avant de reprendre ma marche

***Ludovic EHIVET***

Mon frère ne cesse de me gaver d’exclamations surprenantes depuis la réaction de Blair.

-Ah ça !! il crie carrément comme si on vivait encore la scène. Leslie tu as vu ça ?

-Minceuuhh!! j’ai bien vu.

-Mais il faut que j’aie son nom ! Qui t’a remis à ta place comme ça ? Comment ? Pourquoi ? Quand ?

-Tu ne feras pas ta commère avec ma vie.

Mais Melvin c’est quelqu’un qui ne laisse pas quand il veut savoir. De la salle de sport jusqu’à la maison c’était constamment des hum je vais venir chaque matin et soir faire le guet. Ne te fatigue pas. Je vais le trouver son nom. Au bout de trois heures de ça je me suis fatigué et je lui ai dit.

-Lol, arrête de blaguer. Tu as vu les fesses de la fille. Quelle B ?

-Tu es toujours le même toi peut-être ?

-POPOPOHHHHH Blair Gueye? Gueye Blair ? Attend elle a un deuxième prénom pour que je tente une autre inversion ?

-Commence déjà par expliquer pourquoi tu regardais son corps.

Il éclate d’un rire diabolique avant de répondre.

-No stress le frangin je suis déjà comblé. Je te laisse B.

-Bien sûr comme c’est un colis qu’on dépose à la poste.

-Lol, pourquoi tu cherches la petite bête ? C’est ta Blair de toute façon.

-La tienne peut-être mais pas la mienne en tout cas.

-Ludovic tu me tues, il rigole bien que je sois sérieux.

-Et bien meurs pour que j’ai la paix et si tu pouvais emmener avec toi cette fille, plutôt, enfant pourrie gâtée que tu m’attribues, ça me ferait des vacances.

Ah lieu de répondre il s’en allait tout en riant et frappant son ventre. Ce que j’ai dit ne l’intéressait pas. C’est autre chose qu’il a préféré dire à maman.

-Viens m’expliquer le cerveau de ton fils hein maman. Il est jaloux pour une fille qu’il veut voir loin de lui mais on ne doit pas parler de ses fesses. S’il vous plaît, est-ce que c’est comme ça que les garçons de Sassandra sont ? il demande avec moquerie.

Je l’ai déjà dit. Un con mon frère. 

Le destin et nos pla...