Un malaise
Ecrit par lpbk
Lorsque je lève les yeux, je regarde autour de moi et
je me rends compte que tous les murs sont blancs et l’éclairage au néon me
donne drôlement mal aux yeux. Oh non ! Je suis rendue à l’hôpital. Non, à
ma première rencontre avec le plus merveilleux des gars, je me retrouve dans un
lit d’hôpital. Pas fort ! Ce n’est pas pour rien que les gars fuient en me
voyant, parce que je fais toujours des conneries de la sorte. Je vois mon amie
qui se lève et qui se penche vers moi :
— Angie ? Ça va mieux ? Ne t’inquiète pas, il n’y a rien de
grave, tu t’es juste un peu cognée. Tu vas pouvoir sortir aujourd’hui en fin de
journée.
Au même moment, le médecin arrive dans la pièce et il
vient m’examiner. Il me demande :
— Qu’est-ce qui arrive mademoiselle pour que vous tombiez de la
sorte ?
Ben oui qu’est-ce qu’il m’est arrivée ? Vraiment
je me reconnais plus. Je suis gaffeuse, c’est vrai, mais je m’arrange toujours
pour ne pas me ridiculiser en public. Surtout devant la gente masculine.
Vraiment, ceci n’est pas bon pour mon image.
Avant que je puisse répondre quoi que ce soit, Elie
répond :
— C’est simple, elle a rencontré un gars ! Elle l’a tellement trouvé
à son goût, qu’elle a perdu la tête et tombée par terre.
Je la regarde avec des grands yeux alarmés et
réponds :
— PAS DU TOUT ! CA N’A AUCUN RAPPORT ! Je me suis enfargée dans
mes lacets. J’ai oublié de les nouer.
Le médecin me regarde moi et mon amie, il doit me
prendre pour une folle, répond :
— Faites attention la prochaine fois mademoiselle, ça aurait pu être bien
pire que ça. Attachez vos souliers ça vous aidera à garder votre équilibre.
Et à garder ma dignité, dis-je à moi-même.
— Oui, Docteur… je vais attacher mes souliers la prochaine fois. Promis.
J’aurais pu trouver une autre raison pour être tombée
comme ça. En plus ma meilleure amie a tout compris de mon manège. Pourquoi elle
me connait autant ? Pas pratique d’avoir une amie de longue date quand on
veut se garder un jardin secret.
— Oui, et tu vas te tenir loin de Philippe, ça va t’aider ! réponds
Elie, assez sèchement.
— Elie ! ARRETE DE PARLER DE LUI ! CA AUCUN RAPPORT, JE TE
DIS !
— Ben oui c’est ça… Dis mon amie en ricanant.
Elle m’énerve ! Elle m’énerve !
Le médecin sort de la pièce après avoir signé mon
congé. Je me retrouve donc seule avec Elie. J’en profite pour lui
demander :
— Qu’est-ce que tu avais à dire ça au médecin ?
— Mais c’est vrai non ?
— NON !
— Ah non ? T’as pas eu de coup de foudre pour Philippe ?
— NON !
— En tout cas, tu aurais pu trouver un gars mieux que ça pour tomber en
pleine face, tout de même !
— Elie, je n’ai pas eu le coup de foudre ! répétai-je.
Vraiment, mon amie commence à me taper sur les nerfs.
Elle devine toujours tout ! Elle a le don de toujours voir des choses en
moi. Elle me connait trop, c’est sûrement pour ça. Mais, aujourd’hui je ne vais
pas lui avouer qu’elle a raison. Après un court moment de silence, je lui
demande :
— Est-ce que Philippe est venu ici avec nous ?
— Bien sûr ! C’est lui qui est venu nous reconduire. Il attend dans
la salle d’attente.
— Ah non ! Ce n’est pas vrai ! dis-je en me mettant la main sur
le front.
— Quoi ? Où est le problème ?
— Je ne veux pas qu’il me voie défigurée et dans une jaquette d’hôpital.
— Pourquoi ? Il ne t’intéresse pas non ? dis mon amie, avec un
sourire moqueur.
— Non, mais… mon orgueil, tu comprends ?
— Oui, oui… c’est ça.
Elle se met à rire toute seule, ne me croyant pas du
tout.
— Elie ! Arrête de rire, tu es ma meilleure amie non ? Alors,
arrête de rire de moi !
— Oui, oui, j’arrête.
Elle se retient pour ne pas rire et tout à coup, on
entend cogner à la porte. Tout de suite, je pense au pire :
— Ah non ! Ça doit être Philippe !
— C’est normal qu’il veuille prendre de tes nouvelles, tu as beaucoup
saigné en tombant et tu as perdu connaissance devant lui. Répond Elie.
Je réponds tout de suite, paniquée :
— Non, non ! Je ne veux pas le voir !
— Ben là… on n’est pas pour ne pas lui répondre ! Ça fait des heures
qu’il attend dans la salle d’attente et puis il est quand même venu nous
conduire jusqu’ici.
— Je ne veux pas qu’il me voie. J’ai peur en ce moment ! S’il te
plait, trouve une excuse pour qu’il revienne plus tard, le temps que je me
refasse une beauté.
— Une chance que tu n’es pas intéressée par lui ! dit-elle en riant
— S’il te plait…
— Bon d’accord, mais à une condition.
Parfois, mon amie a le don de me manipuler.
— Laquelle ? Je vais encore devoir faire n’importe quoi ?
— Non. Tu n’auras qu’à m’avouer que tu as eu le coup de foudre en le
voyant…
— Elie… pas du tout !
— Bon, très bien… alors, il ne me reste plus qu’à lui ouvrir la
porte !
Pourquoi elle me fait ça ? C’est de la
torture ! Je connais à peine Philippe. Je ne peux pas lui avouer que je
m’intéresse à un inconnu. Justement, c’est un inconnu, pas question de me
laisser charmer. Mais en même temps, je ne vais pas nier la réalité. Si je ne
cède pas, Philippe va me voir sous mon mauvais jour…
— NON ! Bon, d’accord… oui Elie, au moment où nos regards se sont
croisés, je suis tombée complètement sous son charme et j’en suis folle. Tu es
contente maintenant ?
Elie sourit, satisfaite.
— Enfin, tu oses dire la vérité !
— J’ai juste dit ça pour te faire taire. Croire que je vais succomber à un
inconnu prouve que tu me connais mal, Elie !
Je viens encore de nier. C’est plus grave que ce que
je pensais.
Se demandant ce qui se passe, Philipe cogne de nouveau
à la porte.
— Elie ? Angie ? Vous êtes là ?
Elie me regarde avec un grand sourire qui veut tout
dire et ouvre la porte un peu seulement pour qu’il la voie et répond :
— Ah Philippe, tu ne peux pas voir Angie en ce moment…
— Pourquoi ? Elle va bien ?
— Oui… oui, elle a juste eu quelques points de suture dans le front et
tout est réglé. Elle va sortir de l’hôpital aujourd’hui.
— Mais je peux la voir pour au moins lui dire bonjour ?
— Non, parce que… parce que… Elle n’est pas disponible pour te voir. C’est
qu’en ce moment… elle… elle…
Je sens que mon amie cherche une excuse. Vite, pense à
quelque chose Elie ! Je lui crie silencieusement. D’habitude elle est
bonne pour inventer des histoires, elle devrait trouver une excuse viable et
compréhensible cette fois. Elle finit par dire :
— C’est qu’elle est avec son chum en ce moment.
QUOI ? Mon amie a vraiment dit ça à l’homme sur
lequel j’ai commencé à fantasmer et qui va sans doute hanter mes nuits à
venir ? Non, ce n’est pas vrai ! Quelle mouche l’a piquée ?
J’écoute la suite de la conversation étant vraiment en colère contre mon
amie :
— Mais je ne vais pas la déranger. Il faut que je parte, mon patron
m’attend au bureau.
— Je comprends oui… Mais c’est que… C’est que…
Bon, mon amie va encore sortir une autre
connerie ! Vraiment, aujourd’hui ce n’est pas ma journée, dis-je dans ma
tête.
— C’est qu’en ce moment, elle et son chum… sont en train de
s’embrasser ! Et crois-moi, c’est vraiment dégueulasse ! Ils
s’enfoncent leur langue dans leur bouche en s’avalant les amygdales. Même que
de temps en temps, ils se lèchent le visage et se mordillent les lèvres. C’est
vraiment horrible ! Ouache ! Tu n’as pas besoin de voir ça,
crois-moi ! Même moi je peux plus les endurer. Il a fallu que je mange mon
repas à l’extérieur de la chambre tellement, ils me lèvent le cœur.
Bon, qu’est-ce que je disais ? Mon amie exagère
toujours. Je ne pense pas que Philippe va croire à cette histoire. Par contre,
ce qui est inquiétant c’est qu’elle sait très bien mentir. Je me demande si
toutes les histoires qu’elle me raconte parfois sont vraies. Evidemment,
Philippe croit Elie sur parole. Il ne la connait sûrement pas comme moi.
Philippe, croyant dur comme fer ce que vient de dire
Elie répond :
— Très bien. Je vais revenir plus tard alors.
Ouf ! Enfin une bonne nouvelle. Je n’aurais pas
besoin de me faire une beauté en moins de cinq minutes pour paraitre. Mais ça
n’enlève pas le fait que je sois très en colère contre ma « best ».
— Oui, c’est une meilleure idée. Au revoir, Philippe, merci beaucoup pour
ton aide.
Lorsque Philippe est parti, Elie referme la porte.
Aussitôt, je lui dis :
— Mais à quoi tu as pensé en lui disant ça ? T’es folle ou
quoi ?
— Ben quoi, ça marché ou pas ?
— Oui, mais là il pense que je ne suis pas libre ! Cela n’aidera pas
ma cause.
— Oui et alors ? Qu’est-ce que ça change qu’il pense que t’as un
chum ? Qu’il pense que tu n’es pas libre ?
Ah ! Ah ! Ah ! Elle est fatigante avec
toutes ses questions ! Pas capable de garder une once d’intimité.
— Je ne suis pas comme toi, moi, je ne cours pas après plusieurs gars à la
fois ! Qu’est-ce que je vais faire là ? Ah ! Ah ! Tu as le
don, de dire n’importe quoi, toi !
— J’ai dit la première chose qui m’a traversée l’esprit.
C’est tout elle !
— Tu aurais pu trouver autre chose !
— De toute façon, il est tellement perdu ce gars-là que je suis certaine
qu’il se rappellera même plus que t’as un chéri.
— Pas sûr. Je me demande parfois pourquoi tu es mon amie.
— Parce que mon Angie chérie, tu as besoin de moi pour t’aider à sortir de
la merde.
— Là, tu m’as sorti de la merde ? Non, tu m’as mise dedans plutôt.
— Ben non… Si tu tiens tant à ce que Philippe pense que tu es célibataire,
je peux t’arranger ça…
— Non Elie, pas encore un de tes plans fous ! Je vais m’arranger
toute seule cette fois.
— T’es sûre ?
— Oui !
Je croise les bras, boude un peu mon amie. Après je me
dis que malgré tout, la meilleure personne qui connait Philippe c’est bien
Elie. Je pourrais ravaler mon orgueil et lui demander s’il a quelqu’un dans sa
vie. C’est seulement une petite information qui ne coute rien à donner j’hésite
avant de lui demander.
— Elie… Ton voisin là… est-ce qu’il a une blonde ?
En entendant cette question, elle pouffe de rire.
— C’est bon, j’ai compris. Je n’aurais pas dû te demander ça. Laisse
tomber.
La prochaine fois je vais le savoir. Pas question de
demander une information aussi importante encore à mon amie. Elle rit
simplement de ma gueule. Elle en profite presque pour me ridiculiser. Comme si
elle n’avait jamais perdu la tête pour un gars. Ça c’est une autre partie de la
vie de mon amie qu’elle préfère taire.
— Non, t’es juste drôle. Tu fais semblant d’être super détachée de lui,
mais dans le fond tu ferais n’importe quoi pour entendre parle de lui. Cela
fait à peine quelques heures que tu l’as rencontré.
— Oui, je sais. C’est comme ça. Tu sais, ce que je ressens en ce moment,
ne fais pas mon affaire du tout. Je sais que je vais encore avoir mal une fois…
Avoir mal, oui je vais avoir mal. Je sais que je vais
avoir mal en m’attachant à lui. La dernière fois que je me suis attachée à
quelqu’un, c’est quand je suis sortie avec Eric. Cela a duré trois ans puis il
est parti du jour au lendemain sans un mot d’explication. J’ai pleuré ma vie
pendant six mois, six semains, trois heures et deux minutes. Je sais combien de
temps ma peine a duré parce que j’ai compté les jours sur le calendrier.
Heureusement Elie était là pour me consoler. Et je sais qu’elle sera encore là
quand je vais avoir encore de la peine.
Je tente quand même ma chance en demandant :
— Il a une blonde ou pas ?
— Non, je ne pense pas. En tout cas, je ne l’ai jamais vu avec une fille.
De toute façon, innocent comme il est, quelle fille voudrait être avec
lui ? Toi peut-être… je n’en connais pas d’autres. Alors, d’après moi t’a
des chances. Mais si tu veux mon avis, tu devrais tout de suite chercher
ailleurs.
— Pourquoi ? Tu ne penses que je pourrais l’intéresser ? C’est
vrai que je suis assez intense… Erice m’a déjà dit ça…
Je retiens un sanglot. Oh non ! Ça ne va pas
recommencer ! Sois forte Angie !
— Non Angie, tu n’es pas intense. Laisse taire ce que cet imbécile d’Eric
disait dur toi. Ca fait cent fois que je te dis qu’il ne te méritait pas.
Maintenant, regarde en avant. Mais à mon avis, Philippe n’est pas mieux. Il est
juste stupide et perdu. On dirait qu’l vient de la planète Mars. Il vit dans
les nuages à longueur de journée.
— Oui et alors ? Mois les gars qui sont un peu perdus comme ça, ça
m’attire. Je trouve ça craquant.
— N’importe quoi !
J’ai des drôles de goûts. Oui et alors ? C’est
mon droit. C’est comme quand j’achète des chaussures à cinq cent euros. Ça ne
regarde personne, c’est mon choix.
Elie lève les yeux au ciel et je tente quand même de
dire :
— Là en sortant d’ici tu vas m’aider hein ?
— Pour ?
— Bien pour…
— Ah oui ! Lui montrer que tu es libre ? Il me semblait que tu
ne voulais pas que je t’aide.
— Si ton idée n’est pas trop folle, j’embarque !
— Marché conclu !
Je serre la main de mon amie et je l’attire dans mes
bras. Même si elle est quelque peu fofolle je l’adore. Je l’ai connu à
l’université et depuis ce temps-là, on ne s’est pas perdu de vue. On est
toujours ensemble. Et malgré ses propos un peu exagérés à Philippe, je sais que
c’est sa générosité et son désir de m’aider qui l’ont rendu à agir de la sorte.
Je ne sais pas ce que je ferais si elle n’était pas mon amie.
Quelques heures plus tard, je commence à m’habiller
avec mon linge habituel parce que je quitte l’hôpital d’une minute à l’autre.
Elie est partie téléphoner à Philippe pour qu’il revienne nous chercher. Je ne
suis pas tellement à l’aise avec le fait qu’il revienne ici, mais il faut bien
que je retourne chez nous. Il va me voir avec des bleus et des points de
sutures, mais d’après Elie, ça ne parait presque pas. En plus, comme mes
lunettes sont cassées, je ne les porte plus. Ce qui veut dire que je peux
encore une fois, tomber un peu partout parce que je suis complètement aveugle
sans mes lunettes !
Elie accompagnée de Philippe arrive dans la chambre
pour m’aider à sortir de l’hôpital.
— Tiens, Angie, j’ai pris un fauteuil roulant comme ça, tu ne risques pas
de tomber sans tes lunettes. Dis Elie, en m’aidant à m’asseoir.
— Merci !
Je m’assois et Philippe me pousse jusqu’à la sortie.
Il demande machinalement :
— Ton chéri ne pouvait pas venir te chercher ?
— Hein ? Qui ça ?
— Ben oui, Angie, tu sais ton amoureux… Celui que tu embrasses comme une
folle là… dit Elie en me regardant avec des yeux qui veulent tout dire. Je
comprends enfin le sens de la question de Philippe.
— Oui, oui, mon chéri. Non… il ne pouvait pas.
J’en profite pour passer un message :
— En fait, ça va très mal entre nous depuis quelques temps, monsieur aime
mieux travailler que s’occuper de moi, dis-je en faisant mine d’être en colère.
— Ah bon… C’est triste. Tu dois être triste.
— Non ! Je me fous complètement de lui ! assurai-je.
Je pense que j’exagère un peu là…
— Ah… C’est bien ça ! Tu es indépendante ! dit Philippe en
ricanant.
— Oui, si on veut.
— Ah oui, je voulais te dire, ton système téléphonique est presque réparé.
J’ai commandé la pièce qui manquait. Je viendrai de l’installer à ton retour.
Ça te convient ?
Ah non ! Qu’est-ce que je vais faire ? Un
plan pour que je tombe encore ?
Je regarde mon amie avec un air découragé. Je ne
pourrais plus mentir bien longtemps comme ça à l’homme qui m’a ensorcelée.