Vicissitudes : Chapitre 20

Ecrit par Djiffa

AUTEUR : DJIFA BLESSINGS

Moussilimi
Je suis très heureux de la prochaine venue de ma mère ; je ne l’ai vu depuis longtemps et elle me manque. Je suis impatient de la retrouver. Je l’aime beaucoup. Elle viendra vivre ma routine pendant un moment.
Juste après mon baccalauréat, maman m’a envoyé étudier en France. Depuis mon enfance, elle s’est battue toute seule pour s’occuper de mon jeune frère Issifou et moi. Elle est très brave. Nous n’avions qu’elle et elle n’a que nous, ce qui explique son caractère possessif. Elle veut toujours contrôler nos vies et savoir les moindres détails. Ce n’est pas toujours facile de lui faire comprendre que nous avons grandi et que nous ne sommes pas tenus de l’informer sur tout ce qui se passe dans notre vie ; délicatement, je lui ai fait comprendre que je suis assez responsable pour décider pour moi-même ; je sais qu’elle n’approuve pas ce point de vue mais elle se résigne ; la distance également nous aide à éviter des disputes continuelles.

La dernière fois que j’ai vu maman remonte à mon mariage avec Khadidja, il y a quatre ans au pays. Elle m’avait particulièrement félicité du fait que j’ai porté mon choix sur une musulmane ; je ne sais pas pourquoi cet aspect lui importe tellement ! Elle avait accepté Khadidja les bras ouverts. Jusque-là, tout se passe bien entre elles ; à distance, tout se passe toujours bien. Mais depuis quelques mois, elle a commencé à nous poser des questions quant à notre future progéniture ; elle veut savoir pourquoi Khadidja n’a pas conçu. Apparemment, les mères sont les mêmes sur ce genre de sujet : toujours à réclamer des petits-enfants.
Je l’attends impatiemment pour son séjour de trois mois avec nous.

Maman Issifou
Issifou est venu chez moi le dimanche comme convenu mais la discussion n’a pas été fructueuse ; je pensais qu’il allait de soi qu’il épouse Kadessa mais il me dit qu’il va y réfléchir ; réfléchir à quoi même ? Le vin est tiré et il hésite à le boire. Qu’il le veuille ou pas, il va devoir épouser Kadessa ; il n’avait qu’à se tenir loin d’elle s’il n’en voulait vraiment pas.

Dès demain, je commencerai les démarches nécessaires pour conclure ce mariage ; du moins, sur le plan religieux ; on verra pour la mairie plus tard ; parlant d’ailleurs de Mairie, j’ai vraiment été surprise connaissant mon fils qu’il se soit marié sous un régime polygamique ; ce qui m’a encore plus surpris, c’est que Lolita ait accepté cela. Je me suis toujours demandée comment il a pu convaincre cette fille bornée et têtue ? L’amour même produit des miracles ! Lolita, la grande intellectuelle qui accepte de se marier sur la base d’un régime polygamique par amour ! En tout cas, aujourd’hui, elle sera victime de cette imprudence. Si elle avait accepté de se convertir à l’Islam, jamais je n’allais œuvrer pour un second mariage ; même si j’ai été élevée dans la polygamie, j’imagine en tant que femme que cela doit faire mal d’avoir une coépouse. Je n’en ai jamais eu ; mon mari s’apprêtait à prendre une seconde femme quand il est décédé. Le connaissant, s’il avait survécu, il aurait même dépassé le nombre de quatre que l’Islam a autorisé.

Darla
En l’espace de quelques mois, j’ai beaucoup changé ; on dirait une autre personne ; je vois la vie autrement et je rends grâce à Dieu d’avoir opéré en moi une telle métamorphose. C’est le moment pour moi de commencer à réparer mes erreurs dans la mesure du possible ; j’ai blessé certaines personnes dans mon parcours ; mon amour effrené pour l’argent m’a rendu insensible ; j’ai quitté des hommes qui m’aimaient bien pourtant. J’ai également trahi des amies en sortant avec leurs fiancés ou avec leurs maris. J’aimerais bien revoir tout ce monde pour leur présenter mes excuses. J’entre dans le répertoire de mon téléphone et je me rends compte que je n’ai plus leurs contacts; je les ai effacé de ma vie et de mon répertoire. J’étais ainsi : quand je n’ai plus rien avoir avec un homme ou avec une amie, je supprime son numéro de téléphone. En déroulant le répertoire, j’ai été surprise de constater que j’ai gardé le numéro de téléphone de Darius. A bien réfléchir, ce n’est pas si étonnant ; j’ai beaucoup apprécié cet homme : ses manières, sa galanterie, son amour, sa beauté et surtout sa générosité. Tout en lui me séduisait ; en plus, il remplissait le premier critère que je vérifiais chez les hommes avant de leur céder : la richesse, l’aisance matérielle.
Mais grande a été ma désillusion quand il m’a annoncé un soir que tous ces biens ne lui appartenaient pas et qu’il devra les rendre bientôt. En fait, il est pauvre ; je n’ai pas supporté cette information ; sa beauté, mon admiration pour lui, son grand cœur, ses bonnes manières n’ont pas pu me retenir. Il a beau me supplier, je suis partie ; j’ai appris après par un ami que nous avons en commun, qu’il a fait une dépression et même séjourné à l’hôpital. Quand je repense à tout cela, je me demande comment ai-je pu être aussi insensible ? Je lance son numéro puis j’arrête ; j’ai trop blessé Darius et je me demande s’il acceptera de me parler ; mais avec l’aide divine, tout va se régler ; je compose à nouveau son numéro et il décroche immédiatement.

- Allo
- Bonjour Darius ;
- Bonjour ; à qui ai-je l’honneur ?

Cette question me fait comprendre qu’il a supprimé mon numéro de son téléphone. Avec courage mais le cœur battant, je lui réponds ;

- C’est Darla ;
- Qui ?
- Darla, Darla KENGNE

Dès que je prononce mon nom, Darius me raccroche au nez.

Wilson
J’ai fini par me faire une raison ; il ne faut plus que je compte sur une femme ; ce qui me préoccupe actuellement est que je ne reçois plus de visite de mon Avocat depuis qu’il m’a annoncé la décision de libération sous caution ; j’ai demandé à Eric de le relancer mais il m’a dit qu’il a essayé en vain de lui téléphoner ; il s’est rendu à son cabinet et il paraitrait qu’il a voyagé. Je sais qu’il a beaucoup de clients mais il est quand même payé ! Tant que je ne suis pas sortie de prison, il se doit de me rendre visite ; quand mon frère réussira à vendre la maison et que la caution sera prête, il faut bien qu’il nous dise la procédure. En tout cas, j’attends patiemment que la caution soit prête après la vente de la maison puis nous aviserons.
Dans ma situation actuelle, les paroles de ma grand-mère m’aident à garder le moral. Elle me disait lors de sa dernière visite que les difficultés ne sont pas faites pour abattre mais pour être abattues et que tout problème contient les germes de sa solution. Elle disait que le bon bois ne pousse pas dans la facilité ; plus le vent souffle fort, plus l’arbre est robuste. En plus nous avons besoin de connaître des diificultés car sans elles le succès n’aura pas la même saveur.

Adeline
Issifou m’a emmené chez un de ses amis Avocats qui me saoule avec des explications juridiques. Avant de nous dire comment procéder, il a tenu d’abord à nous expliquer qu’une caution était un dépôt d'argent que les tribunaux exigent pour une personne incriminée dans une affaire criminelle. Le tribunal réclame un dépôt pour assurer que le prisonnier se présente lors des diverses comparutions devant le tribunal. Les montants de caution varient en fonction des charges et de la gravité des crimes et, parfois, les tribunaux ne permettent pas au presume coupable d'être libéré sous caution. Payer la caution de quelqu'un signifie que l’on fournit de l'argent afin que l’intéressé n'ait pas à rester en prison.

Je sais déjà tout ceci ; Wilson me l’avait expliqué ; j’ai l’impression que l’Avocat me perd le temps, tellement je suis impatiente.
Après de longs détails que je juge inutile même si cela me permet d’apprendre, il se décide à nous dire que l'endroit exact à laquelle je pourrai payer la caution varie, mais qu’il s'agit généralement de la station de police ou de la gendarmerie qui a procédé à l'arrestation. Il peut également s'agir du tribunal ayant juridiction sur la ville dans laquelle a eu lieu l'arrestation. Dans le cas de Wilson, il nous conseille de le faire au tribunal. Il nous fait savoir que je peux payer la caution en espèces ou par chèque. Cette nouvelle par contre est très bonne car je demanderai à Lolita de faire un chèque pour le tribunal puisque l’argent se trouve maintenant dans son compte bancaire; cela m’évitera d’avoir à trimbaler une aussi grande somme.

L’Avocat nous fait également savoir que Wilson pourrait être libéré trois à quatre jours après le paiement de la caution. Il promet de nous aider au travers de ses relations au Commissariat central à savoir exactement le jour et l’heure de sortie de Wilson.
Après toutes ces explications, je décide d’aller payer la caution le lendemain. Je suis si heureuse que Wilson soit libérée dans un futur très proche! Il y a dans la vie des moments de bonheur qu’aucun mot ne peut exprimer; on peut seulement les vivre.

Lolita
Je mentirai si je disais que les paroles de Darla ne m’ont pas touché. Elle me recommande la voie de Dieu ; j’ai toujours cru en Dieu mais cela a-t-il empêché tout ce qui est arrivé ? Mon problème pour l’instant est de convaincre Issifou de faire avorter l’intruse et surtout de ne jamais l’épouser. Il faut que j’y parvienne. Si je ne réussis pas cette mission, je pourrai dire adieu à mon mariage. Jamais, je ne supporterai une coépouse. C’est ainsi que je réfléchissais dans ma tête après la sortie du boulot et pendant le trajet vers la maison d’Elisabeth. J’avais besoin de lui parler ; je ne sais pas pourquoi j’ai besoin de parler à ma sœur ; je pense que cela me rassure de savoir qu’elle est là pour moi.

J’entre dans sa concession et je gare ma moto. Je vois le taxi de son mari sur la cour ; cela me surprend car généralement, il rentre très tard les soirs. J’entre à l’intérieur et je les vois tous deux ; ma sœur est assise face à la télévision et son mari est couché dans un canapé. Je les salue :

- Bonsoir à vous ;

- Bonsoir Loli, répondent -ils en chœur ;

- Beau-frère, je suis surprise de te voir à la maison ;

- Aujourd’hui, je me sens fatigué et je n’ai pas travaillé ; comment vont Issifou et Fatima ?

- Ils vont bien ; Elisabeth, je suis venue te voir, il faut qu’on cause.

- C’est par rapport à quoi ?

- Issifou ; encore Issifou ;

- Parlons ici donc ; tu sais que je n’ai pas de secrets pour ton beau-frère ;

- Issifou a mis une femme enceinte ;

- Ah Loli, yako, du courage

- Que vais-je faire maintenant ma sœur ?

- Pourquoi tu me poses la question Loli ? Je ne veux pas gaspiller ma salive pour te donner un conseil que tu ne vas pas suivre ; tu viens toujours me demander des conseils que tu ne suis pas.

- Ne parle pas ainsi Elisabeth ;

Mon beau-frère s’invite dans la discussion et se prononce :

- Est-ce que c’est une relation nouvelle ou ancienne ?

- Nouvelle, très nouvelle même ; il l’a rencontré récemment pendant que je ne vivais plus avec lui. Et il a même promis de rompre cette relation ; il allait le faire quand elle a lui annoncé qu’elle est enceinte ;

- Ce n’est donc pas une question d’amour mais de satisfaction sexuelle ; serre ton cœur et regarde faire ; occupe- toi toujours de ton mari comme si de rien n’était. Ne fais surtout pas de bruits ; croise les bras, prie beaucoup et vois Dieu gérer ; je suis un homme ; je sais ce que c’est que d’aimer une femme et de désirer les femmes ; dans cette histoire, tu devrais te tenir tranquille ; quand un homme n’aime pas une femme, à la longue, il finit par s’en lasser ;

- Beau-frère, c’est dur ce que tu me proposes là ; moi je veux qu’il fasse faire un avortement à la femme et on n’en parle plus.

- Ta décision est très mauvaise ; es-tu Dieu pour décider si un enfant doit venir au monde ou pas ?

- Dans ce cas, moi je vais quitter Issifou.

- Si tu estimes que c’est la meilleure option, tant mieux ; mais dans ce cas, il ne faudrait pas que tu te remaries car tu n’as aucune assurance que ton prochain mari serait meilleur à Issifou ; Il y a un proverbe dans les Saintes écritures qui dit : Avant de bâtir la tour, il faut calculer la dépense.» Loli, quand tu vas tomber sur un homme qui va te gifler matin et soir, tu comprendras que dans la vie, il faut réfléchir avant d’agir.

Les propos de mon beau-frère ne m’agréent pas du tout. Pourquoi personne ne veut me comprendre ?

Darius
Ce n’est pas possible ! Maintenant que j’ai enfin réussi à me libérer de mon amour pour cette diablesse de Darla, elle refait surface ; elle a sûrement compris que je lui ai menti et que j’étais bel et bien le propriétaire de tous mes biens. Ah certaines femmes m’écoeurent ! Après ce qu’elle m’a fait, elle ose me téléphoner ? Aujourd’hui, j’ai un important contrat à signer ; je m’y préparais quand elle a appelé ; n’est-ce pas un mauvais signe ? Comment comprendre que je m’apprête pour un évènement majeur dans la vie de mon entreprise et le diable cherche à me parler juste avant ? Mais elle est vaincue ! Quelque soient ses plans, je les déclare nuls et sans effet sur ma vie. Me voila surpris à prier de force pour éloigner le mauvais esprit qui tente de perturber mes affaires ; oui, Darla pour moi est un esprit malsain. Je dois la fuir comme la peste. Il faut même que j’aille plus régulièrement au culte afin d’être délivré de l’esprit maléfique qui cherche à communiquer avec moi. Je prends mon téléphone et je bloque immédiatement le numéro par lequel Darla m’a joint.

Maman Eric
Je ne sais pas ce qui m’arrive; depuis trois jours, je fais des cauchemars; je vois en rêve quelqu’un qui me menace mais je n’arrive pas à distinguer son visage. Je n’ai pourtant pas d’ennemis; que peut bien signifier de tels rêves?

A Suivre..............................

Vicissitude