105: Trop parler

Write by Gioia

***Aïdara LARE AW***

Je rentre de ma petite balade avec notre dîner en main, mais ne trouve pas notre nouveau couple lové sur le sofa comme d’hab. Je dépose les deux grosses boîtes de Pizza et les texte tous les deux pour les avertir de mon arrivée. Les minutes s’écoulent, mais personne ne me répond, pourtant j’ai faim donc je finis par flancher, pensant qu’ils étaient en train de faire ce qu’on sait, mais Mally finit par sortir environ deux heures plus tard, avec un air exaspéré.

— Tu es là toi, il dit en s’installant à mes côtés.

— Tu n’as pas vu mon messadje?

— Est-ce que ta copine m’a laissé le temps? il grommèle.

— Vous vous disputchez?

— Nullement. Elle s’est murée dans un silence tête en dessous de la couverture pendant que j’essayais de la rassurer qu’un enfant c’est une bénédiction.

— Ah, tchu as… QUE..... CUUUUMEENNT! je m’écrie quand la nouvelle atteint enfin le centre de mon cerveau.

— C’est quoi cette réaction? Tu suspectais qu’elle était enceinte hier non? il me demande confus.

— Mais… mais je rigoyais moi. Je voulais djuste vous embêtcher un peu. Un enfant? je m’écrie encore l’esprit retourné.

— Yep, il dit l’air ravi. On va être parents, tu te rends compte?

Je saute mentalement de joie avant de le faire physiquement et il rigole.

— Au moins quelqu’un partage mon entrain.

— Hoooo, mais ahahaha, tchu te rends comptche? Papa et maman vont êtchre papi et mamie. Maman va te crever les yeux han.

— Ah laisse ça, elle va s’échauffer un peu, mais ce sera le bonheur absolu quand le bébé sera parmi nous.

— Mais ça veut djire quoi alors pour la zuite? Tchu vas t’installer à Naihobi avec nous? Parce que Znam n’a pas fini sa maîtchrise.

— Le choix lui revient. Si elle veut que je m’installe à Nairobi, je vais me débrouiller pour le faire, sinon je peux la faire venir ici aussi.

— Oh là là, tape izi Mally, je zuis tchrop fière de tchoi, je dis en sautant sur lui.

— Tu ne peux pas communiquer un peu de ta joie à la tête dure pour moi? il me demande en câlinant ma tête.

— Comptche zur moi! J’en fais mon affaiye, je dis très déterminée.

Je dors en général sur le lit gonflable au salon, mais cette nuit-là, il me laisse la chambre avec Snam qui dormait déjà à mon arrivée donc j’ai du reporter la conversation. Le vol de maman était arrivé vers 1 h du mat alors on se bouge dès le réveil pour prendre nos douches respectives puisqu’il n’y en a qu’une seule ici. C’est le départ un peu après ça. Maman est à l’avant avec Mally et je suis derrière avec Snam donc j’en profite pour la texter.

— Ça va toi? Tu n’es pas sortie pour manger hier.

— Hey, ça va. Je n’avais juste pas faim.

— Certaine? Tu sais que tu peux me parler de tout right?

— Ce n’est pas plus simple de me dire que ton frère t’en a parlé, elle m’envoie, suivi d’un smiley qui souffle.

— Hehehe, je ne voulais pas cafter, mais oui, je suis trop contente. Comment tu te sens?

— Larguée et apeurée. Ce n’était pas du tout prévu et je n’y crois pas d’ailleurs. Je n’ai même pas de ventre.

— Ça peut arriver de ne pas en avoir non? Il te faut aller à l’hosto alors.

— Ouais, quand on rentrera à Nairobi. Pour l’heure je ne veux pas y penser.

— OK King, mais si c’est le cas sache qu’on prendra bien soin de toi d’accord. Nous on t’aime.

Elle me renvoie un cœur et c’est toute contente que je range mon cell avant de prendre sa main. La graduation est émouvante pour nous. C’est après tout la première bonne nouvelle… que dis-je la seconde de l’année après mon petit boutchou que porte Snam, parce que pour ma part, j’y crois dur comme fer.

Après la cérémonie, direction le cheesecake factory pour célébrer à quatre. Là encore j’ai une petite confirmation de l’état de Snam. Les pâtes c’est le dada de Snam. Si c’était permis, elle en mangerait du lundi au dimanche et c’est avec joie qu’elle a commandé l’Evelyn’s favorite pasta qu’elle dévorait même au début, mais son plaisir ne fut que de courte durée. Lorsqu’elle pense ne pas être observée, elle fait la grimace en mangeant, et pour moi c’est une petite confirmation de son état. De retour à la maison, Mally ne dépose que maman et moi, tout en donnant comme raison que lui et Snam rentreront bientôt.

— Qu’est-ce qui se passe ici avec ton frère? Il a fait quoi à Snam? maman me demande dès que nous sommes seules.

— Qu’est-ce qui te djit qu’il a fait quelque chose à Znam? Elle est tchout à fait normaye, rien à djire sur elle, c’est la même de tous les djours, je m’explique rapidement, le cœur battant et priant qu’elle ne pense pas à ce que je pense.

— Hum….tu penses que je suis née hier?

— Bah non maman, comment je peux penzer ça quand tchu as déjà 60 ans?

— Aïdara….

— Bon, c’est bon, mais tchu promets tchu te fâxes pas après Mally, il n’a pas fait exprès.

— Alors?

— C’est que en faitche, il y a eu un oupche joyeux qui va te rendre mamie bientchôt, je dis faiblement.

***Mally Lare AW***

Avec maman en plus de Dara à la maison, on ne pourra pas parler, du coup j’ai improvisé cette balade, mais la fille qu’on appelle Snam se contente de fixer la fenêtre.

— Est-ce que ça sera toujours comme ça Snam? Dès qu’on aura un malentendu, tu comptes te murer dans le silence en me laissant comme un con? Parce que ça commence à me les faire.

— Ah bon? Ça te les fait? C’est parfait alors, on est quitte.

— On est quitte sur quoi au juste? C’est une question de remboursement de comptes maintenant?

— On est quitte sur le fait que tu aies parlé à ta sœur d’un truc qu’on n’a même pas confirmé Mally! Je sais pas moi, pourquoi tu as toujours deux pas d’avance sur moi dans cette relation?

— J’ai parlé à ma sœur parce que j’avais besoin de son soutien pour te remonter le moral figure-toi, et pour ta gouverne, je n’ai pas deux pas d’avance. En réalité, on pourrait être au même niveau, mais pour une raison qui m’est inconnue, tu veux m’imposer des restrictions depuis qu’on est ensemble.

— Oui, je t’en ai tellement imposé que ma vie risque d’être potentiellement ruinée si ce qu’on pense s’avère réel, elle dit sur un ton sarcastique.

— Ruinée? Snam? On parle d’un enfant. Une bénédiction que beaucoup cherchent ardemment. Qu’est-ce qui sera ruiné dans ta vie? Ta maîtrise? Tu n’en connais pas des gens qui étudient en ayant une famille?

— Tu l’as déjà fait toi? Ou parce que les gens le font, je devrais sauter de joie de me retrouver potentiellement dans cet état? Qu’est-ce que toi et moi savons des enfants Mally? Je ne travaille pas. Mon père pourvoit à mes besoins, alors dis-moi un peu ce qui est si réjouissant dans ma situation.

— Je vais te prendre en charge, c’est bon? Ça te suffit? Tu peux te calmer là?

— Ramène-moi à la maison.

— Sn…

— J’ai dit ramène-moi à la maison!

— Putain, je peste tout haut le cœur brûlant de colère. On ne peut pas faire plus énervant comme personne quand elle s’y met et jamais je ne l’ai vu si hystérique et déraisonnable. Je nous ramène à la maison comme King a demandé, mais dès qu’on rentre, je sens au regard de maman sur Snam qu’une autre tempête débutera bientôt. Dara me souffle un «désolé» au passage auquel je n’aurais pas le temps de répondre puisque maman demandera à me parler.

— Quatre mois Mally! Quatre! La fille des gens n’a même pas fini ses études! Quatre mois et je dois aller dire quoi à mes amis maintenant? Tes gros noyaux comme le bélier ne savent pas qu’on doit se protéger avant de faire ce genre de choses?

— . J..

— Tu me laisses parler hein! elle me coupe rudement, mais ne fait que radoter les minutes suivantes.

Si ce n’est pas que je vais gâcher sa longue amitié avec les Wiyao, c’est que par ma faute on va manger son nom disant qu’elle ne m’a pas bien éduqué, mais heureusement mes sœurs sont là pour témoigner qu’elle a quand même fait du bon travail. Quand elle finit je suis tellement largué, que je ne sais même plus quoi lui répondre.

— Maintenant qu’il faut parler, ton visage s’allonge comme les chaussettes non. Mais si c’est pour enceinter, hooo, il se concentre. Il sait comment faire! Pffff!

— OK, on a compris, c’est moi l’enceinteur par excellence. Maintenant on fait quoi?

— Tu me demandes parce que j’ai transpiré sur Snam avec toi?

— Donc dans tout ton bavardage là tu n’avais même pas une solution à me proposer?

Elle me frappe la tête. C’est sa solution ça. Comportement de grand-mère avant l’heure. Place au tour de Snam. Je demande bien sûr à maman de ne pas trop la bousculer. J’ignore comment leur entretien s’est passé parce qu’elle l’a rejoint dans la chambre à coucher. Toutefois, la nuit quand je me glisse auprès de King, ses yeux sont déjà fermés. Je pose juste ma main sur son ventre et l’embrasse derrière l’oreille, en priant qu’on arrive à traverser cette phase d’incompréhension parce que moi non plus je ne m’attendais pas à ça, aussi heureux que je sois actuellement, je n’ai pas misé pour. Mais il est là et pour moi c’est déjà un être réel que j’entrevois dans mon esprit.

***Snam WIYAO***

Le retour à Nairobi est moins joyeux que l’allée. Je me rappelle très bien de comment j’étais excitée en quittant le Kenya. On était assises ensemble Dara et moi pourtant j’arrivais à converser avec elle tout en textant Mally qui ne tenait plus sur place parce que je lui avais annoncé qu’un cadeau le trouverait bientôt. Je parlais d’un réel cadeau, une gourmette que je lui ai achetée pour célébrer l’obtention de son diplôme et certainement pas un bébé.

Tata Belle m’a heureusement laissé le bon soin de prévenir le bon soin de prévenir mes parents, mais dire que je sais comment le faire serait un mensonge, alors j’ai appelé ma sœur à la rescousse durant le vol retour et une fois dans l’intimité de ma chambre je l’ai appelé comme elle m’a demandé de le faire par message.

— J’ai merdé Macy, je dis d’une voix tremblante tout en remontant mes genoux vers ma poitrine.

— Qu’est-ce qui se passe?

— Il se peut que je sois enceinte, je… je sais même pas en réalité. Je dois voir mon gynéco, mais si c’est vrai… qu’est-ce que je fais? J’ai la trouille. Je dis quoi aux parents? S’ils ne veulent plus me parler alors…

— Tout doux King, une chose à la fois. Tu dis que tu es enceinte? Vous ne vous protégiez pas?

Là je fonds en larmes et lui raconte tout.

— Je sais même pas comment j’ai pu oublier de lui dire d’en porter, je dis en reniflant.

— Ça arrive ma puce, ce n’est pas toi la première pressée ni irresponsable.

— Mais comment j’explique ça aux parents alors? Dire que papa voulait qu’on soit des femmes indépendantes, à l’image de maman et me voilà potentiellement mère et encore étudiante. Tu parles d’un parcours.

— D’abord, une chose à la fois, elle répète. Vas-y d’abord à ce rendez-vous et on avisera si c’est positif, mais ne commence pas à te comparer à maman, d’accord.

— Je sais, mais…

— Tut-tut (pour dire non), il n’y a pas de mais qui tienne. L’écho en premier et ensuite on en parle. Tu fais quoi là? Tu es déjà au lit?

— Oui, mais je dois prendre ma douche d’abord.

— OK, fais ça, dors bien et au réveil tu t’occupes de ce rendez-vous, on se comprend?

Je confirme et on raccroche après qu’elle m’ait dit «je t’aime». Une déclaration qui me fait tant de bien sans que je comprenne pourquoi. Je suis donc le plan et sors de douche avec l’intention de me coucher, mais on cogne à ma porte. C’est Dara qui s’annonce quand je demande.

— Je suis un peu fatiguée, je lui explique ne voulant voir personne.

— Je vais pas djurer, justche voir que tchu vas bien, elle m’explique en retour et je me sens automatiquement coupable d’avoir voulu me débarrasser d’elle.

— Entre, je dis et là voilà qui s’approche, habillée comme quelqu’un qui sort, ce que je lui demande donc.

— Oui, Maryey m’a attendju pour m’emmener à un rdv, elle m’explique. C’est en fait lui qui est gentiment venu nous chercher à l’aéroport.

— On te revoit quand alors? je la taquine parce que quand son gars passe la prendre, c’est souvent parti pour quatre ou cinq jours. À cette allure, je pense qu’ils vont bientôt emménager ensemble.

— C’est djuste une visitche d’apparts pour lui, elle dit amusée.

— Hum, quand il s’agit de lui tu ne rigoles pas un peu hein. Après presque 20 h de vol, tu es déjà prête à sortir sans même te reposer, je continue de la taquiner.

— On va pas m’accuser demain de néglidjenze, elle rigole. Tchu vas bien zinon? Pas besoin de quelque chose?

— En dehors de dormir non.

— OK, et l’hosto? Il ne faut pas oublier han.

— Mais non, je le ferai.

— D’accord, on ne va pas tchrop tchraîner avec Maryey, mais zi tchu as un besoin, il faut me contactcher, ou bien tchu fais zigne à Hilda, elle est là.

Je hoche la tête sachant pertinemment que je n’en ferais rien et dès qu’elle s’en va je plonge sous la couette. Le sommeil est si doux alors ça me prend plusieurs sonneries pour comprendre qu’on m’appelle. Les yeux embrumés, j’essaie de lire plusieurs fois le nom et quand je vois qu’il s’agit de Dara, je dépose le téléphone, mais elle insiste du coup je finis par décrocher.

— Hum?

— Znam? Ça va?

— Oui, je grommèle.

— Mally djit qu’il t’a appelé, mais tchu répondais pas.

— Je dors Dara, je grommèle à nouveau.

— Oh, OK, c’est normaye. Mais tchu vas pas appeler ton gynéco….

— Ecoute, vous commencez à me prendre la tête avec cette histoire. Je vais appeler le gynéco quand j’aurais le temps! Bye! je dis et coupe.

***Aïdara Lare AW***

Mais enfin? C’est quoi cette réaction alors que je voulais juste aider?

— Elle va bien alors? j’entends de Marley qui me tire de ma rêverie.

— Elle m’a raccroxé au nez, tchout ça parce que j’ai posé une questchion, je dis encore sonnée par sa réaction.

— Bah peut-être qu’elle n’est pas encore prête et se sent acculée quand vous lui rappelez constamment.

— Qu’est-ce qu’on lui rappelle constamment? Je ne t’ai rien djit moi.

— Bébé, une femme ne va chez le gynéco que pour une raison en général, sa santé sexuelle. Et si je me fie au fait que ton frère a appelé en s’inquiétant de son état, j’en conclus facilement qu’elle est enceinte.

— Oui elle l’est et franchement je la reconnais plus du tchout moi. D’abord c’est qu’elle était surpridje, bon ça je peux comprendre puisqu’on ne s’y attendait pas. Mais depuis elle est tchoute seule dans son coin. Elle fait la tête alors que c’est une bonne nouveye et on veut djuste l’aider. On croirait qu’on lui a annoncé une grave maladjie.

— Bah peut-être qu’elle ne voulait pas avoir d’enfants. Peut-être qu’elle se sent piégée, ça arrive tu sais.

— C’est pas en Afrique ça Maryey, y a que chez vous qu’on entend les choses comme ça.

— Comment ça que chez nous?

— Bah chez vous les blancs. Nous on aime les enfants, c’est un synonyme de richesse et bénédjiction.

— Les mentalités comme les tiennes, c’est ce qui n’encourage pas celles qui se sentent ainsi à le dire, il insiste hein et je roule des yeux. Il vit depuis quelques années en Afrique et pour monsieur il connaît tout. Bref.

— Si tu le djis, mais ce n’est pas le cas de Znam, au moins j’en zuis certaine.

— Ou peut-être qu’elle n’est juste pas prête. Ce n’était pas son plan d’origine.

— Et ayors? Tchu penses que c’était mon plan d’êtchre avec un blanc?

— Un blanc c’est quoi? Je ne suis pas un être humain aussi? il me rétorque sur un ton irrité qui me surprend.

— Est-ce que j’ai dit ça? Je veux djire que c’était pas mon plan c’est tout, mais parfois les choses sont djifférentes alors on s’adapte. C’est comme ça la vie.

— Et je dis que parfois tu parles trop.

— Quoi? C’est tchoi qui me poses les questchions et maintchenant je parle tchrop?

— Oui.

— Tchu sais quoi, si c’est pour m’insultcher, c’est mieux de ramener à la maison, je dis vexée.

— Pfff, je vais me gêner, il dit et je me vexe davantage.

Je claque la portière en descendant de son véhicule et fais de même avec celle de ma chambre, ce qui alerte Hilda qui se pointe.

— C’est comment? On t’a entendu rentrer.

— Tchu peux croire ça? J’ai même pas dormi après un long vol. 7 h on était ici, je zuis sortchi avec Maryey le ventre vide, parce que je voulais être présentche pour monsieur et pendant qu’on se rend à un autre appart, il se fait que j’ai une petchite mésentente avec Znam et Maryey me djit après que je parye tchrop, fulminé-je.

— Non! Il a dit quoi?

— Que je parye tchrop pourtant c’est lui qui me questchionnais!

— Eh bébé, calme-toi d’abord. Ne lui permets pas de soulever ton cœur comme ça, il n’en vaut pas la peine.

— Mais ça veut djire quoi d’abord ces manières? Lui quand il parye je l’empêche peut-êtchre?

— Tu ne vas pas aimer ce que je vais dire, mais je t’avais parlé oh Dara. Je t’avais dit que sortir avec un blanc et là…

— Quoi, ça n’a pas de rapport avec sa couleur de peau, je rétorque.

— Hein, je ne dis pas que c’est la couleur de peau, mais leur mentalité ma chérie. Toi-même tu vois aujourd’hui comment on te parle mal alors que tu es une copine qui soutient. Les gens là entrent et sortent des relations comme on change de caleçon donc c’est normal qu’il n’apprécie pas tout ce que tu fais pour lui. Parce que quel homme ne sait pas que la femme rime avec bavardage? On n’insulte pas pour ça chez nous.

— Bref, je dis pour couper court et ne pas m’énerver davantage.

— Il ne faut pas le regarder chérie. Tu as de la valeur, tu trouveras un vrai homme africain valeu…

— Ouais, on n’est pas là Hilda, tchu vas un peu loin. Il m’a djuste énervé.

— Anh, bon, ce qui est sûr, moi je ne te vois pas dans ça hein. Comme on dit, il faut partir dès la première insulte parce que si tu ne te donnes pas de la valeur, il va te prendre pour sa moins chère. C’est comme ça l’homme. Son blanc oh, son noir oh, ils montent facilement sur nous si on ne leur met pas des stops.

— Hum, tchu commences bien ton emploi le lundji non?

— Eh je te dis! façon je suis contente. Enfin je vais travailler un bureau comme tout le monde. La sape de ça. Mais oh, je pourrais sécuriser quelques chaussures chez toi non? C’est juste pour la première semaine promis.

— Pas de soucis. Je demandais pour savoir si tchu es dans le même coin que moi comme ça je te dépose les matins?

— Quand je dis que tu es ma chérie. Au fait, c’est quoi le truc avec Snam qui a déclenché la dispute entre toi et Marley?

— C’est pas important. Tchu commences à quelle heure?

-8 h 45, ils ont dit pour la première journée. Tu sais quand même que tu peux tout me dire. En plus je te vois fâchée comme ça j’aime pas. Au moins, parler soulage.

— C’est rien je te dis. Regarde dans le djressing et prends les chaussures que tchu veux.

— Hum! Place à la nouvelle secrétaire de rédaction oh! Je vais mettre le feu au journal dès lundi, ils se rappelleront de mon nom là-bas, elle dit et m’amuse.

Toute la soirée, même pas un signe de Marley. Snam aussi je n’ai pas vu sa tête. Je suis restée dans ma chambre, puisqu’on dit que je parle trop, autant que je m’enferme là-bas comme ça personne ne risque plus d’entendre ma voix. Foutaises va.

***Snam WIYAO***

Cinq jours suivant notre retour, j’ai enfin rdv au Lafemme Healthcare où on me suit depuis que je vis dans cette ville. J’ai avec moi la liste de tous les cachets que je prends comme ma sœur me l’a recommandé. Heureusement je n’en prends pas énormément. Rien que des compléments comme la vitamine A, C et E pour protéger ma peau puisque ma condition m’expose plus au cancer de la peau qu’un individu normal. Alors l’examen est long et un peu stressant, pourtant j’ai lu une tonne dessus avant de venir pour ne pas être trop larguée. J’approuve le dépistage prénatal, et lui pose la question qui me taraude l’esprit, c’est-à-dire le pourquoi je n’ai pas de ventre alors que je suis enceinte et apparemment déjà à 19 semaines. Elle me donne différentes raisons et par la suite nous discutons de ma date d’accouchement pendant qu’elle me prépare à ma première échographie.

Dire que je suis chamboulée après cette rencontre est un euphémisme. J’ai entendu son cœur et il va bien selon l’OB. Tous les bruits me parviennent comme des échos. Je me questionne sur ma capacité à être responsable d’un autre être humain, et surtout s’il naît avec ma maladie. Elle n’est certes pas mortelle, mais gamine, il m’est arrivé de faire des allergies bizarres qui n’étaient pas reliées à ça selon mon pédiatre, mais ils n’ont jamais pu déterminer les causes. Je me souviens des inquiétudes de mes parents. Et penser à mes pauvres parents me fait pleurer dans le bus qui me ramène à l’arrêt non loin de la maison. Je traîne des pieds jusqu’à la chambre et mon cœur se comprime quand je lis le message d’encouragement que papa m’a envoyé ce matin après que paniquée je lui en ai écrit un lui promettant que je les rendrai fières. Je me couche comme un sac mort, le regard perdu dans le vide. C’est un message entrant qui me fait bouger quelques minutes plus tard.

— Je peux au moins savoir si tu vas bien Snam? Mally a écrit.

— Le bébé est en parfaite santé. On m’a recommandé d’être active, prendre mes vitamines prénatales ainsi que l’acide folique et le fer. Tu peux l’annoncer à ta famille et célébrer. Tu as gagné.

— Comment tu vas Snam? il me renvoie au même moment que papa m’appelle.

Je ne sais pas pourquoi je me mets à pleurer en décrochant.

— Je me disais bien que ça n’allait pas, me dit papa et je pleure de plus belle.

— Ça va chérie? Le professeur que tu voulais comme directeur de recherche n’a pas approuvé ta demande? il m’interroge et je n’ai que des larmes en guise de réponse.

Avant cette histoire de grossesse, les seules raisons pour lesquelles j’appelais mes parents en étant triste étaient mes études. En dehors de ça, la vie était juste simple pour moi.

— Quel que soit ce que c’est, je ne t’en veux pas Snam. Ta mère et moi avons eu la grâce de n’avoir que des filles aimantes, sérieuses et battantes alors nous serons toujours de ton côté.

— Je… je suis enceinte pa.. pa, finis-je par avouer.

— D’accord. Tu arrêtes de pleurer autant. Je ne suis pas fâché et je t’assure que maman ne le sera pas quand elle l’apprendra.

— Je vais faire comment? Je n’ai jamais tenu de bébé de ma vie papa. Je ne sais même pas comment on s’en occupe, mais Mally se comporte comme si tout était facile. Comme si c’était la meilleure chose qui devait nous arriver. Comment je vais le nourrir cet enfant? Maman et toi vous vous êtes sacrifiés jusqu’à présent afin qu’on ait une belle vie alors que vous veniez tous deux de milieu modeste, sans parents pour vous propulser. Alors je me sens vache de vous rajouter une potentielle bouche à nourrir sur le dos.

— Tu ne veux pas le garder?

— Que…. quoi… je sais pas….j’ai pas pensé jusque là. J’en sais rien, je ne veux juste pas faire de connerie avec ma vie et celle d’un petit innocent.

— OK, premièrement, c’est le rôle d’un parent de se sacrifier alors on ne l’a pas fait pour que tu te sentes coupable à la première «bêtise» que tu fais. J’insiste sur les guillemets entourant bêtise. Deuxièmement, je n’y connaissais rien non plus aux enfants avant de devenir papa. Ta mère était même un enfant unique. Mais tu sais quoi, la grossesse dure justement neuf ou dix mois selon les cas pour que tu apprennes à doucement te faire à ton nouveau rôle. Tu ne seras pas seule pour t’y préparer. Tu nous as nous. Et tu as bien sûr le père de ton bébé à qui je vais me charger de rappeler la lourde déclaration qu’il a faite devant nous. Est-ce qu’on se comprend jusque là?

— Oui, mais…

— Pas de, mais Snam. Je veux juste que tu comprennes pour l’instant que tu n’es pas seule ou tu ne viens pas de causer la chute de la famille parce que tu attends un bébé. Même lorsque tu auras trente ans, je ne vais pas m’empêcher de te faire des cadeaux parce que tu es désormais mariée. Tu es ma fille tant que je vis, et j’aime prendre soin de vous. C’est une responsabilité, mais ce n’est pas un poids pour nous. Alors, ne t’en fais pas pour tes études ou le bébé. Je sais que tu es travailleuse alors dors tranquille.

— Sans toi et maman je ne suis rien papa.  

— Ta mère avait décidément raison, c’est de moi que tu tiens cet amour du drame, il rigole et me fait rire aussi malgré mes larmes.

— Snif, je dis quand même la vérité.

— Bon, tu me nettoies ton visage et prends au plus vite rdv avec un gynécologue pour ton suivi.

— C’est déjà fait, je viens de rentrer.

— Oh et comment va le bonhomme? Tu as fait tous les examens j’espère. Ne néglige aucun, même les plus bénins. Il faut écouter ton OB et surtout penser à votre santé à tous les deux, il me recommande avec insistance. Connaissant son passé avec maman, ça ne m’étonne nullement.

— Oui tout est fait, je le rassure.

— Dieu merci. Tu as déjà du ventre? il demande avec un grand intérêt qui m’amuse.

— Pour le ventre non, mais il va comme un charme le bébé. Je vais t’envoyer une photo de l’écho que j’ai faite.

— Super! Je peux l’envoyer à tonton Tao pour le narguer? Depuis qu’il a retrouvé Laith il n’en perd pas une pour me parler comme si j’étais son subordonné tout ça parce qu’il a une petite fille. Monsieur dit que sa petite-fille est même la plus intelligente au monde, il dit et m’arrache un fou rire. Quand j’entends mon père et mon oncle Tao, je confirme que l’âge n’est vraiment qu’un chiffre. Ils peuvent se chamailler sur les choses les plus banales.

— Ou…., en fait je vais d’abord en discuter avec Mally. On n’a pas vraiment eu le temps de décider et je lui ai reproché le fait d’en parler à Dara sans m’avertir alors je ne peux pas faire pareil, tu comprends?

— Oui, ne t’en fais pas. Ça me permettra même de préparer un comeback musclé à Tao. Il ne sait pas ce qui va lui tomber dessus bientôt, je vais l’ébranler.

— Lol tu es grave quand tu t’y mets hein.

— C’est mon comme ça que vous aimez.

— C’est vrai, on t’aime trop comme ça.

— Bon, je te laisse alors. Je venais juste m’assurer que tu ne maudisses pas le pauvre prof et voilà que je repars avec une merveilleuse nouvelle. Qui a dit que penser au bien de son prochain n’est pas bénéfique pour nous?

— Wah papa, j’en peux plus, rigolé-je davantage.

— Une dernière chose chérie, ne dis pas à Mally que je t’ai rassuré sur tes études. Je ne dis pas de lui mentir si jamais il te demande, mais ne lui offre pas non plus l’information. Dis-lui simplement que tu m’en as parlé et je m’occupe du reste.

— OK, mais euh… ne sois pas trop dur avec lui s’il te plaît. On l’a fait à deux la bêtise, je dis d’une petite voix.

— Ne t’en fais pas, entre pères on va se comprendre, il le dit sur un ton qui ne m’inspire pas trop confiance, mais que puis-je rajouter sinon un merci et je t’aime ensuite.

Bon là je me sens nettement mieux, l’avenir me paraît radieux et je sens même l’odeur des fleurs. Il me faut appeler Macy ensuite maman et Dara. Mais Mally d’abord.

— Je paniquais, je suis désolée, je lui dis dès qu’il répond.

— Je sais, je suis désolé aussi. Je sais qu’en m’écoutant tu as cru que je ne pensais qu’au bébé et je ne vais pas faire comme si ça n’a pas été le cas pendant quelques minutes voire heures, mais ce n’est plus le cas Snam. Je t’aime, je le veux ce bébé, je le veux plus que tout au monde. Je ne sais pas ce que je dois faire pour te convaincre qu’on peut y arriver à deux alors dis-le-moi, je t’en prie. Mais si tu me trouves réellement trop égoïste sur ce coup et que tu ne veux pas continuer, je… je ne vais pas te forcer, il dit la voix rauque. Je veux juste que tu redeviennes ma Snam que j’adore et je connais. Je ne veux plus de disputes.

— Je t’adore aussi Mally, plus de disputes. On va apprendre à devenir parents ensemble. Plus d’avance l’un sur l’autre, promis?

— Je t’aurais embrassé à perdre haleine si tu étais à mes côtés, il me dit d’une voix qui m’émeut.

— C’est comme ça qu’on est arrivé ici, je chuchote en retour.

— Et j’ai aimé chaque partie de comment on est arrivé là. La prochaine fois qu’on se verra, je vais te faire l’amour back to back Sugar.

Je n’ai même pas de mèche qui me tombe au visage, mais j’en pousse une invisible derrière l’oreille après cette promesse dite sur le genre de ton qui me donne envie de lui saute dessus.

— Je… je t’envoie le scan du bébé, attends, je dis pour éviter de répondre et qu’on commence à se chauffer au téléphone. Ce ne sera pas la première fois entre nous.

— Regarde-un peu mon bonhomme, ça c’est un Lare AW et WIYAO en devenir, il dit tout fier et mon cœur trépigne de joie. Tu vas bien sinon? Tu ne m’as toujours pas répondu.

— Oui je vais bien, pas de nausée. Juste les seins qui font mal et quelques pertes d’appétit, mais rien d’autre.

— D’accord, je veux que tu te ménages, on est d’accord? Tout ce dont tu as besoin désormais, tu me le dis.

— Justement, euh, il y a papa qui est au courant.

— Ah, déjà?

J’ai failli rire oh. Il a dit le ah, comme s’il ne s’attendait pas à ça.

— Oui, il a appelé, alors j’en ai profité pour lui dire.

— Je vais devoir passer à la barre hein?

— Le bébé te dit courage

— Vos grosses têtes à tous les deux là. Dire que c’est même toi qui m’as bien niqué au troisième tour, maintenant je dois me présenter seul à l’échafaud.

— Go papa, Go!

— Pfff, ce n’est pas vous, c’est moi. Demain, je vais contrôler ma queue, il dit et m’achève. On sait tous les deux qu’il ne contrôlera rien. Ce sera à moi de veiller et le prochain bébé ne viendra pas tant que je n’ai pas ma maîtrise en poche et je ne bosse pas comme météorologue aérien, soit dans cinq ans

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