106 : Shorty on a mission
Write by Gioia
***Ida ADAMOU***
J’étais à ça de
pleurer quand j’ai entendu Denola rire hier. C’est son tout premier rire depuis
l’enterrement de son frère auquel je n’ai malheureusement pas pu assister à
cause de mes études. Il m’a expliqué que son frère Toni lui avait sorti une
phrase stupide hier. Une première depuis l’enterrement et c’était tellement
inattendu qu’il n’a pas pu retenir son rire, et je suis plus que reconnaissante
qu’il ne l’ait pas retenu. J’aurais bien aimé l’entendre là tout de suite, mais
il est au travail et je suis seule chez lui. J’aurais aimé dire chez nous, mais
monsieur a refusé qu’on emménage ensemble pour le peu de temps qu’il me reste à
faire à Perth. À la mi-août je m’envole pour Canberra où j’ai trouvé un emploi
en tant qu’assistante-optométriste et j’avoue être la première surprise par ça,
parce que je m’étais fixée un délai plus long. Je comptais d’ailleurs attendre
la fin de mon programme pour m’enregistrer chez AHPRA, afin d’avoir mon
autorisation d’exercer sur le territoire, puisque les délais n’étaient pas si
longs. Maman en revanche, n’était pas d’accord que je repousse sous prétexte qu’elle
sent que de belles choses m’attendent cette année. Cette femme, je jure que je
ne vais plus la contredire, parce que je fais parmi des cinq de ma promo à
avoir sécurisé un poste déjà. L’ironie c’est que je ne suis pourtant pas la meilleure.
Bref c’est la grâce d’avoir une maman qui prie et insuffle en moi sa foi à
chaque occasion qu’elle a. Maintenant que c’est fait, je suis quand même soulagée
d’avoir trouvé ma petite place, parce que ça permettra aux parents de partir
aussi l’esprit tranquille. Ils ne se décidaient pas à fixer de date pour leur
grande croisière pour diverses raisons. La première, c’était le dénouement du
procès de l’infâme sorcière qui nous a enlevé mon frère. La seconde, c’était ma
graduation, mais je sais que secrètement ils ne voulaient pas se lancer dans
des dépenses énormes comme une croisière ne sachant pas si jusqu’à quand j’aurais
besoin de soutien financier, alors c’est un gros soulagement comme je dis. J’ai
aussi la foi qu’on aura un dénouement pour le procès de la verrue parce qu’il a
enfin commencé. Mes parents pourront si Dieu le permet, s’envoler en amoureux après
la rentrée d’Asad. Je les envie oh. Si Denola était coopératif, ça pourrait être
nous, mais son visage de losange te sortira maintenant les raisons super
matures. Souvent j’ai l’impression d’être avec un type de 50 ans alors qu’on
est tous les deux dans la vingtaine. L’ironie c’est que j’avais demandé un
homme mature à Allah, si seulement j’avais su qu’ils étaient durs à convaincre
comme ça, pfff !
Comme il m’énerve, je
me lève avec l’intention de saccager un peu ses documents, parce que monsieur
déteste le désordre dans ses affaires. Je saccage intelligemment quand même. Il
ne faut pas que j’aie du mal à remettre en ordre si jamais ma vie doit en
dépendre. Je ne veux pas mourir non plus aujourd’hui là. Une fois que je suis
satisfaite de mon résultat, je vais me coucher devant la télé et sans m’en
rendre compte je glisse dans le sommeil. Je me réveille quand j’entends des
bruits. Je me frotte les yeux, un peu désorientée pendant que je l’entends me
parler, mais la première chose que je vois quand j’ouvre enfin les yeux, c’est la
couleur lavande. L’homme à la grosse barbe qu’il traîne depuis son retour du
pays tient dans ses bras un immense bouquet et s’abaisse pour m’embrasser le
front.
— Ça va toi ? il demande en me caressant le menton.
Je hoche la tête subjuguée,
par le bouquet en question qu’il me présente après s’être accroupi à ma
hauteur.
— C’est pour t’exprimer
ma gratitude pour ce que tu as fait ces derniers mois mon ange.
— Oh, mais…euh,
je n’ai rien fait de spécial, je réponds émue, faisant ma timide subitement,
pourtant mon cœur chavire ici.
— Pour des
premiers mois ensemble, tu m’as déjà vu à mon plus bas. Un plus bas que j’ignorais
avoir et pas une seule fois je n’ai vu ou senti en toi que tu étais exaspérée. On
n’a pas fait de grandes balades ni d’escapades en amoureux comme je sais que tu
en as rêvé pourtant. Tu as été si présente qu’à force tu as fini par gagner l’admiration
de ma mère.
— C’est vrai ? Elle n’est plus contre notre relation ?
— Figure-toi qu’elle
m’a carrément envoyé ce matin « les
voies de Dieux sont impénétrables » suivi
d’une longue liste de recommandations sur comment naviguer la relation avec toi
puisqu’on n’est pas de la même religion. Et elle a fini en disant qu’elle
compte sur moi pour prendre soin de ma bénédiction, puisque c’est comme ça que
je t’ai appelé.
— Oh chéri, je
dis grandement soulagée et lui passe le bras autour du cou pour l’enlacer.
La rencontre avec sa mère
nous est un peu tombée sur le dos. Après son retour du bénin, cette dernière
lui a rendu visite sans le prévenir. En maman soucieuse de l’état de son fils
après une telle épreuve, c’était un peu compréhensible qu’elle veuille le voir.
Seulement, c’était aussi pendant une période où je dormais chez Deno parce qu’il
broyait tellement du noir. Alors elle m’a rencontré et a vite compris les jours
suivants qu’il se passait quelque chose entre nous. Elle a fait trois semaines
avec son garçon, et durant ce délai, elle ne s’est pas gênée pour me cacher le
fait qu’une relation comme la nôtre n’irait pas loin, parce qu’elle sait comment
elle a éduqué son garçon. Ça n’a pas été simple pour moi de composer avec elle
d’un côté et Deno de l’autre. Je ne lui ai jamais parlé de ce que la maman
avait dit quand elle était ici parce que mentalement, je ne le voyais pas
supporter ça. Il avait besoin de moi, alors je suis restée même si j’admets que
j’étais inquiète quant à la suite de notre relation. Après ce qu’il a vécu
récemment, je ne voulais pas qu’il se retrouve maintenant à devoir choisir ou
mettre en quarantaine sa mère pour continuer notre relation, et d’un autre côté
je ne voulais pas le perdre aussi. Donc là, c’est une grosse épine qui vient d’être
ôtée de mon pied.
— Je pensais que
tu n’y connaissais rien aux fleurs quand j’ai commencé à t’en parler, dis-je en
rigolant, les yeux mouillés devant le bouquet que je continuais à contempler
après qu’on ait rompu notre étreinte.
— Les fleuristes
existent pour les gens comme nous ou bien. J’ai demandé ce qui témoignerait de
la gratitude et serait joli. Elle m’a fait quelques propositions et j’ai opté
pour les hortensias dans ta couleur favorite, il me dit après s’être installé à
mes côtés sur le sofa.
Je retourne ma tête
vers la sienne. Nos nez se touchent et on se taquine tout en se faisant de
furtifs baisers.
— Toi tu veux
décidément un bébé, je dis et il pouffe de rire, me baise le front puis se
lève.
— Commence par
mettre tes fleurs dans un bouquet madame, il paraît que ça fane vite les choses
chères comme ça.
— Le romantisme d’une
minute, je dis en roulant des yeux et me lève, direction sa cuisine pour
chercher ce que je ne trouve pas. Va savoir pourquoi j’ai pensé qu’il aurait un
vase. On parle d’un homme qui m’a demandé l’intérêt de mettre l’argent dans ce
qui mourra en moins d’une semaine alors que je lui parlais de la réception
féérique dont j’ai rêvé un jour. Une réception dans une salle décorée de
pivoines blanches. Je vais chercher un vase chez moi et reviens chez lui tout
en sifflotant, mais le ton sur lequel il m’interpelle la seconde qui suit me ramène
à l’instant présent.
***Denola EKIM***
Mes dossiers sont
mélangés. Le courrier que j’avais rangé dans mon tiroir est éparpillé sur mon
bureau. Les stylos. Un vrai travail d’écolier. Et quand j’appelle la seule personne
qui a passé la journée dans cet appartement, elle arrive, mais fait entrer uniquement
sa tête en premier.
— C’est Ida qui a
pris le contrôle et m’a dit de le faire, mais je peux ranger tout ça promis,
elle me dit d’une petite voix.
— Ah bon hein.
Viens donc ranger, je lui dis et enfin elle sort de sa cachette.
Dès qu’elle proche, je
l’attrape, l’emprisonne et lui pince les bras. Bien sûr elle crie, se plaint et
arrive même à pleurer dans la foulée comme si ce n’était pas elle qui avait
saccagé mes affaires. Parfois j’ai l’impression d’être le père dans ce couple
et que ma copine a cinq ans, parce qu’elle m’en sort des bonnes qui me laissent
pantois. Quand madame veut quelque chose et tu lui dis non, elle peut croiser
les bras, taper son pied au sol et grogner le visage renfrogné. La première
fois qu’elle a fait ça, j’ai ri tellement je ne croyais pas ça possible. Mais c’est
aussi la même fille qui m’a tenu à bout de bras quand j’ai touché un fond que
je ne pensais pas possible pour moi. Je parle de nuits à cauchemarder, des larmes
silencieuses, des journées sans envie de sortir, des questionnements à n’en
plus finir. Je suis rentré du Bénin, l’esprit anéanti après avoir vu le corps
de mon frère descendre dans ce trou. Tous les jours, Ida était là. Elle me
laissait pleurer sur ses genoux, me nettoyait le visage, me dorlotait comme un
enfant pour que je mange, moi un adulte. Sans sa présence, je peux dire avec
confiance que je n’en serais pas ici aujourd’hui, alors le bouquet me paraît
même peu. Je l’enlace dès qu’on finit de remettre à l’endroit le bureau, mais
elle continue à bouder.
— On fait la paix ? je lui dis tout bas et j’essaie de l’embrasser,
mais elle continue les jeux.
— Nan, tu me
maltraites, elle se plaint dans sa petite voix qu’elle utilise uniquement quand
elle veut faire sa pourrie gâtée.
— Pauvre chérie, comment
j’ai osé, je me prête au jeu parce que parfois ça m’amuse aussi.
— Franchement,
attends que je dise à mon père, tu verras.
— Tu lui diras ça
aussi alors ? je chuchote et je remonte
une main sur sa poitrine.
— Je ne marche pas,
ça ne me fait rien, elle dit tout bas pourtant.
Je localise facilement
un téton, puisqu’elle n’a pas mis de brassière en bas de son justaucorps. Les minutes
suivantes, celle qui dit que ça ne lui fait rien, est assise fesses nues sur ma
chaise de bureau, jambes bien écartées et sa main agrippe mes petits cheveux pendant
que je lui mange la minette. On a introduit ça récemment aux petites caresses
qu’on se fait déjà. Les premières fois on a eu un peu de mal à trouver notre rythme,
mais on y est arrivé et depuis je suis aux anges lorsque j’arrive à la faire
jouir comme ça. Aujourd’hui c’est le cas, alors elle est toute douce et docile
dans mes bras actu.
— Pourquoi on ne
peut juste pas le faire, elle me demande tout en me caressant la bite à travers
mon pantalon.
— Parce que ta
religion te le refuse alors tu vas respecter ça.
— Mais on…
— Pas de, mais.
Toi et moi on sait qu’on flanche déjà, mais ce n’est pas une excuse pour
flancher davantage. Je t’ai dit que cette relation ne serait pas un substitut
pour la masturbation. Tu dois apprendre à reprendre le contrôle sur tes envies et
je suis fier que tu y arrives petit à petit, mais tu sais qu’il te reste encore
du chemin puisqu’il t’arrive de flancher. Il faut que tu domines ça. Même si tu
devais te masturber à l’avenir, ça ne doit pas être par dépendance, mais par
simple envie.
— Toi alors tu as
le chic pour mettre les bâtons dans les roues des gens.
— Je sais, c’est
une spécialité dont je suis fier, j’ironise avec un grand sourire et elle tire
sur ma barbe.
— Dans ce cas qu’est-ce
qu’on attend pour se marier alors ? Ta
mère est déjà pour et mes parents s’en iront sûrement cet automne pour leur
croisière. Autant qu’on fasse d’une pierre deux coups maintenant et tu pourras
me suivre à Canberra.
— Je vais me
répéter et après tu me traiteras de méchant.
— Bah donne des
meilleures raisons alors parce que je ne comprends pas ta réticence.
— On se marie
avec les pierres Adam ? Et ne
me parle pas de l’argent de tes parents et encore moins de ton emploi à
Canberra. Je parle de nous deux.
— Supposons donc
qu’on est mariés et il advenait que tu perdes ton emploi, tu refuseras que je m’occupe
de notre foyer en attendant parce que c’est mon emploi ? Ou tu refuseras un coup de main de mes
parents s’ils veulent nous en donner ? Je veux
un homme traditionnel, mais les super machos non Denola, je ne supporte pas.
— Tu as dit un mot
important, foyer. Quand on se marie, on signe un acte stipulant que chacun des
participants du ménage doit contribuer à son équilibre, aussi bien émotionnel que
financier. Alors en tant que ton mari, je ne ferais jamais le fier si j’ai
besoin de ton aide. Tu m’as déjà vu pleurer jusqu’à couler du nez et avoir la
morve mélangée à la salive. Je ne peux pas faire mon super macho après ça. Actuellement
nous ne sommes pas mariés, alors je refuse de te suivre dans une ville aussi
chère que Canberra sans avoir un pied là-bas. Je n’ai pas assez d’économies pour
ça. Et je ne prévois pas non plus me marier et les mois suivants vivre d’eau
fraîche et biscuits. J’ai aussi un niveau de vie auquel je tiens alors on va
préparer à deux notre mariage. Spirituellement, financièrement comme
humainement. Rien ne presse comme je t’ai dit.
— Grrrr
— C’est comme ça
quand tu sais que j’ai raison hein. Tu en perds même ton latin, je rigole et
elle me frappe le torse avec un sourire aux lèvres.
— Gare à toi si
tu me dis une fois marié que tu es fatigué lorsque je te touche. Les six premiers
mois, je ne veux rien entendre, parce que c’est une torture pour moi d’avoir
quelqu’un et ne pas pouvoir faire tout ce qui me passe par la tête, elle dit en
agitant son doigt devant moi, que je mordille.
— Moi je te dis
seulement de ne pas être une excitée de la bouche hein. Je veux aussi voir la
même excitation durant les six mois en question, parce que les « pardon Deno », je ne vais même pas écouter.
Elle fait encore la
gueule et m’arrache plein de fous rires. Une vraie actrice, cette fille. Elle
exige quand même que j’enlève ma grosse barbe, qu’apparemment elle n’aimait pas,
mais attendait que je me sente mieux pour me le dire. Je n’y étais pas spécialement
attaché non plus donc je vais l’ôter et lui ramène au passage un plaid que je prends
de la sécheuse. On a baissé le chauffage parce qu’il fait un peu plus chaud qu’hier,
mais nous sommes toujours en hiver. Un pays bizarre je vous dis, parce que les
autres sont en été en août, mais c’est l’Australie ça. Au moins il ne fait pas
frisquet au point d’en geler. Assis sur le divan, nous mangeons dans le même
plat le restant de casserole dauphinoise de dindes et pommes de terre que j’ai
fait hier et regardons sur sa tablette, les différents plans que Toni m’a envoyé.
Ray n’est plus, mais je
suis sorti du trou avec la motivation de faire vivre ses rêves. Mon frère
voulait un restaurant. Projet de sa vie qu’il avait d’ailleurs entamé en acquérant
une parcelle à Port-Gentil alors nous avons décidé Toni et moi de le concrétiser.
Toni a trouvé que les plans qu’avait faits l’architecte n’étaient pas d’actualité
alors il a décidé de prendre ce côté en main. On ne sait pas vraiment assis tous
les deux pour discuter de ce qu’il ressentait parce qu’il n’a jamais été le
genre à s’épancher sur ses émotions. C’est plutôt quelqu’un qui aime profiter de
la vie et s’amuser toutefois je sais que cette épreuve l’a également troublé, voire
changé. Pour l’heure nous n’en sommes qu’aux plans. J’ai certes proposé à Perla
de se joindre à nous, offre qu’elle a aussitôt accepté, rajoutant qu’elle
voulait en ouvrir un aussi au Bénin, mais je ne veux pas qu’on se lance maintenant.
Financièrement, je n’en suis pas encore capable et il est hors de question que
Perla seule pourvoie. Je sais qu’elle le peut et une partie d’elle pense encore
que je lui en veux pour son absence à l’enterrement bien que je lui aie confirmé
que ce n’était pas le cas. J’ai certes répondu OK, mais c’est parce que je n’avais
rien à dire à cette époque. Je me sentais vide, je ne voulais rien, sinon qu’on
m’enlève cette douleur ou alors qu’on me rende mon frère.
Je veux investir dans
les projets de mon frère. Je sais qu’il est mort et peut-être il n’a plus conscience
de ce qu’on fait ici-bas, je ne m’y connais pas trop sur le sujet de la vie
après la mort, en dehors du paradis et l’enfer. Mais j’ai besoin de faire ça pour
lui. Alors on y va petit à petit tous les trois et je sais que dans trois ou
quatre ans, nous y arriverons. Je nous en sens capables, et d’ici là, je pense
aussi que ce vide que je ressens encore commencera à s’estomper. J’espère en
tout cas qu’en voyant ses accomplissements, son nom ne m’évoquera plus que de
la paix et l’amour.
***Mally LARE AW***
Je devais y passer, je
le sais pourtant je suis nerveux. Il y a cet adage qui dit que les gens gentils
sont souvent les plus durs alors je ne sais pas trop sur quel pied je dois
danser actuellement. J’ai reçu une date ainsi qu’une heure, alors je me prépare
comme si j’allais à une entrevue. Je revois mentalement les différents points
de mon argumentaire, ajuste bien mon col, puis je m’assois devant mon poste et lance
l’appel vidéo WhatsApp.
— Oui, il dit
après avoir décroché. Même pas bonjour ou bonsoir. Pas de sourire. Il est assis
seulement dans son fauteuil, lunettes à ses yeux et fixe l’écran. Seule sa
femme m’a salué.
— Bonsoir à vous,
je réponds simplement. C’est aujourd’hui que je vais sortir toutes les vieilles
coutumes que Zizèle s’est fatiguée à nous inculquer. Quand un adulte et un
enfant se parlent, c’est l’adulte qui mène la conversation. Tu n’ouvres pas ta
bouche pour dire les « ça gaze » comme si le père de quelqu’un était ta moto
vespa. Mine de rien elle me manque cette vieille.
— Ah bon ? Tu souris donc parce que tu es fier hein.
— Oh non non hein
moi je n’ai pas souri hein tonton, je n’ai pas…, je commence à paniquer et il m’interrompt
sèchement.
— Donc en plus de
te mettre sur le chemin de ma fille, tu veux maintenant me dire que je vois mal.
Ou je dois changer mes lunettes.
— Je n’oserai
pas. Je suis désolé d’avoir souri, je réponds ne sachant même pas si je l’ai
réellement fait ou pas.
— Je pensais que
tu allais oser. Comme tu as déjà tout osé dans cette vie, qu’est-ce qui t’empêche
de faire ça ? Ose même monter sur ma tête
pendant que tu y es.
Je la boucle fermement
pendant qu’il radote et me provoque. Règle numéro 2 de Zizèle. Quand un
adulte t’insulte, tu te tais même si tu sais que tu as raison. Tu attends qu’il
finisse et tu demandes la permission avant de répondre. Les règles archaïques
comme ça. Je vais démonter correctement Snam en retour pour me soulager.
— Alors ? Ta bouche ne fonctionne pas ? Ou tu sais l’utiliser seulement pour me
détourner l’enfant du droit chemin ? il me
provoque encore.
— Je suis désolé de
ce qui arrive tonton. J’admets que j’ai été négligeant avec Snam, mais c’était
une première et dernière fois. Elle retournera sans faute sur le chemin où je l’ai
trouvé. Je m’y engage.
— Avec quoi ? Ta petite mèche qui pendouille sur ton front
là ? Même les locks tu ne peux
pas faire correctement.
Dois-je lui rappeler
que c’est sa fille qui m’a fait ça ? Mieux je
me tais.
— D’ici la fin de
ce mois, je vais commencer à travailler. En dehors de ça, j’ai un leg, des
investissements auxquels je n’ai pas touché en dehors de mes études qui nous
servira de fonds d’urgence au besoin. Dans trois mois, j’aurais passé la probation
alors je pourrais doter Snam si cette période vous convient.
— Hum, trois mois
tu as dit ?
— Trois, très exactement.
Ses études, son transport, la préparation pour l’enfant, je vais m’occuper de
tout.
— As-tu pleinement
conscience du fait que peut-être ton enfant aura sa maladie ? Parce qu’argent mis à part, c’est aussi un
détail à ne pas négliger.
— Je sais tout de
sa maladie et je l’ai toujours aimée telle qu’elle est tonton. Je connais les
allergies qu’elle a développé à un moment même si on n’a jamais pu établir le
lien avec son état. Je sais ce dont elle a besoin. Et si mon enfant est comme
sa mère, je l’aimerais tout autant. Ils sont ma priorité actuellement tous les
deux.
— Ciara ? il dit et tourne sa tête vers sa femme.
— Bon je n’ai pas
grand-chose à ajouter sinon que le secret pour être de bons parents c’est l’entente.
Si vous avez besoin d’aide, n’hésitez surtout pas à faire appel. Je l’ai dit à
Snam et nous sommes aussi là pour ça.
— Merci tata.
C’est fini. L’humain
peut enlever son bouton de chemise et respirer la poitrine dégagée. Ce n’est
que de courte durée parce que je dois me préparer pour le travail. En réalité
je bosse déjà. J’ai accepté une place de développeur junior en langage Java pour
une boîte. Ce n’est pas de l’animation, mais on nous forme aussi à être des
codeurs donc je n’allais pas faire la fine bouche quand j’ai deux bouches à nourrir.
Je ne l’ai dit à personne en dehors d’Elikem que j’ai listé comme personne à
contacter en cas d’urgence, puisqu’on me l’a demandé. L’idée étant que j’aime
et préfère avoir une longueur d’avance. D’ici les trois mois que j’ai demandés
à tonton, j’aurais au moins cinq mois d’expérience et une épargne plus élevée
donc, mon cou ne sera pas trop gonflé lorsque je me présenterai là-bas. Je ne
le dis pas à Snam pour qu’elle ne se mette pas la pression de chercher quelque
chose aussi parce qu’on se connaît. Elle a déjà commencé à me parler de tutorat,
et je ne suis pas contre, puisqu’elle pourra continuer ses études aussi. Mais
plus que ça je ne veux pas. Et je n’ai pas prévu toucher à mon héritage pour le
moment. Deux générations avant moi me l’ont offert et grâce à leurs sacrifices
j’ai étudié et vécu pendant des années dans ce pays sans avoir besoin de
prendre un crédit. Alors je prévois fructifier ce qui me reste dans mes projets
et le léguer aussi à mes enfants, qui devront faire pareil. Ah je vais même le
mentionner dans mon testament parce qu’il est hors de question que je me malmène
maintenant et qu’un autre dans cinquante ans, dilapide tout en vivant la belle
vie comme si moi je n’aimais pas aussi bien vivre pfff. Façon ça m’énerve que
je doive sortir à 17 h 47 de chez moi parce que je commence à
travailler à 18 h hein. C’est l’été. Seattle est en effervescence comme d’hab.
Les années dernières je me revois monter de Redmond à la grande ville (Seattle)
avec mes potes pour des virées de fou, à jouer ou être en boîte jusqu’à 3 h
du mat.
Aujourd’hui je vais m’enfermer
pour 7 à 8 h de travail dans un immeuble, tout ça parce que les shifts de
nuit paient 2 $ de plus que ceux de jours. Le préservatif ne m’aurait même
pas coûté 2 $. Bref, je l’aime mon bambin et il n’a pas intérêt à faire le
coq avec moi quand il sera petit, parce que la façon dont je vais le frapper. Sa
mère pourra même m’en vouloir au point de me refuser le sexe pour six mois.
***Elikem AKUESON***
Il y a des gens qui
aiment les problèmes. Je ne sais pas qui ils sont, mais Belle est en tête de ce
convoi. C’est elle qui a commencé à plaider la cause de Mally chez ses amis. Elle
a même appelé tata Ciara un peu avant que mon frère ne contacte tonton Magnim.
La raison ? Elle voulait être présente
au cas où Mally irait déconner là-bas. C’est la même Belle qui demande
maintenant à tonton Magnim pourquoi il a été gentil aussi gentil avec Mally.
— Encore une fois
il va croire que la vie est facile, jusqu’à c’est même lui qui fixe la date à
laquelle il viendra doter Snam. On a entendu ça où ? elle continue à rouspéter.
— Tu voulais que
je dise quoi de plus Bella ? Tu ne
vois pas que ton fils est déjà avancé sur ce plan ?
— Hein, mais, l’effrayer
un peu non ? Comment on sait qu’il ne
recommencera pas demain ?
— Belle il faut
laisser, c’est toi-même qui as plaidé et ça a fonctionné, tata Ciara se moque.
— Il arrive
toujours à me faire oublier mes résolutions le concernant parce qu’en temps
normal je ne voulais pas m’en mêler, elle rouspète et me fait sourire.
Je les laisse dans
leur petite comédie et vais au salon pour retourner l’appel de Snam.
— La nouvelle
maman, je dis quand elle décroche.
— Il paraît oh, elle
répond d’une voix où transpire une joie immense. Je suis contente de l’entendre
ainsi parce que mon frère m’avait raconté leurs débuts.
— Je te demande
comment tu vas encore.
— Lol, je vais bien
et toi ?
— Je vais bien depuis
qu’on m’a annoncé que je serais tata. Alors je viens faire mon devoir de tante
en prenant de vos nouvelles, et savoir comment je peux aider.
— Oh euh…je vais
vraiment bien hein Elie. Le bébé est plutôt gentil avec moi donc il n’y a vraiment
rien à faire en dehors de mon corps qui le fait grandir quoi, elle dit et rigole
sur la fin.
— Tu n’as pas de
besoins ? Fais-moi une sorte de
spreadsheet d’ici une semaine comme ça je te fais des virements.
— Hein ? Genre des virements d’argent ?
— En dehors de l’argent
je ne sais pas ce qu’on vire d’autre hein King, je dis amusée.
— C’est que….tu
es sûr ? Tu n’as pas fini tes
études. Si c’est pour les choses de baby shower, on n’est pas encore arrivé là-bas
hein.
— Si je te le dis,
c’est que je peux Snam. Et ce n’est pas pour le baby shower, mais toi. Tu es
encore aux études et tu dois les finir, grossesse ou pas, alors je m’en occupe.
Mais pas un mot à la tête de noix de Mally, je dis et elle rigole.
— En fait, c’est
que…euh papa aussi m’a dit pareil, alors côté études ça va.
— Je sais que ton
père ne te laisserait pas tomber maintenant, mais c’est de notre côté que tu
viens désormais alors libre à toi de prendre l’argent pour tes études ou bien tu
ouvres un compte pour le petit. C’est à toi de voir.
— Snam tu n’es
quadruplement rien, la folle d’Océane qui me dévisageait depuis que je parlais
finit par dire.
— Euh c’est qui
ça ?
— Une rombière…aïeuh,
je crie et rigole parce qu’elle m’a donné un coup de pied.
— C’est ta maman
la rombière hein, elle rigole en retour.
— Je suis encore
dans cette maison vous deux, maman nous dit depuis ma chambre.
— Bon Snam, je
vais te laisser. Tu pourrais me tenir au courant de comment se déroule la
grossesse si ça ne te déran…
— Bien sûr que
oui, toi aussi. C’est juste qu’il n’y avait rien de nouveau en dehors de la
photo du scan que je vous ai envoyé. Mais je vais le faire régulièrement même
si tu risques de trouver ça ennuyant à un moment, elle dit avec humour.
— Envoie d’abord
et on verra si je trouverais ça réellement ennuyant comme tu dis, je réponds amusée
aussi.
On se quitte après
quelques mots et Océane reprend ses choses.
— Dis à Snam qu’elle
a volé mon mari. On peut être chanceuse comme ça ? Le gars pressé pour elle check, les belles-sœurs
qui courent pour la mettre à l’aise check, la belle-mère qui sait bien gâter les
gens check, le beau-père charismatique qui donne les vrais conseils check, le
futur bébé tout mignon de l’amour check, la jeunesse, la beauté, l’intelligence
triple AAA même. Tata Belle ne raccroche pas. Tata Ciara doit me dire le savon
qu’elle a utilisé pour laver sa fille, elle dit et me quitte sans même que j’ai
le temps de répondre.
***Romelio BEMBA***
Ce bébé a emmené l’effervescence
dans la famille. Ce n’est certes pas le premier puisqu’il y a Lucile de Laith,
mais je ne l’ai jamais vu la petite. On s’est écrit quelques fois histoire de
se connaitre avec Thierry Laith, mais en réalité nous sommes des étrangers. Il
est cordial, mais si des liens doivent se créer ça ne sera que dans l’avenir.
Alors pour nous le bébé de Snam est un peu le premier. De surcroît, c’est le
petit de nos petits. On les a vus grandir sous nos yeux ces deux. Je me
souviens des journées où je passais prendre Snam pour l’emmener chez les Lare AW.
Alors je lui ai demandé de m’envoyer en premier la liste des cadeaux pour le
baby shower dès qu’elle l’aura fait. Elle m’a avoué que l’effervescence la
dépasse un peu parce que chacun sort avec une nouvelle au fur et à mesure que
les jours avancent. Je lui ai donc recommandé de prendre en note l’essentiel
par ordre, pour justement éviter de se sentir envahie à un moment donné, parce
que je connais le petit groupe qu’on forme. Mon oncle déjà risque d’en faire
une tonne quand l’enfant sera au monde. Sa première fois d’être papi, après cette
dure année qu’on a eue. Oui je le sais.
— Ça ne te donne
pas envie ? Jennifer me demande et
me tire de ma rêverie.
— Quoi ça ?
— Tout ça. Tu regardes
déjà des tenues de bébé, je sais que ça te donne envie chéri, elle me dit en se
rapprochant de moi sur le lit puis colle sa tête à mon bras.
— Oui ça donne
envie, mais…
— Et si le, mais
disparaissait pour nous ? On
pourrait aussi avoir le nôtre.
— Tu es en train
de me dire que tu veux reprendre l’adoption ?
— Je…oui,
pourquoi pas ? On pourrait recommencer.
— Tu es sérieuse ? je demande tout en l’observant.
— C’est ce que tu
veux depuis mon amour, et je veux te donner ce dont tu as besoin.
— Et ce que tu m’avais
dit concernant la difficulté à tisser un lien avec des enfants qui ne sont pas les
nôtres ?
— J’étais au plus
mal Romy, moralement ça n’allait pas alors j’ai raconté n’importe quoi. Mais je
sais que je le peux.
— OK, on en
reparlera au bon moment.
— Bon moment ? Pourquoi pas maintenant ?
— Maintenant c’est
la venue de mon neveu ou ma nièce qu’on prépare. Je ne veux pas leur voler la
vedette.
— Voler la
vedette alors que tu ressentais le besoin bien avant eux ? Qu’est-ce que ça change qu’on commence maintenant ? La dame qui s’occupait de notre cas avait dit
de toute façon que les formalités prendraient neuf mois à un an voire plus,
alors autan s’y prendre tôt.
— Je ne veux pas que
ça soit maintenant Jennifer. Il y a quelques mois ton discours était différent
alors je préfère qu’on attende un peu. Ce n’est pas une décision aussi légère
que d’acheter des chaussures et les jeter dans les placards parce que
finalement on ne les aime plus.
— Je ne suis pas
conne non plus. Je sais ce que ça implique d’avoir un enfant.
— Alors pourquoi
tu dis que tu le fais pour moi ?
— Oh, mais c’est
juste une façon de parler. C’est comme toi qui as fait ta vasectomie pour moi.
— Nuance, je l’ai
fait pour nous. Je voulais une solution radicale pour nous alors j’ai choisi l’option
la plus simple. Raison pour laquelle tu ne m’entends jamais en parler ou te
dire que je regrette. Je connaissais les enjeux et ce dans quoi je m’impliquais.
Tu sais ce que veut dire avoir un enfant d’un autre ? Si l’enfant se met à taper des crises un
jour, te parle mal, tu es certaine que tu ne te tourneras pas vers moi pour me
dire qu’il est trop difficile, que tu n’y arrives pas ? Je touche du bois, mais tu es sûr que si à l’avenir
il prenait une voie déconseillée comme devenir un fumeur ou que sais-je encore
tu aurais assez d’amour pour être là ?
Elle n’a même pas besoin
de répondre. Je lis déjà l’appréhension dans son regard.
— Il ne prendra
pas cette voie. On l’éduquera comme il faut, et on priera.
— On le fera, mais
personne ne connaît l’avenir. Même si on nous montre qu’à 30 ans il est un
adulte responsable, on ne saura pas comment il a été durant sa vingtaine pour
arriver là. Je ne pourrais pas éduquer un enfant et simultanément être ton
guide dans cette aventure parentale. On doit être au moins au même niveau pour
ça. C’est ce que je veux si tu veux tout savoir.
— Donc en gros,
je serais une mauvaise mère selon toi quoi, elle ironise.
— Nous n’y sommes
pas encore alors pourquoi tu veux mettre des mots dans ma bouche ? Nous avons tout le temps pour nous préparer
et si ton désir est toujours présent, disons l’année prochaine, on pourra y
penser.
— Tu auras 34 ans.
— Et ?
***Jennifer BEMBA***
Un mur. C’est ça qu’il
est quand il a pris une décision. Je me couche avec la frustration. Ma mission
initiale c’était de lui faire accepter la PMA avec mère porteuse qui commencerait
bien sûr par le renversement de sa vasectomie, mais j’ai flanché quand il a
lancé l’adoption. Je n’ai pas eu le courage de dire l’autre, mais je pensais qu’en
lui offrant l’adoption, il serait si heureux que l’an prochain on pourrait
justement essayer pour notre bébé. Ma mission est un vrai échec. Comment on
peut avoir envie d’un enfant comme lui et en même temps être réticent à ce
point ? Plus les années passent
plus mon mari est une énigme pour moi.
P.S : imaginez le
carnet de Snam actuellement. 1-ne pas dire à Mally que papa a dit…. 2-ne pas
dire à Mally que Elikem a dit…; et il y en a encore en chemin.