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Write by Gioia


Vingt-sixième partie


Belle Mally


Je vois ma fille pour la première fois. La toute première fois après un nombre incalculable d’interventions. On me croyait juste anémiée mais trois jours après ma césarienne j’ai fait une rechute parce que j’avais des symptômes comme si j’étais encore en travail. Je sentais les contractions. Les vomissements ne cessaient pas. Des échographies et tests j’en ai fait pas mal. Et aujourd’hui j’arrive à me tenir sur mes pieds même si on me l’a interdit. Je voulais voir mon bébé. La toucher mais là je n’arrive pas à m’arrêter de pleurer. Maman me nettoie le visage et le nez mais rien n’y fait. Le pédiatre néonatal en charge d’elle m’explique comment elle va depuis la naissance. 


Eli: Elle pesait 774 grammes à la naissance et 800 aujourd’hui. Nous faisons des progrès. 


Belle: mais....mais....elle.....c’est quoi le truc sur sa peau? 


Eli: oh ça? Pas de panique, ce n’est que le duvet qui permet au vernix de rester collé à la peau des bébés dans le ventre afin de les protéger contre les effets de la constante exposition au fluide amniotique. En général il disparaît bien avant la naissance mais comme la guerrière Xena voulait nous faire un coucou à l’avance, elle a décidé de tout nous ramener 


Gisèle: eh le nom là est encore de retour doteur? 


Eli: oui Tant que tu continues à m’appeler docteur moi aussi je garde ça maman, il a répondu avec humour ce qui fit rire les infirmières autour 


Mais moi je n’arrivais pas à ressentir son humour. Mes yeux étaient sur cette petite créature et mon coeur est anéanti. Elle a un tube dans son nez. Un tube bien trop grand pour un si petit visage. 


Belle: est-ce.....est-ce qu’elle a mal? 


Eli: mais non. Elle est actuellement entrain de dormir paisiblement. Ici nous gardons tous un œil sur elle pour qu’elle ne souffre pas du tout. Pas vrai maman? 


Gisèle: oui c’est ça que je lui ai dit depuis là hein 


Belle: mais...mais...pourquoi elle est.....maman......pourquoi elle est toute fragile......


Gisèle: eh c’est fini Belle. Elle est petite mais elle va grandir. C’est fini, ne pleure plus 


J’ai essayé de me reprendre mais les sanglots m’ont secoué. Le pédiatre m’a pris par les épaules pour me conduire dans une pièce que j’imagine être son bureau. Maman était avec nous. Il m’a fait asseoir sur une chaise et s’est accroupi devant moi. 


Belle: je suis désolée.....j’ai......


Eli: ne soyez pas désolée pour vos larmes. Toute maman aurait le cœur en miettes de voir son bébé dans une condition comme celle d’Elikem. Aujourd’hui on peut pleurer mais juste aujourd’hui d’accord? Demain on se regroupe et on continue de l’encourager parce qu’elle nous écoute. Les mots positifs l’aident


Belle: ......c’est....v.......rai? J’ai demandé en reniflant 


Eli: Mais oui pas vrai maman?


Gisèle: oui la dernière fois je lui ai raconté une histoire du village, elle a pas aimé oh. Elle a même froncé le visage. 


Belle: oh maman...j’ai dit en riant malgré mes larmes 


Eli: Elle connaît déjà ce qu’elle aime notre guerrière Xena. Même la chemise que j’avais hier elle n’aimait pas hein maman. Elle a commencé à pleurer dès que je suis entré au NICU 


Gisèle: elle ne parle même pas qu’elle veut déjà commander. C’est toi ça Belle. C’est ce que tu lui as appris 


Belle: comme si ce n’est pas toi qui est ainsi.....merci, j’ai dit en prenant le mouchoir pour me nettoyer le visage puis me moucher


Eli: Elle a fait des progrès. Son rythme cardiaque n’est certes pas encore régulier mais elle tient fort. Il nous reste quelques problèmes à corriger et nous allons le faire ensemble 


Belle: d’accord E....je peux t’appeler Eli? 


Eli: seulement si tu permets que je t’appelle aussi Belle sinon c’est l’homonyme d’Elikem pour toi 


Belle: ça me va, j’ai dit en souriant 


Eli: parfait alors. Je retourne auprès de notre guerrière. Toi Belle tu dois retourner en chambre et ne discute pas. Je sais déjà que tu es venue au NICU contre les recommandations de ton médecin. Est ce que tu te sens prête à fournir du lait un peu plus tard? 


Belle: je....j’ai jamais essayé


Eli: une sage femme passera te donner un coup de main avec. Je pense qu’il doit.....attend je dois avoir une pompe quelque part, il a dit en se levant 


Il a même fait tomber les choses et s’excusait pour sa maladresse 


Gisèle: maladresse là va finir un jour? 


Belle: ah maman toi aussi un peu de tenue 


Eli: merci de lui dire. Elle aime trop être sur mon dos pourtant je lui ai dit que je ne porte que les bébés là-bas moi, il a répondu en tirant la langue à maman 


J’ai compris que j’avais mis ma bouche dans une vieille querelle entre amis il semble. Il est revenu avec une pompe et m’a aidé à me lever 


Belle: je...je peux prendre


Eli: Au nom de quoi? Allez je te ramène en chambre on y va 


Il a mis la pompe sous son bras puis m’a pris la main avec celle qui était libre. Maman me tenait l’Autre bras pour m’aider parce qu’en réalité j’ai encore mal au bas ventre en plus de manquer de souffle quand je fais un tout petit effort 


Belle: merci beaucoup Eli, j’ai dit après qu’il m’ait aidé à me coucher 


Eli: je vais demander qu’une sage femme vienne t’assister avec la pompe si tu ne sais pas comment ça fonctionne. Sinon ne te stresse pas pour la quantité de lait que tu peux produire. La première coulée sera plus visqueuse. C’est normal 


Belle: c’est le colostrum? 


Eli: good, tu t’es donc renseignée déjà


Belle: j’avais commencé à lire des livres de grossesse peu avant de rentrer 


Eli: Sounds good. Donc la première coulée sera plus dense et tu fais juste ce que tu peux. Pas d’extra pour t’épuiser. On se comprend? 


Belle: oui 


Eli: sounds good then. Je retourne auprès de mes bébés. On se voit quand je finis ma journée? 


Belle: d’accord à bientôt 


Eli: bye mom 


Gisèle: hein oui babayi 


Belle: il est gentil, j’ai dit après un moment qu’il soit parti 


Gisèle: il est aussi très bon hein. Je ne savais pas moi qu’il y’avait beaucoup de bébés prématurés comme ça dans les hôpitaux. Quand il finit sur Elikem il part voir un autre. Hier même il y’a un qui a finalement eu l’autorisation de sortir. Fallait voir le papa il a pleuré jusqu’à. Il demandait au Docteur Eli que c’est quoi il doit lui donner comme cadeau mah.


Belle: nous on sortira quand alors? 


Gisèle: hum ma fille. Ça c’est entre les mains de Dieu hein parce que c’est pas facile. Vraiment pas facile 


Belle: mais....tu....tu as dit qu’elle allait bien hein.....non? J’ai demandé avec la voix se craquant vers la fin. Si tu me caches quelque chose ma.....


Gisèle: doucement.....doucement, elle a répondu en se déplaçant pour venir me câliner le dos pendant que les larmes se répandaient sur mon visage. C’est pas qu’elle va mal. C’est que il y’a beaucoup de choses jusqu’à je sais pas par où commencer. Les premiers jours elle avait la peau jaune jusqu’à. Ils l’avaient même mis sous une lumière. Eli me disait que c’était la photo quelque chose contre le jaune quelque chose. 


Belle: la jaunisse? 


Gisèle: oui toutoutou (tout à fait). Après bon c’est parti mais paraît son cerveau ne sait pas qu’elle doit respirer oh ou bien c’est son cœur qui est trop petit. Et puis elle a attrapé une infection aussi donc ils lui donnent beaucoup d’antibiotiques or tu sais que c’est pas bon antibiotique là. C’est ça qui a fait mes cheveux sont partis à un moment et maintenant je coupe. Mais le docteur a dit que c’est Vital les antibiotiques sinon l’infection peut être très grave pour son cerveau  donc je sais pas. Je prie seulement que tout ça finisse. 


Et puis il y’a l’affaire d’argent Belle. Tout ce que tu as ramené est déjà fini. J’ai pas fini de payer les traitements que tu as eu après la césarienne. Hier seulement l’infirmière me rappelait que je dois venir payer la tranche requise pour le séjour de Elikem. J’ai demandé un petit délai qu’on m’a donné. Tu sais que je vends les petites choses. J’ai même demandé dans la cour commune si on pouvait me trouver le travail de bonne quelque part. Mais je sais pas comment on va faire ma fille. S’il n’y a pas d’argent ils ne vont plus continuer à s’occuper d’Elikem, elle a dit avec sa main sous son menton 


J’ai posé ma tête sur l’oreiller et mes mains sur mon visage. Je n’ai plus un rond. À son âge maman ne doit plus faire ce genre de travail surtout pour sa santé. Que vais-je faire. 



Farida Bouraima 


Depuis que j’ai été droguée je me tiens à carreau. Plus de sortie. Même Lydie je ne la vois plus parce que je comprends pas comment j’avais laissé mon verre à côté d’elle et on a réussi à me droguer. Tao m’a passé le savon de ma vie. Je n’ai jamais été aussi grondée par un homme. Je me suis fait toute petite durant les trois semaines qui ont suivi. Puis nous sommes redevenus complices bien qu’il me rappelle qu’il va me faire payer la nuit de torture que je lui ai fait subir au point qu’il a dû m’attacher au lit, et dormir par terre parce qu’il avait peur que quelque chose m’arrive s’il me laissait seule. Je suis pas mal sûr d’avoir des sentiments forts pour lui mais comme il n’a pas dit je sais pas si je dois. J’attends qu’il me dise mais je pense enfin j’espère que lui aussi en a pour moi. Nina me dit que je me raconte des histoires en jouant là-bas et je vais vite me réveiller. Des fois ça me fait peur parce qu’elle a dit qu’un homme ne reste pas sans sexe longtemps. Si ce n’était que j’avais absolument confiance en Tao j’aurais donné foi à ce que Nina me dit mais j’essaie de me calmer même si c’est pas facile parce qu’il a plein de collègues mon chéri. Et elles appellent tout le temps son téléphone. Il y’en a qui restent avec lui pendant une heure. Comme celle qui est avec lui actuellement. Je n’aime pas ça mais je sais pas si je peux lui dire de raccrocher donc j’ai déposé mes pieds sur ses jambes. Il l’a pris un dans sa main et le câlinait tout en continuant son appel. J’allais me blottir contre lui quand on a sonné à notre porte. Je me suis levée pour aller voir. Magnim est le seul qui vient souvent et depuis on a plus de ses nouvelles. Moi en tout cas je n’en ai plus. Il ne vient plus ici. Tao aussi ne me parle pas de lui sauf pour me répondre selon toi quand je demande comment va notre ami. 


J’appuie sur l’intercom pour demander qui c’est et voilà la voix de maman qui me revient 


Farida: oh maman? C’est toi? 


Ma’a Tao: oui ma fille. Pardon je suis fatiguée avec les valises 


Farida: j’arrive. Tao? Maman est là, j’ai crié avant d’enfiler mes chaussures et de descendre en vitesse 


Elle était bel et bien là avec deux valises dans notre hall mais Tao ne m’avait pas prévenu de sa visite. Lui même était derrière moi. 


Tao: tu fous quoi ici toi? Il a demandé tout aussi surpris 


Ma’a Tao: je peux au moins entrer et avoir l’eau avant qu’on me fatigue? 


Farida: laisse je prends le trolley  et les deux valises Tao. Toi tiens les portes à maman 


Tao: parce que tu es trop forte n’est ce pas. Bouge vite 


Il a dit en me retirant les valises en plus du trolley 


Farida: mais chéri c’est lourd et....


Ma’a Tao: ah laisse le monsieur dit qu’il veut se muscler. Il n’est pas grand de taille pour rien 


Tao: ne prends pas ça comme une excuse pour venir me faire chier après, il a dit avec humour 


Farida: le langage Tao. C’est maman quand même, j’ai répondu amusée 


Ma’a Tao: si tu n’étais pas là pour le recadrer ma fille je ne sais pas ce que j’aurais fait.


J’ai pouffé de rire avant d’enlacer ma maman adorée. Elle nous avait ramené plein de trucs à manger de Lomé comme d’habitude. Tao lui a expliqué qu’on trouve tout à Château Rouge mais elle s’en fiche maman. Toutes les fois qu’elle vient on a droit à de la bouffe directement faite au pays. Le piment séché et écrasé, les poissons fumés. Même l’igname elle a déjà découpé, congelé et mis dans les petits sacs pour emmener sous prétexte Tao aime manger l’igname frite. 


Après avoir bu l’eau, elle a bien tiré les oreilles à tao à cause des livres qui traînent toujours sur la table à manger puis le fait qu’il ait perdu un peu de poids. Puis elle l’a envoyé lui acheter son jus préféré à Lidl. 


Farida: c’est que j’étais tellement prise par le travail maman mais je te promets de bien nourrir Tao avec la rentrée qui commence j’aurais les soirées de libre, j’ai dit quand tao était parti 


Ma’a Tao: ah ne te dérange pas avec ça. Je le taquinais seulement


Farida: lol d’accord. Toi même tu as très bonne mine hein 


Ma’a Tao: ah bon? Pourtant mamy dit que je suis vieille 


Farida: yeee mamy aime trop parler sur toi mais ne l’écoute pas. Je suis sûr qu’en secret elle rêve de devenir comme toi quand elle sera à ton âge 


Ma’a Tao: hey bon si tu me dis comme ça je vais accepter, elle a répondu en riant. Sinon tout va bien ici? 


Farida: oui oui j’ai hâte que l’école reprenne 


Ma’a Tao: les sorties le soir là je ne veux plus hein. 


Farida: oh....j’ai dit embarrassée qu’elle soit au courant 


Ma’a Tao: C’est pas pour ça que tu es là mais l’école 


Farida: oui désolée tu as raison. J’ai promis à Tao de ne plus faire 


Ma’a Tao: bon voilà aussi pourquoi je venais parce que tu m’as dit que tu n’arrives pas à être une femme au lit avec mon fils 


Là je priais seulement que le sol s’ouvre et m’engouffre. Je n’ai absolument pas de souvenir de ça.


Ma’a Tao: je suis venue avec quelques herbes du pays pour t’aider parce que ça là c’est pas bon du tout comme problème. Tu aurais même dû me le dire depuis le début 


Farida: je....je savais pas. Et puis c’est.....comme ça regarde aussi Tao...


Ma’a Tao: donc quoi? Je l’ai lavé jusqu’à ses six ans hein. C’est mon fils donc tout ce qui le concerne me concerne. Voici les herbes. Tu mets dans ton eau pour faire la toilette 


Farida: c’est qu’on suit un spécialiste et elle a dit que c’est pas une maladie physique mais psychologique maman. Je ne pense pas que les herbes peuvent changer quelque chose sur ça 


Ma’a Tao: tu ne sais pas que les herbes aident pour tout? Même les médicaments des blancs ce sont sur nos herbes qu’ils ont copié pour les créer. J’ai toujours bu les tisanes moi et je n’ai eu aucun problème à remplir mon rôle de femme avec mon mari.


Farida: d’accord je vais le faire 


Ma’a Tao: pardon aide moi aussi avec mon téléphone. 


Farida: tu veux faire quoi? 


Ma’a Tao: aller dans les photos


Je lui ai pris et j’y suis allée 


Farida: voilà, j’ai dit en lui remettant puis me reculant pour lui donner de l’intimité 


Ma’a Tao: non viens on regarde. 


Farida: ce sont tes autres enfants? Oh elle est belle ta fille 


Ma’a Tao: non non toi aussi. Ce sont les filles de bonne famille que je connais. Tu peux regarder et choisis une pour la deuxième femme de Tao. 


Farida: ......


Je me suis détachée et je l’ai regardé un moment 


Ma’a Tao: ne t’en fais pas. Moi même je les connais. Elles sont très paisibles comme filles. 


Farida: ma.....maman tu....tu....dis quoi? 


Ma’a Tao: il faut bien que Tao ait un enfant pour avoir accès à son héritage surtout qu’il va avoir 25 ans bientôt. Mais comme tu n’arrives pas à remplir ton rôle, elle va faire les enfants d’abord. Comme ça tu as même le temps de te concentrer sur l’école et que les herbes fonctionnent 


Mon cœur battait à vive allure. J’avais envie de crier mais rien ne sortait comme son. Choisir une deuxième femme pour mon Tao? Elle rêve? 



Belle Mally 



Ce n’est pas une bonne idée que tu sortes maintenant me disait le docteur Coleman 


Belle: je sais mais je vais mieux récupérer si je suis avec ma mère à la maison 


Coleman: au contraire tu seras dans un environnement inconnu. Tu peux facilement reprendre une infection. Ce n’est pas l’idéal.


Belle: je vais faire très attention. Ne vous inquiétez pas. Et puis ma mère est très propre. Je pense que ça ira 


Coleman: Hum. Okay. Dans ce cas je vais faire préparer la décharge pour que tu la signes, mais encore une fois je tiens à te préciser que c’est une mauvaise décision 


Belle: ça va aller Dr Coleman, je suis sûr, j’ai essayé de dire avec un sourire confiant 


Elle est partie et une infirmière venait par la suite m’aider à me préparer. On a pas d’argent donc ce n’est pas le moment que je reste ici couchée quand ma fille a besoin de moi. Être une maman ce n’est pas juste pleurer d’angoisse. Je ne l’ai pas fait venir au monde pour lui imposer la souffrance même si je ne m’attendais pas à de telles conditions. 


Le docteur est revenu une heure après avec la décharge que j’ai signé. J’ai rangé mon sac et je suis passée au NICU pour voir mon bébé avant de m’en aller 


Eli: okay? Pourquoi on est dans des vêtements réguliers? 


Belle: on m’a libéré 


Eli: déjà? Il a demandé avec un air surpris 


Belle: oui comme je me remets bien 


Eli: felicitations. 


Belle: merci. mais je vais revenir voir Elikem tous les jours. Quand est ce que je peux venir? 


Eli: quand tu veux Belle. Je suis ici moi jusqu’à 22h en général. 


Belle: il n’y a pas d’heure de visites? 


Eli: disons que pour toi non. 


Belle: tu n’auras pas des soucis avec ton chef? Je veux pas te causer les problèmes 


Eli: je préfère avoir des soucis avec mon chef que ma guerrière. Tu devrais voir comment elle a agrippé mon doigt tout à l’heure quand je lui ai demandé si je gardais la barbe ou j’enlève. Elle n’aime définitivement pas que je la dérange avec mes questions 


J’ai essayé de sortir un sourire correct à son anecdote au lieu de pleurer. La main d’Elikem est si petite qu’elle ne pourrait même pas faire le tour de son doigt mais il me raconte ses histoires avec tellement d’entrain que ça me réchauffe le cœur. Ça me fait du bien de savoir qu’elle n’est pas toute seule bien que nous soyons séparées à cause de l’incubateur. 


Eli: tu veux la toucher? 


Belle: oh....non....non je veux pas la déranger 


Eli: lol maman moi je la dérange. Toi tu ne peux jamais la déranger. Je suis sûr qu’elle rêve de sentir ta chaleur 


Belle: ....tu....tu vas m...m’aider? Je...je veux pas....lui faire mal 


Eli: bien sûr, regarde par ici, il a dit en se mettant derrière moi pour prendre mon bras qu’il a introduit par un trou de l’incubateur 


J’ai avancé timidement le doigt et je l’ai posé dans sa petite paume.


Belle: ma perle, c’est......c’est maman.....je....je suis là.....je suis toujours là.....je vais partir juste un peu....mais je promets, je vais revenir ma petite perla......j’ai dit en m’effondrant quand elle a serré un tout petit peu mon doigt 


Je m’étais promis de ne plus pleurer mais j’y arrive pas. Je n’arrive pas à m’arrêter. J’ai collé mon front à l’incubateur et j’essaie de lui dire tout ce que je n’ai pas pu depuis sa naissance. Si c’est vrai qu’elle m’écoute je prie que ça l’aide à tenir 


Belle: je n’ai que toi comme motivation maintenant s’il te plaît Per.....Elikem....je te jure que je vais trouver un moyen pour qu’on sorte d’ici mais j’ai besoin de toi. J’ai besoin que tu t’accroches avec moi mon bébé. Je t’aime. Je t’aime depuis que j’ai découvert ton existence. Tu n’es qu’un tout petit être mais tu es mon monde. Mamie et moi on a hâte que tu sois avec nous à la maison. Je pars juste pour un moment mais n’aies pas peur je vais revenir je te promets, j’ai dit puis je lui ai envoyé un bisou aérien. 


Quand je me suis retournée, des mouchoirs m’attendaient de la part du pédiatre Eli. Des infirmières m’encourageaient de ne pas me laisser abattre et prier fort. 


Belle: merci à tous. Merci pour tout ce que vous faites pour elle. Merci Eli. J’y vais mais je te la confie 


Eli: compte sur moi et fais attention. 


Belle: d’accord. À demain 


Eli: prend mon numéro au cas où. 


Je l’ai noté puis je suis passée à l’accueil signer encore d’autres documents avant qu’on me laisse. La fille m’a rappelé le montant du paiement en retard puis le suivant. Montant qui m’a donné le tournis en l’entendant. Je marchais clopin clopin-clopant en sortant de l’hôpital. Maman ne sait pas que je rentre et j’ai préféré comme ça. J’ai sorti mon téléphone pour vérifier ce que j’avais comme unités. 500 francs. J’ai pris une pause pour me reposer un peu et appeler Ciara mais sa ligne était déconnectée. J’ai dépassé plusieurs fois le numéro d’Antoine, le cœur battant la chamade. Quand nous avions couché ensemble il m’avait par la suite envoyé de l’argent en me disant pour le plan B vu qu’on ne s’était pas protégé. Il m’avait envoyé beaucoup d’argent qui a servi à la moitié de mon billet donc l’appeler maintenant c’est bizarre mais j’en peux plus au stade où je suis. J’ai essayé et ça n’a pas marché. J’ai fermé mes yeux et je me suis répétée sans cesse que les israélites ont marché quarante ans dans le désert. Une heure trente de marche ne va pas me tuer. 



Gisèle Mally 



Si Elikem ne me tue pas c’est Belle qui va le faire. C’est quelle idée de marcher quand tu as encore les plaies non cicatrisées? Elle est arrivée ici avec les bandes saignantes et portée par des jeunes du quartier. À ce stade je n’ai même plus les mots. Je me suis occupée de ses bandages et j’ai donné mon téléphone quand elle m’a demandé


Belle: ne t’en fais pas maman je vais trouver une solution je te promets 


Gisèle: .......


Belle: je peux faire un appel avec ton téléphone s’il te plaît? 


Gisèle: tu as le téléphone dans tes mains non? Voilà. J’ai dit en sortant de la chambre. 


Belle Mally


J’ai transféré 300 francs des 500 que j’avais au numéro de maman parce qu’elle n’avait que 50 francs comme crédit. J’ai tenté la ligne de Ciara encore mais elle était toujours inaccessible. Puis j’ai essayé celle d’Antoine. La première fois il n’a pas décroché quand ça sonnait. Puis la deuxième j’ai finalement entendu du bruit 


Belle: Antoine c’est.....


Antoine: C’est fini entre nous Belle, comprend le! Puis il a raccroché quand je disais notre bé....


J’ai essayé de l’appeler encore mais rien. Je lui ai finalement envoyé un SMS. 


Antoine, j’ai eu mon bébé prématurément. Même pas un bébé de sept mois Antoine. S’il te plaît je ne vais rien te demander après ça. J’ai juste besoin de quoi pour payer ses frais d’hôpitaux et je ne te dérangerai plus jamais! Je vais te rembourser quand je reviendrai en France, Je te le jure! 


Cinq minutes après il ne répondait pas. Dix minutes toujours rien. Quinze, maman était revenue me trouver en sanglots dans mon lit. Il m’a acheté un ordinateur qui coûtait plus de mille euros. Un ordinateur que j’ai ramené ici. J’ai eu une voiture. Il a envoyé un cadeau à maman mais il veut pas m’aider pour juste mon bébé. 

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