Chapitre 11
Write by sokil
Chapitre 11 :
Placide me déclarait tout simplement une guerre ouverte ; c’est ainsi que j’appris, à travers son message qu’il était arrivé au pays, après quatre mois d’absence ; son message était si cru, si froid et si menaçant que je le lu et le relu plusieurs fois avant de le montrer à ma tante. Le message en question disait :
« Sache que je ne vais pas te pardonner ça, jamais ! Jamais !!!! Tu as fini par la tuer ma mère ! Tu n’es qu’une sorcière !!! Tu ne t’en sortiras pas, je te promets ! »
Ma tante n’en crut pas ses yeux, encore moins moi.
- Il se prend pour qui ? C’est plutôt lui le sorcier ! Avec sa pute là ils l’ont finie ! Et il t’accuse que tu as fait comment pour l’atteindre ? Et de quelle manière ? Tsuiiip !!!
- Je … ne sais pas ! Regarde de quelle manière il me signale son arrivée ! Même pas un bonjour !
- Aka !!! On s’en fiche ! S’il se sent déjà menacé il n’a qu’à bien se tenir ! Je crois que les prières et tout ce qu’on fait ont des effets !
- Je ne fais que me défendre et me protéger !
- Sinon tu mourrais ! Et ce n’est pas fini ! Regarde comment tu es menacée ! C’est à peine si tu tiens debout ! Il ne faudrait surtout pas l’approcher.
- Je ne sais pas ce qu’il me réserve ! Tout ce que je sais c’est que je n’y suis pour rien ! Je suis innocente, mais tout me tombe sur la tête !
- Je sais ! Tu n’ y es pour rien ! Tu l’as aimé de manière naturelle, et je sais que tu l’aimes encore ! Ca ne fait que quatre mois ; ton cœur est encore fragile…
Mon cœur était presque en miettes ! Je me refusais de l’admettre, mais Placide fut le premier et le seul homme que j’ai vraiment aimé et ça me tuait qu’on en arrive là ! Tout ça à cause d’elle ! Elle était la principale responsable! Je m’en voulais à mort de n’avoir rien vu venir et j’en voulais terriblement à Placide de s’être laissé emporté pour une histoire de matériel, de fric, du bling-bling et même de fesses. Aujourd’hui tout retombait sur moi et c’est moi qu’on accusait, on me traitait de responsable de la mort de ma belle-mère. Le message de Placide me terrifia et me traumatisa pendant deux jours. Je savais la poigne qu’il avait de réussir toujours tout ce qu’il entreprenait de faire ; pendant ces deux jours je restai clouée sur le lit, ne voulant pas mettre le nez dehors. Mon rendez-vous avec le prêtre n’avait lieu que dans deux semaines ; il avait fait le nécessaire pour que je tienne pendant tout ce temps. Il devait assister à un séminaire hors du pays et il ne serait pas de retour avant une quinzaine de jours.
Je savais que Placide était au pays et chercherait sûrement à me voir, pas pour des joyeuses retrouvailles, mais plutôt pour des retrouvailles amères, sur fond de méchanceté et de déclaration de guerre. Naïvement j’aurais pensé qu’il cherchait à me faire peur ; mais avec tout ce que je subissais comme attaques indirectes je prenais vraiment la mesure de la chose. Il cherchait juste le bouc émissaire, moi ! Et voulait me faire payer ça. Les appels de Sophie sa sœur redoublèrent, mais je n’en pris aucun; je commençais à croire et à me rendre à l’évidence qu’elle n’était qu’une des leurs, elle avait leur sang et jamais elle ne pourrait agir contre son frère. La seule chose qui me chagrinait c’est que cette pauvre femme, la mère de Placide avait rendu l’âme ; cela ne fit que confirmer que lui Placide et cette chère Priscilla œuvraient tout simplement pour cet ange déchu ! Par conséquent je devais absolument les éviter.
- Si c’est ça que tu prononces à voix basse comme ça ! Évite-les !!! D’ailleurs moi je ne te dirai jamais le contraire !
- Sophie, elle n’arrête pas de m’appeler, c’est à peine si elle ne me harcèle pas ! Elle m’a déjà envoyé plus de cinq messages… Je n’ose pas les lire !
- Il faut changer de puce… J’irai le faire ! Que tu les lises ou pas ça ne va rien changer, ils t’accusent tous !
- Ce numéro, je l’utilise lorsque je postule pour les offres d’emploi ; si on m’appelle entre temps je fais comment ?
- Depuis là, moi je n’ai jamais vu qu’on t’a appelé !
- On ne sait jamais ! Je prie aussi pour ça !
- Comme tu dis, on ne sait jamais !
A cause de mon état, j’avais remis ça à plus tard, la recherche d’un emploi, préférant me soigner entièrement tant sur le plan physique que spirituel ; les deux allaient de pair et plus j’évoluais positivement dans ce traitement, plus les manifestations se faisaient ressentir et surtout d’ordre diverses. Une nuit que je m’étais assoupie par mégarde, je m’étais juste dit qu’un petit somme de quinze minutes serait suffisant pour que je récupère un peu de la journée chargée pendant laquelle nous étions allées faire un petit marché et acheter le reste de mes médicaments ; je remis à plus tard la séance de soins que je devais entreprendre avant d’aller au lit. Je fus prise à ce moment là d’un sommeil très profond… Lorsque je me réveillai en sueur et alarmée, le cœur battant si fort, tante Sidonie était assise à mes côtés, elle aussi toute paniquée et inquiète.
- Je t’ai entendue crier, alors je suis venue voir ! C’est comme si tu te débattais, on aurait dit que tu étais entrain de lutter ! Tu as fait un cauchemar !
- J’ai … je … je viens de rêver de lui ! C’est terrible !
- Comment ?
- Je viens de rêver de lui, Placide lui-même !
- De quelle manière ?
- Il voulait qu’on couche ensemble… Alors j’ai refusé et… Il me forçait ! Ensuite il s’est jeté sur moi et a voulu m’étrangler ! Je l’ai vue ensuite, elle, Priscilla… Mais pas très bien, elle lui disait : « Vas-y ! Tue là ! Qu’est ce tu attends ? »…
- Je vais te poser une autre question ! Est-ce qu’il est parvenu à te…
- Non ! C’est pour cette raison qu’il a sûrement voulu m’étrangler ! Qu’est ce qui m’arrive ? J’ai… J’ai peur !
- Chasse la peur ! Ca fait mal, mais chasse la peur ! Justement ton esprit à l’air trop faible, c’est pour cette raison qu’ils cherchent à te nuire ! Tu dois avoir un mental assez fort. Qu’est ce père Benoît t’a dit l’autre jour ? N’est ce pas il a dit que malgré le traitement et les prières tu risques d’être doublement attaquée à la moindre faille. C’est parce que tu t’es endormie comme ça sans prier et tu n’as pas pris les remèdes… Ne néglige rien ! Ils sont prêts à contre attaquer dès que c’est possible et si tu ne te protèges pas en permanence ils vont en profiter. Si tu as vu leurs visages à tous les deux, il est bien clair qu’ils veulent te finir à cause du combat que tu as commencé à mener… Placide, Priscilla, ils peuvent bien prendre la place de l’un ou de l’autre…
- Qu’est ce que tu me racontes là ? Comment tu sais tout ça ?
- Tu sais que j’ai beaucoup assisté à des séances de prières et de délivrances ! Et puis j’ai aussi beaucoup causé avec le prêtre !
- Tu veux dire que… Placide peut prendre la place de Priscilla ? Je… Je suis un peu perdue !
- Ce que tu subis là ce sont les couches de nuit ! Parfois la personne que tu vois et qui veut te coucher n’est pas forcément elle. Ca peut même être cette sorcière qui utilise Placide…
- Mon Dieu ! Sauve-moi !!! Sinon je vais mourir… Oh non !!! Tout, sauf ça !!! Ils jouent à quoi ? Pourquoi ne me laissent-ils pas tranquille ? C’est trop ! Je me sens si fatiguée ! Même mes forces me lâchent peu à peu !
- Ne dis pas ça ! C’est justement parce que tu combats, qu’ils s’agitent comme ça ! Tu n’es qu’au début du traitement et ça ne va pas être facile ! Tu dois te dire que tu vas t’en sortir ! Tu as compris ? Est-ce que tu as compris ?
- Snif ! Snif ! J’ai compris !
- C’est bien ! Je vais apprêter les remèdes, vas te laver et on commence…
En une semaine nous avions redoublé dans la lutte ; Placide ne m’avait plus fait signe ; convaincue qu’il était vaincu, il n’avait plus eu le courage de me contacter et je pense qu’il était beaucoup plus concentré à préparer les obsèques de sa mère. N’eut été ma curiosité qui me piqua au vif, je n’aurais cherché ni de près ni de loin à savoir s’il était venu accompagné de sa pute sorcière et comment les obsèques se déroulaient. Consciente de ce que j’allais ressentir par la suite, je décidai de le faire, à savoir lire les derniers messages de Sophie. J’avais tenu une semaine entière, cette fois ci je ne m’écoutai pas…
« Belle sœur tu m’as barré ! Maman voulait te parler… Elle te réclame, c’est vrai !»
Ou encore.
« Placide est là ! Ils sont venus tous les deux… Il faut qu’on cause ! C’est mon frère, mais son comportement est trop bizarre. Mais il faut que tu viennes voir la mater, elle te demande… »
Ou encore.
« Ma BS ! On se rend compte de beaucoup de choses ! En commençant par la mater, elle est toujours souffrante, mais elle chercher à te parler ! Je te dis alors que Placide le luxe dans lequel ils vivent me fait parfois peur… »
Malgré la forte migraine qui me terrassait, je parvins à me redresser, ne comprenant pas très bien ce qu’elle voulait me dire à propos de sa mère ; Placide m’avait fait comprendre qu’elle était morte mais d’après les dires de Sophie, elle était encore en vie. Il fallait que j’en sache d’avantage. Ma tante venait de sortir pour aller à la pharmacie, et lorsqu’elle revint elle me trouva au seuil de la porte, presque pliée en deux et marchant avec peine.
- Tu vas où ? Tu n’es pas en forme aujourd’hui !
- Je voulais aller mettre un peu de crédit !
- On t’a appelé pour le boulot ?
- Non ! C’est autre chose… Sophie !
- Qu’est ce qu’elle veut encore ?
- Elle … Me fait comprendre des choses… Je suis dépassée… Elle me dit que leur maman n’est pas morte et qu’elle aimerait me voir !
- Que quoi ?
- Que leur maman, la mère de Placide est bien vivante !
- Sorcellerie !!! J’aurai tout vu !
- Je voulais avoir le cœur net !
- Non laisse d’abord ! Calme-toi, on le saura ! Ne la contacte pas attends encore ! Un deuil ne se cache pas !
- C’est vraiment bizarre ! Pourquoi agit-il de cette façon ?
- Il est possédé vrai vrai ! Pas ce qu’on dit à propos de toi, mais lui c’est grave ! La fille là le tien à tous les niveaux !
- Ils seraient venus ensemble !
- Tu penses qu’elle pouvait le laisser venir ici seul ? Elle contrôle tout !
Nous avions tenu bon pendant les deux semaines d’absence du père Benoît. Deux semaines pendant lesquelles je pu me défendre et me protéger malgré l’immense peine que je ressentais ; J’avais mal physiquement et mon cœur saignait abondamment, j’avais cette peine de cœur, je me rendis compte que je n’avais pas encore fais le deuil, son deuil à lui, Placide. Je finis un soir par déverser tout un flot de larmes me rendant compte à quel point la vie, mais surtout les choix que j’avais pu faire me retombaient en pleine figure ; j’étais au bord de la crise. Ma tante me tenait si fort comme elle pouvait, et pour la première fois, je la vis faiblir ; elle se mit à pleurer à chaude larmes pendant qu’elle me consolait. La voyant ainsi je fini par me calmer tout à coup ; j’essuyai d’un revers de la main mes larmes et je lui dis :
- Ca va ! J’ai assez souffert ! Ca fait des mois que ça dure !
Elle se redressa et me regarda d’un air étonné, elle fit pareil, elle se tamponna également le visage.
- Qu’est ce que tu dis ? Répète !
- Je dis que tant que je me morfonds de cette façon je ne pourrai jamais guérir ! Je ne dois plus le faire ! C’est lui donner trop d’estime ! Je dois comprendre que c’est bel et bien terminé ! J’ai tourné le dos à sa famille parce que je me suis sentie trahie, j’ai vu des et j’ai compris pas mal de choses… Ils sont tous trempés là dedans et si je ne fais pas attention, je vais encore perdre… J’ai perdu une, deux fois, mais il est temps que je me relève ! Ce n’est peut être pas encore la fin pour moi !
- J’aime quand tu parles comme ça ! C’est ce que j’essaie de te faire comprendre depuis longtemps ! Je voudrai que tu grandisses dans la tête ! Tout n’est pas perdu ! C’est vrai qu’on n’a plus rien ! Je n’ai plus d’argent, j’ai tout sacrifié pour toi, pour te tenir la main… Mais…
- Mais on doit se battre…
- Tu es sur la voie de la guérison et c’est tout ce qui compte pour moi !
- Oh maman !!! Je serai morte si tu n’étais pas là !
- Ta mère… Je n’ai jamais oublié ses paroles ; elle m’avait demandé de prendre soin de toi ! Je le fais parce qu’elle m’a sortie de la misère ! Je n’ai jamais oublié son geste envers moi ; elle m’a prise comme sa sœur.
- Je t’en suis éternellement reconnaissante…
Il n y avait pas de mots pour qualifier cet amour que je recevais de sa part ; et depuis ce jour, je ne me laissais plus endormir. Je n’avais plus eu de crises et j’étais retournée voir le père Benoît. Je n’étais pas complètement guérie mais j’étais sur pieds et assez apte pour me mouvoir sans problèmes. J’avais décidé de mettre à main à la pâte et d’aider ma tante. Il fallait qu’on vive, il fallait qu’on se batte ; le plan était simple ; une fois complètement guérie, nous avions l’intention de retourner au village. J’avais perdu espoir et laissé tomber mes éternelles recherches d’emploi. Je décidai de l’assister dans la vente des beignets haricots au bord de la route ; nous le faisons tous les matins jusqu’à une certaine heure et plus tard en journée on avait le temps de récupérer et de préparer la suite pour le lendemain. Nous nous étions bien organisées et on avait eu la chance d’avoir pu obtenir assez d’espace. Le coin, nous l’avions bien aménagé afin de le rendre plus attrayant, plus convivial et plus confortable. C’est tout le monde qui venait chez « Ass » et l’endroit affichait toujours comble ; nous étions souvent assez débordées mais nous parvenions à satisfaire tout le monde. C’était pénible, mais nous n’avions pas le choix, c’était devenu en quelque sorte notre gagne pain.
- En attendant !
- Oui ! En attendant ! Je crois que je commence à aller beaucoup mieux et après ça ! On rentre au village, je suis prête à y retourner.
- D’accord !
En un laps de temps, je pus oublier toutes ces turpitudes qui me minaient l’esprit et me tourmentaient. Je pus oublier Placide et compagnie même si par moment il pouvait m’arriver d’y repenser et d’avoir si mal. Je finis par conclure que sa maman n’était pas morte et qu’il voulait me faire croire que si elle mourait, j’aurais porté toute la responsabilité. Je parvins à garder la tête très haute et transcender tout cela. Ils avaient disparus comme par enchantement ; plus personne ne m’avait contacté et ça en valait la peine. Persuadée à 100% que l’action des jeûnes et des prières réguliers eurent des effets contre tous, je clamais juste victoire, c’était ma petite consolation. La motivation je finis par la gagner au fil des jours et avec les encouragements de ma tante ; même si nous ne gagnions pas grande chose, j’appris à me contenter de ça et je m’appliquai tous les jours. Même si parfois nous subissions les railleries de certaines personnes, nous fermions et bouchions nos oreilles ; la seule chose qui nous consolait était que c’était provisoire.
En trois mois, nous avions pu gagner en côte et en popularité ; nous étions les meilleures vendeuses et nous étions devenues célèbres au point où il suffisait que nous ne soyons pas disponibles une matinée que certains venaient toquer chez nous pour savoir ce qui n’allait pas. Tante Sidonie cette fois ci était souffrante et je devais m’occuper d’elle. Toute la nuit elle fut prise de vomissements, tout son corps tremblait et sa température était très élevée. Prise de peur, je fis venir le prêtre, pensant qu’on lui avait peut être fait quelque chose. A cause de ma situation, nous étions devenues si superstitieuses que le moindre mal nous faisait penser directement aux pratiques mystiques. Après l’avoir touchée et prié, le père Benoît nous dit d’un ton rassurant.
- Ce n’est rien ! Elle fait juste de la fièvre ! Il faut qu’elle aille à l’hôpital, tout ira mieux par la suite…
Après trois jours de traitement du paludisme, elle était sur pied, mais pas assez apte pour vendre. Je devais donc le faire toute seule, pendant qu’elle était convalescente. J’apprêtai tout la veille et le matin je pouvais vendre sans trop de difficultés. Il y avait toujours grand monde et par moment je pouvais être très débordée et très impatiente. Je criai à tout va afin de faire régner l’ordre.
- Si vous vous mettez à vous disputer pour un plat de beignets je range tout ! Chacun sera servi ! Calmez-vous !
- Weeee ! la fille de « Ass » Tu nous as trop manqué !
- Je vous ai trop manqué ou bien ce sont les beignets qui vous manquent ? Laissez-moi ça !
Dans la mêlée je ne vis pas la demoiselle qui s’avança vers mon étalage. Elle m’adressa la parole, mais trop préoccupée à servir la bande de gros garçons gourmands, je ne l’entendis pas ; elle insista et je lui répondis machinalement sans la regarder.
- Attendez !!!
- S’il vous plait ? Faites moi pour 500 frs je suis pressée ! Ma patronne attend !
- Ecoutez madame !!! Vous…
Je ne reconnu pas la dame en question, elle était quelconque, rien de familier. Mais ce qui me m’interrompit brusquement était le fait d’avoir croisé au même moment son regard, celui de cette autre femme qui était dans la voiture ; elle venait de baisser la vitre. Mon cœur s’emballa à la seconde. C’était bien elle, en chair et en os, « Petite Fleur ».