Chapitre 11

Write by leilaji

The love between us


Chapitre 11


On rentre ensemble et j’ai du mal à faire semblant. Je me repasse la scène encore et encore espérant qu’ainsi le malaise finira par disparaitre. Chaque fois que Pierre tente de me parler, je lui réponds par un regard en biais. Le silence entre nous est inconfortable car je m’oblige à tenir ma langue alors que tout ce que j’ai envie de faire c’est de lui demander avec qui il parlait. Mais ça me donnerait l’air suspicieux et je ne veux pas lui donner cette impression. Je ne veux pas lui paraitre vulnérable.

 

Je me mets à pianoter sur mon téléphone et à lire mes mails pour penser à autre chose. La semaine prochaine va être pleine de boulot et de voitures à retaper. J’espère faire entrer assez d’argent pour boucler le mois en beauté. J’ai assez d’épargne à présent pour pouvoir acheter une petite maison à crédit. Je me suis rapprochée de la banque et elle demande que je leur donne quelque chose en garantie et pour le moment, je ne sais pas quoi. Mais je trouverai bien une solution.  


Je ne sais pas quoi dire pour briser la glace. Je ne sais même pas s’il y a une glace à briser ou si c’est mon imagination qui me joue des tours. J’ai encore son regard collé à ma rétine. Je n’ai pas rêvé, il y avait bien quelque chose d’étrange dans sa manière de réagir à cet appel ! Je ne sais pas comment je suis censée me comporter. C’est la première fois que je sens les griffes de la jalousie se planter dans mes tripes. Pourquoi n’a-t-il pas décroché à côté de moi ? Il ne me cache rien pourtant. Je connais le même le code de ses différentes cartes bancaire, c’est dire. La première fois qu’il m’a demandé de prendre sa carte dans la poche de son pantalon et d’aller retirer de l’argent en me donnant en plus son code secret, je l’ai regardé comme s’il était complètement taré. Je lui ai dit que ça ne se faisait pas. ET il m’a répondu que je dors à ses côtés chaque nuit et que je partage sa vie et que j’ai là mille et un moyens de lui faire du mal si je le voulais. L’argent c‘est rien, a-t-il ajouté en me souriant. Je n’ai pas su quoi répondre.  


Et aujourd’hui, je dois me poser des questions sur cet homme ? 


Putain, je ne savais pas que c’était aussi désagréable d’être bêtement jalouse. Je me sens bête à déduire d’un regard fuyant des choses insensées. Peut-être que je traine un peu trop avec des femmes ces jours ci et que leur pessimisme habituel quand il s’agit de faire confiance à un homme a déteint sur moi. Evidemment, je ne suis pas non plus la championne de la confiance en l’homme. Mais avec des hommes comme Patrick et Idris qui ont traversé ma vie ; j’ai appris à baisser la garde. 


J’ai toujours trouvé ridicule les femmes qui fouillaient les affaires, les téléphones de leur copain pour y trouver des preuves de mensonge. Pourquoi rester avec quelqu’un en qui on n’a pas confiance ? Il m’a toujours suffit de demander au mec avec qui je couchais et de réagir selon la réponse qu’il m’offrait. Oui ou non te tapes-tu la pétasse du bar ? Si c’est non. Ok, on continue nos petites affaires. Si c’est oui, je me barre sans me retourner. Pourquoi ? Parce que la vie est trop courte et que les maladies sexuellement transmissibles ne n’ont pas été inventées dans un pays imaginaire.


Je me rends compte qu’il est plus aisé de prendre la décision de quitter un homme concernant une relation épisodique de six semaines plutôt qu’une relation continue de deux ans. On abandonne facilement une maison faite de quelques branches pour aller habiter ailleurs. Mais un château, un magnifique château qui tient chaud la nuit et amuse nos yeux le jour, un château dont les briques ont été formées par notre temps et notre sueur ne mériterait il pas qu’on se batte pour le garder ?   


- Tu es tellement silencieuse, tu te sens bien ? demande Pierre en détournant un court instant son regard de la route pour le poser sur moi. 

- Je crois que je suis un peu fatiguée. 

- Ça t’a plu au moins ? Tout ça c’était pour toi, pour que tu passes du bon temps avec moi et nos rares amis tu sais.

- C’était super sympa t’inquiète. Merci Pierre. 

- De rien ma belle. Tout ce que je veux c’est que tu sois heureuse. 

- Pourquoi ? 

- Tu veux la version censurée ou la version romantique de la réponse à ta question ? 

- T’es bête. 


Une fois garé dans son parking, on décharge tous les deux la voiture des restes du repas et des bouteilles vides qu’on n’a pas voulu abandonner sur place. Chaque chose ramenée trouve une place soit dans un placard, dans un Tupperware en cuisine ou dans la poubelle. Nos téléphones posés sur le plan de travail de la cuisine me font de l’œil. Le sien clignote tandis qu’il boit de l’eau dans une bouteille sortie du frigo. Il l’a donc mis en mode silencieux, je constate amèrement. Il fait comme s’il ne voyait pas l’appel. Je me détourne pour ne pas qu’il sente que j’observe le moindre de ses mouvements. Finalement, je me décide à lui parler. 


- Décroche, ça commence à me souler cette lumière qui clignote tout le temps. 

- Non ça va. Je rappellerai demain. C’est le boulot. Ça peut attendre.

- T’es sur ? je lui demande en passant devant lui pour sortir de la cuisine que je commence à trouver étouffante.


Il me rattrape par la main et me prend dans ses bras. 


- Je suis sur que ça peut attendre demain ma belle, dit-il en me caressant la joue. 


Je me sens tellement bien ainsi lovée dans ses bras. Et je lui en veux. D’avoir été l’homme qui m’a fait tomber amoureuse. A cause de lui et de toutes ses attentions, j’ai maintenant peur de le perdre. C’est insensé. Peut-être sent-il cette tristesse dans mon regard alors de l’index, il me fait lever la tête et pose ses lèvres sur les miennes. Un doux frisson me parcourt l’échine. Sa langue caresse la mienne et ses mains en coupe autour de mon visage me pressent de le laisser approfondir son baiser. Je me laisse faire et colle mon corps au sien.   Il dévore ma bouche, mon cou tandis que ses mais tentent de me débarrasser de mes vêtements. Il y parvient avec mon aide. Allongée sur le plan de travail, ses doigts dansent en moi, me préparent à le recevoir.  


- Manuella…

- Oui Pierre…

- Je t’aime tellement …

- Pierre. Viens, j’intime en lui faisant comprendre que je veux plus.


Mais il bloque ma main posée sur son pantalon. 


- Toi et moi c’est pour toujours n’est-ce pas ? 


Je ne sais pas quoi répondre à cette question. Je pensais qu’on était juste supposés vivre notre relation comme elle venait, sans tirer de plan sur la comète. Alors je me décide à lui répondre le plus honnêtement possible.   


- Est-ce que c’est ce que tu veux ? 


Il rit alors que ses lèvres sont posées sur les miennes. Les vibrations de son rire font frémir ma peau. 


- Plus que tout. 

L’intensité dans sa réponse balaie tous les doutes. 

Le reste de la soirée se passe sans incident. Je tente de m’endormir dans ses bras en me rassurant comme je le peux. Mais je n’arrive pas à fermer l’œil. Le corps alanguit par ses caresses devraient pourtant se glisser avec délectation dans les bras de Morphée mais il résiste. Comme si une petite poche de résistance l’en empêchait. Pierre bouge légèrement dans son sommeil. Il me serre plus fort et sa respiration régulière m’indique qu’il dort profondément. A chaque fois que c’est le cas, c’est toujours ce qu’il fait. Me serrer très fort dans ses bras. 


Tout ce que j’entends c’est le bruit régulier de l’aiguille de l’horloge murale posée au-dessus du lit et mes pensées qui s’entrechoquent. Je lui ai accordé ma confiance, mon temps et mon énergie et je mérite qu’il me rende en retour tout le respect que je lui donne. Il a été là pour moi quand moi je ne voulais rien de sérieux. Il a accepté toutes mes folles lubies quand moi je ne pensais qu’à oublier Idris et c’est la patience dont il a fait preuve à mon égard qui nous a mené là où nous sommes. Pourquoi gâcherait-il deux ans de relation avec une histoire sans importance ? Je ferme les yeux car je sais à présent que je me fais des films. 


Puis je les rouvre immédiatement. Ou alors ça a de l’importance ? Ce qu’il me cache a de l’importance.  

Alors que j’essaie de mettre mon cerveau en mode off, il regimbe et me resserre des conversations oubliées. 


De tous nos amis communs, Suzy est celle qui est assez proche de moi. Avec son caractère bien trempé, je trouve que c’est la moins hypocrite du lot. Elle m’avait dit un jour, alors qu’on sirotait toutes les deux un martini en attendant que Pierre se pointe avec nos autres amis au Mayena, un coin sympa situé non loin de l’océan :


« - Reste sur tes gardes !

- Pourquoi ? 

- Il va forcément te faire un coup de pute un jour tu sais. 

- Woah, je pensais que Pierre était un ami pour toi. C’est comme ça que tu parles de lui quand il n’est pas là.

- Je le dirai devant lui si tu le veux. Pierre est un homme qui vient de tomber amoureux. Tu comprends. Il est « tombé » amoureux. Quand on tombe ; on n’a pas le temps de réfléchir. On se laisse porter par le truc. Mais une fois qu’il va se relever, ma chérie, crois-moi il te le fera à l’envers dès qu’il sera en pleine possession de tous ses moyens. Comme il l’a fait à toutes les autres avant toi. Vous êtes tombés trop vite amoureux, c’était trop facile tu comprends ?

- En quoi c’était trop facile ou trop rapide. Ça fait un an putain ! 

- Bon je retire ce que j’ai dit. Ce n’était peut-être pas trop rapide. Mais c’était trop facile. Tu crois que c’est ça l’amour avec un homme noir hein. Peut-être les blancs oh. Un blanc quand il t’aime, il ne pense plus à autre chose. Mais un homme noir, ce n’est pas pareille. Tant qu’il n’a pas fait de toi sa serpillère, qu’il n’est pas sûr que malgré toutes les gos qu’il saute tu es toujours là à ses côtés, il ne verra pas en toi une femme qu’il peut épouser.

- Mais qui t’as dit que je veux l’épouser ? Toutes les femmes ne rêvent pas d’épouser le mec qu’elle se tape hein. On est bien ensemble lui et moi et c’est déjà assez stressant comme ça.

- Hum moi je te le répète, ce n’est pas un blanc oh.   

- Arrête, les blancs trompent comme les noirs. Sauf peut-être qu’eux au moins ils ont la décence de ne pas transformer cette tare en acquis social. 

- Moi je me suis toujours dit que les hommes noirs ont trois couilles. Deux dans le pantalon et une dernière qu’ils montrent à tout le monde posée sur leurs épaules.

- T’es folle. 

- Eukeuh ! Attends tu me diras. Tu penses que le mec réfléchit avec sa tête alors qu’il est en train de réfléchir avec sa troisième couille. Pourquoi crois tu que Dieu a donné une si grande force à la femme noir, un cœur si pétri de courage et de volonté ? 

- Je suppose que toi tu le sais. 

- Oui. Parce qu’Il savait déjà quels imbéciles Il allait leur donner comme compagnon de route.  

- Tu généralises. Tous les mecs noirs ne sont pas des salauds. 

- Si. Et c’est une erreur de ne pas le croire. La vie ce n’est pas le lait. 

- Donc pour toi, l’amour c’est toujours la guerre ? 

- Tu as tout compris. Il faut deux camps pour faire la guerre et il faut être deux pour former un couple. Le parallèle est vite fait.

- Mais d’où tu sors des théories si fumeuses ? 

- Tiens-toi prête ! Je te le dis parce que je t’aime bien. Comme ça tu ne me diras pas plus tard que je ne t’avais pas prévenue. 


A l’époque j’avais trouvé ses propos ahurissants. Aujourd’hui, je ne sais plus trop quoi en penser. Est-ce que toutes les histoires d’amour qui impliquent un homme et une femme noirs, impliquent forcément des batailles à gagner et des sacrifices à faire ? 


*

**


Le lendemain matin


En combinaison bleue avec une clef à la main, je regarde le billet d’invitation avec colère. Patrick vient jeter un coup d’œil par-dessus mon épaule. 


- Ca va faire une bonne minute que tu regardes cette invitation ; tu n’arrives pas à la lire ou quoi ? 

- Haha très drôle ! C’est une simple carte d’invitation hen pas une thèse de doctorat en physique chimie.  

- Je me posais déjà des questions. En tout cas tu sais que tu peux toujours retourner sur les bancs de l’école ma petite. Tu n’es pas bête je suis sûr que maintenant ce sera plus facile pour toi. 

- Etudier des leçons ? Alors que j’ai du boulot ? Non. C’est trop tard pour moi.

- Il n’est jamais tard pour ces choses-là. 


Patrick est le seul qui peut se moquer de mes lacunes scolaires sans que cela ne me vexe. Il a essayé comme il a pu de m’aider à m’accrocher à mon école mais j’avais trop de problème de famille pour me concentrer sur cet objectif. J’ai fait alors un choix que je ne regrette pas aujourd’hui mais que je n’assume pas toujours avec fierté. C’est grâce à Patrick que je parle assez correctement pour que les gens ne soupçonnent pas que je n’ai pas grand-chose comme diplôme. C’est un fidèle auditeur de la radio RFI et pendant des années il m’a bassinée les oreilles avec ses émissions politiques, sociologiques et autres préférées. Dès qu’il était au garage, et il qu’il me trouvait à écouter de la bonne musique, il changeait de chaine, mettait RFI et me forçait à discuter avec lui de politique et d’économie. Jeune ça me saoulait mais aujourd’hui ; je récolte les graines qu’il a semé. Question culture générale, je suis donc calée.  Mais c’est vrai que mes manières un peu brutes ne le font pas toujours deviner. 


- Je l’ai trouvé dans l’un des costumes de Pierre, lui dis-je en le lui tendant pour qu’il puisse y jeter un coup d’œil.  

- Et alors ? Il n’y a pas de quoi fouetter un chat ! dit-il en continuant à classer nos bons de livraison par ordre chronologique sans même me prendre la carte des mains.  

- Tu le lis ou pas ? 

- Il est où ton stagiaire qui est censé se taper cette merde de classement ? grogne –t-il en replaçant ses lunettes de vue sur l’arrête de son nez. 

- Il est malade. Il m’a appelé hier pour me dire qu’il ne pourra pas venir, je lui explique en me préparant à subir sa fameuse diatribe sur la jeunesse gabonaise paresseuse.  

- Minal ! il est malade mon cul oui. Ca fait à peine une semaine qu’il a commencée. A mon époque quand on faisait un stage on avait une peur bleue de manquer un jour et de faire mauvaise impression. Mais vous les jeunes d’aujourd’hui…

- Hé je ne suis pas une jeune d’aujourd’hui…

- Si. Mais toi tu as eu le malheur de grandir trop vite c’est tout. Ce petit c’est vraiment un petit enculé. Ne pas venir et l’obliger moi à classer tout son bordel. 


Quand je pense que lorsque j’étais gamine, il me talochait fort à chaque fois que je disais un gros mot et que maintenant, il m’en sert à toutes les sauces. 


- Je l’ai vu au bar hier. Il a juste la gueule de bois c’est tout. Les gamins d’aujourd’hui veulent devenir des hommes riches mais sans travailler. Tu sais ce qu’il a osé dire la dernière fois que tu lui as remonté les bretelles ? 

- Patrick ; il n’a rien dit du tout.

- Il n’a rien dit devant toi. 

- Tu m’as toujours appris que les hommes qui parlent dans le dos ne méritent pas d’être écoutés.


Il lève les yeux vers moi puis sourit crânement ; heureux de se rendre compte que ses leçons sont bien apprises finalement malgré ma tête dure.

 

- T’as bien raison ma petite. Mais ton stagiaire je vais le virer demain. T’es trop gentille avec les petits cons.

- Tu fais comme tu veux papa Patrick ! 

- Arrête de m’appeler comme ça.

- Alors on peut enfin parler de moi et de Pierre ?

- Mais trouve-toi des copines de bavardage, moi je ne sais pas faire ça. Ce n’est pas un truc d’homme. 


Je lui tourne le dos et fourre la carte dans ma salopette pour le laisser tranquille. Il sait que je n’ai pas vraiment d’amie proche à qui demander conseil. Il s’éclaircit la voix.   

 

- Pas la peine de te fâcher. C’est quoi le problème avec Pierre ? Il t’offre trop de cadeaux ? ce type passe sa vie à te faire plaisir, à ta place, je n’abuserai pas avec les plaintes.


Je ne sais pas pourquoi Patrick s’échine toujours à appeler Pierre « ce type ». Je sais qu’il a eu du mal à me pardonner ma séparation assez brutale avec Idris, mais quand même. Ça fait deux ans maintenant que Pierre st dans ma vie il pourrait lui accorder plus de crédit. 

  

- Il ne m’a jamais parlé de cette réunion annuelle. Apparemment sa boite l’organise chaque année et ça fait deux ans qu’on est ensemble et jamais il ne m’y a invitée. Tu crois qu’il pourrait y aller avec quelqu’un d’autre ? 

- Qui ? Quelqu’un de sa famille ? Ce n’est pas interdit que je sache.

- Mais non, genre une femme. Peut-être parce que je ne suis pas…

- Comme si c’était le genre de chose qui t’intéressait Manu. 

- J’ai beaucoup changé Patrick. Je ne suis plus la gamine qui ne voulait jamais faire d’efforts. S’il me demande d’y aller avec lui, je le ferai. J’ai changé.

- Ca c’est peu de le dire ! dit-il d’un ton aigre. 

- Comment ça ?

- Pardon je ne veux pas les problèmes, avec toi on sait quand ça commence mais pas quand ça finit. J’ai du boulot à l’atelier. Vu que ton stagiaire est un glandeur. 

- N’essaie même pas de changer de sujet. Qu’est-ce que tu me reproches ? 


Il n’a pas le temps de me répondre qu’un client se gare dans la cours du garage et demande à ce qu’on s’occupe de sa voiture. De toute la journée, nous ne trouvons plus le temps de reparler de mon fameux problème. Alors quand je quitte le garage, j’appelle Pierre pour lui demander où il se trouve. Au bureau. Il en profite pour me prévenir qu’il finira tard une réunion très importante avec le nouveau directeur de la communication de leur boite, un dénommé Carter Bonang. Je lui propose de venir le chercher à la fin de sa réunion mais il décline ma proposition arguant du fait que j’avais moi-même eu une longue journée et qu’il fallait que je rentre me reposer.


J’ai d’abord suivi son conseil puis ma nature reprend le dessus et je sors de chez nous, je fonce dans son restau préféré prendre des plats à emporter. Une fois ma commande satisfaite, je conduis jusqu’à Oloumi, au siège social de sa boite. Le mec de la sécurité ne veut pas me laisser entrer mais je finis par le convaincre.


La boite a l’air vide et c’est bien normal vu l’heure. Je ne sais pas très bien ce que je pensais trouver en venant ici sans l’avertir. Mes sachets en main, j’avance vers le couloir qui mène à son bureau tout en vérifiant mentalement que ma mise n’a rien d’anormal. Pierre aime quand je suis bien habillée alors je prends un soin particulier à mettre de jolies choses et toujours un peu de maquillage quand je sors. Ce qui m’énerve en ce moment c’est que je n’ai pas eu le temps de faire mes ongles. 


Je vois enfin devant moi, le bureau de Pierre. Je me trouve stupide. Il a une réunion et s’il est avec toute une équipe ainsi que son directeur, ma visite va le mettre dans une situation grotesque. Je tourne les talons pour m’en aller lorsque j’entends un rire de gorge tellement sensuel qu’il me coupe les pattes. Aucune personne sensée, ne se permettrait de rire ainsi s’il avait une réunion de travail. Je reviens donc sur mes pas, cogne et entre sans attendre. 


Je ne sais pas lequel de nous trois est le plus surpris. L’espèce de beauté aux longues jambes posée sur le sofa du bureau, pierre ou moi. Elle lève la tête de son téléphone et bat des cils en souriant, dévoilant ainsi ses dents parfaitement blanches.


- Oh Pierre tu as commandé à manger ; c’est tellement gentil d’y avoir pensé. J’ai une faim de loup. 


Elle se lève et marche de sa démarche féline vers moi pour me prendre des mains le paquet. Mais alors que mon cerveau a encore du mal à analyser la situation, mes pieds eux réagissent immédiatement et s’éloigne de deux pas. Elle vient de me confondre avec le livreur ?


- Manu ? Que fais-tu là ma belle ? demande Pierre en me souriant.

- Tu travailles tard. Je voulais te faire une surprise. Mais je crois que je tombe mal. 

- Non pas du tout. On a fini.

- Je pensais que tu avais réunion avec Carter. 

- Je suis Carter, répond la femme en me détaillant des pieds à la tête.          


Pierre se rapproche et enlace mes épaules. 


- Carter, je te présente Manuella, ma fiancée. 


Ah bon ? Depuis quand on est fiancés ? je souris. Mal à l’aise. 


- Manuella voici Carter. La nouvelle directrice de la communication de la boite. Elle rentre à peine d’Afrique du Sud 


Pierre me regarde et moi je ne quitte pas Carter des yeux parce qu’elle ne quitte pas Pierre des yeux. 

Ok. Qu’est-ce qui se passe là ? 


- Bon, je vais vous laisser diner en paix alors. Je n’aimerai pas m’imposer. 


Cette voix grave, aux intonations parfaitement maitrisées m’énerve. 

Les extensions qui lui balaient le dos invitant ainsi les hommes à y plonger leur main, m’énervent. 

Les ongles parfaitement manucurées d’un rose pâle me mettent hors de moi.

La robe en soie mauve qui dévoile plus qu’elle ne cache les formes de son corps me répugne. 

C’est la première fois que je déteste une femme sans même la connaitre.

J’en suis toute chamboulée.  


- Non, reste si tu veux, propose Pierre. Quand il y en a pour deux il y en a pour trois. 

- Non. Merci c’est gentil Pierre, décline –t-elle mielleusement. De toute manière tu seras tout à moi à la soirée de la boite donc je ne perds rien au change.  


Elle caresse son épaule puis se tourne pour prendre sa pochette noire cloutée. Mais qui s’habille comme ça pour travailler ? Qui ? Quelques minutes plus tard, elle a disparu. 


- Carter ? 

- Moi aussi j’ai été étonnée figure-toi. Je pensais que c’était un homme. 

- Carter ? j’insiste. 

- Woh, j’aime pas trop le ton avec lequel tu dis son nom.

- Parce que tu crois que moi j’aime le ton avec lequel elle dit le tien ?

- Manuella ! Elle est comme ça avec tout le monde. 

- Prends-moi pour une idiote. Oh pierre, Merci Pierre, je singe en déposant mes paquets.

- T’es jalouse ? 

- Pourquoi je le serai ? Ai-je une raison de l’être ?


Il éclate de rire et me tire vers lui. Je me recule.    


- Je ne pensais pas que ça arriverait un jour.

- Quoi ? 


Il pose ses fesses sur le tranchant de son bureau et me regarde droit dans les yeux. Avec les manches de sa chemise remontées sur ses avant-bras et son regard pétillant, pierre est sexy, je ne peux le nier. 

 

- Je n’arrive pas à le croire. Il y a donc un Dieu qui répond aux prières.

- Quoi ? 

- Tu me montres enfin que tu m’aimes, répond-il doucement. T’es tellement sure de toi, et moi je t’ai tout dévoilé dès le départ alors que toi tu gardes tes cartes pour toi. Manu tu n’as aucune raison de te mettre dans cet état. C’est ma nouvelle collègue Ok.  


Deux ans et je pensais avoir muri. 

Il suffit qu’une bombasse apparaisse et tout vole en éclat.

Parce que si le parfum de cette femme a complètement envahi le bureau, il est encore plus entêtant quand je me rapproche de Pierre.

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