Chapitre 12
Write by leilaji
The love between us
Chapitre 12
Lorsque nous rentrons, je ne suis pas d’humeur à écouter ses blagues vaseuses sur le personnel dans sa boite. Ça ne m’intéresse pas de savoir qui couche avec qui pour garder un poste ou qui fait des erreurs de facturation et va bientôt se faire virer. A vrai dire je me rends compte que je ne sais pas grand-chose de son job en entreprise. Lui et moi parlons bien plus souvent de nos entreprises respectives que de choses concernant son statut d’employé. Une fois au tout début de notre relation, je lui avais demandé pourquoi il gardait son job à CFAO alors que sa société marchait si bien. Il a rigolé et m’a répondu que son train de vie était tel qu’il lui fallait les deux pour se sentir heureux.
Ce n’est que plus tard que j’ai compris qu’il avait bien raison vu qu’il ne se refusait jamais rien et qu’il vivait à cent à l’heure comme s’il lui fallait tout dépenser pour se sentir vivre.
Je suis énervée quasiment furieuse. Contre moi-même pour lui avoir montré ma trop grande vulnérabilité lorsqu’une belle femme est dans les parages. C’est dingue ça. Elle me pourrit la vie alors que pour le moment elle n’a encore rien fait.
Lui ne fait que se marrer, comme si un poids venait enfin de lui être retiré des épaules. Comme dirait Patrick, il est gai comme un pinson. Le genre d’expression snobe que je n’utilise jamais sauf quand je suis énervée. Je lui en foutrais des pinsons moi.
- Tu veux boire quelque chose ? me demande-t-il en allumant la télé pour regarder les nouvelles sur France 24.
- Non ça va.
Il déteste ça. Quand il est de bonne humeur et que moi je me terre dans ma colère. Quand il est heureux, il ne veut voir personne de malheureux à ses côtés. Il se serre un verre et s’installe devant la télé. Je ne sais pas quoi faire de moi-même alors je reste là, debout, un peu perdue dans le flou de mes émotions. Alors que je le croyais captivé par les nouvelles de séisme au Japon, il tourne la tête vers moi.
- Tu vas me bouder encore longtemps ma belle ?
- Tes ricanements me tapent sur les nerfs.
- Woah, s’exclame –t-il en posant la télécommande pour me regarder droit dans les yeux. Je suis coupable c’est ça ?
- De quoi tu parles ?
- Comme je suis un ancien don juan, je suis déjà coupable parce que tu as vu une belle fille dans mon bureau ? Tu t’imagines déjà que j’ai couché avec elle ou que je vais coucher avec elle ?
S’il disait juste une fille ça m’aurait apaisée. Mais il a fallu qu’il dise une belle fille. Comme si ce n’était pas déjà assez évident comme ça.
- Je n’ai jamais dit ça.
- Tu n’as pas besoin de le dire vu que tu le penses si fort que ça commence à m’énerver. J’aurai beau me tenir à carreau, e serai toujours coupable c’est ça ?
Je me sens vexée qu’il essaie de mettre la faute sur moi alors que c’est lui qui clairement n’est pas net. Il croit pouvoir me retourner aussi facilement le cerveau ?
- Tu pues le parfum de cette meuf.
- Evidemment puisqu’elle m’a prise dans ses bras pour me saluer.
- Alors que tu ne la connais même pas !
- J’étais aussi étonné que toi, figures toi. D’ailleurs c’est là que j’ai clairement compris ses intentions. Mais tu ne peux pas me reprocher qu’une femme veuille me séduire…
- Et malgré ça tu te permets de rester seule avec elle dans ton bureau à des heures tardives ?
- C’est la fille du grand patron. Que veux-tu que je fasse ? J’attends tes propositions.
Je ne sais plus quoi dire.
- Tu crois qu’il n’y a que vous les femmes qui vous retrouvez dans des situations ambiguës au boulot ? Je suis obligé d’être aimable avec elle, le temps qu’elle comprenne tranquillement que je ne suis ni intéressé, ni libre. C’est pour cela que je t’ai présentée comme ma fiancée. Pourquoi l’aurai dit si e voulais me la faire ?
- Mtchr.
- Je veux t’offrir ce qu’il y a de meilleur et pour cela figure toi qu’il me faut garder mon boulot bien payé.
- Evidemment tu as réponse à tout.
- Peut-être parce que je dis la vérité tout simplement, ajoute-t-il en haussant le ton pour la première fois de la soirée.
Je croise les bras et tape des pieds tout en réfléchissant.
- L’appel c’était elle ?
- Quel appel ?
- A la plage …
- Comment ça à la plage ?
- Tu sais très bien de quoi je parle ?
- Donc parce que je me suis éloigné pour parler, je suis coupable ? Mais tu t’entends parler ? C’est ton nouveau délire du moment ?
Il sort son téléphone de sa poche et le pose sur la table basse du salon. Les mains dans les poches de son pantalon, il ne me quitte pas des yeux.
- Ce n’était pas elle. Et ce dont je parlais au téléphone ce jour ne te concernait absolument pas. Figure-toi que nous avons tous nos petits secrets. Mais sois rassurée. Ce n’était pas elle ni aucune femme… j’en ai fini avec ça et je pensais avoir été clair la dessus.
- Pierre…
- Te voir jalouse, j’avoue que j’ai trouvé ça mignon parce que pour moi ça signifiait que tu tenais à moi... Chose dont je n’étais pas très sûr parce que je te montre plus que je t’aime que tu ne me montres que je compte pour toi. Et même si tout le monde se fout de ma gueule je continue à te montrer chaque jour que je tiens à toi. Je ne sais pas ce que tu as vécu dans le passé qui t’a rendu si méfiante. Je ne dis rien parce que je constate chaque jour les efforts que tu fais pour que je ne me plaigne de rien. Mais ce ne me dit pas si tu m’aimes vraiment ou si tu t’accommodes de la situation tout simplement parce que t’as désormais la flemme de me quitter. Ça fait deux ans qu’on est ensemble en ‘en suis encore à me poser ce genre de question. Réfléchis sur ça plutôt que sur des liaisons imaginaires.
Sur cette phrase qui me cloue le bec, il quitte le salon avec son verre en main. Quelques instants plus tard, je l’entends claquer violemment la porte de notre chambre. Je n’ose ni monter, ni regarder son téléphone. Au final, je me rends à la buanderie et récupère une couverture propre du sèche-linge. Je reviens au salon et mets une chaine de ciné avant de m’endormir devant un film que j’avais adoré en rediffusion.
En pleine nuit, je me réveille avec des douleurs lombaires qui irradient dans tout mon dos. Je souffle pour essayer de faire passer cette douleur mais je sais d’avance que ça ne suffira pas de même que prendre du paracétamol parfois ne suffit pas. Je ne peux pas me lever. J’ai trop mal pour fournir cet effort. Mais lorsque la douleur devient insoutenable, je me force à me lever pour aller chercher dans mon sac de quoi soulager ma douleur. Mes jambes tremblent et j’imagine déjà qu’il ne faudra peut-être ramper pour atteindre mon sac laissé dans la cuisine comme à mon habitude. Heureusement pour moi, je n’en suis pas réduite à ces extrémités et je réussi à faire quelques pas sur mes deux jambes. Je respire par la bouche. J’ai la nausée. Je m’adosse au mur pour reprendre mon souffle. Dans ces moments, les mots de ma belle-mère me reviennent en mémoire et je me demande si au final ce n’était pas elle qui avait raison. Quand j’ai commencé à avoir un peu d’argent, j’ai fait tous les examens du monde sans qu’on ne trouve jamais ce qui me bouffe de l’intérieur. Et certains médecins m’ont même conseillé de voir un tradipracticien pour voir d’où venait le mal. Quand la médecine des blancs ne peut te donner la réponse ; c’est celle des noirs qui opère des miracles.
Pourquoi je n’y suis pas allée. Parce que ma soif d’indépendance m’en a empêché. Aller me mettre à la botte d’un vieux monsieur grimé en blanc qui me dira que c’est mon grand-père qui me bouffe le corps ! Très peu pour moi. Si Dieu n’existe pas, il est peu probable que les esprits et compagnie existent.
Mais quand j’ai mal comme en ce moment même… quand la douleur me fait transpirer et me donne le vertige, je me dis que si boire une potion faite d’écorce d’arbre et de crachat de sorcier peut me sauver de la douleur, ça vaut la peine de tenter le coup.
Il ne me reste plus que quelques mètres pour atteindre la cuisine mais la décharge violente qui me plie en deux me fait voir ces mètres comme des années lumières. Je m’arrête pour reprendre mon souffle. J’inspire profondément pour me donner la force d’avancer mais la douleur de plus en plus forte me fige sur place. Et dire que je la sentais venir depuis quelques jours mais que je faisais semblant de pouvoir l’ignorer jusqu’au bout. Et voilà le résultat à présent. Au moment où mes jambes se défilent sous moi, je sens une main me soutenir avant que je ne m’effondre complètement.
- T’es trop têtue, murmure-t-il. Si je n’étais pas descendu voir ce que tu foutais encore au salon, tu serais tombée par terre. Donc si on se dispute, t’es incapable d’appeler à l’aide c’est ça.
Il parle et tout ce à quoi je pense c’est à es cachets.
- Tu as encore mal c’est ça ?
Incapable de répondre, je secoue vivement la tête.
- Il faut qu’on aille à l’hôpital.
Il me ramène au canapé sur lequel j’étais couchée. Puis revient avec un verre d’eau et mes médicaments. Ça ne sert à rien d’y aller et il le sait bien. Mais à chaque fois c’est ce qu’il propose parce qu’il ne sait pas comment me gérer lorsque je suis empêtrée dans ce qu’il appelle « un problème de femme ». J’avale consciencieusement mes pilules et m’allonge en attendant que ça fasse effet. Pierre se lève aussi gêné qu’un petit garçon devant une femme qui saigne.
- Il faut qu’on te fasse voir par un grand médecin.
- On a déjà essayé. Trois fois. Ils ne trouvent rien.
- Peut-être que cette fois ils trouveront. Tu ne peux pas continuer à souffrir comme ça sans qu’on ne fasse quoi que ce soit Manuella.
- Ça va faire plus de 10 ans que je subis ça Pierre. Crois-moi s’il y avait quelque chose à trouver, ils l’auraient fait depuis le temps.
Je ferme les yeux et tente de ne penser à rien d’autre qu’au moment où je ne ressentirai plus rien, plus aucune douleur, ou je serai comme toutes les autres femmes à juste me soucier de voir mes règles passer sans me tacher. Le nombre de fois où je suis allée à l’hôpital pour ces mêmes douleurs et que les infirmières ont prétendu que j’en faisais trop, que je voulais attirer l’attention sur moi ou que j’étais trop douillette. Moi trop douillette !
Pierre ne dit plus rien et s’assoit sur le tapis juste aux pieds du canapé.
- Mais qu’est-ce que tu fais là ?
- Je suis encore énervé contre toi mais je ne peux pas te laisser seule ici. Comme je sais déjà que tu ne pourras pas monter les escaliers, je m’apprête à passer la nuit ici avec toi.
Grace à la commande, il éteint la lumière du salon et nous restons tous les deux silencieux.
- J’ai trouvé l’invitation…
- Et…
- Je me suis demandée pourquoi tu ne m’avais jamais proposé de t’accompagner à vos soirées.
- Parce que ce que je fais en en entreprise ne t’a jamais intéressé et je sais que tu es souvent mal à l’aise quand c’est des invitations formelles. L’année passée je n’y suis même pas allé.
Je soupire et essaie tant bien que mal de ne pas me sentir ridicule.
- Tu veux y aller ?
- C’est important pour toi ?
- Normalement oui. L’année passée j’ai prétexté la mort de mon oncle pour ne pas y aller.
- Comment ça prétexté ?
- Je n’ai pas d’oncle. Ma mère est fille unique et du coté de mon père je ne connais pas vraiment sa famille.
- Ok, je vois. Alors je veux y aller.
Ma voix n’est plus qu’un murmure. Mon corps est fatigué d’avoir mal.
- En réalité c’est parce qu’elle a dit qu’elle viendrait avec moi que tu veux à présent venir.
- Peut-être bien que oui, peut-être bien que non…
*
**
Je regarde les robes posées sur le lit. Il y en a trois de différentes couleurs. Déjà, il est hors de question que je porte la verte. Elle fait trop tape à l’œil et de toute manière, je n’ai pas de quoi remplir ce décolleté. Où est-ce que Pierre trouve des robes pareilles, je me le demande ? L’étiquette du prix est encore attachée à toutes les robes et elles sont loin d’être données. Il prend la robe jaune et en touche le tissu. Je crois que c’est de la soie mais je n’en suis pas sure. C’est peut-être du satin. Bref tout ce que je sais c’est que le tissu brille vraiment.
- Mets celle-là, dit-il en changeant son premier choix.
- Evidemment, tu choisis celle qui est la plus voyante.
Il me présente un ensemble composé d’un pantalon tailleur et d’une veste au tissu métallisé. Quoi qu’il en soit, je peux faire confiance à pierre pour le choix car il a toujours eu très bon gout, contrairement à moi.
- Avec ce genre de tenue, soit tu casses la baraque soit tu restes chez toi pleurer comme une petite fille.
- Hé. Ce n’est pas gentil de dire ça !
- Je connais le mot magique qui te convaincra à coup sûr, dit-il en me prenant dans ses bras.
J’aime quand entre nous l’orage passe parce qu’après les disputes j’ai toujours l’impression que les sentiments sont plus forts. Comme de vieilles casseroles lavées avec un grattoir en pailles de fer qui brillent plus fort malgré le feu sur lequel elles sont passées.
- C’est quoi le mot magique ?
- Non ce n’est pas un mot magique mais plutôt une phrase magique.
- Vas-y, dis-la.
- Tu seras la plus belle si tu portes cette robe.
- La noire aussi est jolie Pierre. Et surtout elle est moins voyante.
- Fais-moi plaisir ma belle. S’il te plait.
Je capitule et lui vole un baiser. On va faire un petit test aujourd’hui avant la grande sortie dans sa société. Sortie que je crains plus que tout si j’essaie d’être vraie avec moi-même. Parce qu’à cette soirée, il y aura son patron et aussi la fille de son patron, celle que j‘ai déjà surnommée : Carter la conasse. Je veux être parfaite ce jour. Mais bon, faut que je me calme puisqu’on y est pas encore.
Aujourd’hui c’est le mariage d’un des cousins éloignés de Pierre. Nous sommes allés à l’union civile qui s’est déroulée au Nomade en présence d’une mairesse au discours plus que bizarre. La soirée quant à elle se déroulera à l’hôtel qui est située non loin du lycée Mba.
- Bon t’es prête ?
- Wouais… Mais non, je ne suis pas prête.
- La torture ne va pas durer plus de deux heures ma belle. Allez du courage.
Se maquiller une fois en passant c’est drôle. Mais devoir passer deux heures chez l’esthéticienne pour être parfaite juste un soir, c’est vraiment beaucoup me demander quand je suis fatiguée comme je le suis. Je sors d’une période où mon propre corps m’a torturée comme si j’étais traite à sa cause et cela pendant des jours.
- Je pourrai juste mettre un gloss Pierre. La robe est assez voyante comme ça.
- Quand tu verras les autres sur leur 31, crois-moi tu regretteras de ne pas avoir passé ces deux heures à l’institut, me dit-il en me faisant constater que mes ongles ne sont pas faits ni mes sourcils épilés d’ailleurs.
- Ce n’est vraiment pas juste. Toi tu n’as aucun effort à faire pour être beau et moi je dois mettre tous ces artifices.
- C’est pas de ma faute si Dieu m’a créé beau Manuella, se moque-t-il en prenant ses clefs de voiture.
Aucun moyen d’échapper aux soins… A moins que je ne nous fasse perdre du temps avec une bonne partie de jambes en l’air.
- Ce n’est même pas la peine d’y penser.
- Oh t’es pas marrant. Comment t’as deviné ?
- Je lis en toi Manuella.
Finalement c’est Pierre qui avait bien raison de me forcer à aller me faire belle. Le smokey eyes avec un trait d’eye liner bleu turquoise est on fleek ! j’ai un air de femme qui s‘apprête à bouffer de la conasse toute crue. Par contre pour les ongles, il faut que je fasse attention à ne pas me griffer constamment. C’est pas facile quand on n’est pas habitué.
C’est fou comme les gens sont prêts à faire des folies pour paraitre beau à un mariage entre gosses de riches. Je sais qu’il faut faire honneur aux mariés en se présentant sous son meilleur jour mais tout de même. Est-ce cela le plus important ? Venir le mieux habillé possible ? Et quand le mariage battra de l’aile est-ce que ce sont les beaux habits qui vont sauver le couple ? Je ne le crois pas mais de toute manière selon Pierre, je passe pour une rabat-joie en critiquant. C’est normal qu’il le prenne ainsi, lui qui a commandé son costume en France pour l’occasion.
J’avale mon verre de Sprite tandis que Pierre discute avec des connaissances. Il est tellement à l’aise dans ce genre de situation que je regrette presque de ne pas avoir fait plus d’efforts auparavant. Apres la quatrième prestation d’un artiste bien connu, on est sortis tous les deux prendre un peu l’air hors de la salle. Même là il a encore trouvé des gens à qui parler. Les barmen s’occupent de tous les invités qui se rapprochent de leur table. Le service est impeccable et la soirée me plait assez bien.
Ce qui m’a le plus saoulée que ce soit lors de la cérémonie civile ou au cours de la soirée ce sont les conseils donnés à la mariée. « C’est toi qu’il a choisi donc ne te préoccupe plus de toutes celles de dehors. Tu es madame désormais donc tiens ton rang et n’écoute pas les maitresses, ne fouille pas son téléphone si une fille te dit qu’elle couche avec ton mari, son cœur t’appartient mais laisse lui de l’espace, ne le surveille pas etc. » c’étaient les seuls conseils. Pas une seule fois quelqu’un n’a pensé à dire au marié : « tu as choisi celle-là parmi toutes les autres donc ne la trompe pas, ne brise pas ton foyer, ne lui manque pas de respect en couchant avec une autre ! » C’est dingue quand même quand on y pense bien. L’adultère est puni par la loi mais même le jour de ton mariage la mairesse te dit déjà d’en faire peu cas car tu es « Madame ». Choisie parmi les élues.
Alors que je finis ma boisson et lisse ma robe pour qu’elle soit toujours parfaitement posée sur moi, je vois une silhouette se faufiler entre les invités présents pour se rapprocher de Pierre. Cette démarche altière, ce style sexy et classe. Je sais qui c’est. Mais qu’est-ce qu’elle fout là ? Elle salue le groupe d’amis et se place juste à côté de Pierre dont le sourire se crispe légèrement.
Je commande un whisky sans glaçon, vide le verre en une seconde et laisse le liquide ambré me réchauffer le ventre avant d’inspirer profondément pour me calmer. La première fois que je l’ai vu, l’élément de surprise a joué en sa faveur alors je n’ai pas réagi correctement. Même lorsqu’elle m’a confondue avec un livreur, je n’ai rien dit parce que je ne savais pas si c’était délibéré ou pas. Mais au point où j’en suis aujourd’hui, je n’ai pas besoin de savoir ce qui est délibéré ou pas. J’ai juste besoin de mettre les points sur les i.
Je me rapproche du groupe et souris à la ronde.
- Carter ! Quel plaisir de te voir parmi nous, je susurre hypocritement.
- C’est gentil. Excuse-moi mais j’ai oublié ton prénom, répond-elle tout aussi hypocritement.
- Ce n’est pas bien grave. Appelle-moi Manuella comme tout le monde.
- Pas de souci. Tu es magnifique ce soir Manuella. Je suis époustouflée par tout ce … jaune … sur ce teint noir. Fallait oser.
Peut-être pense-t-elle me blesser avec cette tournure de phrase très peu délicate. Mais je ne me laisse pas décontenancer cette fois-ci.
- Merci. Je te retourne le compliment. Par contre il faudra que tu arrêtes de battre tes faux cils parce qu’ils commencent à faire du vent et j’ai un peu froid.
Les hommes arrêtent immédiatement de discuter et Pierre me regarde comme si j’étais un tigre qui venait à peine de s’échapper de sa cage.
- Chéri tu peux me prendre un verre s’il te plait ? je lui demande pour le détendre un peu.
- Oui. Que veux-tu boire ?
- Je me sens d’humeur à boire du champagne.
- Ok. Je reviens avec.
- Je suis sure que tes amis seront aussi ravis de ramener un verre à Carter, je dis en regardant Pierre droit dans les yeux avec ce sourire mi ange mi démon qu’il craint tant quand je suis en colère.
- Euh ok. Les gars venez on va chercher des verres.
- Parfait. Merci chéri.
On continue de se sourire tout en se défiant du regard. Je pose ma main sur la sienne, élégamment posée sur la tablette autour de laquelle, se tenaient les hommes quelques secondes plus tôt. Sa main parfaitement manucurée, à la peau si claire disparait sous la mienne. Je la lui broie tout en lui souriant.
- Tu sens la gosse de riche à plein nez. Et c’est pour cela que je vais te donner un petit conseil. Moi je suis une fille d’Akébé. Hé oui, le mec que tu convoites sort avec une fille d’Akébé. Donc je te préviens Carter, si je te surprends encore à faire du rentre dedans à mon mec, je vais te casser la gueule, parce que sous ce costume, il y a de jolis muscles qui ne demandent que ca. Ta si jolie petite figure, c’est sur le goudron que je vais la frotter pour t’éclaircir les idées. Considère-moi comme la cheffe des goudronnières.
- T’es folle ! tu sais qui je suis ?
Apparemment le message n’est pas bien passé. Je broie sa main plus fort et souris intérieurement quand elle grimace de douleur.
- Que tu sois la fille de son patron ou même la maitresse du Président, je n’en ai rien foutre.
Les hommes reviennent vers nous avec nos verres alors je lâche sa main tandis que Pierre me tend ma coupe de champagne. C’est fou ce que ça fait du bien. Je ne me lève pas tous les matins, souffre comme une damnée dix jours sur trente pour venir me faire traiter comme une moins que rien par une petite salope qui ne pourrait supporter le quart de ce que j‘ai déjà vécu dans ma vie.
- Finalement, je crois que je suis un peu fatiguée chéri. On peut rentrer ou tu veux rester encore ?
- On fait comme tu veux, dit Pierre en m’enveloppant les épaules.
- Alors rentrons.
- Mais ta coupe ?
- Laisse-la à Carter, qu’elle puisse boire à ma santé.
Pierre s’excuse auprès de ses connaissances et de Carter et nous nous éloignons ensemble tandis que je sifflote la chanson de Donzer à ma sauce. « goudronnière, chef des goudronnières ».
Une heure plus tard alors que nous étions en train de nous préparer à nous coucher, Pierre cherche ses clefs dans le noir pour m’emmener à l’hôpital.
Dix ans que je souffre sans qu’aucune médecine ne puisse m’aider.
Mais c’est bien la première fois que j’ai l’impression que je vais mourir.