CHAPITRE 12

Write by Maylyn

-Qu’est-ce qu’elle fout ici ?

Kady était sur le seuil du salon, nous fixant de ses lentilles qui étaient grises cette fois. Avant que je n’intervienne, Yélé pris la parole, s’approchant à pas lents d’elle et croisant les bras.

-Pardon ? Euh…Si je ne m’abuse, je suis dans la maison de MES parents ici ! Alors, ce serait plutôt à moi de te poser la question tu ne crois pas ? Qu’est-ce que tu fiches ici ? Et puis d’abord même, comme as-tu fait pour entrer ?

-Je suis entrée avec la clé que m’a offert MON homme parce que j’y habite avec lui.

-Ah bon ? J’aurais plutôt compris le contraire car il paraîtrait que tu préfères la vie plus … trépidante de Manhattan ?

-Pierre-Marie ! Tu as osé parler de notre relation avec cette petite insolente ?

-Bien sûr ! Et de ce qu’il m’en a dit, je peux en conclure que c’est pas fameux du tout ! Ironisa Yélé, un sourire moqueur aux lèvres. Et fermes-la deux secondes ok ? Ta voix de crécelle me donne la migraine ! Nous sommes dans un quartier de gens bien éduqués ici donc si tu penses ne pas en faire partie, la porte est encore ouverte. Libre à toi de déguerpir ! Bon, moi je vais prendre un bon bain relaxant car je tiens à ne garder que de beaux souvenirs de cette journée. Merci encore PM ! Ajouta-t-elle en m’offrant son plus beau sourire provocateur tout en reprenant son chapeau et ses lunettes que je tenais. 

Et se désintéressant complètement de Kady, elle monta majestueusement les marches en direction de sa chambre. Je ne me rendis compte que je la fixais que quand j’entendis la voix de ma petite amie m’apostropher :

-Et tu ne dis rien Pierre-Marie ?

-Dire quoi ? C’est toi qui a commencé ?

-Non mais je rêve ! Tu es en train de prendre sa défense là ?

-Je ne défends personne. Je dis juste qu’après la façon dont tu es partie ce matin, ce n’est certainement pas la bonne attitude à adopter pour annoncer ton retour. Ça va ? Tu as bien profité de ta cour ?

Changeant radicalement de comportement, elle vint vers moi et mit ses bras autour de ma taille. Puis, d’une voix un peu plaintive et mielleuse, elle me répondit :

-En fait, tu m’as beaucoup manqué aujourd’hui Bébé. Je me suis vraiment ennuyée sans toi tu sais ? Alors, j’ai décidé de rentrer pour te présenter mes excuses pour mon comportement de ce matin. Et quand je suis arrivée, j’ai vu que tu étais sorti. J’ai essayé de te joindre sur ton portable mais apparemment, il était éteint. Ça fait bientôt trois bonnes heures que j’attends tu comprends ? Alors, j’ai été un peu exaspérée quand je t’ai vu riant et blaguant avec…ta sœur. Ne m’en veux pas s’il te plaît. 

Elle fit ensuite cette mine boudeuse qui me faisait craquer à chaque fois et comme d’habitude, je ne pus y résister.

-C’est bon, n’en parlons plus. Moi aussi je te demande pardon pour t’avoir crié dessus. Je n’aurais pas dû.

-Alors, on fait la paix ?

-En espérant qu’elle soit plus durable que les précédentes.

Après un petit rire, nous scellâmes cette réconciliation d’un baiser langoureux.

-Tu sais, j’ai beaucoup réfléchi.

-A quoi ? 

-A mon comportement. Et j’en suis venue à la conclusion que c’est vrai que je devrais essayer de tempérer mon caractère de cochon. Donc, je ne te promets pas de réussir au premier essai mais je compte bien essayer de m’améliorer.

Cette déclaration me donnait une impression de déjà vu mais je m’abstins d’en faire la remarque. Je priai intérieurement pour que ça soit vrai pour une fois.

-Et pour te montrer ma bonne foi, je vais même présenter mes excuses aussi à Yélé. Après tout, je pouvais lui faire un meilleur accueil n’est-ce pas ? Surtout qu’elle doit sans doute n’être là que pour un ou deux jours…

Je la corrigeai d’une voix hésitante.

-En fait, elle vivra ici durant au moins les trois prochains mois.

Je la sentis se raidir dans mes bras puis elle me fit un sourire que je sus forcé :

-Ah bon ? Comment cela AU MOINS trois mois ?

-Son agence lui a demandé de s’installer à New York jusqu’à nouvel ordre. Et comme les différentes Fashion Weeks débutent en Septembre, elle ne sait pas encore si elle devra repartir ensuite ou s’ils la voudront toujours ici. 

-Ah ! Je comprends oui…

Elle s’arracha de mes bras et me tourna le dos, se dirigeant vers le plateau de liqueurs posé sur la cheminée. Elle se servit un verre, prit une gorgée puis se retournant vers moi, un autre sourire plus naturel cette fois aux lèvres, s’écria :

-C’est super ça ! Nous pourrons peut-être apprendre à mieux nous connaître toutes les deux et qui sait, peut-être que nous pourrons enfin devenir amies.

-C’est vrai ? Ça ne te dérange pas ?

-Non non Bébé, ça va aller ! Bon maintenant, assez parlé ! Passons à des choses beaucoup plus intéressantes, susurra-t-elle en reposant le verre et en s’approchant de sa démarche la plus chaloupée, plongeant ses yeux dans les miens.

-Hummmm et quelles sont ces choses si intéressantes ?

Elle me prit par la main, me tirant vers les escaliers avec comme destination évidente ma chambre. Une fois devant, elle me poussa contre la porte, se plaqua contre moi et passa ses bras sous mon polo en remontant lentement ses mains le long de ma poitrine. Elle commença à m’expliquer d’une voix langoureuse ce qu’elle avait en tête en appuyant ses mots de petits baisers dans mon cou, puis, sur chaque partie de mon visage à l’exception de mes lèvres.

-Eh bien…D’abord je suppose qu’après cette longue journée…tu as besoin de te détendre non ?...Alors je vais faire couler un bon bain…que nous prendrons ensemble…Ensuite, tu te coucheras…je te ferai un massage avec la nouvelle huile chauffante que j’ai acheté…Tu n’auras qu’à rester coucher et me laisser faire…

Me sentent de plus en plus émoustillé par sa voix, ses dires, ses lèvres sur ma peau et ses caresses, je pris sa jambe gauche puis caressai lentement sa cuisse, relevant au fur et à mesure l’ourlet de sa petite robe pendant que mon autre bras la serrait de plus en plus contre ma virilité qui commençait à se réveiller. Je lui murmurai à l’oreille :

- Continues…

-Après ce massage…je me tiendrai aux pieds du lit…puis je remonterai lentement…parsemant pleins de petits baisers en chemin…tout au long de tes jambes…et je continuerai d’avancer…jusqu’à ce que j’atteigne…

-PM ! Maman au téléphone !

Il me fallut quelques secondes pour que je redescende sur terre et me rende compte que c’était Yélé, adossée à la rampe, qui venait de prononcer ces paroles. Repoussant doucement Kady, je me précipitai pour prendre le téléphone qu’elle me tendait, évitant de la regarder. Je me retournai ensuite vers ma petite amie en haussant les épaules d’un air désolé et n’obtins qu’un grognement et un regard assassin comme réponse. Elle ouvrit rageusement la porte de la chambre et la claqua. Soupirant, je me résignai au fait que le programme soit légèrement changé finalement et certainement pas en ma faveur. En entendant Yélé pouffer, je la fixai en fronçant les sourcils puis je pris l’appel :

-Allô Maman !

Le lendemain matin, debout à 5h00, je me levai et me préparai pour mon jogging matinal. Au moment de sortir de la maison, j’entendis des pas dans les escaliers. C’était ma soeur qui s’apprêtait visiblement à faire comme moi.

-Bonjour !

-Hello Frérot ! 

-Tu pars courir ?

-Oui ! Chaque fois que je le peux, je fais un petit tour le matin. Ça me permet d’être au taquet toute la journée, m’explique-t-elle en souriant. En plus, à cette heure, le soleil est plus clément avec moi vu qu’il se lève à peine. Toi aussi je suppose ?

-Comme tu vois ! 

-Allez, viens que je teste ton endurance !

-C’est ça oui crâneuse ! 

Eclatant de rire, elle me précéda dehors. Je refermai la porte et bientôt, je fus à son niveau. 

-Alors ? La nuit fut torride ? Demanda-t-elle moqueuse.

-La ferme Sun ! Et je te préviens tout de suite hein ! Pas question de me charrier dessus sinon, je te laisse continuer toute seule. 

Un rire dans la voix, elle me rétorqua :

-Ok j’ai pitié de toi donc changeons de sujet.

Nous courûmes jusqu’à Prospect Park qui n’était pas très loin et profitâmes ainsi du panorama tout en faisant quelques étirements et exercices d’abdos. Une heure plus tard, nous étions de retour. Descendant à la cuisine, nous prîmes quelques minutes pour souffler et nous désaltérer. Puis nous montâmes dans nos chambres respectives pour nous apprêter pour la journée. Yélé avait un shooting photo ce matin et moi je devais bien sûr me rendre au travail. Trouvant Kady encore endormie, je fis attention à ne pas la réveiller en m’apprêtant. Lorsque je redescendis à la cuisine pour la deuxième fois de la journée, ma sœur avait fait du café. 

-Je te sers une tasse ?

-Oui s’il te plaît !

Pendant qu’elle s’affairait, j’admirai la manière dont son legging en jean blanc épousait ses formes harmonieuses. Un haut fluide et transparent complétait sa tenue. Elle était pieds nus, ce qui m’indiquait qu’elle n’était pas encore prête à partir. Les cheveux relevés en un chignon lâche et le visage exempt de maquillage, elle paraissait encore plus jeune mais elle gardait cette beauté éthérée qui me fascinait tant. « Angel », ce surnom lui allait plutôt bien finalement.

-Tiens au lieu de rêvasser ! 

-Oh merci ! 

-Dis donc, tu portes super bien le costard hein ! Tu es sûr que tu ne veux pas faire une reconversion dans le mannequinat ? Les marques pour homme tueraient pour t’avoir !

-Non merci ! Je suis architecte et j’aime beaucoup ce que je fais.

-Bon d’accord ! Je n’insiste pas…pour le moment ! Ajouta-t-elle avec un clin d’œil.

Je me levai et renversai du café dans mon mug isotherme pour la route.

-Je ferais mieux de m’en aller avant que cette idée saugrenue te paraisse vraiment possible. Je te dépose quelque part ?

-Non merci ! Je prendrai le métro aujourd’hui ! 

-Et pourquoi ?

-Eh bien, parce que j’en ai envie ! S’exclama-t-elle, visiblement fière de sa trouvaille.

-D’accord ! Alors à ce soir !

-A ce soir ! 

Sortant de la cuisine, je revins sur mes pas et l’interpella :

-Eh Sun ?

-Oui ?

-Pas d’embrouilles avec Kady hein !

Souriant d’un air, mystérieux, elle répliqua :

-Je ne vois pas ce que tu veux dire.

-Je suis sérieux Yélen ! Elle m’a promis hier soir de faire un effort. Alors j’attends que tu en fasses autant. Si vous ne pouvez pas être amies, au moins faîtes une trêve.

-Promis Grand-Frère Chéri ! Tout se passera bien !

Bizarrement, cette phrase ne me rassura pas vraiment. Et j’eus raison de m’inquiéter car en rentrant ce soir là, avant même d’ouvrir la porte, j’entendis des éclats de voix. Je me dépêchai d’entrer pour entendre Yélé, qui me tournait le dos, vociférer après Kady :

-Il me suffit d’un appel à mes parents pour que tu ne sois plus la bienvenue dans cette maison ! Tu te prends pour une princesse alors que tu n’es qu’un serpent qui passe sa vie à empoisonner le monde avec son venin ! Tu penses avoir des amis ? Tu rêves ma pauvre Chérie ! Si tu savais toutes les monstruosités que tes sois disant potes racontent sur toi dans les soirées! Monstruosités qui sont sans doute vraies d’ailleurs ! Tu n’as rien Kady et tu n’es RIEN ! Sauf bien sûr être une jolie poupée pourrie gâtée pourvue d’un cerveau de moineau et qui ne sait rien faire d’autre à part vivre aux crochets de son Papa et emmerder son entourage ! Ton absence est égale à ta présence ! Non pardon, je me trompe ! Ton absence est supérieure à ta présence parce qu’au moins quand tu n’es pas là, même la couche d’ozone jubile !

M’apercevant, Kady courut vers moi et me serra dans ses bras en pleurant. 

-Dieu Merci ! Pierre-Marie tu es enfin là ! Sanglota-t-elle. Tu vois comment elle est méchante avec moi ? Pourtant, j’ai essayé de m’entendre avec elle au moins pour toi. Et regarde ce que je récolte en retour. Que des insultes et des calomnies!

Le corps secoué de sanglots, elle ne put continuer. Profondément choqué par les paroles que je venais d’entendre, je me tournai furieux vers Yélé, Kady toujours dans les bras :

-Non mais tu as perdu la tête ou quoi ? De quel droit lui parles-tu de cette manière ?

-Mais PM, attends que je t’expl…

-Et ne m’interromps pas quand je te parle ! Hurlai-je. Alors, parce que Mademoiselle pose pour des marques de luxe et se fait suivre par les paparazzi, elle se croit supérieure aux autres ? C’est la dernière fois que je t’entends proférer de telles paroles à l’encontre de MON amie ! C’est clair ? Tu oublies qu’elle est ton aînée et qu’en tant que tel tu lui dois le respect ? Je n’aurais jamais pensé dire ça de toi mais tu me déçois beaucoup Yélen ! Vraiment ! Maintenant présentes-lui tes excuses !

-Jamais !

-Qu’est-ce que tu as dit ?

-J’ai dit JAMAIS ! Cria-t-elle les larmes aux yeux. Tu n’étais pas là donc tu ne sais pas ce qui s’est REELEMENT passé ! Alors ne compte pas sur moi pour demander pardon à cette vipère ! Je suis chez moi ici donc je fais ce que je veux ! Libre à toi de garder les œillères que tu t’entêtes à te mettre sur les yeux mais ne me demandes pas d’en faire autant ! Elle peut venir ici quand elle veut puisque c’est ton souhait mais dis-lui bien de se tenir très très loin de moi parce que la prochaine fois qu’elle me provoque, je lui arrache ses extensions et si possible sa tête avec !

Sur cette tirade, elle s’enfuit dans sa chambre.

-Tu vois Bébé ? Même à toi elle manque de respect…

-Je ne suis pas idiot Kady et je te connais alors bien que je ne sache pas vraiment ce qui s’est passé, je suis néanmoins certain que tu n’es pas totalement innocente dans cette histoire. Je me trompe ?

Me repoussant brusquement, un regard meurtrier levé vers moi, elle s’écria :

-Après tout ce que tu as entendu, tu la défends encore ?

-Ce n’est pas vrai ! Je dis simplement que rien n’est tout blanc ni tout noir c’est tout…

-Ah ça c’est la meilleure ! Bravo Pierre-Marie, ironisa-t-elle. Tu gères la situation avec brio !

Ma colère revint immédiatement.

-Mais qu’est-ce que vous me voulez à la fin ? Je rentre après une journée harassante et tout ce que je trouve en arrivant, ce sont deux harpies en train de s’étriper pratiquement! J’espère que je n’y aurai pas droit tous les jours sinon…

-Sinon quoi ? Allez termine ta phrase ! Tu vas m’interdire l’entrée de cette maison ? Ou alors, tu vas la choisir au détriment de notre relation ? Après tout, la famille passe en premier non ? Faux-cul va !

Une seconde plus tard, la porte qui claquait me confirmait qu’elle avait quitté la maison.

M’asseyant lourdement sur le canapé, je m’exclamai :

-Pitié Seigneur !

Deux heures après ce drame, j’étais dans mon bureau, étudiant des plans quand j’entendis frapper doucement à la porte. 

-Entre ! 

Comme je m’y attendais, c’était ma sœur, un plateau repas dans les mains. Elle le déposa sur la table basse du petit salon de la bibliothèque et vint s’arrêter devant moi.

-Oui ?

-Comme tu ne descendais pas dîner, je t’ai fait monter ta nourriture.

-Ah merci.

-De rien. C’est fait avec tout l’amour que te portes ta petite peste chérie en signe de paix.

Levant enfin le regard de mes documents pour le porter sur elle, je rectifiai :

-C’est plutôt un drapeau blanc qu’on utilise normalement.

-Fastoche ! Je suis moi-même en blanc !

Ne pouvant retenir un rire, je déclarai :

-Viens là imbécile !

Elle vint immédiatement se blottir dans mes bras et me serra très fort.

-Je n’aime pas quand on se fâche.

-Moi non plus.

-Tu m’en veux beaucoup ?

-Encore un peu oui. Mais heureusement pour toi, je tiens encore plus à ta tête! Mais c’est vrai que tu mériterais une fessée. Chut ! Tais-toi sinon tu risquerais de m’énerver encore et je serai tellement occupé à me disputer avec toi que mon dîner refroidirait. Allez, viens plutôt me tenir compagnie et me raconter ta journée !

Les semaines qui suivirent furent jalonnées de disputes ou de piques lancées l’une à l’encontre de l’autre et de petites accalmies qui n’avaient lieu que quand l’une des deux était de sortie. Si je regardais un match de catch à la télé avec Yélé, Kady en faisait un drame. Et si je sortais dîner avec Kady, c’est Yélé qui boudait durant des heures. Je m’étais résigné à faire office d’arbitre dans le secret espoir qu’un jour où l’autre, un miracle se produise. Et apparemment, un jour ma prière fut enfin entendue. Trois semaines s’étaient écoulées depuis l’arrivée de Sun et en rentrant ce soir-là, j’entendis des rires venant du salon au lieu des cris habituels. Brûlant de curiosité et de perplexité, je me dépêchai d’aller voir de mes propres yeux ce que mon cerveau essayait de me faire comprendre en vain : Kady et Yélé regardaient la télé, toutes deux assises sur le canapé, riant devant un épisode de Friends.

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