Chapitre 12

Write by Lilly Rose AGNOURET


 

Le repas terminé, Christian me reconduit à l’hôtel. Nous écoutons du hip hop gabonais pendant le trajet. Il me sourit et me dit :

« J'ai donné ton prénom à ma fille. La dernière. Je voulais qu'elle soit aussi douce que toi. »

« Merci Christian. Cela me touche vraiment. Il faudra que tu  nous présente un de ces jours. »

« Ça se fera, t'inquiète. Ça fait vraiment du bien de te revoir. Et dis moi, as-tu des nouvelles de ta mère ? Êtes-vous restées en contact ? »

« Non. Mais je l'ai retrouvée. Elle fait le ménage dans l’hôtel où je suis descendue. »

« Oh ! Cela a dû la mettre plus que mal à l’aise de te voir ? »

« A qui le dis-tu ? Mais cela m'a pas mal choquée. Autant je l'ai haï, autant j'ai été désarçonnée en la retrouvant en domestique. Mais bon, elle est toujours égale à elle même et je le lui rends bien. »

« Comment va ton cœur, Merlie ? »

« Mal. Mais ça ira. Je me suis rendue compte que je suis incapable de rendre l'amour que l'on me donne. Quelque chose est brisé en moi. »

« Hum ! Ne me dit pas que tu vis toute seule ! Tu parlais de tes enfants. »

« Ils sont le centre de ma vie. Leur père m'a sauvée et a fait de moi ce que je suis. Nous sommes divorcés. »

« Je vois. On en parlera une autre fois. Je veux tout savoir. »

Il s'arrêta près du perron à l'entrée de l’hôtel. Il me regarda et me dit :

« Fais gaffe avec cet  Arcèle Adolpe Amoniè ! C'est un cas. »

« Ok. A demain. »

 

Arrivée à la réception de l’hôtel, l'agent en poste me dit :

« Mme Anderson, vous avez un coursier. »

Il me tend  une enveloppe. Je l'ouvre et me rends compte qu'il s'agit d'un mot de la part d'Ivo :

Merlie, je passais te dire au revoir ; je pensais avoir l'honneur d'un dernier vers avec toi, hélas. Tu m'échappes toujours...pourtant, la nuit dernière, je n'ai rêvé que de toi et de ce que ton corps pourrait offrir de bonheur au miens.

Je m'en vais avec le son de ta voix comme mélodie pour m'endormir chaque nuit. Je ne renonce pas à la possibilité d'une idylle entre nous, raison pour laquelle je t'attendrai le temps qu'il faut...Je veux dire deux semaines. Oui, rendez-vous dans deux semaines à Zanzibar.

Ivo.

Un second papier accompagne cette petite lettre. Il s'agit d'une réservation de vol Londres- Nairobi- Zanzibar. Je relis le document en me disant que j'ai sûrement la berlue ! Mais non, il a bien pris un billet d'avion pour dans 15 jours de sorte que Merlie Anderson l'y rejoigne.

Il y en a qui sont optimistes ! Vraiment optimistes. Au dos de la lettre est indiqué le nom de l’hôtel dans lequel nous descendrons à Zanzibar. Rien que de le lire, cela donne déjà une idée de ce que sera le séjour. On imagine la couleur turquoise de l'eau, les magnifiques couchers de soleil en sirotant des cocktails à base de lait de coco.

Il rêve s'il pense que j'y serais. Non ! Les hommes mariés, je préfère m'en passer. Dommage Ivo.

 

Je vais tranquillement vers l'ascenseur et monte jusqu'à mon étage. Là, j'arrive devant la porte de ma chambre et entre tranquillement. Je pense à ma mère à cet instant sans trop savoir pourquoi. Bref... Demain, je la rencontrerai sûrement dans les couloirs ou peut-être à la réception. Vu comme elle était de méchante humeur la dernière fois, je suis prête à parier que cette nuit en s'endormant, elle me maudit tout bonnement. Sacrée maman ! Si seulement je pouvais te zapper.

Je regarde ma montre et vu l'heure, je ne peux appeler mes enfants, même si le décalage horaire fait qu'il est une heure de moins à Londres. Alors, je prends tranquillement mon bain, puis me glisse sous les couvertures.

Je note dans mon petit calepin qui me sert d'aide mémoire :

- Appeler Arcèle Adolphe Amoniè demain à 9h pour confirmer notre rendez-vous.

- Faire un petit tour entre midi et 2 au quartier Plein Ciel. Appelez mon petit prince avant son match de football à 15h.

-        

Satisfaite, je m'endors tranquillement après avoir arrêté mon téléphone portable.

Le lendemain matin, la séance de travail avec l'équipe de direction, se passe très bien. Tout le monde est présent et  au taquet dès 8h excepté Jalil Ratanga, qui est en call-conference avec un partenaire sud-africain. Quand il arrive dans la pièce avec trois quart d'heure de retard, il salue poliment et s'excuse en prenant place dans le seul fauteuil resté libre et qui se trouve juste en face de moi. Ainsi, je ne peux esquiver ses regards appuyés, comme lorsqu'il se tenait juste à ma gauche et que je pouvais l'ignorer. Il y a quelque chose de différent en lui aujourd'hui. Avec habileté, monsieur semble avoir mis en avant, tous les atouts que son charme légendaire lui concède. Le polo couleur lavande qui se cache sous sa veste noire, ajoute énormément de lumière à son visage que monsieur a rasé de près ce matin. La senteur musquée de son parfum, l'a précédé dans la pièce. C'est un sifflement appréciateur que lui lance Angèle DoRégo, la responsable juridique de l’entreprise. toujours prompt à le taquiner pour comme qui dirait, briser la barrière grand-chef/collaborateurs.

Il sourit et me dit :

« Mme Anderson, ce matin, je peux témoigner que l'on ne vous paie pas pour rien ! »

« Puis-je savoir pourquoi, Mr Ratanga ? »

« C'est bien simple ! Je viens de recevoir une proposition de contrat pour un marché très important. Cela, grâce à vos solutions égrainées depuis le début de cette session de travail. C'est 68 millions de francs CFA qui nous tendent le bras ! De quoi jubiler pendant les 6 mois et avoir envie disons, de vous... »

« De me remercier, c'est ça ? Ya pas de quoi. Une fois que vos équipes seront coachées par ma collaboratrice, vous verrez ! Ce contrat vous le remplir sans souci avec des primes en plus. »

« Rien n'arrête votre optimisme, n'est ce pas ? »

« Rien, en effet. Je reste positive en toute circonstance quand il s'agit de business. Je suis heureuse pour vous. »

« Merci. Vous êtes donc cordialement invitée au pot d'honneur qui est donné, disons, demain soir pour fêter la chose. »

« Oh ! Je regarderai dans mon agenda si cela est possible. Une telle invitation ne se refuse pas, en effet. Je suis vraiment heureuse pour vous. »

Là, Johanna Obame, la responsable de la communication interne réagit très vite.

« Donc, cocktail dînatoire demain 18h 30, si je comprends bien. »

« Oui. Je t'ai envoyé un mail à cet effet. », lui répond Jalil.

« Ok. Je mets mon équipe dessus tout de suite. », fait-elle en envoyant un mail via son téléphone.

Il est 11h 30 quand je décide d'une pause pour le déjeuner. Là, je me dépêche d’appeler le fameux Arcèle Adolphe Amoniè. Les deux contacts que j'ai eus avec lui se sont faits par mal. J'entends pour la première fois la voix de ce monsieur dont la photo n'est pas très flatteuse.

« Bonjour Mr Amoniè. Merlie Azizet à l'appareil ? »

« Je ne vois pas qui vous êtes ? Où avez-vous eu mon numéro. »

« Désolé, je suis Merlie Anderson. Azizet est mon nom de jeune fille et je viens de le reprendre. »

« Ah, c'est vous Mme Anderson ! Oui, oui, oui, je vois. Votre voix est délicieuse, vous savez. Si vous avez le corps qui va avec, laissez-moi vous dire que l'idiot qui vous a laissé filé et permis de reprendre votre nom de jeune fille, fera bientôt des cauchemars. Enfin, si Arcèle Amoniè reprend ce dossier. »

Si le type parle de lui à la 3ème personne c'est sûrement qu'il a un égo surdimensionné et que son cerveau a la taille d'un pois chiche.

« Monsieur Amoniè, il est question de business. J'ai une offre de travail à mettre sur la table pour l'entreprise dont vous êtes le PDG. StrictoSensus+ est une référence on le sait en matière de Télécommunication et Internet en Afrique Centrale. Je suis certaine que nos deux entités gagneront à travailler ensemble. Êtes-vous libre en début de soirée ? »

« Oh ! Comme c'est épuisant ! Moi qui me voyais vous inviter à dîner ce soir et contempler votre visage en sirotant un Don Pérignon, me voilà embarqués dans un dîner d'affaires ! Mais madame, les affaires se règlent dans la journée ! A partir de 08h, vous devriez le savoir, on pense à satisfaire le bas de son pantalon. Avez-vous saisi le message. »

« Non, non ! Je pense que nous ne sommes pas sur la même longueur d'ondes. Après avoir échangé ces deux mails avec vous en vous présentant les activités de ma boite, je pensais que les choses étaient claires. Apparemment non ! Laissez-moi vous renvoyer les mails en questions en y joignant l'invitation de ce soir. Nous discuterons tranquillement en partageant un verre de vin, si vous le souhaitez. »

« Ma belle, si je me déplace et délaisse ma petite ce soir et mon épouse, c'est pas pour parler affaires ! Est-ce que tu comprends »

« Veuillez me vouvoyer, s'il vous plaît. Restons aimables, monsieur. Êtes-vous libre ou pas ? »

« Cela dépend du lieu du rendez-vous. J'ai mes habitudes dans certains endroits. Faites en sorte que le lieu choisis corresponde à mon image de marque. »

« Ce soir, 18h 30. Dans l'un des salons du Radisson Blu. Cela vous convient-il ? »

« Et comment ! J'adore les hôtels, ma belle. On pourra ainsi joindre l'utile à l'agréable. »

« Sur une échelle de 1 à 10, à quelle niveau se situe votre libido, cher monsieur. »

« Tu veux la tester, ma belle ? Je suis un homme, un vrai. Pas comme l'idiot qui t'a laissée filer. Avec une voix pareil, tu es sûrement capable e donner des orgasmes même à un mort. »

Je raccroche avec l'envie de me secouer la tête pour la vider de toutes les bêtises que je viens d'entendre. C'est bien mes amis qui ont raison. Si c'est ça la crème des jeunes dirigeants prometteur que l'on met en avant par ce prix, autant dire que le Gabon ira mal.

Je vais me vider l'esprit en allant vers la machine à expresso. Je m'en sers une tasse et remarque le magazine Africa Magnet, qui trône sur la petite table à ma droite. Jalil est en couverture. J'ouvre le magazine qui date de l'an dernier. Là, en page centrale, apparaît la photo d'un Jalil souriant, vêtu d'un très beau costume, posant avec grâce devant avec un trophée le désignant comme le patron de l'année, par les employés de la Vivarex, une succursale d'un groupe de Communication et Marketing.

« Il a toujours été apprécié de ses collègues. C'est la raison pour laquelle j'ai fait des pieds et des mains pour l'avoir ici. », fait une voix dans mon dos.

C'est Josiane Orézano, la directrice Marketing qui s'adresse à moi en souriant. Je lui retourne son sourire et lui dit :

« Vous l'avez fait débaucher, c'est ça ? »

« Oui. Il nous le fallait. Son prédécesseur était d’une paresse effroyable. Et vu que j'avais beaucoup travaillé avec Jalil durant 4 années, je savais de quoi il est capable. »

« Hum ! Je vois. »

« C'est quelqu'un de bien. Cela fait à peine quelques semaines qu'il est là et l'ambiance dans la boite est meilleure qu'avant. »

« Vous vendez bien votre boss ! »

« Hum ! C'est devenu un frère. Mon cousin est fiancé à sa petite sœur. »

« Ok. Je comprends. », fais-je déposant le magazine sur la table. « On peut dire qu'il a un beau parcours malgré tout. Je veux dire, quitter l'entreprise dont son beau-père est administrateur et montrer ailleurs de quoi il est capable, il faut le faire. »

« Heureusement qu'il a eu ce courage là, de partir. Cela fait quelques chaines en moins autour de ses chevilles, si vous voyez ce que je veux dire. »

Je me contente de sourire et changer de conversation.

« Connaissez-vous Arcèle Adolphe Amoniè ? »

Elle toussote avant de me répondre :

« Disons que tout le monde le connais. »

« Mais encore ? »

« Il vendrait père et mère pour une affaire en or. C'est un flingueur né. Il a le flair pour le business. Et cela lui réussi. Je déteste ce genre de personne ! »

« Je vois. », fais-je en riant.

Alors que j'aimerais lui demander si ce type est un homme à femme comme je le suppose, mon téléphone sonne. Je m'éloigne pour répondre à Pédro, qui me lance :

« Christian et moi avançons sur le dossier du géniteur de ta sœur. Mais si tu savais ce que ça nous coûte en casier de Guinness et de Castel Beer ! Mais le résultat nous l'aurons. »

« A qui mouillez-vous la gorge pour avoir des infos ? »

« Écoute ! J'ai passé la nuit à Plein ciel. Comme vous avez vécu là avant d'arrivé à Venez Voir, j'ai retrouvé le trou où vous créchiez ta mère et toi et j'ai soudoyé quelques personnes qui m'ont guidé vers une maman qui était là à la même époque que vous. Et voilà ! Je continue mes enquêtes. A tout à l'heure. »

Plein Ciel ! Toute une histoire, ce mapane. Combien de fois à l'âge de 3 ans, me suis réveillé dans une chambre inondée ! J'ai failli boire la tasse à l'âge d 4 ans, quand une pluie torrentielle a dévasté le terrain sur lequel nous vivions.nos matelas, marmite, vêtement on surnagé sur ce qui était une marre, improvisée dans ce qui nous servait de salon. Et un an plus tard, ventre proéminent de 5 mois de grossesse, quelques marmites emmaillotées dans un vieux sac de marché, madame ma mère m'a tiré par la main pour m'emmener ailleurs. Dans un ailleurs aussi crasseux que ce quartier. Nous sommes arrivés à Venez Voir. Autant vous dire que lorsque les latrines de votre voisin donnent sur la fenêtre de votre cuisine, il n'y a rien à voir, mais plutôt à sentir.

Elle portait ma petite sœur Lauryne dans le ventre mais jamais je n'ai vu aucun homme dans sa chambre. Ou peut-être étais-je trop petite pour me souvenir de quoi que ce soit.

 

Nous reprenons tranquillement notre session de travail. A 15h, je prends la peine de m'arrêter deux minutes pour une pause toilette. J'y vais et en profite pour parler à Taylor, l'homme de ma vie, mon fils aîné, qui du haut de ses 9 ans, me dit :

« C'est promis, hein ! T'as le droit de me faire des bisous, seulement au téléphone. »

 

Il est 18h quand je sors des locaux de l'entreprise, téléphone en main, heureuse que Jalil ne m’aie pas retenue en salle avec son éternel jeu de policier aux abois. Je monte en voiture avec Johanna Obame, qui me demande pourquoi je n'ai pas loué de voiture pour mon séjour. Je lui réponds en riant :

« Je préfère me déplacer en taxi. Cela me permet de ralentir le rythme fou auquel je suis habituée à Londres. Au moins, je peux prendre le temps de lire en me déplaçant. »

« La vie à Londres doit être trépidante ! », me fait elle.

« Oui ! Très ! Je ne m'imagine pas vivre ailleurs. »

Nous continuons de bavarder jusqu'à se qu'elle me dépose à l'entrée de l’hôtel. Un portier m'aide à descendre de voiture. Je me dirige prestement vers la réception pour récupérer mon passe et monter me rafraîchir avant mon rendez-vous qui à lieu, disons...maintenant, vu que je suis en retard de 10 minutes.

Zut ! Je demande rapidement le pass. J'avance vers les ascenseurs et suis obligée de stopper net car face à moi, j’aperçois ma mère en compagnie de...ce type est bien celui de la photo dans mon dossier. Elle est bien en compagnie d'Arcèle Adolphe Amoniè. Mais pour quelle raison ? Depuis quand le connaît-elle et que font-ils ensemble ? Où va cet imbécile alors que nous avons rendez-vous tous les deux ? Je reste là, interdite alors que ma mère affiche le plus beau des sourires en me fixant droit dans les yeux. Son sourire sonne pour moi comme un doigt d'honneur. J'ai juste envie de lui dire que je n'ai rien à foutre de la blancheur de ses dents...mais je me retiens d'aller vers cet ascenseur et d'y monter. La porte se referme. Je reste là à me demander ce qui se joue là !

Mon téléphone vibre alors. Un rappel : oui, j'ai oublié de faire ce tour au quartier Plein ciel. Ce n'est que partie remise. J'irai là-bas demain. Pour le moment, j'aimerais bien savoir pourquoi ce type avec lequel j'ai rendez-vous, vient de prendre l'ascenseur avec ma mère ?

Je décide de reposer mon esprit et de monter calmement dans ma chambre. Là, mon téléphone sonne. Pedro au bout du fil me lance :

« Frangin, c'est fort. Toi-même tu dois venir écouter. Je ne sais même pas si je peux te faire le compte-rendu. C'est ultra fort. Je ne sais pas, quoi ! »

« De quoi parles-tu, Pédro. »

« C'est trop fort ! J'ai dû bastiller mon esprit pour prendre le téléphone et t'appeler. Même Christian à la tête complètement à l'envers tellement il a eu envie tout d'un coup de s'enterrer vivant plutôt que de t'appeler.

« Tu n'exagère pas un peu, Pédro ! »

« Wèèè ! Pardon, Je vais reposer ma tête et on arrive vers toi. C'est ce soir ou demain que tu veux savoir la vérité ? »

« Pédro, qu'y a t-il ? As-tu retrouvé le géniteur de ma sœur ? »

« Hum ! Si je te dis que je préfère mourir sous les balles de cet idiot qui a violé ta sœur, tu réponds quoi ? »

« Je te réponds que je préfère avoir le fin mot de l'histoire qui t'a conduit à passer la nuit à Venez Voir et à acheter de nombreux casiers de bière. Je vous attends. Venez me chercher. Je suis à l’hôtel. »

« Ok. Je motive Christian et on tombe à ton hôtel dans une heure. »

« Ok. À tout à l'heure. »

Je raccroche. Cela me laisse le temps de rattraper le coup avec ce Mr Amoniè. 

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