Ciara n’est pas réellement en colère. Seulement ça la blesse de savoir que son amie n’ait pas jugé bon de lui parler de sa nouvelle relation. Elle monte les escaliers pas sans emporter son cadeau. Lala lui court après. Elles arrivent dans la chambre. Ciara pose le coffret sur sa coiffeuse. Lala l’observe n’osant rien dire de peur de la rendre plus vénère qu’elle ne l’est présentement. Quand Ciara lui fait face enfin elle croise les bras puis la bombarde de questions.

-         Son nom ?

-         Siméon.

-         Age ?

-         37 ans

-         Boulot ?

-         Informaticien.

-         Jour de rencontre ?

-         Ça va bientôt faire deux semaines ?

-         Deux semaines ! Putain Lala, et tu ne m’as rien dit ? S’énerve-t-elle en lui tournant le dos

-         Je ne pensais pas que ça allait devenir sérieux ?

Lala la contourne pour se mettre de nouveau en face d’elle.

-         Alors c’est sérieux ? Demande Ciara ahurie.

-         Je devais rencontrer sa famille hier. Déclare Lala.

Ciara prend un air coupable quand elle réalise que c’est à cause d’elle si Lala n’a pas pu faire la connaissance de sa future belle famille.

-         Excuse-moi Lala. Si j’avais su…

-         Rien du tout. Tu es mon amie, ma sœur de cœur et tu n’allais pas bien. c’était mon devoir d’être là pour toi.

Ciara sent les larmes lui picoter les yeux. Elle court se jeter dans les bras de Lala. Elle aime tellement cette fille qu’elle ne sait pas ce qui se passerait si elle devait se séparer d’elle. Lala a sacrifié un rendez-vous important pour être avec elle. Ce genre de geste ne s’oublie pas.

-         Je t’aime ma grosse adorée. Dit-elle en reniflant.

Elle n’a pas pu retenir ses larmes.

-         Je t’aime aussi ma belle. Je serai toujours là pour toi.

-         Merci la grosse. Mais je me sens mal pour ton rendez-vous foiré.

-         Ce n’est pas grave quand il sera de retour on décidera ensemble d’un autre jour. Puis je voudrais qu’il fasse ta connaissance.

-         J’en serais ravie. (elle lui tient le visage) dis-moi tu l’aimes ?

-         Je suis folle de lui Ciara. Jamais je n’aurais cru que ça m’arriverait un jour. S’exclame-t-elle.

-         Mais je pensais qu’Ulrich t’intéressait ?

-         Bah, au début oui. Mais quand j’ai compris quel genre de mec il est j’ai été dégouté.

Ciara la serre dans ses bras. Le seigneur a enfin exaucé ses prières. Elle avait perdu espoir de voir un jour son amie changée. Dieu merci Lala a trouvé un homme dont elle est amoureuse. Adieu les nombreux mecs et adieu la vie de pétasse. Pense-t-elle en enlaçant plus fort son amie.

Les jours qui suivent se déroulent sans incident. Pas de nouvelles de Bamba. A-t-il décidé de la laisser tranquille ? Elle espère que oui. Pourvu que la police trouve des preuves pour le coincer. Steph n’est toujours pas revenu de son voyage. Bientôt trois semaines qu’il est parti et aucune nouvelle de lui. Aujourd’hui est le dernier jour de la semaine. Un vendredi assez calme. Remarque-t-elle en traversant le hall du rez-de-chaussée. Les gens la regardent bizarrement ou est-ce son imagination ? Arrivée à son bureau, Sylvie n’ose pas lever les yeux vers elle. C’est quoi ce bordel ?

-         Qu’est-ce qu’il y a Sylvie ? Demande calmement Ciara.

-         Heu… rien mademoiselle. Bredouille la jeune femme.

-         Comment ça rien ? tout le monde me regarde d’un air étrange depuis le hall alors ne me dis pas qu’il ne se passe rien. Lâche-t-elle hors d’elle.

-         Eh bien mademoiselle… c’est que… ce matin (elle baisse la tête)…

-         Quoi ce matin ? Crie Ciara.

-         C’est que… presque tout le personnel a reçu une vidéo. Nous ne savons pas comment cela a pu se produire. Les informaticiens eux-mêmes ne se l’expliquent pas. Informe Sylvie.

-         Et alors ? Qu’est-ce qu’il y avait dans cette vidéo ?

-         Eh bien… je ne sais pas comment vous le dire mademoiselle. Ça me gêne.

Le cœur de Ciara commence à cogner très fort contre sa poitrine. Elle redoute le pire.

-         Dis-moi Sylvie.   Ordonne-t-elle.

-         Dans la vidéo, on vous voit embrasser M. N’Goran.

-         Montre la moi. Dit-elle d’une voix incertaine.

-         Ecoutez mademoiselle, vous ne devriez pas…

-         Je veux la voir. Dit-elle sur un ton ferme.

Ciara est à deux doigts de suffoquer en regardant la vidéo sur l’ordinateur de Sylvie. C’est le jour du mariage, sur la piste de danse. On la voit clairement rouler une pelle à Stéphane. Et en dessous défile « Mlle Ciara N’Goran se tape son boss ». Si la terre pouvait s’ouvrir en cet instant précis, elle s’y enterrerait afin d’éviter cette honte qu’elle ressent présentement. Voilà ! Ce qu’elle a redouté a fini par arriver. Tout le monde est au courant de sa relation avec Steph et ils doivent tous penser qu’elle est une traînée. Plus personne ne la respectera. Seul Bamba est capable de faire une chose pareille. C’est sa manière à lui de se venger d’elle : salir sa réputation. Et il y est parvenu. Elle ne se rend pas compte des larmes qui roulent sur les joues.

-         Mlle, permettez-moi de vous dire que tout ceci ne concerne que vous. Seulement vous. Il s’agit de votre vie privée et personne n’a le droit de s’en mêler…

Ciara regarde Sylvie d’un air surpris. Jamais cette dernière ne lui avait parlé de la sorte, c’est-à-dire… en amie. En plus, elle semble en rogne. On aurait dit que c’était elle dans la vidéo et non Ciara.

-         …la personne qui est derrière tout ça n’est qu’une sale lâche. Ne la laisser pas vous atteindre et surtout ne vous préoccupez pas de ce que les autres peuvent bien penser.

Ces paroles sont d’un tel réconfort. Ciara se surprend à sourire. A bien y réfléchir Sylvie a parfaitement raison. Ce qu’elle fait de sa vie en dehors de l’entreprise ne regarde personne. Longtemps elle a fait en sorte de donner une bonne image d’elle. Aujourd’hui pour un simple baiser avec son patron, on la regardait comme si elle avait assassiné quelqu’un.

-         Merci Sylvie. Tu n’imagines pas la force que tu viens de me donner. Dit-elle reconnaissante en essuyant ses larmes.

-         Je vous en prie Mlle. Et si je peux me permettre, M. N’Goran et vous formez un très beau couple.

-         Tu trouves ?

Le sourire de Ciara est à présent aussi large qu’un océan. Sylvie est la meilleure. Elle a réussi avec seulement quelques mots à lui redonner confiance en elle.

-         Quel âge as-tu ? Demande soudainement Ciara.

-         28 ans mademoiselle.

-         Nous sommes pratiquement de la même promotion, j’en ai 29… Merci encore Sylvie. 

-         Je vous en prie mademoiselle.

-         Appelle-moi Ciara, je voudrais qu’on soit plus que des collègues de travail. On pourrait aller déjeuner ensemble ce midi qu’est-ce que tu en dis ?

-         J’en serais ravie mad…Ciara.

-         Très bien. Dans ce cas je te dis à tout à l’heure.

Cette journée semble vouloir ne pas se terminer. Plusieurs heures qu’elle est là et il n’est que 11h. Le temps file à pas de tortue. Le coup que lui a fait Bamba lui a mis le moral à zéro. Pas un seul instant elle n’a été concentrée. Heureusement qu’elle n’a pas grand-chose à faire aujourd’hui. Bien que Sylvie lui ai fait réaliser qu’elle n’avait de compte à rendre à personne, elle se sent tout de même humiliée et honteuse. Comment se comporterait-elle dorénavant ? Les regards réprobateurs des autres ne cesseront pas de sitôt. Elle devra les supporter pendant très très longtemps. Y arriverait-elle ? Bien sûr que oui. Lui susurre l’autre Ciara. Tu comptes les laisser t’empêcher de t’épanouir ou quoi ? Reprends-toi bon sang et pour une fois cesse de te lamenter pour rien. Bah dis donc, c’est qu’elle est révoltée son autre elle. Cette dernière a parfaitement raison. Elle continuera de se comporter comme avant sans se soucier de qui que ce soit. L’ancienne Ciara est morte ce matin. La nouvelle ne se préoccupera plus de ce que pensent les autres dorénavant. Quand l’heure de la pause déjeuner arrive enfin, Ciara et Sylvie se rendent au restaurant d’à côté. Celui où Ciara part déjeuner les mercredis et vendredis.

-         Bonjour Ciara ! Lance Kady lorsqu’elle vient à leur table.

-         Bonjour Kady. Je te présente Sylvie une amie.

-         Enchantée. Dis La jeune secrétaire avec un sourire.

-         Moi de même. Répond Kady ravie.

-         Alors qu’est-ce que je vous sers ? Reprend Kady.

-         Nous sommes vendredi alors tu sais ce que je prends. Déclare Ciara.

-         Oui je sais. Mais t’aurais pu changer comme la dernière fois.

-         C’est vrai. Réplique Ciara en souriant.

-         Donc ce sera foufou et sauce mâchoiron pour mademoiselle Ciara. (Elle prend note). Et vous mademoiselle Sylvie ?

-         Je prendrai la même chose. Merci.

-         Boisson ?

-         Une bouteille d’orangina pour moi. Répond Ciara.

-         Pour moi ce sera juste de l’eau.

-         Très bien. Je vous apporte ça tout de suite.

-         Merci Kady. Dit Ciara.

Les deux femmes discutent tout le long du repas. Elles en apprennent beaucoup l’une sur l’autre. Ciara n’aurait jamais imaginé que Sylvie a une sœur qui vit le même immeuble qu’elle. Elle a été surprise de l’apprendre. Surtout quand Kady a dit qu’il lui arrive de vivre dans l’appartement de sa sœur lorsque celle-ci part en voyage. La sœur de Kady est hôtesse de l’air pour une compagnie allemande. De ce fait elle n’est quasiment jamais en Côte d’Ivoire.

-         Et dire qu’on ne s’est jamais rencontré. S’écrie Ciara.

-         Que le monde est petit. Renchérit Sylvie.

-         Donc… présentement tu es chez ta sœur ?

-         Non, j’irai mercredi prochain. Elle repart pour deux mois.

-         Sinon où vis-tu ?

-         Au plateau dokui.

-         Ah je connais, ma meilleure amie vit dans ce quartier. Elle s’appelle Lala. Et tu y vis seule ?

-         Non avec ma petite sœur Candice. Elle a 18 ans.

-         D’accord c’est bien.

Cette conversation fait énormément de bien à Ciara. Sylvie est une chic fille. Dommage qu’elle ne l’ait pas réalisé avant. Elles auraient pu devenir de bonnes amies depuis. Mais il n’est pas tard.

-         Il est bon ce thé. Déclare Sylvie en posant sa tasse.

Elles ont commandé du thé à la menthe à la fin du repas.

-         J’ai été conquis la première fois que je l’ai goûté. Répond Ciara le sourire aux lèvres.

-         Je suis heureuse d’avoir partagé ce moment avec vous…je veux dire avec toi Ciara.

-         Ça été un plaisir pour moi aussi. J’espère qu’on le remettra.

-          J’en serais honorée.

-         Bah dis donc, tu n’en fais pas un peu trop ?

Les deux femmes explosent de rire suite à la remarque de Ciara. Quand vient le moment de régler l’addition Ciara insiste pour tout payer. Et Sylvie se plie à sa volonté seulement après qu’elle lui ait fait promettre de la laisser payer la prochaine fois. Elles retournent à l’entreprise et se remettent chacune au travail. Ciara passe le reste de l’après-midi avec son équipe. Ils travaillent sur un nouveau projet. Ils ne voient pas le temps passer tellement ils sont absorbés par le travail. Le temps de s’en rendre compte il se fait très tard.

-         Merde, il est 20h. Jure Cédric.

-         Surveille ton langage Cédric. Le réprimande Ciara.

-         Euh…Excusez-moi, ça m’a échappé. Dit-il en se mordant la lèvre.

-         Ok. C’est bon pour aujourd’hui tout le monde. On se retrouve lundi. Bon week-end.

-         Merci Ciara. Répond Laurie l’une des filles de l’équipe.

-         Toi aussi passe un bon week-end. Ajoute Awa l’autre fille du groupe.

Comme toujours Ciara est la dernière à quitter la salle de réunion. Quand elle emprunte le couloir qui mène à son bureau, elle constate qu’il n’y a plus personne à l’entreprise. Rapidement elle part récupérer ses affaires et monte dans l’ascenseur pour descendre au parking du sous-sol. Elle salue au passage le vigile qui se trouve à la sortie de l’ascenseur puis grimpe dans sa Mercedes. Une fois à l’intérieur, elle met sa ceinture puis vérifie ses rétroviseurs. C’est à ce moment qu’elle aperçoit une silhouette sur la banquette arrière. Elle n’a le temps de crier. L’homme lui couvre la bouche en une fraction de seconde.

-         Comme on se retrouve ma petite Ciara. Lâche cyniquement Bamba.

 

Fin du vingt-deuxième chapitre. Bizbi.