chapitre 25

Write by leilaji

Chapitre 25


***Adrien***


Je reprends mes esprits et souris à Arc qui lève un sourcil interrogateur.


- Vous vous êtes disputés ?

- Non.

- Que se passe-t-il ? Enfin c’est peut-être médical, tu as envie d’en parler ?

- Oui et non, je ne sais pas.

- Si tu as besoin d’aide je suis là mais je voulais t’annoncer que je vais enfin me spécialiser en chirurgie générale.  J’ai moi aussi envie de réaliser mes rêves comme toi…


Je suis heureux qu’il le  fasse, j’aurais juste souhaité qu’il le fasse à un autre moment.  Mais je ne peux pas l’en empêcher. Il m’a accompagné tout au long du chemin tortueux vers la réussite de mon projet alors que rien ne l’y obligeait. Il l’a fait par amitié parce qu’il voulait me voir réaliser mes rêves. Enfin, ceux de Claire.

Ca a été très compliqué au départ. Les médecins sont formés pour soigner des patients pas pour faire du business pourtant ouvrir une clinique est un business. La première année a été catastrophique notamment parce que je me suis astreint à engager les membres de ma famille, des membres éloignés, des cousins par alliance, des nièces pas vues depuis un bail. C’était une manière pour moi de me dédouaner de les avoir tenus à distance pendant tout ce temps où je me suis consacrée à mes études. Que ce soit la famille vénale de ma mère ou celle encore plus hypocrite de mon père, j’ai essayé d’aider, d’accueillir ceux que je pouvais. Ils s’attendaient surement à ce que je leur donne de l’argent tout le temps et que je règle tous les problèmes mais j’en étais incapable parce que c’était très serré pour moi financièrement. Trouver du travail à ceux qui en avaient besoin, pour moi, résolvait tous les problèmes et me mettait à l’abri des critiques.

Mais comme l’homme noir n’aime pas le bien de l’autre ça a dégénéré en cours du roi Pétaud. Les patients étaient négligés, les médicaments et instruments volés, les analyses faites gratuitement aux amis et connaissances. J’ai bien failli me retrouver dans le rouge et c’est Arc qui a su au bon moment me dire de dire assez et de virer tous les incompétents.

Quand j’ai vu les conséquences sur une fillette qu’on avait failli perdre parce que son sérum avait été dilué avec je ne sais quoi, j’ai littéralement pété un câble et viré la moitié du personnel de la clinique. Ce jour là a été mémorable. C’était le premier jour de travail de Fernande et elle m’a applaudi des deux mains puis est allés tranquillement continuer à soutenir sa patiente en travail.  Personne ne m’avait encore vu énervé à la clinique alors ils ont été tous très surpris. Je ne sais pas m’énerver, parce que je suis  physiquement assez impressionnant pour que mes ordres soient exécutés sans que je n’aie à élever la voix. Par ailleurs, je n’aime pas tellement le faire. Je suis quelqu’un qui positive toujours alors je préfère sourire et régler le problème plutôt que de perdre mon temps à crier auprès de gens qui se foutent de moi de toute manière puisqu’ils ne veulent pas faire correctement leur travail. Depuis ce jour, ils passent tous le mot aux nouvelles recrues et comme personne n’a envie de revivre la scène, ils se tiennent tous à carreau.

Sans Arc, j’aurai fermé surement depuis longtemps. Et maintenant, il veut aussi réaliser ses rêves. C’est donc à mon tour de le soutenir.


- Tu ne dis rien ?

- Je suis un peu préoccupé Arc. Mais je suis très heureux pour toi.

- Léonie t’a enfin avoué ses sentiments c’est ça ? dit-il en sirotant son café.


Il m’en faudrait un aussi. Mais je n’ai pas la force de me lever pour m’en faire un ni même de demander à quelqu’un de m’en faire.


- Quoi tu le savais ? je m’étonne.

- Tout le monde le savait, même Fernande se demandait à quel moment tu allais enfin t’en rendre compte. On a parié dessus elle et moi et devine quoi. Elle a dit que le fait qu’une femme soit rentrée dans ta vie allait très bientôt t’ouvrir les yeux et dévoiler le jeu de Léonie. A cause de toi je lui dois 20 000 francs.

- Pfffff. J’ai l’air d’un con maintenant.

- Non, t’as juste l’air d’un homme tellement obsédé par celle qu’il aime qu’il ne voit rien d’autre.


Il prend place et lance le gobelet dans la petite corbeille à papier.

Quand on me dit maintenant que je l’aime, je ne bronche plus.

Quelle avancée !


- Tu partiras quand exactement ?  je lui demande, imaginant déjà le surcroit de travail que va occasionner son départ de même que le manque à gagner.

- Dès que tu m’auras trouvé un ou une remplaçante.

- Je n’ai vraiment pas le temps de m’occuper de ça en ce moment. Dis-je en passant ma main sur mon front. Si tu peux me proposer quelqu’un de fiable ça m’aiderait beaucoup.

- Je n’ai malheureusement aucun nom en tête en ce moment et je te signale qu’on fréquente tous les deux les mêmes personnes. Tu pourrais tout aussi bien trouver un médecin compétent non, ce n’est pas ça qui manque.

- Rends-moi service, cherche !


La clinique, le CHU d’Angondjé, la fondation et maintenant Elle, c’est trop pour moi. Je sens poindre une violente migraine.  Ca c’est le genre d’histoire à me faire remonter la tension. Ils s’y mettent tous décidément.


- Tu dois te ménager. Ca fait des années que tu bosses comme un dingue. Ca fait longtemps que je voulais te dire de mettre un léger coup de frein à ton rythme. Maintenant que tu as Elle peut-être pourriez-vous prendre un peu de temps pour vous. Tu verras c’est très agréable de laisser une vraie femme s’occuper de toi.

- Mais c’est quoi cette histoire de vraie femme que tu me sors tout le temps ?

- Juste qu’Elle change de tes minettes habituelles.

- Mes minettes ? C’étaient des filles canons.

- Ouais avec des QI de moule, plates comme des galettes, toujours sous régime… des espèces de blanches ratées.  

- C’étaient des filles faciles à gérer, qui voulaient juste un beau gosse à leur bras et ne demandaient rien d’autres. Ca me … facilitait la tache. En plus elles au moins ne me rappelaient jamais Elle.

- Ca c’est sure. Mais pour l’histoire de beau gosse là, je ne comprendrais jamais ce qu’elles te trouvent toutes ! Qu’on aime le style racaille à 15 ans, c’est une chose mais en pleine trentaine, je ne comprends pas.

- Ouais bah demande à ta go, elle te dira. Dis-je pour le taquiner

- Connard ! réplique-t-il hilare. C’est juste ton teint de kwanziste (personne qui se dépigmente la peau) qu’elles aiment. Moi j’ai un beau noir authentique… Et puis tes muscles là, vu que tu n’aimes pas te battre, ça ne sert à rien, c’est juste pour la déco. Chez moi, tout est naturel et musclé aux points stratégiques. Dit-il en haussant rapidement les sourcils plusieurs fois de suite. Tu peux le demander à ma go comme tu le dis si bien.


On éclate de rire. Il a le sourire idiot des hommes amoureux de leur compagne. J’espère que ce n’est pas à ça que je ressemble quand je parle d’Elle.


- J’ai un sourire idiot c’est ça… demande Arc.

- Plus idiot que ça tu meurs.


Il le réprime immédiatement ce qui me fait sourire à mon tour.


- Léonie est venue me demander un conseil. Elle voulait savoir, si l’intérêt du patient primait sur la déontologie, est-ce que je ferai quand même ce qu’il m’est interdit de faire.  Je lui ai demandé de quoi il s’agissait exactement et elle n’a pas voulu préciser plus en avant puis elle m’a dit qu’elle allait devoir t’impliquer…

- Et que lui as-tu dit ?

- Que tu étais un grand fan de séries américaines, notamment de docteur House et que pour toi le patient prime sur tout même la déontologie, du moins tes patients à toi vu que ce sont souvent de très jeunes enfants. Alors ? J’ai bien fait ?


Et ben dis donc si c’est comme ça qu’il me voit.


- Adrien ?

- Ca va. Pas de souci.

- Bon, je te laisse, il se fait tard et madame va râler si je ne me pointe pas d’ici une heure…

- Ok.


Il me laisse seul et j’en profite pour consulter mon téléphone. Pas d’appel d’Elle. Ca me laisse un peu de temps pour réfléchir sur ce que je vais faire.  


Je sors visiter les patients, c’est encore ce que j’ai de mieux à faire le temps que je me décide.


***Une heure plus tard***


J’appelle Elle qui décroche aussitôt.


- Hé boo, ça va ?

- Oui ça va. Un peu fatiguée en ce moment, trop de choses mais ça va… Et toi ? Toujours à la clinique ?

- Oui.


Un lourd silence s’installe, je ne sais pas comment fluidifier la conversation. J’ai trop de choses qui me passent par la tête. Je ne sais pas comment faire pour qu’on puisse se retrouver tranquillement et parler de tout ça.

Est-ce que je dois l’accompagner voir Léonie ou lui annoncer la nouvelle moi-même ?

Je connais Elle, il faut juste que je sache ce qui est mieux pour elle.  


- Adrien ça va t’es sûr ?

- Oui, juste que je dois me reposer un peu. Je suis exténué…

- Oui je sais, avec ta hausse de tension de la dernière fois, je me suis beaucoup inquiétée. Je me disais qu’on pourrait encore se refaire le petit week-end de la dernière fois comme ça je pourrai un peu m’occuper de toi.


Sa phrase est lourde de promesses de moments merveilleux mais je n’ai pas vraiment envie de rentrer dans ce jeu là. Pas tout de suite.


- Et les enfants ? dis-je pour changer de sujet.

- Ils vont chez maman dès demain matin. Donc je serai libre jusqu’à dimanche matin, j’irai les récupérer en après –midi. Ekang va encore bouder mais bon…

- Quoi il n’aime pas aller chez sa grand-mère ?

- Si, mais Ekang est comme son père, il a des gouts plutôt … comment dire… raffiné. Sa grand-mère cuisine les feuilles de manioc ou ce genre de mets, pas les gnocci à poêler par exemple, alors il râle tout le temps et elle ça lui fait de la peine.

- C’est un petit numéro celui-là.

- Je t’assure. Dit-elle avec un petit rire de gorge. Mais je compte sur FBI pour me dire comment se sera passé le séjour.

- FBI ?

- Oxya ma fille ainée. C’est son surnom de la maison, parce qu’elle sait tout sur tout. Quand on veut l’emmerder on change FBI par CIA ou KGB ou encore Mossad…


J’aime quand elle est heureuse comme ça.

Seigneur ! C’est plus difficile que je ne le pensais.


- Adrien ? Qu’est-ce qui te préoccupe ? Dis-moi.

- Rien de bien précis.

- Bon c’est décidé. Le week-end, je vais te gâter… Et te permettre de tenir ta promesse.

- Quelle promesse ?

- Ah tu as déjà oublié ? Le rattrapage. Boude-t-elle d’une toute petite voix.

- Elle, tu ne penses qu’à ça hein ! dis-je en rigolant.

- Comme si toi tu n’y pensais pas.


On discute encore un moment puis on fait notre planning tranquillement, comme un couple…


Comme le  couple que nous formons à peine mais dont l’un des membres ne sait pas encore les épreuves qui les attendent.


***Le lendemain***


***Elle***


Je ne sais pas ce qui taraude Adrien mais il va bien falloir qu’il se livre à moi. Il a préparé un vrai festin pour m’accueillir alors que moi je suis venue avec des sachets de courses pour lui mitonner de bonnes recettes traditionnelles de chez moi. Ca m’a un peu énervée je l’avoue d’autant plus qu’il cuisine vraiment bien et qu’il n’y a rien à redire, même sur la présentation des plats.


En réalité ça  m’énerve plus qu’un peu. Son studio est toujours nickel et son linge régulièrement  envoyé droit au pressing, en cuisine c’est un chef : mais est-ce que ce mec a besoin d’une femme hein ! Moi je suis une femme un peu à l’ancienne : j’ai besoin de savoir que mon mec a besoin de moi, pas qu’il soit dépendant de moi mais qu’il ressente mon absence quand je ne suis pas là. J’ai besoin que mon mec me dise, ce soir chérie j’ai envie de manger tel plat ou tel autre plat. J’y pense toute la journée au boulot et le soir je me dépêche de rentrer pour lui offrir un diner digne d’un roi. Leila c’est tout le contraire, elle a horreur de cuisiner mais moi j’en ai besoin. C’est comme ça que ma mère m’a élevée et je me dis toujours que je dois savoir rendre mon mari heureux de m’avoir pour épouse ou mon compagnon fier de m’avoir pour compagne.


Je ne dis pas qu’une femme doit être docile, non ça ne mène à rien et conserver cette attitude humilie plus qu’autre chose. Je suis assez bien placée pour en parler librement. Mais je sais par contre qu’une femme doit rendre son foyer ou la maison de son homme accueillante. Il doit avoir hâte de rentrer chez lui retrouver sa famille après une dure journée de labeur. Malheureusement, il y aura toujours des imbéciles qui te feront regretter de t’être donnée autant de mal pour les satisfaire.  Mais un homme comme Adrien à qui j’ai proposé de venir passer le week-end chez lui et qui m’accueille comme une reine, comment le prend –on ? D’autre m’aurait attendu en caleçon, histoire de passer aux choses sérieuses sans perdre de temps. Je n’ai pas fréquenté beaucoup d’hommes mais les expériences anciennes de Leila avant sa rencontre avec Xander m’ont assez édifiée sur ce fait.


S’il n’a pas besoin de moi que va-t-on bien pouvoir faire ?


- T’as pas faim Elle ?

- Si, si.

- Tu n’as même pas touché à ton assiette ! Si tu veux manger autre chose, on sort diner si tu veux.

- Non merci ça va.

- Alors c’est ma conversation que tu boudes ?

- Non, ce n’est pas ça. C’est juste que tu te débrouilles parfaitement par toi-même alors ça me déstabilise un peu.  

- Elle !

- Quoi Elle ? Je n’ai pas dormi rien qu’en pensant à tout ce que j’allais cuisiner pour toi, j’arrive et tu as déjà tout fait. Je voulais m’occuper un peu de toi…


Il rigole. Un rire profond, lent et sensuel qui me plonge soudainement dans le désir… de sauter le repas. Je farfouille dans mon plat pour ne pas abréger le diner qu’il s’est donné tant de mal à préparer…


- Si tu savais ce qui t’attend, tu ferais l’effort de prendre des forces en mangeant. Dit-il doucement sans même lever les yeux sur moi. C’est moi qui vais m’occuper de toi boo, juste comme tu aimes. Continue-t-il en levant soudainement ses yeux couleur chocolat noir sur moi.


Je bois de travers et manque m’étouffer avec le vin à peine avalé. Comment peut-il faire grimper la température en aussi peu de temps ?


Finalement, il pose sa fourchette et s’essuie la bouche avec application, boit un peu d’eau et fait reculer sa chaise. Je pose le verre resté à hauteur de ma bouche et le détaille des yeux. Il porte un tee-shirt gris sans aucun motif et un vieux jean délavé qui montre l’élastique de son boxer quand il se lève.


- Viens là, boo. Dit-il avec un petit geste de l’index.


Pour lui son geste est anodin, de même que son attitude est désinvolte mais moi, ça me réchauffe jusqu’au tréfonds de mes entrailles.


- Oh il va falloir y mettre les formes Ad.


Il sourit et tapote sa cuisse tout doucement sans rien dire d’autre. Je cesse de l’embêter et me lève pour m’assoir à califourchon sur lui.

Ses grandes mains qu’il pose tout d’abord sur mon dos descendent doucement vers une partie plus charnue de mon corps à laquelle il est totalement «addict ». Je me penche vers lui pour poser mes lèvres sur les siennes attendant qu’il me rende un baiser aussi passionné que d’habitude. Mais à ma grande surprise, Il me conquiert d’une autre manière, avec douceur et simplicité. J’aime l’ Adrien passionné mais à vrai dire, je découvre l’Adrien doux avec un sentiment de contentement inégalé.

***Deux heures plus tard***


Je me laisse redescendre de mon nuage de plaisir contre mon gré. Les flashs qui ont explosé autour de mes yeux quand j’ai atteint l’extase m’ont littéralement terrassée. J’ai vraiment dû faire un effort surhumain pour  ne pas laisser les larmes qui me sont montées aux yeux couler.


Il a été d’une douceur, d’une prévenance … Je n’avais jamais été aimé ainsi, c’était une expérience nouvelle. C’était différent de toutes les fois où on a fait l’amour. Pas de passion brute, mais beaucoup de caresses lentes et parfaitement maitrisées, le tout  exacerbées par des mots crus. Des mots qu’on ne m’avait jamais chuchoté auparavant, des mots qui auraient mis dans l’embarras la femme sans complexe que je suis mais qui au lieu de m’intimider m’ont excités comme jamais auparavant.  Le tout aurait pu être tellement grossier s’il n’avait pas contrebalancé le poids de sa voix lourde de désir par une tendresse infinie.


Adrien me maitrise. Il maitrise mon corps, ma volonté. Il fait de moi la femme qu’il veut quand je suis dans ses bras et je n’ai pas peur de lui abandonner les rennes ces instants là car je me sens protégée. Je sais que jamais, il ne me ferait mal intentionnellement, alors ça vaut ce que ça vaut mais j’aime sa manière de me faire l’amour.


- Hé ho, boo.


Quelle conne ! Malgré moi, les larmes m’ont quand même échappée. Il les essuie du pouce et me regarde de son regard doux et tendre.  


- Tu as aimé ?


Ah la partie du film où il faut flatter l’égo de l’homme face  à une performance artistiquement parfaite ! J’éclate de rire.


- J’ai beaucoup aimé… Et j’aimerai encore plus si tu pouvais, descendre de là, tu m’écrases Adrien…


Il ne bouge pas d’un iota. Il rigole parce qu’il sait que je fais exprès de gâcher le moment car il m’a vu … en pleurs face au plaisir qu’il m’a procuré. Sa main glisse lentement sur mon corps avant de rencontrer…

Je me mords la lèvre inférieure et ferme les yeux sous l’avalanche de sensation que me procure sa main…


- Encore ? demande-t-il tout simplement…


Je n’ai même pas besoin d’acquiescer pour qu’il continue.


***Quelques temps plus tard***


Je suis sortie prendre un peu d’air pour me dégourdir les jambes. Rester dans le minuscule studio d’Adrien toute la journée alors que je suis habituée à l’immensité des pièces de ma maison me stresse un peu d’autant plus que je sais qu’Adrien est inquiet.


Peut-être que sa dernière hausse de tension lui prend la tête. Mais il est médecin, ça devrait aller surtout si j’évite qu’on se «clashe ».


Adrien vient me retrouver sur la terrasse avec une grande couverture car la soirée s’est rapidement rafraichie. Il me sert très fort dans ses bras en s’accroupissant juste derrière moi. Je pose ma tête sur sa nuque et regarde les étoiles briller par ce temps de claire de lune.


- J’aime la femme que tu es…


Je ferme les yeux car il murmure juste à mon oreille.


- Et la femme que tu es est tellement forte Elle. Tellement. Elle affronte les épreuves de la vie avec courage et détermination. Parfois même tu es intimidante pour ceux qui connaissent vraiment ta valeur.

- Chimamanda Nzozi Adichie a dit : « le genre d’homme qui sera intimidé par moi est exactement le genre d’homme qui ne m’intéresse pas. » c’est tellement vrai. Si tu m’intéresses autant c’est bien parce que tu es très loin d’être intimidé par moi Adrien.  Tu es sur de toi et tu me pousses dans mes derniers retranchements, je me suis surpassée dans tes bras, j’ai évolué et appris à avancer malgré tout.

- Il va falloir que tu sois forte encore une fois Elle, très forte… parce que …


Et il commence à me parler des résultats des dépistages. Je suis tellement troublée que je ne comprends pas au début qu’il passe de cas généraux pour en arrivé à … moi.  Je me détache de lui tout doucement, le cœur battant… et je me lève pour le regarder en face.


- De quoi es-tu en train de me parler Adrien… de mes résultats ?

- Oui.

- Je suis malade ?

- Peut-être, il va falloir confirmer les résultats.

- Le cancer ? Moi, le cancer ?


Je pose ma main sur ma bouche pour réprimer un cri d’angoisse tandis qu’il se lève pour me prendre dans ses bras.


- Ne me touche pas ! je hurle en m’écartant de lui violement.


Je repense à tout le speech qu’on nous a fait à mes élèves et moi avant le dépistage. Je m’enorgueillissais de ne pas avoir coché trop de facteurs de risque :


1 : l'absence de grossesse ou une première grossesse après 35 ans. Ce n’est pas mon cas ouf.

2 : premières règles précoces avant l'âge de 12 ans, ce n’est pas mon cas re-ouf

3 : une ménopause tardive survenant après 55 ans. Je n’en suis pas à ce stade.

4 : prédisposition familiale. Non, a priori personne n’est mort d’un quelconque cancer dans ma famille.

5 : écoulement du mamelon, une présence de plaques rouges sur le sein, de crevasses, des plis

anormaux ou d'une peau qui pèle. Mon sein qui a allaité trois enfants bien que plus petit que dans ma jeunesse est parfait ...


Alors comment peut-il m’annoncer une telle nouvelle ?


- Elle…

- …

- Elle… Meme si cela se confirme la prise en charge …

- Ce n’est pas possible. Pas moi. Je n’ai rien fait à Dieu pour mériter ça. Ma fille vient à peine d’avoir ses premières règles et tu me dis que je ne serai peut-être plus là… Tu n’as pas le droit de me dire ça…


Cancer ? je m’étouffe sous la panique et Adrien s’approche à nouveau tandis que je recule et lui tourne le dos.


Toutes ces années de travail… vont peut-être tomber à l’eau. Le gigantesque projet de fondation de Leila tourne à plein régime… grâce à moi. Mes enfants sont heureux … grâce à moi et je viens de rencontrer un homme comme on n’en fait peu de nos jours et c’est ce même homme qui m’annonce ça ?


Mais que vais-je devenir ?


Chimio, opération, radio… tous les mots se bousculent dans ma tête. J’ai déjà vu des films sur cette maladie … et ce n’était pas beau à voir.


Mes enfants ? Annie ! et Gaspard qui vient à peine de me menacer de me les reprendre, mon crédit pour la maison, qui va payer si je ne travaille plus.


Seigneur, je pensais que ce n’était rien du tout cette histoire de dépistage. Je pensais être à l’abri.


J’avais juste oublié qu’une proportion importante de patientes ne présente pas de signes visibles.


Non, je ne peux pas … Je ne peux pas affronter ça. Pas maintenant.


PAS MOI

PAS MAINTENANT !


Je ne retiens plus mes larmes et m'effondre dans ses bras protecteurs.


*

*

*



Je t'ai dans la peau