Chapitre 27

Write by Auby88

NB : L'histoire est racontée à la première personne du singulier "Je". Ainsi, c'est le personnage qui vous décrit ce qu'il voit et vous dit ce qu'il pense ou ressent.

Chers lecteurs, gardez donc à l'esprit que vous êtes ses pions et qu'il peut vous manipuler à tout moment : soit vous dire toute la vérité, soit juste une partie, soit vous mentir, soit vous dire  ce que vous voulez entendre…

Bref, mille scénarios sont possibles.


C'est le point de vue de Chro Auby88 hein. Je passais juste. (Sourire). Bonne lecture et bonne journée !


*********


Edric MARIANO


J'avale une gorgée de café en gardant mes yeux sur l'écran. Depuis quelques jours, je lis les écrits d'auteurs en herbe sur une plateforme dédiée à la littérature. J'avoue que je suis plutôt satisfait par ce que j'y découvre. Il y a tellement d'auteurs talentueux qui exercent dans l'ombre.


Je viens de terminer une chronique. Il est temps que j'en attaque une autre et que je la "décortique" pour ensuite faire, si nécessaire, des critiques objectives à son auteur. Il y a tant d'histoires sur la plateforme que je peine à choisir celle que je lirai tout à l'heure...


Mes yeux viennent de s'arrêter sur une histoire qui narre la vie "mouvementée" d'une prostituée reconvertie. Ça me fait penser à Nadia. Que devient-elle, celle-là ? J'espère que la vie lui sourit désormais.


C'est décidé. C'est cette histoire-là que je lirai. L'auteur est mariée et mère de deux enfants. Ce ne doit pas être facile de conjuguer boulot, foyer et écriture. Comparé à elle, je suis un vrai paresseux ! (Rire)


Le texte m'accroche. Fluide, pas truffé de fautes et irrésistiblement attrayant. C'est fou comme l'auteur sait transmettre des émotions au lecteur. En lisant, on a même l'impression d'être sur la scène et de ressentir la même chose que le personnage. Il y a encore quelques lacunes littéraires, quelques imperfections mais dans l'ensemble, c'est une belle oeuvre. Chapeau, l'auteur ! Vite, je me dépêche d'écrire toutes ces remarques en commentaire.


Tandis que je continue à tourner les pages virtuelles de la chronique, les traits de mon visage changent progressivement. Je me trompe peut-être, mais cette histoire raconte trait pour trait la vie de Nadia. Bien que les noms des personnages soient entièrement modifiés, j'y reconnais des passages qui parlent de Carine, de Maëlly, d'Eliad, de Milena et même de moi.


Avec avidité, je continue ma ballade littéraire. Après quelques pages supplémentaires, je n'ai plus aucun doute. C'est bien Nadia qui se cache derrière ce profil. Belle surprise !


Quelqu'un sonne à ma porte. Je poste un dernier commentaire rapidement au bas de l'histoire, puis vais ouvrir.

- Eliad ! m'étonné-je.

Il inspire profondément et enlève ses mains de la poche.

- Bonjour Edric ! Puis-je entrer ?

- Oui ! répliqué-je aussitôt en lui cédant le passage.

- Tu veux boire quelque chose ?

- Non, merci. Je viens de la maison. J'espère que je ne te dérange pas.


En parlant, il regarde l'ordinateur. Je rabats précipitamment l'écran resté allumé.

- Non, je lisais un article. Rien d'important. Allez, assois-toi ! ajouté-je en lui faisant une place dans le canapé.


A mon tour, je prends place en face de lui, attendant qu'il débute la conversation.

- Eh bien, avant tout propos, je tiens à te présenter mes excuses pour...

- Non, Eliad. C'est plutôt à moi de m'excuser, car je t'ai fait du tort en premier. Mais j'étais trop lâche pour faire le premier pas vers toi. Et puis je doutais que tu me pardonnerais.

- Nous avons tous deux une part de responsabilité dans le différend qu'il y a eu entre nous... Je ne pouvais plus laisser les choses ainsi entre nous. Car tu es comme mon frère, Edric.

- Je pense comme toi, Eliad.

- Alors on fait la paix ?

- Oui.

Nous nous levons, serrons nos mains puis nous nous donnons une accolade. Je me sens si soulagé, si heureux d'avoir retrouvé mon ami.

- Cela mérite qu'on trinque !

- Évidemment, Edric.

Je me lève, me dirige vers mon bar et reviens avec une bouteille de whisky et deux verres…


- Levons nos verres à notre amitié !

- Oui, pour que toujours elle demeure... Edric, je profite aussi de l'occasion pour te demander d'être mon garçon d'honneur...

Je lève des yeux tristes vers lui. Heureusement, il ne remarque rien et poursuit :

- …Car bientôt, je me marie avec Maëlly. Je n'ai pas pu te faire appel quand j'épousais Camila. Mais cette fois-ci, je tiens absolument à ce que ce soit toi mon frère qui m'accompagne.


D'un trait, je vide mon verre pour mieux supporter la bombe qu'il vient de lancer. Ensuite, je dépose le verre sur le guéridon pour qu'il ne glisse pas de mes mains. J'inspire profondément pour digérer la nouvelle et pour lui donner suite à ses propos.


- Ah bon, je ne le savais pas. Je dois avouer que ces temps-ci, je suis tout le temps plongé dans le monde des livres.

- J'imagine.

- Quoi qu'il en soit, je suis partant.

- Merci frérot !


Je mime un sourire.

- Voici ton invitation.

Il me tend une carte que je prends. Heureusement, il ne voit pas mes doigts qui tremblent.

- Bien, je ne prendrai pas davantage de ton temps. Je dois visiter mes parents, mais j'espère qu'on pourra passer plus de temps ensemble dorénavant. Merci de m'avoir écouté.

- Je t'en prie, Eliad.

Je le raccompagne jusqu'à la porte d'entrée.

- Eliad !

- Oui, Edric.

- Une fois encore, merci.


Il hoche la tête et disparaît. En réalité, je voulais lui parler de Nadia, mais je n'en ai pas eu le courage. Et puis cela aurait à nouveau fragilisé nos rapports...


Je me sens terriblement mal car la reine de mon coeur va en épouser un autre. Peut-être est-ce mieux ainsi finalement ! (Long soupir)



***********

Eliad MONTEIRO


Je contemple la dame âgée devant moi. Près de dix minutes que je suis devant elle. Et pourtant, elle ne me regarde même pas. Elle est occupée à arroser ses fleurs.


Elle, c'est ma mère. Même si elle ne s'en souvient pas toujours. Comme il me manque, ce temps-là où je pouvais lui conter mes soucis, mes chagrins et entendre ses précieux conseils.

A chaque fois que je lui parlais, la tristesse sur mon visage laissait place à la joie...


Je répète encore et encore le mot sacré "maman". En vain. Finalement, j'abandonne. J'irai voir papa puis je rentrerai chez moi.


Je tourne le dos quand j'entends :

- Eliad, tu vas au collège sans dire aurevoir à maman ? Est-ce ça les bonnes manières que je t'ai apprises ?


Je souris.

- Je suis sérieuse, mon petit garçon. D'ailleurs, est-ce ainsi qu'on s'habille pour aller en classe ?


Je suis si heureux de l'entendre que je me rapproche d'elle et la serre fortement dans mes bras.

- Attention, petit, tu vas m'étouffer !

Sa main tapote mon dos. Je desserre mon étreinte.

Sur ma joue, elle dépose un long bisou.

- Allez, va te changer puis file à l'école. Je ne veux surtout pas que tu sois en retard. Et surtout sois sage !

- Oui, maman ! agréé-je en m'éloignant.


Je quitte donc le jardin pour le séjour où papa m'attend déjà. Nous nous saluons.


- As-tu vu ta mère ?

- Oui. Elle continue de me prendre pour un lycéen. Mais je suis heureux qu'aujourd'hui, elle m'ait reconnu.

- Moi, je reste un parfait inconnu pour elle.

- J'imagine que ce ne doit pas être facile pour toi.

- Non, mais je n'y peux rien.

- En effet. Mais au moins, elle est en vie. C'est l'essentiel.

Je fixe le vide en parlant. Papa dépose sa main sur mon épaule. Je lève les yeux vers lui et lui souris.

- T'inquiète papa, je vais bien.

- Tu…

Avant qu'il continue sa phrase, je me lève et me dirige vers un portrait accroché au mur. J'ai besoin de faire diversion.

- Qu'est-ce que c'est papa ?

- De l'art abstrait. Ne me demande pas ce que c'est parce que je n'y comprends rien à cela. C'est un partenaire d'affaires qui me l'a offert.

J'éclate de rire. Lui aussi. Ouf.


 Nous parlons du tableau, puis de ci et de ça. Puis mon rusé de père trouve encore le moyen de revenir sur le sujet épineux que je fuyais tout à l'heure.  


- Tu comptes réellement épouser Maëlly ?

Là, je n'ai plus d'échappatoire. Il me faut lui répondre.

- Oui, papa !

- Et moi qui pensais que tu mettrais un terme à cette farce ! Parce que c'en est une. N'est-ce pas ?

- Non, papa.

Je fuis son regard.

- Tu n'aimes pas Maëlly !

- Si je l'aime. Mais à ma manière.

- "Quand on n'aime pas trop, on n'aime pas assez" a dit un certain Roger Bussy-Rabutin.

- Ecoute papa, c'est le mieux que je puisse faire pour Milena qui a désespérément besoin d'une mère.

- Ah ! Parce que tu penses que Maëlly a le temps de s'occuper d'un enfant ? A-t-elle fini de se pavaner sur les plateaux télé pour enfin s'occuper d'un enfant, qui de surcroît n'est pas le sien ?

- Papa ! Voyons. Je pensais que Maëlly avait toujours été la belle-fille idéale selon toi.

- Oui, mais ça c'était quand je tenais absolument à ce que tu épouses une agouda comme nous.

- Et ce n'est plus le cas aujourd'hui ?

- Non, Eliad. La maladie de ta mère m'a fait voir les choses autrement depuis. J'ai compris que l'amour, le vrai, se fichait de toutes ces considérations, qu'il fallait le défendre coûte que coûte et le vivre autant que possible. Ah ! Tu ne sais combien je paierai cher pour que ta mère recouvre toute sa mémoire, pour qu'elle ne me considère plus comme un étranger, pour qu'elle...

- J'ai promis à Maëlly que je l'épouserai et je compte tenir ma promesse !

- J'ai la vague impression que tu t'auto-flagelles. C'est comme si tu tenais absolument à te faire du mal en  fonçant consciemment dans le mur. De quoi te sens-tu autant coupable ? Que fuis-tu autant mon fils ?


- Rien, papa !

- Ou dois-je plutôt dire : qui fuis-tu autant ? C'est cette fille, n'est-ce pas ? Celle que tu appelais PAGE.


Je n'ose pas regarder mon père droit dans les yeux.

- Tu l'aimes, n'est-ce pas ? Mais tu n'oses pas te l'avouer.

- Non papa, objecté-je avec véhémence. Je n'aime pas PAGE. S'il y a une femme que j'ai véritablement aimée, c'est ma Camila et elle seule.

- Au moins, tu viens d'admettre que tu n'aimes pas Maëlly !

- Papa, cesse de faire des suppositions me concernant ! Et puis, comment peux-tu penser que moi Eliad MONTEIRO, je puisse m'intéresser ou aimer une prostituée !

- Pourquoi pas ? N'est-ce pas une femme comme les autres ?

- Voyons papa, tu t'entends ? Comment peux-tu défendre une dévergondée pareille ?


- Je te le répète. La maladie de ta mère m'a fait voir la vie autrement. Et puis, cette femme que tu renies aujourd'hui t'a beaucoup aidé, surtout dans ta relation avec ta fille. Et c'est aussi grâce à elle, que je t'ai vu sourire à nouveau à la vie. Tu n'aurais jamais dû lui tourner le dos, Eliad ! Jamais !


Ces mots commencent à peser dangereusement sur ma conscience et cela ne me plaît pas. Il faut que je parte d'ici au plus vite.

Je me lève et esquisse un sourire.

- Je t'aime bien, papa, mais j'ai un mariage à préparer. Porte-toi bien !

- Eliad !

Trop tard. Je suis déjà bien loin.

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