Chapitre 4
Write by NafissaVonTeese
Précédemment
Fama
avait rallié la Cornique comme chaque samedi matin pour assister au cours de
son petit ami, mais elle arriva trop tard. Étonnamment,
elle ne le trouva pas sur les lieux. Elle en
avait profité pour regarder dans ses affaires, histoire de s’assurer s’il ne
lui cachait rien. En ressentant une présence derrière elle, elle s’était
retournée, mais se fit brusquement plaquée contre le placard.
***
Son
cœur battait la chamade. De part et d’autre de la jeune femme, étaient venus se heurter d’un coup sec contre le
placard en fer, deux bras musclés qui la tinrent ainsi prisonnière. Elle était
restée passive pendant quelques secondes, son regard perdu dans le sien, avant
de se mettre à se débattre pour se libérer. Quand elle comprit enfin qu’elle
n’avait aucune chance d’y parvenir, elle lâcha un soupir soulignant sa
renonciation.
-
Tu connais le sort qu’on réserve à
ceux qui ne respectent pas les règles dans notre établissement Mademoiselle
GUEYE ?
Elle
avait laissé se peindre sur son visage, une petite grimace avant de
répondre :
-
On les punit…
Le
ton ironique accompagnant la prononciation de ces mots, marqua son indifférence
face aux menaces déguisées. Elle pouvait enfreindre toutes les règles de la
salle de fitness, l’une après l’autre, sans devoir
en subir la moindre conséquence.
Seydina
avait juste souri devant la mauvaise foi de sa petite amie, puis sans broncher, se décida à libérer sa captive en
reculant d’un pas. Celle-ci par contre, ne semblait pas décidée à lâcher ainsi l’affaire.
Elle avait passé ses bras sur son cou avant de l’attirer vers elle.
-
Tu sais, je peux très bien me
racheter…
-
Ha oui… ; avait-il dit en
fronçant les sourcils.
Comme
à chaque fois qu’elle posait ses lèvres sur les siennes, elle sentit le moindre
de ses sens s’enflammer. Ils avaient laissé leurs langues s’entrelacer délicatement
et il ne fallut pas beaucoup de temps à Fama pour sentir ses pieds se décoller
du sol. C’était une sensation qu’elle n’avait jamais connue auparavant. Comme elle le lui avait confiée avec une de ses drôles
d’expressions qui semblaient tout droit sorties d’un feuilleton à l’eau de rose, la moindre de ses étreintes la faisait planer.
Ils
auraient pu rester ainsi encore des heures entières, mais Fama entendit avec
surprise, la voix étouffée et lointaine de Seydina résonner dans sa tête. Elle
l’avait aussitôt repoussée en esquissant un léger sourire du coin des lèvres.
-
Quoi ; avait aussitôt demandé
Seydina tout étonné.
Son
air interrogateur fit douter Fama pendant une ou deux petites secondes, qu’il
ait dit quelque chose. Elle l’enlaça alors à
nouveau mais cette fois-ci, sa voix
résonna encore plus fort dans sa tête, la poussant à trouver le sens des mots
qu’elle avait entendue.
«
Ça sent la rupture. »
Cela
la refroidit aussitôt. Regardant l’homme devant elle
qui semblait complément perdu face à son changement inattendu, Fama se demanda avec effroi ce qui était entrain de
se passer. Elle ne savait pas si elle devait s’inquiéter d’avantage du fait que
son homme pense à la rupture pendant un flirt, ou
qu’elle ait perçue, sans vraiment comprendre comment, que cette idée lui taraudait
l’esprit.
Elle
avait nettement compris que quelque chose ne tournait pas rond mais sur le
coup, elle ne pouvait pas prendre le temps de réfléchir calmement à la
situation. Il fallait réagir, tout de suite !
Deux
possibilités s’offraient à Fama : faire semblant que tout allait bien, ou
raconter ce qui se passait à Seydina et exiger ensuite des explications. Elle
n’eut le temps d’y réfléchir. En effet, il lui posa la question qui allait
parasiter le raisonnement dans lequel elle s’était silencieusement lancée, pour
trouver le juste milieu entre les choix dont elle disposait.
-
Qu’est-ce qui t’arrive ?
Décision
hâtive et irraisonnable peut-être, mais Fama avait décidé de faire comme si de
rien n’était. Il était hors de question de parler de rupture pour le moment. Elle devait tenir plus de six mois, juste pour
prouver à cette petite sorcière d’Anna qu’elle pouvait faire mieux qu’elle.
Elle
était sur le point de lui sortir une de ses phrases prêtes à l’emploi pour ce
genre de situation, quand elle se figea soudainement. Elle se mit à le regarder
froidement comme si elle venait de tomber sur un fantôme.
C’était
ahurissant mais Fama entendait toujours la voix de Seydina dans sa tête, et ses
phrases se dessinaient parfaitement dans son esprit même si elle était certaine
qu’il ne lui avait pas adressé ses paroles de sa propre bouche.
-
Bébé, ça va ?, avait-il demandé,
visiblement inquiet, même s’il ne voulait pas le laisser paraitre.
« Bébé,
ça va ? » ; il avait dit, et elle avait bien entendu, mais même
s’il s’était tu avec l’espoir de recevoir une réponse affirmative, elle, avait
aussi entendu :
« C’est
encore quoi ça ? »
« Elle
commence à me faire flipper là ? »
« Finalement,
ce n’était pas une bonne idée… »
Fama
commençait à se faire du mauvais sang car elle ne comprenait absolument plus
rien.
Elle
se demandait qu’elles étaient les chances qu’elle ait des capacités de l’ordre
du surnaturel. Zéro sans doute, se dit-elle.
Elle était tout ce qu’il avait de plus normale comme fille sur terre alors il
n’y avait aucun souci à se faire sur ce point.
Après
très courte réflexion, elle arriva à la conclusion que même si c’était carrément
absurde, il était peut-être possible (oui seulement peut-être possible),
qu’elle soit en mesure de lire dans les pensées de cet homme en face d’elle. Totalement absurde oui ! Mais elle prit
quand-même l’initiative de s’en assurer.
-
Qu’est-ce qui n’est pas finalement
une bonne idée ?; lui avait-elle demandée
en le regardant droit dans les yeux, le cœur battant à se rompre.
Interloqué,
il avait immédiatement pris ses distances, avant de lui répondre avec le plus
de naturel possible dans la voix et un sourire affreusement nerveux aux
lèvres :
-
De quoi est-ce que tu parles ?
Cela
sautait aux yeux qu’il fuyait son regard. Il avait même essayé de changer de
sujet en parlant de vols fréquents sur les lieux, tout en faisant le tour des
placards, vérifiant s’ils étaient tous fermés à clé. Tout cela ne signifiait
qu’une seule chose, que la frustration avait gagné le jeune homme.
D’un
coup, le silence tomba dans la pièce. C’était le
moment parfait pour que la voix refasse apparition, mais elle avait décidé de
se taire. Fama avait tant bien que mal essayé de la réentendre, en vain.
Elle
abandonna et alla rejoindre Seydina de pied ferme, au fond de la pièce. Elle
avait subitement échangé son regard apeuré et interrogateur par un autre
distinctement menaçant.
Seydina
savait exactement comment réagir dans ce genre de situation car ce regard, elle
le lui lançait à chaque fois qu’elle s’apprêter à piquer, ce qu’il
appelait : une crise d’hystérie.
Il
avait le choix entre dire la vérité puis se lancer à la seconde suivante dans
une avalanche d’excuses avec un air de chien battu, et mentir en attendant que
la vérité le rattrape, pour ensuite subir la colère de sa « Cruella
d’enfer » qui pouvait durer toute une longue semaine.
Seydina
avait très vite découvert avec une frayeur saisissante que faire payer à
quelqu’un une erreur, était la spécialité de Fama. Il
se résigna alors à passer aux aveux, sans pour autant savoir exactement par où
commencer.
-
Ok… Pour ma défense, ce n’était pas
vraiment mon idée !
Il
s’était tu quelques secondes, cherchant certainement les meilleurs mots à décliner
avant de reprendre :
-
Je connais déjà ta position par
rapport à cette idée mais… Tu sais… Bon, ça fait un moment qu’on est ensemble
alors…
Fama
commença à en avoir marre des phrases qu’il commençait sans pour autant les
terminer. Elle serra les dents, lâcha un soupire considérablement exagéré, avant
de lui donner un coup sec sur l’épaule puis lui lança :
-
Tu comptes me dire ce qui se passe
oui ou non ?
Fama
pouvait se montrer de temps à autre violente avec lui, en lui donnant de petits
coups qui ne lui faisaient pas vraiment mal, mais avaient le pouvoir de
l’agacer fortement. Elle connaissait toutes ces
petites choses qui pouvaient très vite le mettre hors de lui, mais ne se
privait jamais d’en user, et parfois sans raison apparente.
-
C’est ma mère ! Elle s’est mise
dans la tête l’idée de te rencontrer. J’ai essayé de l’en dissuader mais elle
n’a rien voulu entendre.
« Oh ! »
Fama
avait toujours été contre l’idée des présentations formelles à la famille d’un
petit ami. Dès qu’ils avaient commencé à sortir
ensemble, il lui avait soumis cette même idée car d’après lui, elle était
exactement le genre de filles que sa famille attendait depuis toujours de voir
avec lui. Elle lui avait servie comme excuse qu’il fallait mieux s’en prier pour
éviter les « ingérences » des éventuelles futures belles-sœurs dans
leur relation, ce qui pouvait très vite mener à des conflits. Et pour terminer, elle avait affirmé qu’ils devaient
prendre le temps de mieux se connaitre avant de « franchir ce grand
pas » !
En
réalité, elle était certaine du fait que si elle rencontrait la famille de
Seydina, elle serait obligée de présenter celui-ci à ses parents,
particulièrement à son père, et c’est ce qu’elle redoutait secrètement. Le connaissant, il était clair qu’il allait catégoriquement
lui interdire de fréquenter le jeune homme qui ne correspondait tout simplement
pas à son idéal de beau-fils. Seydina était le
contre-modèle du garçon que son père peignait comme ayant le droit de
« courtiser son ainée ». Le vieil homme ne ratait aucune occasion
pour lui rappeler ses attentes. Son degré d’exigence n’avait jamais permis à
Fama de trouver un homme à la hauteur de ses ambitions.
Fama
s’était terrée quelques secondes dans le silence, repensant aux paroles de son
père, avant de se souvenir d’un point important qu’il fallait éclaircir. Elle
demanda dans un air narquois : « quelle mère ? ».
Elle
trouvait drôle le fait que Seydina ait deux mères, celle qui l’avait mise au
monde, et l’avait laissée à son père parce-qu’elle disait ne pas être prête à
endosser le rôle de maman à 17 ans ; et sa belle-mère, sa maman de
substitution qui s’était toujours occupée de lui depuis sa tendre enfance,
comme son propre fils.
-
Ma mère…
Il
s’était tu avant de bien vouloir apporter la précision que Fama
attendait : « la blanche ».
« La
blanche et la noire », c’est comme ça que Fama les différenciait. Seydina
détestait les appellations basées sur la couleur de peau et les apparences dans
le cadre général, mais il se dit qu’il valait mieux entrer dans son jeu cette
fois-ci, pour éviter qu’elle se lance dans ses propos incohérentes à son niveau
à lui, ce qui pouvait aboutir à une dispute.
-
Ok ; avait-elle répondu, sans
plus.
-
Ok quoi ? T’es partante ?
-
Ok je suis partante, avait-elle
finalement lâché après un court silence.
Sa
réponse surprit Seydina, et elle-même par ma même occasion, mais elle avait
toujours su que ce moment allait finir, tôt ou tard par arriver. Elle s’était
lancée dans ce qu’elle appelait « une relation sérieuse », donc les
présentations officielles étaient un passage obligé, même si elle était loin
d’en vouloir.
-
Alors c’est pour quand le moment
fatidique ?; demanda Fama sans même essayer d’y prêter un semblant
d’enthousiasme.
C’est
là que tout se compliquait pour Seydina. La machine était déjà en marche alors
il n’avait qu’à aller droit au but, quitte à réveiller le dragon cracheur de
feu qui sommeillait dans le corps de sa petite amie.
-
Ce soir ! Et il y aura toute la
famille réunie au grand complet car ce sera chez ma mère… La noire.
Coup
de gifle ! Elle avait cédé et lui voulait en profiter pour en rajouter.
-
C’est une blague ? avait-elle
lancée en se dirigeant vers la porte de sortie.
Lui,
l’avait suivi pas après pas en essayant de la raisonner.
-
Elle rentre demain à la première
heure bébé. Fais un effort s’il te plait. Je lui ai déjà donné ma parole.
« Sa parole ! ».
En entendant ces mots, elle s’arrêta net.
-
Tu aurais dû me demander d’abord mon
avis.
Elle
recommençait à lui hausser le ton. La suite probable était des coups sans
grande portée et un silence qui pouvait durer des jours. C’était le moment pour
Seydina de jouer sa carte des sentiments. Il
avait développé une tactique parfaitement rodée pour ce genre de situation. Il
ne lui restait plus que la déclinaison.
Il
l’attrapa par la taille et l’attira vers lui pour la serrer tendrement dans ses
bras, d’abord pour l’empêcher de d’éclipser, mais aussi parce-que cela avait le
pouvoir de la calmer.
La
seconde étape consistait à lui chuchoter à l’oreille qu’elle avait raison. Les
femmes adorent avoir raison, même quand elles ont tort. Il avait découvert cela
avec à son ex Anna et cela lui avait permis d’entretenir leur relation sur une
longue période.
Ensuite
venait la petite bise sur le front puis le sourire qu’on aurait dit emprunté à un
ange. Il terminait toujours avec son discours conçu sur mesure pour elle :
-
Je suis conscient du fait que rien ne
peut excuser mon comportement, mais sache que je suis vraiment désolé. Je ne suis rien de plus qu’un idiot et je mérite
d’être lynché rien qu’à l’idée de décevoir une femme aussi parfaite que toi. Tu es la meilleure chose qui me soit arrivée ces
dernières années et je sais que je peux compter sur toi dans n’importe qu’elle
situation. Là, c’est la personne à qui tu as complètement changée la vie qui te
demande une faveur. Dis-moi que tu ne vas pas me laisser tomber ! Je t’en
supplie.
Et
voilà, c’était fait ! Il ne restait plus qu’à la regarder dans les yeux
avec un air de chien battu, attendant sa phrase de capitulation, la fameuse :
« c’est bon ! », qui voulait dire : tu as gagné.
Fama
connaissait l’enchaînement de ces phrase par cœur, n’empêche, celles-ci
faisaient toujours leur effet. Elle commença aussitôt à culpabiliser, même si
elle savait très bien qu’elle était entrain de se faire manipuler comme une
petite fille.
Elle
baissa la tête.
Lui,
se dit : « 1 point pour
Seydina ! », avant de refouler le sourire prétentieux qui
commençait à se dessiner sur son visage.
Elle
soupira.
« 2 points pour
Seydina ! »
C’était
maintenant à elle de se lancer dans une douce étreinte.
« 3e point ! Il ne reste plus
que le sifflet de l’arbitre ! »
-
C’est bon !
« Gagné ! »
Il
se disait à chaque fois qu’un jour, sa stratégie n’allait certainement plus
marcher et qu’il devra en trouver une autre beaucoup plus sophistiquée. Mais temps qu’elle lui permettait d’arriver à ses
fins, il n’avait pas de souci à se faire.
-
Je passerai te chercher à 19h. Ça te
va ?
-
Ça n’en vaut pas la peine. Je
viendrai toute seule, comme une grande !
Sans
en ajouter un seul mot, elle tourna les
talons et se dirigea à grands pas vers la porte de sortie. Fama avait la manie
d’avoir des réactions inattendues et au fond de lui, même si ça le mettait hors
de lui parfois, il adorait le fait de ne jamais savoir à quoi s’attendre avec
elle.
-
Attends ; lui-avait-il crié.
Elle
s’arrêta sans pour autant se donner la peine de se retourner pour lui faire
face. C’est avec une bonne dose d’indifférence
dans à la voix qu’elle lui lança : « qu’est-ce qu’il y’a
encore ? ».
-
Comment est-ce tu as fait pour deviner
que j’avais quelque chose à te dire ?
Sans
hésiter, elle lui avait répondue :
-
J’ai lu dans tes pensées !
Fama avait ensuite disparue derrière la porte principale de la salle, laissant Seydina se battre seul contre l’idée qu’il allait présenter pour la première fois une fille à qui il tenait vraiment, à sa famille, et malheureusement pour lui, celle-ci pouvait se montrer complètement imprévisible.