Chapitre 37

Write by leilaji

The love between us


Episode 37


On joue au salon avec les enfants. David est toujours aussi calme que d’habitude. Il montre à Khadidja comment entasser les legos les uns sur les autres pour construire un château. Je ne connais pas d’enfant plus patient que celui-là. Il a souvent ce regard perçant qui donne l’impression qu’il comprend les gens sans avoir besoin de leur parler. C’est vrai que ce n’est pas un gros bavard, sauf peut-être lorsqu’on parle de super héros. Il ne se laisse pas vraiment approcher par les autres mais quand il apprécie quelqu’un, il ne le cache pas non plus. 


Les fois où nous sommes sortis tous ensemble, même s’il ne me ressemble pas, beaucoup de ceux qui me connaissent depuis l’enfance, se disent que c’est mon fils. Il affiche en toutes circonstances le même calme que moi. Je me sens très proche de lui. Ma fille quant à elle, c’est plutôt une mini Manu. En pire. Elle est têtue, agitée et super bavarde. Parfois je me demande quel mélange de nos gênes à Zeina et moi a pu donner ce petit tourbillon de bonne humeur et de mauvaise foi. Partout où elle passe on la remarque. Elle aime se battre avec toutes les petites filles de son âge qui n’exécutent pas ses ordres. Et quand je dis se battre, je parle de morsure et de coup de pied donnés sans aucune honte. Et bien souvent c’est David qui doit venir en renfort lorsqu’elle tombe sur plus forte qu’elle et qu’elle crie au secours. Elle a un vrai caractère de gagnante et je crois qu’elle va en briser des cœurs plus tard. 


Khadidja porte un tutu bleu vif ainsi qu’un diadème que Manu lui a acheté à Centr’Affaire. Je ne pense pas que Manu puisse passer un jour devant un magasin et ne pas acheter un nounours ou une poupée à Khadi. Au début je pensais que c’était pour gagner l’amour de ma fille. Mais un jour, elle dit qu’elle n’en a pas eu dans son enfance et qu’inconsciemment c’est peut-être une manière de rattraper les choses. Et Khadi adore ça. Elle aime tous les jouets à conditions qu’ils ne soient pas de couleur rose ou estampillé jouet de fille. Ce qui fait bien les affaires de Manu qui en profite pour lui donner les affaires de David qui ne servent plus. 


On entend un cri puis on voit Khadi qui projette la tour construite avec David contre le mur. Ce dernier hausse les épaules et s’éloigne d’elle. Elle le suit immédiatement en pleurant pour qu’il la soulève. David est du genre gringalet mais il ne refuse jamais ce plaisir à Khadi, même s’il doit marcher en tanguant avec elle. Je sais qu’il se rend dans sa chambre. Je sais qu’il va s’y enfermer pour y lire des BD de super-héros au calme sans toutes les demandes incessantes de Khadidja. Le foot et les sports d’équipe ce n’est pas son truc, alors on ne le force pas à faire ce qu’il n’a pas envie de faire. Même si certains essaient encore de lui inculquer ce qu’est être un homme, on le forçant à être turbulent, je suis là pour lui rappeler qu’il a le droit d’être différent des autres petits garçons, d’être plus réservé, plus sensible. Ça ne fait pas de lui un extraterrestre pour autant.  


Pour empêcher Khadi de le déranger pendant sa lecture, Manu embrouille ma fille avec les legos qu’elle fait semblant de remettre en ordre. Immédiatement, Khadi quitte les hanches de David pour se précipiter vers Manu et lui arracher tous les legos. Je les entends bavarder gaiement lorsque Manu fait semblant de supplier Khadi de lui en prêter. Moi j’en profite pour aller discuter un peu avec le petit, m’assurer qu’il va bien et que Khadi ne l’embête pas trop. 


Je le trouve allongé sur son lit, le nez plongé dans un Spider-Man. Je m’assois sur le bord du lit pour ne pas trop empiéter dans son espace personnel. 


— Tu sais que ta mère et moi on passait des heures à regarder les adaptations ciné de comics. 

— C’est quoi des adapta…

— Adaptation ciné de comics. C’est quand on transforme une BD en film.

— Ah d’accord. T’aime qui toi ? 

— Black Panther et toi ? 

— Spider-Man. Et maman ? 

— Oh, je crois qu’elle était plutôt fan d’Iron-Man et de Volverine. 


Il se reconcentre de nouveau sur sa BD. C’est dingue comme il peut rester des heures et des heures à relire le même exemplaire. Je m’éclaircis la gorge avant d’entamer de nouveau la conversation. 


— Tu sais tu as le droit d’être mécontent si Khadidja t’embête. T’es pas obligé d’être tout le temps gentil avec elle. 

— Je sais. 

— OK. 


S’il le sait, c’est tant mieux. Je me lève pour le laisser à sa lecture. 


— Maman dit que si tu es le plus fort, tu n’as pas le droit de taper les plus petits. Si tu sens que tu es fâché après un plus petit que toi, tu t’en vas comme ça tu ne le seras plus. 

— Oh, c’est un très bon conseil. 

— Les garçons n’ont pas le droit de taper les filles, c’est pour ça, chuchote-t-il en me regardant droit dans les yeux. 


J’ai l’impression qu’il pense ainsi partager un secret avec moi. Entre hommes. Je lui souris gentiment. 


— Elle a raison. Et je suis content que tu le comprennes si bien. Si jamais Khadi fait des bêtises, dis-le-moi. Elle sera punie. Je veux bien qu’elle t’embête mais il y a des limites à ne pas franchir.

— D’accord. Mais moi j’aime bien être gentil avec les filles. Même si les autres garçons se moquent parce qu’ils disent que je suis larbon. 

— Larbon ? Tu veux dire un larbin. Tu t’en fiches de ce que les autres garçons disent de toi. Ce qui importe vraiment c’est ce qu’Allah pense de toi. Si tu agis bien, il te récompensera. Moi aussi parfois les autres garçons se moquent de moi parce que je fais à manger. 

— Ah bon ? Mais tu fais tellement bien les frites.


J’éclate de rire devant son air indigné. Et moi qui me casse la tête à créer des plats diététiques pour les enfants, lui tout ce qu’il retient c’est que je fais bien les frites !


— Ca te fait de la peine quand ils se moquent de toi? 

— Plus maintenant. Avant oui un peu. Mais maintenant, à chaque fois que je vois ta mère me sourire, ou manger ce que j’ai cuisiné avec appétit, je les oublie complètement. Et parfois ce sont des messages de mes clients satisfaits qui me font plaisir. Avant je travaillais dans une société et je faisais bien mon travail mais sans plus. Aujourd’hui je ne me contente pas simplement de bien faire mon travail, tu sais. Je suis l’un des meilleurs. Tu comprends ?

— Oui. 

— Et toi que penses-tu faire plus tard ?  

— Moi plus tard, je veux devenir un super-héros et aider les gens, surtout les filles, quand elles sont attaquées par les méchants.

— C’est super noble de ta part. 

— Ça veut dire quoi noble ?


Lorsque je me rappelle qu’il est capable de passer le reste de la journée a me poser des questions de vocabulaire, je préfère battre en retraite et jouer avec lui. 

 

— Ça veut dire que je suis le super méchant et que je vais manger ta maman… dis-je ne faisant une voix aussi terrifiante que possible.


Il éclate de rire et s’accroche à mon pied pour m’empêcher de sortir de la chambre. Alors je le traine jusqu’au salon en faisant des mimiques effrayantes. Il finit par me lâcher le pied pour se placer devant sa mère et Khadidja pensant ainsi m’empêcher de les attraper. Nous passons les dix minutes suivantes à nous courir après dans une ambiance bon enfant. On fait une pause quand Manu crie famine. 


— Stop ! J’en peux plus, on arrête. J’ai trop faim là. 


Ça tombe bien parce qu’aujourd’hui c’est jour de dégustation des nouvelles recettes en famille. Je prépare les différents ingrédients et le matériel adéquat tandis que Manu demande à son fils de lui ramener ses cahiers pour vérifier ses exercices. Quand ils finissent, nous mettons en place le matériel pour le tournage de ma nouvelle vidéo YouTube. Mes fans, surtout les mères actives et les papas célibataires adorent nos vidéos ambiance familiale remplies d’astuces. Evidemment certaines sont plus sérieuses et plus techniques que d’autres. Mais ce sont celles avec Manu et les enfants qui sont les plus populaires.   


Une fois la vidéo tournée, Manu s’occupe du montage et moi je fais la table pour le déjeuner. Ma mère nous trouve ainsi lorsqu’elle pousse la porte principale de la maison. Evidemment, elle ne prévient jamais quand elle rend ses visites, espérant peut-être ainsi nous surprendre en train de faire Dieu sait quoi. 


— Khadidja viens voir Mamie !


Khadidja se précipite dans ses bras et maman lui donne des friandises avant de la laisser. 


— Alors comment ça va ici ? 

— Très bien, très bien répond Manu en quittant l’écran des yeux pour saluer ma mère. Tu n’as pas vu que j’ai un peu grossi. Ton fils prend trop bien soin de moi. 


C’est le genre de phrase qui énerve ma mère et moi me fait rigoler. Manu aime bien la taquiner en lui faisant croire que c’est elle qui profite de mes largesses et non le contraire. Ce qu’elle ne lui dit pas c’est qu’elle fait la plonge souvent, tient la caisse parfois, analyse les nouveautés sur le net pour mon business. Et quand je rentre fatigué par une mauvaise journée, elle le comprend et évite de me chercher des noises. Il y a des aspects de ma vie que je n’ai pas besoin de lui expliquer. En tant qu’entrepreneur, elle-même les cerne parfaitement.   


Mais les meilleurs moments c’est quand je n’ai même pas besoin de dire quoi que ce soit pour qu’elle me comprenne. 


— David va dire bonjour, demande-t-elle à son fils en le poussant un peu vers ma mère qui soudainement fait sa tête des mauvais jours. 


Mais entre David et maman, le courant ne passe pas. 


— Sois un homme arrête de te cacher derrière ta mère. Viens dire bonjour, exige t-elle.

— Laisse le tranquille, j’interviens un peu exaspéré.

— Non, il faut qu’il aille dire bonjour, c’est la moindre des politesses, insiste Manu en fronçant les sourcils. 


A la vue du regard insistant de sa mère, David s’exécute. Il traine des pieds mais il le fait quand même. Manu sait se faire obéir au doigt et à l’œil alors que moi, je suis plutôt papa gâteau. 


— Alors ? Que nous vaut l’honneur de cette visite ? demande-t-elle une fois les salutations cordiales effectuées.

— Je passais dans le coin tout simplement, explique maman. Bon, je vais vous laisser. 

— Ah non, pas question. 


Manu se lève et ajoute un couvert supplémentaire pour maman. Avec le temps, j’ai découvert cette facette moins vindicative de Manu. Elle arrondit les angles alors que moi je tiens maintenant fermement mes positions surtout pour tout ce qui concerne les autres. Si je n’ai pas envie de voir quelqu’un chez moi, je ne me force plus, je fais comprendre à la personne qu’elle n’est pas la bienvenue. Si je n’ai pas envie de rendre service, je ne me force pas et je tourne le dos à tout sentiment de culpabilité. 


— Aujourd’hui, c’est jour de dégustation des créations de votre fils. On passe à table. 

— Ah non, je ne veux pas manger ses choses étranges qu’il fabrique. C’est a toi de cuisiner pour lui. 

— Je ne sais pas cuisiner. 

— C’est vraiment une honte pour ta mère.

— Je n’ai pas de mère.

— Tout se comprend alors, rajoute ma mère d’un air dédaigneux.


Manu sait parfaitement que quoi qu’elle fasse, elle ne sera jamais aimée ou appréciée par les miens. Zeina a pris la place de la martyr, Manu celle de la briseuse de foyer. Il n’y a rien qui pourra changer cela. Même si je passe ma vie a expliquer qu’elle n’y est pour rien, qu’elle n’a rien demandé et que je suis le seul coupable, ça ne la graciera pas aux yeux de ma mère. Ce n’est de toute manière même pas ce qu’elle recherche : se faire aimer d’elle.  Les efforts qu’elle fait aujourd’hui avec ma mère, c’est pour moi. Rien que pour moi. Elle force ma mère à s’assoir et lui sert une généreuse portion.


— On m’a dit que tu cuisinais le porc. Moi je ne veux pas manger ta nourriture. 

— Après en avoir discuté avec l’Imam, j’ai arrêté. Je ne le mangeais pas moi-même et je le cuisinais avec des gants. 

— Hum. 

— Khadidja ma chérie viens aider Mamie à manger sa part. 


Ma fille court vers sa grand-mère, heureuse de pouvoir lui donner la becquée, comme à sa poupée. Ça va être drôle à voir. Maman ne refuse jamais rien à sa petite fille. 


*

**


Le soir alors que les enfants sont couchés, je lis un magazine de cuisine tandis que Manu travaille encore un peu son dossier de demande de crédit. Elle veut se lancer de manière plus professionnelle dans une activité annexe à celle du garage : la vente de pièce détachée pour les voitures de luxe. C’est moi qui lui fais son business plan et je sais que ce crédit lui sera accordé. Mais elle veut tellement bien faire les choses qu’elle est au bord de la panique à chaque fois qu’elle se rend compte qu’elle ne maitrise pas un élément.


Je descends du lit pour la retrouver par terre où les feuilles de son business plan sont éparpillées tout autour d’elle. 


— Je vais me ramasser en beauté, je le sens. Et si toi tu le faisais à ma place ? 

— Hé tu as bâti un garage sans financement et ta réputation n’est plus à faire. Crois-moi ton fonds de commerce et les loyers de ton appartement de Nzeng Ayong feront une très bonne garantie pour la banque. T’auras rien à faire à part présenter ta demande à ton gestionnaire. Le reste ira nickel chrome. 

— Tu dis toujours ça, dit-elle en posant le front contre mon épaule. 


Je la prends dans mes bras et l’assois sur mes cuisses. 

    

— Et si on parlait d’autre chose ? 

— Comme quoi ? quand tu souris comme ça, je n’arrive même plus à lire mes feuilles. 

— Comme du fait que tu es en train de lire ton business plan en lingerie. 

— Ah ça… C’est …


Je l’embrasse pour lui couper la parole profitant de son expression gourmande quand elle fait glisser de mes épaules ma chemise. J’aime la sensation du poids de don corps sur le mien. 


— C’est ? 

— Je ne sais plus ce que je voulais dire…

— Tu es sure que tu ne préfères pas étudier ? 


Avant qu’elle ne puisse me répondre, on cogne à notre porte. Manu lève les yeux au ciel en signe d’exaspération. Je suis sûr que c’est David. Elle me fait signe de rester silencieux, jusqu’à ce qu’il s’en aille. Mais dès qu’on recommence à s’embrasser, il cogne de nouveau. Je me lève et jette Manu sur le lit pour aller ouvrir la porte à son fils. 


— Bonsoir. 

— Salut mon grand. Qu’est-ce que je peux faire pour toi ? 

— Je peux dormir ici ? demande-t-il d’une toute petite voix 

— Euh… OK. Entre. 


Je m’efface pour le laisser entrer. Il trottine sur ses pieds et retrouve sa mère dans le grand lit en bois d’acajou. Il se blottit tout contre elle et s’endort dès qu’elle borde. Elle range son foutoir car elle sait que j’ai horreur de dormir dans une chambre non rangée et se glisse dans le lit. David dort au milieu de nous deux. Demain, il faudra que j’aille la déposer Khadidja à sa mère. C’est un vrai déchirement de la faire à chaque fois mais je ne peux me résoudre à les séparer toutes les deux en demandant la garde de ma fille. Elle a besoin d’avoir son enfant près d’elle. Je ne prends Khadidja que deux week-end dans le mois. Elle ne veut pas m’accorder plus de temps et pour le moment, je respecte sa volonté.  


— Hé tu dors ? 

— Non. Je crois que j’ai encore un peu faim. 

— Avec tout ce que tu avales comment tu fais pour ne pas grossir ? 

— Je soulève des pneus, dit-elle en baillant longuement les yeux fermés.

— Hé.

— Oui Driss. 

— Demain porte ta combinaison. Tu seras belle avec.    


Elle ouvre les yeux et me sourit. 


— Tu crois qu’il se réveillera si on quitte discrètement le lit ? 


J’éclate de rire, ce qui réveille complétement David.


*

**


Je me suis réveillé de mauvais poil sans trop savoir pourquoi. J’ai la boule au ventre. 


Aujourd’hui c’est dimanche et je dois accompagner Manu et David à l’église Saint André pour la messe de 10 heures. Après pour moi c’est direction chez mon ex-femme pour déposer ma fille puis la plage ou une maison de téléphonie mobile à bien voulu m’associer à sa manifestation en faveur d’un nouveau service. Comme ils ont réservé mes services pour toute la durée de leur campagne, je pense une grâce à eux, je vais toucher le plus gros chèque de l’année. Ce qui veut dire qu’à partir de l’année prochaine, je ne travaillerai plus pour rembourser mes dettes et survivre mais que je travaillerai pour m’agrandir donc acheter un nouveau camion afin de répondre un peu mieux à la demande. Un camion qui desservira la commune d’Akanda et un autre pour celle de Libreville. Il me faudra aussi du nouveau personnel. 

   

Manu elle de son coté, rentrera avec son fils passer le dimanche au calme chez nous. 


Finalement, je sais pourquoi je me sens aussi mal. Dans ma tête c’est aujourd’hui le grand jour. Toute cette semaine, j’ai essayé d’oublier la nouvelle pression que je me suis mis et j’y suis plutôt bien arrivé si on y pense bien. Il faut vraiment que je change de cachette. A chaque fois qu’elle ouvre mon tiroir, j’ai le cœur qui bat à cent à l’heure à l’idée qu’elle tombe sur l’écrin emballé. Heureusement pour moi que Manu n’est pas du genre à beaucoup réfléchir ou à fouiller ses placards pour s’habiller. Elle porte ce sur quoi sa main tombe en premier tout simplement. Comme elle fouille un peu trop à mon gout le tiroir, je sors la combinaison dont je lui parlais la veille et la lui tends. Elle me remercie et court la porter. Je regarde l’heure à ma montre. On sera officiellement en retard dans trois minutes. 


Lorsque je la vois en habits du dimanche, je ne peux m’empêcher d’imaginer ce qu’elle a traversé qui a fait en sorte qu’elle change d’avis sur Dieu, qu’elle réalise qu’au final, il ne l’a jamais abandonnée. Elle m’a promis qu’elle m’en parlerait un jour, quand elle n’aura plus honte d’avoir été si faible et naïve. Je ne l’ai pourtant jamais vu comme une personne de ce genre.


Je m’empare des clefs de la voiture et vérifie que tout le monde est prêt à s’en aller. Khadidja est grincheuse car elle ne veut pas quitter David et moi j’essaie tant bien que mal de ne pas céder. 


— Peut-être que je devais appeler Zeina pour lui demander de garder la petite encore un jour ou deux. 

— Non, je ne pense pas que ce soit une bonne idée. Elle a besoin aussi de voir sa fille. Dépose là d’abord puis la semaine prochaine tu pourras essayer de négocier avec elle. Ne la mets pas sur le fait accompli. 

— C’est ma fille aussi. Je paie tout Manu, je devrai quand même avoir le droit de la voir plus de quatre jours par mois. 

— Hé. Ne t’énerve pas contre moi. Je te comprends parfaitement. Je dis juste … qu’il faut se donner le temps et que le plus important c’est que Khadidja ne souffre pas de nos conneries d’adultes. 


Je dépose un baiser sur sa tempe en signe de capitulation. Je sais qu’elle me comprend et je sais aussi que ça ne la vexe pas que je ne puisse pour le moment lui offrir tout ce qu’elle mérite d’avoir de la part de son homme. 

Zeina a gardé la maison, à ma demande. Et elle a obtenu une pension alimentaire de deux cent cinquante mille francs CFA au Tribunal. Je lui verse trois cent cinquante mille. C’est-à-dire le salaire de l’assistant cuisinier que je devrais normalement engager pour m’aider depuis belle lurette. Mais de deux choses, il m’a fallu en choisir une et dans ce cas, j’ai préféré faire ce que ma conscience me dictait. Ma fille ne doit manquer de rien quand elle n’est pas avec moi. Mais parfois c’est dur d’avoir bossé comme un dingue tout un mois puis à la fin de la course se retrouver avec zéro franc sur le compte une fois que j’ai tout déduit de ce que j’ai gagné. 


Manu a calé Khadidja sur sa hanche et David a le nez plongé dans un de ses bouquins. Khadi lui caresse la tête. Je crois qu’elle adore la coupe courte de Manu. Pourvu qu’elle ne la demande pas à sa mère qui adore ses tresser ses longs cheveux. Elle me fait un clin d’œil pour me dérider. Parfois je me demande même si elle ne sait pas déjà pour la bague et teste juste ma capacité à lui cacher quelque chose. Il est temps de nous en aller. Manu sort la première avec les enfants et moi je ferme derrière elle me demandant encore une fois quel serait le moment le plus opportun pour lui donner la bague.


Je n’ai aucun doute sur le fait qu’elle dira oui. 

Je n’ai aucun doute sur le fait que nous sommes prêts. 

Je n’ai aucun doute sur le fait qu’elle est la femme que j’aimerai jusqu’à la fin de ma vie.   


Je n’ai aucun doute. Puis e me rends compte que ma petite famille est assez silencieuse pour un dimanche matin. D’habitude Manu essaie de faire chanter un peu de gospel à tout le monde. Elle chante très mal, ce qui rend l’exercice amusant. Alors pourquoi ce silence ?


Je glisse la clef dans ma poche et me tourne, une bonne blague au bout des lèvres. 


Je ne vois pas Manu, ni ma fille, ni David. 

Je vois Pierre planté là devant notre petit portail et il nous observe.

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