Chapitre 38

Write by Auby88

Citation intro du Chapitre

"La solitude est une chose bien étrange. Elle vous envahit, tout doucement et sans faire de bruit, s’assoit à vos côtés dans le noir, vous caresse les cheveux pendant votre sommeil. Elle s’enroule autour de vous, vous serre si fort que vous pouvez à peine respirer, que vous n’entendez presque plus la pulsation du sang dans vos veines, tandis qu’elle file sur votre peau et effleure de ses lèvres le fin duvet de votre nuque. Elle s’installe dans votre cœur, s’allonge près de vous la nuit, dévore comme une sangsue la lumière dans le moindre recoin. C’est une compagne de chaque instant, qui vous serre la main pour mieux vous tirer vers le bas quand vous luttez pour vous redresser.

Vous vous réveillez le matin et vous vous demandez qui vous êtes. Vous n’arrivez pas à vous endormir le soir et tremblez comme une feuille. Vous doutez vous doutez vous doutez.

Je dois

Je ne dois pas

Je devrais

Pourquoi je ne vais pas

Et même quand vous êtes prêt à lâcher prise. Quand vous êtes prêt à vous libérer. Quand vous êtes prêt à devenir quelqu’un de nouveau. La solitude est une vieille amie debout à votre côté dans le miroir ; elle vous regarde droit dans les yeux, vous met au défi de mener votre vie sans elle. Vous ne pouvez pas trouver les mots pour lutter contre vous-même, lutter contre les mots qui hurlent que vous n’êtes pas à la hauteur, que vous ne le serez jamais vraiment, jamais vraiment.

La solitude est une compagne cruelle, maudite.

Parfois, elle ne veut simplement pas vous abandonner.


Tahereh Mafi, Unravel Me (Shatter Me, #2)"


****************



Nadia Page AKLE


Il fait nuit. Je ne dors pas. Je pense à Eliad. Je le comprends de moins en moins. Je ne sais pas ce qu'il attend vraiment de moi. Je ne sais pas pourquoi il me fuit autant, pourquoi il reste si distant. Malheureusement, quand je l'interroge, il reste évasif.


Pourtant, j'ai démissionné du Centre d'appels comme il le souhaitait. Parce que je ne voulais pas le perdre.


D'aucuns diraient que je n'aurais pas dû me plier si facilement à sa volonté ; d'autant plus qu'elle était sans fondement réel. Oui, je le sais.

C'est vrai que je suis novice en matière de relation sentimentale, mais je pense qu'on se doit de faire des compromis pour que ça dure...


Mon corps, resté trop longtemps loin de celui d'Eliad, commence à le réclamer. Vite ! Je me lève du lit, enfile une nuisette rouge sexy et sors de ma chambre. Couloir désert. Personne en vue. Parfait !


J'avance en direction de la chambre d'Eliad... Je cogne mon poing contre la porte, qui s'ouvre aussitôt découvrant l'élu de mon coeur...


Le sourire sur mon visage disparaît progressivement… Mes yeux restent rivés sur le haut qu'il porte : un Lacoste gris que la mère de Milena lui avait offert et qu'il n'avait pas remis depuis.


- PAGE ! s'étonne-t-il en me voyant.

- Bonsoir, Eliad !


Je lève mes yeux vers lui et m'efforce de ne rien laisser paraître sur mon visage. Ses yeux se posent furtivement sur ma nuisette.

- Cette lingerie te va à ravir.

- Je l'ai mise rien que pour toi.

- Vraiment ?

- Oui. Ça fait des jours que mon lit t'attend ! dis-je en approchant mon visage du sien, pour embrasser ses lèvres.


Mais c'est finalement sa joue qui accueille mes lèvres. Je me sens gauche. J'éloigne alors mon visage du sien.


Comme à son habitude, il ne m'invite pas à entrer. C'est donc sur le seuil de sa chambre entrouverte que nous menons notre discussion.


- Ton offre est bien tentante. Hélas, je ne peux l'accepter. Parce que demain très tôt, je voyage sur Abuja.

- Encore un voyage ! m'étonné-je.


Il promène les doigts dans ses cheveux. Ça se sent qu'il n'est pas à son aise.


- Oui, PAGE ! Je m'excuse de ne pas te l'avoir dit plus tôt. Il s'agit d'un important projet d'architecture. Mais rassure-toi, cette fois-ci je serai de retour dans une semaine au maximum.

- Ok, fais-je en affichant un air déçu.


Il se penche vers mes oreilles pour ajouter :

- Mais ne t'inquiète pas. A mon retour, on rattrapera tout ce temps perdu. Je te le promets. Alors, garde ma place bien au chaud. D'accord ?


Je ne l'écoute pas vraiment, car je viens d'apercevoir sur son lit, un tas de photos. De Camila, je suppose.

Il continue de me parler, mais je ne l'entends pas. Je suis perdue dans mes pensées.


- PAGE, tu me suis ? PAGE !

- Oui, finis-je par dire en secouant doucement ma main.

- PAGE, qu'est-ce qu'elle a ta main ?

- Rien d'important ! Juste une sensation de fourmis dans les doigts.


Il affiche un visage inquiet, que je regarde à peine.

- Depuis quand ce fourmillement a commencé ?

Je réponds sans grand entrain.

- Depuis quelques jours.

- Et tu as aussi des crampes ?


J'ai bien envie de lui lancer un "Depuis quand t'es docteur, toi, pour me poser autant de questions ?", mais je me ravise.


- Oui, finis-je par répondre. Surtout le matin au réveil et la nuit.

- C'est douloureux ?

- Un peu, mais surtout gênant ! Mais, bof. Je ne pense pas que ce soit quelque chose de bien grave. Ce doit juste être passager. Il n'y a pas de quoi s'inquiéter autant !

- PAGE ! réplique-t-il sur un ton très sérieux. Ce n'est pas à négliger ! Ce fait que tu trouves anodin peut cacher un syndrome du canal carpien, un diabète, une carence, un problème de la thyroïde …


Je ne prête pas attention à ce qu'il dit. Je n'ai qu'une seule envie. Oter ma main de la sienne et repartir dans ma chambre.


- Il faut vraiment que tu consultes un docteur. Le plus tôt sera le mieux !

- D'accord ! agréé-je aussitôt en regardant ailleurs et en libérant doucement ma main de la sienne.

- Bonne nuit, Eliad ! ajouté-je.

- Bonne nuit, PAGE !


 Je prends la direction de ma chambre. Il rentre aussitôt dans la sienne...

Je n'ai pas attendu pour l'embrasser. Il n'avait pas non plus l'intention de le faire. Alors, tant pis ! De toutes façons, je me suis déjà refroidie...



Je me couche sur mon lit, mais n'arrive pas à dormir. Car mon esprit est occupé à analyser trop d'informations :

Le Lacoste que portait Eliad… les photos sur le lit….la distance qu'il a mis entre nous.

Tout ça n'augure rien de bon. En plus, la date d'anniversaire de naissance de Milena approche à grands pas. Et qui dit anniversaire de naissance de Milena, dit aussi anniversaire de décès de la mère de Milena avec tout ce que ça implique pour Eliad. (Long soupir).


Je ne voulais pas l'admettre avant, mais dans les jours prochains, ma relation avec Eliad risque d'être fortement secouée.



*************


Quelques jours plus tard



 Nadia Page AKLE



Je marche en retrait derrière Eliad qui tient fermement la main de sa fille.

A mes côtés se trouvent Annie et le père d'Eliad.

En silence, nous pénétrons à l'intérieur  de la chapelle où nous attend déjà le prêtre. Aujourd'hui, c'est l'anniversaire de décès de la mère de Camila. Et moi, je suis l'intruse. En tout cas, c'est ainsi que je me sens aujourd'hui.


Plutôt que de m'asseoir devant, près d'Eliad et sa fille, je me mets derrière eux ; ce qui ne semble même pas gêner Eliad qui a les yeux fixés sur la tombe de la défunte.


Milena regarde en arrière et me fait des signes pour que je vienne en avant, mais je fais Non de la tête.

- Milena ! Reste concentrée et arrête de tourner la tête ! ordonne son père. Aujourd'hui est un jour sacré, un jour de recueillement en l'honneur de ta maman.


J'inspire profondément et me cale mieux dans ma chaise, tout en ouvrant et refermant mon poing pour soulager ma main encore engourdie.

Il faudra vraiment que j'aille consulter un docteur pour en finir avec ce mal qui trouble de plus en plus mes nuits…


La célébration vient de finir. Eliad est là, à genoux près de la tombe. Il garde la main de sa fille, et tous deux y déposent un gros bouquet de fleurs. Ensuite, Milena va rejoindre son grand-père.


Je l'avoue, je suis jalouse. Jalouse de tout l'amour qu'Eliad porte à cette femme morte.


Malgré tout, je m'avance vers lui pour lui apporter mon soutien. Car je sais qu'il a mal et je souffre de le voir ainsi. Sur son épaule, je pose donc une main.


- Laisse-moi tranquille, PAGE ! gronde-t-il en enlevant violemment ma main. Je n'aime pas qu'on m'interrompe quand je suis avec mon épouse.


J'ai les dents qui grincent, j'ai les pieds qui chancellent... Je demeure là, derrière lui, complètement perdue.


- Viens, ma fille ! Viens, laissons-le seul !


Je regarde le père d'Eliad et hoche de la tête.

- Ma fille, ne prends surtout pas ses mots à coeur. Il est juste troublé. Des années sont passées, mais c'est toujours éprouvant pour lui. Car c'est comme si à chaque fois, il revivait la mort de Camila. Tu comprends ?

- Oui, papa.

- Alors change-moi cette mine et allons-y. Nous avons un autre anniversaire à fêter ! N'est-ce pas Milena ?

- Oui, pépé.

Je me surprends à sourire devant l'enthousiasme de Milena et les mimiques de son pépé. Milena et moi accrochons un bras de part et d'autre du grand-père et prenons le chemin de la maison.



Plus tard.

Il y a là beaucoup de visages d'enfants. Pour la plupart, ce sont les camarades de classe de Milena. Ça crie, ça danse, ça court… ça fait beaucoup de bêtises. Mais c'est beau à voir, car ma princesse est aux anges. Et la voir aussi heureuse me réjouit le coeur.…


5,4,3,2,1, 0

Au chiffre zéro, Milena souffle ses bougies ; avec l'aide de son père qui nous a finalement rejoints. Il semble plus gai, mais continue de prendre ses distances avec moi.


Je m'approche quand même de lui pour qu'il me serve deux parts de gâteau. Il s'exécute et me tend les assiettes en évitant mon regard.


Je m'éloigne de là pour m'adosser contre l'un des murs de la pièce. J'inspire profondément et baisse la tête quelques secondes. Quand je la relève, je remarque que les yeux d'Annie convergent vers moi. Je lui adresse un large sourire forcé et revient vers elle avec sa part et la mienne.


- Tiens, ça c'est pour toi.

- Merci Nadia. Ça semble appétissant !

- Oui, ça en a bien l'air ! On attaque ?

- Oui, avec plaisir Nadia. Allons le déguster tranquillement dehors. Il y a trop de bruit ici.

- Milena ne…

- Elle est bien trop occupée avec ses amies pour remarquer ton absence !

- Oui, tu as raison. Allons-y.



* *

 *


Avec grand appétit, je plonge ma cuillère dans la pâtisserie et l'envoie dans ma bouche. Malheureusement, ça passe mal.

- Nadia, ça ne va pas ? interroge Annie.

- Trop sucré ! Si je m'efforce de finir un truc pareil, je finirai la tête dans les cuvettes des toilettes.

- Nadia ! Un peu de retenue ! Je mange, moi !

- C'est pour cela que j'ai atténué l'effet.


Nous éclatons de rire.


- Miss Nadia, comme vous n'aimez que les bouffes salées, laissez-moi m'occuper, à bon escient, de votre part de gâteau.

- Volontiers, miss Annie. Faites-en ce que vous voulez !


Elle s'empare de mon assiette et dévore, en quelques secondes, la pâtisserie.

- Un pur délice pour mes papilles !

- Je le vois, dis-je en lui tendant un mouchoir en papier.

Tandis qu'elle se nettoie les mains et la bouche, je me perds dans mes pensées.

- PAGE !

- Oui, Annie ! fais-je en levant les yeux vers elle.

- Tout va bien entre Eliad et toi ?


Plutôt que de lui répondre, Je la regarde chasser des mouches hasardeuses, venues se poser sur les traces de crème répandues ça et là sur les plats ; puis rabattre l'un des plats sur l'autre.


- Nadia, tu m'écoutes ?

- Je t'ai entendue. Oui, tout va bien entre Eliad et moi.

- Tu en es bien sûre ?

- Oui, Annie. J'en suis sûre.

En parlant, je m'efforce de lui sourire grandement pour paraître plus crédible.

- Ce n'est pourtant pas ce que j'ai constaté.

- Si tu fais allusion au petit incident dans la chapelle, ce n'était pas important. Comme l'a dit son père, cette date est toujours éprouvante pour lui.

- Peut-être, mais ce n'est pas seulement aujourd'hui qu'il se montre si froid avec toi ou qu'il te parle si arrogamment. J'en ai déjà été témoin auparavant. Tu t'en rappelles ?

- Pas vraiment !

- Nadia ! Jusqu'à quand continueras-tu de te voiler la face ? Votre relation est au point mort…  Regarde comme il vénère son épouse décédée ! Vois comment il est distant avec toi ! Ça se voit qu'il ne t'aime pas.

- Il m'aime à sa manière, rectifié-je en fixant le vide.

- Tu veux dire juste pour le sexe ?


Ses mots me blessent.

- Parce que tu penses qu'aucun homme ne peut m'aimer pour ce que je suis vraiment ?

- Nadia, ce n'est pas ce que je voulais dire ! Je te l'assure.

- Mais tu l'as dit.

Elle met une main sur la mienne.

- Je m'excuse.

- Pas grave, t'inquiète ! répliqué-je en enlevant ma main.

- Nadia ! Comprends que je ne veux que ton bien ! Il ne te sert à rien de rester dans une relation sans lendemain ! Ma chérie, tu mérites mieux que cet homme !

- Vraiment ! Je pensais que tu l'appréciais beaucoup avant.

- Oui, parce que je pensais qu'il allait te rendre heureuse. Mais ce n'est pas le cas !

- Je vais bien, je t'assure et je suis heureuse auprès de l'homme que j'aime... La vie de couple contient des hauts et des bas. Tu me l'as toi-même souvent répété. Alors pourquoi devrais-je me plaindre à chaque fois ? Enfin. C'est ainsi que je conçois une relation amoureuse... D'ailleurs, il t'est bien arrivé d'avoir des différends avec Ivan. Pourtant, l'as-tu quitté  ?

- Ce n'est pas la même chose, Nadia !  Ouvre les yeux !


J'inspire bruyamment.

- Nadia ! Tu m'entends ?

- Ecoute, Annie. Eliad un homme compliqué, mystérieux, bizarre, très solitaire, très réservé… je l'admets. Mais je l'aime, tu comprends !


Elle me fixe longuement avant de me dire :

- Tu sais quel est ton problème, Nadia ? C'est que tu as un cœur trop grand. Oui, tu es trop gentille.

- Je pensais que c'était une qualité !

- Oui, c'en est bien une. Malheureusement, à cause de ça, tu laisses passer trop de choses qui pourtant te blessent. Tu fermes volontairement les yeux sur des comportements anormaux que cet homme a envers toi. Tu prends tout sur toi, au nom de l'amour que tu lui portes. En contrepartie de quoi ? De quelques miettes d'affection qu'il te jette quand il en a envie !

- Peut-être ! m'insurgé-je. Mais pour moi, c'est mieux que rien !

- Nadia ! Il ne faudrait pas que ce besoin permanent que tu as d'être aimé finisse par causer ta perte !

- Il ne m'arrivera rien ! Rassure-toi. Après tout, je ne suis plus un enfant ! Je sais ce qui est bien pour moi.

- Fais bien attention, Nadia ! Très attention ! Ce n'est du tout pas bien de refouler des émotions que tu devrais normalement extérioriser. Tu te trompes si tu penses qu'en agissant ainsi, elles finiront par disparaître. Au contraire, elles deviendront plus grosses, plus intenses…jusqu'à atteindre leur summum. A ce moment-là, tu ne pourras plus les contrôler. Et ce sera la catastrophe ! Penses-y bien, Nadia.


Je souris grandement pour cacher l'anxiété qui est mienne, suite à ses propos.


- C'est gentil de te préoccuper pour moi. Mais je vais bien. Et puis, t'as oublié que je suis une femme très forte ?


Je l'entends inspirer bruyamment en gardant ses yeux sur moi.

- Nadia, tu…

- Tata Nadia, qu'est-ce tu fais ici ? Allez viens.


Sans opposer la moindre résistance, je me dépêche de suivre Milena à l'intérieur. Ouf ! me dis-je. Il y a longtemps que je voulais m'en aller loin d'Annie et de ses sermons.


Je ne nie pas qu'elle ait raison, mais je ne veux pas suivre ses conseils. Aimer, c'est accepter autant le meilleur que le moins bon. Et puis, ce n'est pas toujours mieux ailleurs...


Alors quoi qu'on dise, je choisis de rester. Malgré tout.

Je choisis de croire qu'Eliad et moi, nous vivons juste une mauvaise phase et que tout ira mieux demain. Je choisis de continuer à l'aimer pour deux. Mes efforts ne resteront pas vains, j'en suis sûre. Eliad finira bien par m'aimer véritablement. Bon, c'est ce que je décide de croire.


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