Chapitre 39
Write by Auby88
Citation intro :
"Il y aura des moments dans ta vie où tu devras choisir entre être aimé ou être respecté. Choisis toujours le respect, car l'amour sans respect est toujours éphémère, alors que le respect peut se transformer en amour durable. Auteur inconnu"
Chanson intro :
"Aretha Franklin, RESPECT
What you want,
Ce que tu veux
Baby, I got
Bébé, je l'ai
What you need
Ce dont tu as besoin
Do you know I got it ?
Sais-tu que je l'ai ?
All I'm askin'
Tout ce que je demande
Is for a little respect when you get home (just a little bit)
C'est un peu de respect quand tu rentres à la maison (juste un peu)
(…)
I ain't gonna do you wrong while you're gone
Je ne ferai rien de mal en ton absence.
Ain't gonna do you wrong 'cause I don't wanna
Je ne ferai rien de mal, car je n'en ai pas envie
All I'm askin'
Tout ce que je demande
Is for a little respect when you get home (just a little bit)
C'est un peu de respect quand tu rentres à la maison (juste un peu)
(…)
R-E-S-P-E-C-T
Find out what it means to me
Trouve ce que cela signifie pour moi
R-E-S-P-E-C-T
(…)
A little respect (just a little bit)
Un peu de respect (juste un peu)
I get tired
Je suis fatiguée
Keep on tryin'
Continue d'essayer
(…)
Et je ne mens pas
When you come home
Quand tu rentres à la maison
Or you might walk in
Ou peut-être rentreras-tu
And find out I'm gone
En découvrant que je suis partie
(...)
Source : https://www.lacoccinelle.net/
**************
Eliad MONTEIRO
Depuis ma chambre, j'épie PAGE qui joue dans le jardin avec Milena.
PAGE !
(Long soupir)
Je la regarde, jour après jour, se dévouer à ma fille comme si c'était la sienne. Je doute même que Camila eut pu donner autant d'amour à Milena.
PAGE !
(Respiration bruyante)
Je la vois s'échiner au quotidien pour me plaire malgré que je continue de la fuir, de me montrer froid avec elle...
Pourtant, JE L'AIME. Oui, JE L'AIME. Sans oser me l'avouer... Sans oser l'avouer à qui que ce soit... Encore moins à PAGE.
Je me sens trop coupable vis-à-vis de Camila pour agir dans ce sens. J'ai toujours l'impression de trahir mon épouse, de n'avoir pas le droit d'être heureux avec une autre femme qu'elle.
Un sentiment de culpabilité qui perdure encore plus quand je m'unis intimement à PAGE et que j'y prends beaucoup de plaisir…
PAGE !
(Frêle sourire)
Je ne saurais dire ni quand, ni comment j'ai commencé à véritablement l'aimer.
Tout ce que je sais, c'est que mon coeur m'a trahi en laissant PAGE s'y infiltrer dangereusement. Et le pire, c'est qu'il bat encore plus pour elle qu'il n'a battu pour Camila.
(Long soupir)
C'est pour ça que j'ai commencé à fuir PAGE, à lui donner l'impression qu'elle ne m'intéresse plus et que je reste hanté par les souvenirs de Camila.
Je pensais qu'en la traitant si durement, elle s'en irait. Mais non. Elle est restée. De toutes façons, si elle était partie, j'aurais sombré. De toutes manières, si PAGE s'en va, je ne serai plus rien. Car PAGE est autant ma chute que mon ascension… mon début et ma fin.... Bref, mon équilibre.
"Quel est cet amour qui blesse, qui fait tant de mal ?" dirait-on. "Cet homme est un sadique ! " ajouterait-on.
Oh NON, je ne suis pas un sadique NON, NON, NON ! Non, je suis juste un veuf. Un veuf, qui malgré toutes les années qui sont passées, ne parvient pas à faire son deuil.
En revanche, s'il y a un fait qu'on peut me reprocher, c'est de consciemment entraîner PAGE avec moi dans mon abîme. Parce que je sens qu'elle n'est pas pas heureuse à mes côtés, je sais que son visage ne s'illumine plus comme avant. Et pourtant, je la laisse souffrir. Souffrir en silence.
De toutes façons, je n'y peux rien.
Du moins, pas pour le moment.
Je suis un être bizarre, plein de contradictoires indécis à l'excès, je sais. Mais je n'y peux rien. Je suis ainsi.
J'ai parfois l'impression de porter deux entités opposées sur mes épaules et qui influencent mes actions : l'une à droite, l'autre à gauche.
L'un ANGE m'autorise, me pousse, m'encourage à aller vers PAGE, à l'aimer. Tandis que l'autre DEMON m'interdit d'aller vers elle, me rappelant que je n'ai pas le droit de rompre avec le passé et la douleur du deuil, me rappelant que je ne peux aimer ou m'unir à une autre femme que Camila.
Et moi, je reste perdu entre les deux, penchant continuellement vers l'un comme vers l'autre.…
************
Des jours plus tard
Eliad MONTEIRO
J'appuie le poignet de la porte qui s'ouvre sans peine. Avec grand enthousiasme, je m'introduis à l'intérieur de la chambre de PAGE et l'aperçois debout sur sur la terrasse.
Toute la journée, j'ai pensé à elle.
J'ai même quitté le boulot plus tôt pour la surprendre. Dès à présent, je compte la reconquérir, ma PAGE !
Elle semble si perdue dans ses pensées qu'elle n'entend pas mes pas se rapprocher d'elle. Ce n'est que lorsqu'elle sent mes lèvres dans son cou, qu'elle sursaute aussitôt et me regarde avec grand étonnement. Je lui souris grandement.
- Eliad !
- Bonsoir PAGE.
- Tiens, c'est pour toi !
Je lui tends une boite de chocolats.
- Merci. C'est gentil.
Sur la table devant elle, elle dépose le coffret.
- Tu ne l'ouvres pas ? D'habitude, tu n'attendais pas une seconde avant de dévorer la moitié de la boîte !
- Je n'en ai pas envie maintenant. Mais tout à l'heure, j'en mangerai quelques-uns.
Elle mime un sourire que je trouve faux.
- Tu sembles si pensive, PAGE. Est-ce à cause de moi ?
- Non, Eliad. Il y a autre chose.
Elle parle sur un ton trop sérieux. Il doit sûrement s'agir de sa santé. Je panique déjà.
- De quoi s'agit-il ?… Attends, cela concerne tes crampes à la main ?
Je la regarde faire oui de la tête, avec un visage trop grave. J'ai très peur.
- Tu as consulté un docteur, c'est cela ? Et qu'a-t-il dit ?
Pour toute réponse, elle me tend un dossier qu'elle vient de prendre sur la table.
- Ton dossier médical ?
- Oui, ouvre-le.
Mes doigts tremblent tandis que je lève la page de couverture. En tournant les pages, je murmure :
- Taux de glycémie normal… taux de magnésium et calcium… normaux… bilan thyroïdien normal…. Syndrome du canal carpien…
Puis les mots se coincent dans mon gosier et mon pouls s'accélère quand je lis les mots "test sanguin de grossesse positif". Je tourne en vitesse la dernière feuille pour y découvrir une échographie de datation...
PAGE est enceinte ! J'ai l'impression que le ciel vient de me tomber sur la tête. Je suis déçu. Totalement déçu. Autant par ce que je viens de lire que par la femme en face de moi. Je lève des yeux pleins de colère vers elle et lui lance sans ménagement :
- Est-ce qu'il est de moi ?
************
Nadia Page AKLE
J'ai reçu l'annonce de ma grossesse comme un choc. Je ne m'y attendais vraiment pas.
Eliad et moi n'avions jamais parlé de bébé. Mais était-ce nécessaire d'en parler ? C'était bien évident pour moi qu'un homme qui se protège à chaque fois ne veut pas d'enfant. Et d'une manière ou d'une autre, cela me convenait. Car je ne pensais pas mériter à nouveau d'être maman, quand par le passé j'avais refusé le droit de naître à deux petites âmes innocentes...
J'étais consciente que cette nouvelle contrarierait Eliad, que cela affecterait notre relation déjà chaotique. Mais je ne m'attendais pas à ce qu'il me pose une question aussi blessante : " Est-ce qu'il est de moi ?"
Mes battements de cœur s'accélèrent et je sens mes jambes vaciller. Je garde solidement la table puis me laisse choir sur une chaise.
- PAGE ! continue-t-il à vociférer contre moi. Je te parle et j'attends que tu me répondes sincèrement !
Je prends plusieurs respirations successives pour calmer la colère qui s'accroit en moi et retenir les larmes qui me montent aux yeux !
- PAGE ! Ton silence te rend davantage coupable !
Avec un grand calme, je lui réponds en le fixant droit dans les yeux.
- Il est de toi, Eliad. Tu peux en être sûr !
- Comment ai-je pu te mettre enceinte en utilisant toujours et convenablement un préservatif ? C'est impossible, PAGE !
- J'ai été autant surprise que toi, Eliad, mais c'est bien vrai. Je sais que mon passé douteux me condamne plus à tes yeux, je sais que les prostituées anciennes ou nouvelles ont une mauvaise réputation, mais je ne t'ai pas trompé Eliad. Jamais !
- Admettons-le. Dans tous les cas, on ne peut pas le garder... De ce bébé, ni toi ni moi n'avons voulu... Reconnais-le, PAGE. C'est vrai que je ne te l'ai jamais explicitement dit, mais il est clair que c'est justement pour éviter ce genre de situation déplaisante que je mettais des capotes !
"Respire à fond, PAGE et compte 1,2,3,4 !" me dis-je intérieurement.
Il vient s'asseoir près de moi.
- Crois-moi, PAGE, c'est la meilleure solution pour nous deux. Oui, pour que notre couple continue comme avant... Ne me regarde pas ainsi ! C'est la vérité que je te dis..... Et puis, tu dois l'avoir déjà fait plusieurs fois auparavant. Ce ne sera qu'une fois de plus pour toi.
Respire à fond, PAGE et compte 1,2,3,4 !" me répété-je.
Il prend ma main pour ajouter :
- On n'a pas besoin de s'encombrer d'un bambin de plus. Toi, Milena et moi formons déjà une belle famille. C'est suffisant. Tu me comprends, ma chérie ?
Je lève les yeux vers lui.
- Oui, Eliad, je te comprends. Je ne sais faire que cela d'ailleurs. Te comprendre. Toujours te comprendre…
J'enlève ma main de la sienne et me lève.
- … mais aujourd'hui, ce ne sera pas le cas
- Attends, tu ne comptes quand même pas garder ce…
- Ce bébé ? Oui, Eliad. Auparavant j'ai avorté, c'est vrai. Deux fois d'ailleurs, je l'avoue. Tu ne peux savoir combien c'est stressant pour moi d'y repenser. J'ai même failli y laisser ma vie…Je ne le referai plus jamais, même pour tout l'or du monde…
- PAGE, sois raisonnable !
- Avant, j'y étais contrainte parce que les auteurs étaient des clients que je ne connaissais même pas... Mais aujourd'hui, c'est différent. Parce que ce bébé, je l'ai conçu avec un homme que j'aime plus que moi-même, même s'il n'est pas capable de le voir et qu'il s'obstine à croire que je l'ai trompé.
- Sois réaliste, PAGE !
- Je ne sais pas ce qu'il en était pour toi, mais chaque fois que nous faisions l'amour, je me donnais corps et âme à toi, Eliad !
- Voyons, PAGE ! Pourquoi t'attacher autant à un enfant que tu ne désirais même pas ?
- C'est vrai que je ne l'attendais pas, mais il a réussi à se trouver une place en moi. C'est un battant qui ne demande qu'à vivre et je ne le priverai pas de ce droit... Ce bébé, c'est mon miracle même si pour toi, il ne signifie rien du tout... Tu ne le vois pas comme le tien. Tant pis. Mais c'est le mien. Le mien, Eliad. Et je ne laisserai personne me l'enlever !
Il me regarde en secouant la tête.
- PAGE, tu ne peux pas me faire ça !
- Personne, tu entends ! Pas même toi, Eliad !
- PAGE, sais-tu ce que cela implique ?
- Oui, j'en suis pleinement consciente.
- Tu le choisis lui, plutôt que moi ? Tu veux mettre un terme à notre relation alors que tu dis tout le temps "m'aimer plus que ta propre vie" ! … Je dois vraiment être un damné pour que les femmes de ma vie préfèrent choisir leur enfant plutôt que moi. D'abord Camila et maintenant toi !
- Rectificatif : la mère de Camila n'a pas choisi de mourir. Et moi, je n'ai jamais voulu choisir entre vous deux, Eliad. C'est toi qui m'y oblige, Eliad !
- Tu n'oserais pas me quitter, PAGE ! Je ne crois pas que tu puisses le faire. Tu m'aimes trop pour ça. Reconnais-le !
Je ne lui réponds pas. Je le regarde fièrement et rentre précipitamment à l'intérieur de la chambre.
- PAGE, où vas-tu ?
Il me suit.
Je prends une valise que je jette sur le lit.
- PAGE, que fais-tu ?
Je prends la direction de l'armoire. Il me barre la route et emprisonne mes bras. J'essaie de me dégager. Sans succès.
Il me pousse contre l'armoire et se colle tout contre moi. Je sens son souffle chaud. Il me fixe intensément, ce qui m'intimide quelque peu.
- Ne me fais pas ça, PAGE ! Je t'en supplie. Tu veux le garder ? Alors garde-le, mais ne t'en va pas.
- Tu t'entends parler ? Nous avons conçu ce bébé à deux, Eliad ! A deux ! Même si tu continues de ne pas y croire.
- La naissance de Milena a déjà été assez éprouvante pour moi pour qu'on me rajoute un mioche de plus !
- Toi, toi, toujours toi, encore toi. Tu n'es qu'un égoïste, Eliad. Un égoïste ! Comment ai-je pu croire que tu finirais par m'aimer un jour ?
- Oui, je t'aime... Je t'aime PAGE. Et c'est pour cette raison que j'ai commencé à te fuir. Parce que je ne voulais ni ne pouvais admettre que je suis tombé amoureux d'une autre femme que Camila. Et le pire, c'est que je t'aime encore plus PAGE ! Crois-moi. Je t'aime PAGE, je t'aime mon amour. Je t'aime. Je t'aime…
Ses mots me font faiblir. Je laisse ses lèvres s'approcher des miennes. Je les laisse m'embrasser. Je laisse ses mains me toucher, me caresser la peau. Puis, je me rappelle les mots d'amour qu'il vient de me dire. Il ment encore, c'est sûr.
Alors, je le pousse violemment en arrière. Il manque tomber sur le sol. J'en profite pour me tourner vers l'armoire et prendre à la hâte des vêtements. Il essaie à nouveau de m'attraper mais je l'esquive pour fourrer pêle-mêle les vêtements dans la valise. Il les enlève de la valise pour les mettre sur le lit. Je parviens à prendre quelques-uns que je remets dans la valise. Il les enlève à nouveau…
- Toi et moi, c'est fini, Eliad ! Accepte-le !
- Je me perds sans toi, PAGE ! Je ne suis rien sans toi. Je sombre, si tu pars. Reste, je t'en supplie. Je te demande pardon. Pardon pour tout, PAGE. Je suis sincère. Sincère !
Il se met à pleurer. Un homme qui coule des larmes, ça devrait m'attendrir. Parce que les hommes en général, ça pleure pas. Mais Eliad MONTEIRO qui pleure, ça ne me touche plus. Car je ne connais personne d'aussi menteur, d'aussi hypocrite, d'aussi perfide, d'aussi dominateur, d'aussi manipulateur… que lui !
- Je ne te crois plus, tu entends ! Plus du tout ! Laisse-moi partir !
- Non, PAGE !
Il saisit fortement mon bras. Folle de rage, je lui crie :
- Lâche-moi, Eliad ! Notre relation est toxique et il faut que je m'en libère au plus vite !… J'en ai marre que tu me maltraites autant à cause de mon passé. Je mérite du respect, Eliad, même si je ne suis qu'une ex prostituée ou une orpheline des bas-quartiers.
- PAGE !
- J'ai toujours été là pour toi. Je t'ai pardonné tant et tant de choses que je n'aurais pas dû. Je m'efforçais de qualifier tous tes comportements de "normaux", même le fait que tu restes si tant attaché à celle que tu continues d'appeler " ton épouse" bien qu'elle ne soit plus là... Aujourd'hui, c'est fini Eliad. Je ne te laisserai plus jamais me traiter comme une serpillère !
- Ce n'est pas le cas, PAGE.
- Laisse-moi partir, Eliad !
- Je refuse PAGE. Je refuse de te laisser partir. Je te veux près de moi.
- Pourquoi ? Pour me garder comme un trophée, ou comme un objet de décoration ?… Ou plutôt comme ta pute privée, avec laquelle tu viens satisfaire tes bas instincts quand tu as envie, et puis tu retournes dans la chambre de ton épouse ?... La catin tellement sale avec laquelle tu continueras toujours d'utiliser un préservatif pour ne pas chiper une saleté ou pour ne pas la mettre enceinte ! Parce que tu ne la trouves pas digne de porter tes enfants ou je ne sais quoi encore ! N'est-ce pas là, la belle vie que tu me réserves à tes côtés !
- PAGE, ne dis pas ça !
Je fonds en larmes. Ça fait trop d'émotions en une fois. Trop de sentiments que je cachais en moi depuis. Les mots sortent, en désordre, de mon âme meurtrie.
- Je t'aime Eliad. Je t'aime tellement. Si tant que je me suis laissée rabaisser, humilier. Encore et encore. Pourtant, je m'étais promis de ne pas refaire cette même erreur qui m'a menée dans le monde de la prostitution. Oui, je m'étais promis de ne pas me laisser duper à nouveau pour quelques miettes d'affection. Mais mon amour pour toi est si fort que j'ai failli à ma promesse.
- Je t'aime, PAGE !
- Non. C'est faux, Eliad. Tu ne m'aimes pas. D'ailleurs, il y a longtemps que tu ne sais plus ce que cela signifie. Il y a longtemps que ton coeur est mort avec ton épouse. J'ai pensé pouvoir le ressusciter avec ma patience, mon amour, ma soumission… Mais ça n'a servi à rien. Et tu n'en as rien à faire.
- PAGE, mon amour !
- Tu te trompes de personne. Ton amour, ce n'est pas moi. Ton amour, c'est celle qui partage ta chambre jour et nuit, c'est celle dont les photos pullulent dans ta chambre et que tu contemples tout le temps. Moi, je ne suis personne à tes yeux. Personne !
- PAGE !
- Lâche-moi ! Accepte que c'est fini.
- Jamais ! Jamais PAGE ! Jamais, tu entends !
- Laisse-moi partir Eliad, crié-je où tu auras une femme de plus à pleurer. Parce que près de toi, je me meurs intérieurement. Or j'ai besoin de rester en vie pour cet petit-être qui est en moi.
Je le fixe avec des yeux pleins de rage. Avec ce regard qui le destabilise à chaque fois. Il lâche mon bras et fait un pas en arrière, puis un deuxième et un troisième. Contre l'un des murs, il va se coller et baisse la tête. Je l'entends pleurer à nouveau. Mais je n'y prête même pas attention.
Je fais ma valise à la va-vite, la referme, puis la tire rapidement en direction de la porte, sans même dire aurevoir à Eliad. Je ne veux pas flancher. Ça me fend le cœur de le quitter, mais je ne peux plus rester.
J'appuie sur le poignet de la porte qui s'ouvre. Surprise ! Je me retrouve nez à nez avec Milena, en larmes, tenant une poupée en main.
- Maman, tu veux encore partir et me laisser ?
Mon cœur fléchit en la voyant et l'écoutant. Elle vient de m'appeler "maman". Je ne la contredis pas, car je suis sur le point d'en devenir une. Et l'entendre m'appeler ainsi me touche au plus profond... Je suis pleine de doutes à l'instant.
- Maman, tu veux encore partir et me laisser ? reprend-t-elle.
Je lâche la valise et m'accroupis en face de ce bout de femme, cette autre MOI, que j'aime énormément :
- Non, mon cœur. Je ne pars nulle part.
Je sens Eliad derrière mon dos. Il accroche sa main sur le poignet de ma valise. Sûrement pour la ramener à l'intérieur.
En le fixant bien, j'ajoute :
- Milena, je reste uniquement pour toi. Uniquement pour toi, ma jolie. Viens dans mes bras.
Le sourire à l'instant sur le visage d'Eliad disparaît aussitôt pour laisser place à la mine triste qu'il avait tout à l'heure. Il abandonne la valise et quitte la pièce, avec précipitation. Tant mieux !
- Merci, maman.
- Je t'aime, ma princesse.
- Moi, aussi.
Je dépose un bisou sur son front et la serre tout contre moi.
C'est fou ce que l'amour pour un enfant peut forcer une mère à faire. Je ne saurais l'expliquer. J'ai faibli devant Milena, mais cela ne veut pas dire que j'ai encore perdu ma force. Au contraire. Mes moments d'égarement, à cause d'Eliad sont bel et bien finis.
Nadia Page AKLE, la forte, la courageuse est de retour. Pour longtemps encore. Beaucoup plus forte pour affronter tous les défis qui l'attendent.
Ce ne sera pas facile, je le sais mais je ne baisserai plus jamais les bras, ni ne laisserai qui que ce soit me manquer à nouveau de respect, fussé-je une ancienne prostituée.
Je ne ferai plus jamais cette erreur. Je n'en ai plus le droit... Pour ce petit-être qui grandit en mon sein...
J'aurais préféré que les choses se passent différemment. J'aurais préféré lui offrir une famille unie, avec un père aimant. Malheureusement, les choses ne passent pas toujours comme on le désire. Malheureusement, la vie de sa mère n'est pas un long fleuve tranquille…
Ce sera certainement éprouvant pour moi, mais je saurai l'aimer pour deux, autant pour moi que pour son père.
Si j'ai pu aimer pour deux son père qui ne le méritait même pas, alors je pourrai l'aimer lui encore plus. C'est certain.