Chapitre 54

Write by WumiRa

- J'ai l'impression que ta visite chez Sonya ne s'est pas passée comme tu voulais, fit Malik, une heure plus tard, après le retour de Maya.


- Pourquoi dis-tu ça ?


- Tu as l'air soucieuse. Elle va bien ? 


- Oui.


- Qu'est ce qui t'embête alors ?


- Rien.


Il se mit à zapper les chaînes à la télévision, pendant qu'elle buvait à petites gorgées, une tisane qu'il lui avait servi un peu plus tôt.


- Je ne veux pas me mêler de tes affaires, poursuivit-il. Mais si je peux faire quoi que ce soit, n'hésite pas à m'en parler.


- Non, tu n'y peux rien.


- D'accord.


Toujours aussi perturbée que lorsqu'elle avait quitté sa cousine, Maya déposa la tasse qu'elle avait en main sur la table basse et s'allongea sur le canapé. Ne trouvant rien d'intéressant à la télé, Malik finit par l'éteindre. Ensuite il se tourna vers elle.


- Je sais déjà que tu ne me diras rien et je ne vais pas insister. Par contre que dis-tu d'aller nous promener ? Ça fait un moment que tu n'es pas sorti.


- Je suis fatiguée. J'ai mal aux orteils et puis j'ai faim.


Il se leva.


- Bien, dans ce cas je vais nous faire quelque chose à manger. Qu'est-ce qui te tente ?


- Tu comptes vraiment faire la cuisine ? demanda t-elle, en l'étudiant du regard.


- Pourquoi pas ? À moins que tu ne doutes de mes talents culinaires ?


Il prit un air faussement vexé.


- Tu en doutes ?


- Oserais-je ? pouffa Maya. Mais je n'ai envie de rien en particulier. Ne t'embête pas pour ça.


Elle se redressa.


- Je vais me changer et je verrai quoi faire. 


- Si tu insistes.


Elle alla se changer et revint quelques minutes plus tard, habillée d'un boubou (robe très ample qu'affectionnent la plupart des femmes africaines) qui lui arrivait jusqu'aux chevilles. Dès qu'il la vit entrer dans la cuisine, Malik siffla.


- Oui j'ai l'air d'une grand mère, je sais.


- Qu'est ce que tu racontes ?


Il s'aprocha d'elle et la fit pivoter sur elle même.


- Tu devrais t'habiller comme ça plus souvent, tu es magnifique. Ça c'est ce que j'appelle une vraie chérie africaine. 


Elle fit la moue.


- Tu veux dire que quand je suis en patalon ou en petite robe, tu me trouves moins attirante ?


- Bien sûr que non. Et de toutes les façons, si je te disais comment je te préfère, tu me traiterais encore de pervers.



Comme elle fit mine de ne pas comprendre, il lui fit une bise sur la tempe, avant de lui murmurer dans l'oreille :


- Je te préfère sans le moindre vêtement.


Elle jura et le fusilla du regard, quoique amusée.


- Je me demande si dans dix ans je serai toujours en mesure de te supporter.


- Moi ou mes assauts ?


- Tu n'as aucune honte hein ?


- Quelle honte il y a à parler de ces choses là avec sa femme ? 


- Tu pourrais pervertir une nonne.


Elle se dirigea vers le frigo.


- Qui t'a dit que les nonnes sont des saintes ? Si tu savais...


- Malik ! 


Il éclata de rire.


- Viens, aide à moi à sortir ce truc. C'est tout congelé à l'intérieur.


Elle s'écarta pour le laisser faire, puis dès qu'il eut fini, il s'installa sur un tabouret et s'accouda sur la grande table, lui faisant face.


- Donc je disais que les bonnes sœurs n'ignorent rien des relations entre un homme et une femme. Je ne comprends même pas pourquoi elles y renoncent pour une existence morne.


- Bah à chacun sa vocation hein. Que Dieu te pardonne.


- Tu t'imagines parmi elles ?


- C'est à dire ? 


Elle alla se rincer les mains, avant de sortir du poulet congelé d'un sachet.


- Je n'ai pas compris ta question.


- Pourrais-tu vivre sans sexe pour le restant de tes jours ?


- Oui.


- Quelle menteuse !


- Je t'assure que si. 


- Tu sais bien que non. Peut-être qu'au début oui, mais avec le temps, ça va tellement te manquer que tu finiras par regretter ton ancienne vie.


- Les femmes sont très différentes des hommes, tu sais ?


- Hypocrites tu veux dire. 


- Je ne le suis pas.


- Tu veux parler ? Combien de fois m'as-tu sérieusement dit que tu avais envie de moi ?


Elle leva les yeux au ciel.


- Je pars du fait que je n'ai pas besoin de te le dire, voilà.


- Ah non ? fit-il, moqueur. Et comment suis-je censé le savoir ? 


- Bah... 


- Quoi ? C'est très simple pourtant.


- Non. Tu ne peux pas blâmer tout le monde, il y en a qui ont reçu une certaine éducation. 


- Je ne crois pas. C'est le cas pour toi ?


Elle roula à nouveau des yeux.


- Mes parents sont très ouverts d'esprit. Tu serais surpris.


- Alors qu'est-ce qui te fait paraître aussi timide par moment ? 


Avant de répondre à sa question, elle ouvrit un placard et en sortit quelques ingrédients de cuisine.


- Je ne savais pas que j'étais timide. 


- Ah.


- Tu en es peut être la cause.


- Moi, c'est à dire ?


- Tu m'intimides parfois, j'avoue. Ou peut être que ce n'est pas de la timidité et que c'est toi qui le vois comme ça. 


- Uhum.


- Ce matin sous la douche je n'étais pas tellement à l'aise, parce que c'était... comment dirai-je, une première fois et quand j'y pense, on commence à peine à être un couple normal.


- En gros, avant nous ne faisions que cohabiter ?


- C'est ça.


- Je vois.


- Tu vois quoi ?


- Je ne savais pas que tu me voyais comme ton coloc.


Elle éclata littéralement de rire.


- Je n'ai jamais dit ça, tu exagères.


- Quoiqu'il en soit, je suis content qu'à présent nous soyons un vrai couple comme tu dis. Je t'aime Maya.


Ne sachant que répondre à cette déclaration inattendue, elle fit mine de se concentrer sur un oignon qu'elle entreprit de couper.


- Bon, qu'est-ce qu'on mange finalement ?


- Yassa.


- Je peux t'aider ?


- Non, je vais le faire.


- Tu doutes vraiment de mes talents culinaires.


- Toi et tes talents culinaires là.


Elle poussa la planche sur laquelle elle coupait l'oignon vers lui.


- Tiens, tu peux t'occuper de ça pendant que je nettoie la viande. Fais attention au couteau, il est trop aiguisé.


- C'est tout ?


Elle déposa six gros autres oignons devant lui.


- De quoi t'occuper jusqu'à ce que je finisse, puisque tu tiens tellement à m'aider.


- Tu seras surprise, ma chère.


- Pardon ne me fais pas parler pour rien et mets toi au travail. Le goût de la sauce dépendra de comment tu couperas ces pauvres oignons.



***



Des coups indistincts résonnèrent à la porte du bureau du docteur Diaw. Il se redressa sur son fauteuil.


- Oui ?


La porte s'ouvrit et une jeune femme apparut. Elle devait avoir une vingtaine d'années ou plus, et était vêtue d'un tailleur que l'homme jugea deux fois trop grand pour elle. Était-elle là pour des problèmes de santé ? Normalement à cette heure, il ne recevait plus personne et il était certain d'avoir honorés tous ses rendez-vous.


- Bonjour monsieur, fit-elle. 


Elle désigna la chaise vide en face de lui.


- Vous permettez ?


Il l'autorisa à s'asseoir d'un simple signe de tête, avant de déposer le dossier médical qu'il lisait un moment plus tôt.


- Bonjour demoiselle.


- J'espère ne pas troubler votre repos ? On m'a dit que vous alliez partir dans peu et comme je ne connais pas chez vous... Je m'appelle Oumou Diaw.


Le docteur afficha un air perplexe.


- Et je suis votre fille.


***


- J'ai fini.


Occupée à vérifier la cuisson du poulet sur le feu, Maya jeta un coup d'œil par dessus son épaule et vit qu'en effet, il avait coupé tous les oignons. Par contre à présent, ses yeux étaient tous rouges ! Elle s'exclaffa.


- Il est arrivé quoi à tes yeux chéri ?


- Oh ça ? C'est rien. 


- Il reste quelques oignons à couper là, tu veux bien t'en occuper s'il te plaît ?


Elle l'entendit grommeler.


- Pardon ?


- Es-tu obligée d'utiliser autant d'oignons ? s'enquit-il.


- Tu ne veux pas que le poulet ait bon goût ?


- Si.


- Alors ?


Le sourire aux lèvres, elle posa devant lui, d'autres légumes à couper. 


- Tout ça ? 


Il allait encore protester, quand son téléphone sonna.


- Comme qui dirait sauvé par le gong.


Malik s'essuya les mains à l'aide d'un torchon, puis se leva.


- N'en profite pas pour filer, j'ai encore besoin de toi.


Il la toisa, s'éclairçit la gorge, puis décrocha.


- Allô


Lorsqu'il s'éloigna, elle put enfin accorder toute son attention à la préparation de leur dîner


Et lorsqu'il réapparut, elle ne fut pas surprise de l'entendre dire qu'il allait devoir s'absenter.


- Une urgence au bureau ? s'enquit-elle.


- En quelques sortes.


- J'espère que ça ne va pas durer, il va bientôt faire nuit. Tu prends une douche avant d'y aller ?


- Obligé, après tes manigances pour me faire empester l'oignon.


Elle sourit et lui tira la langue.


- Je te le ferai payer à mon retour.


- On dirait que quelqu'un va devoir dormir chez sur le canapé ce soir.


Il sourit à son tour et prit le chemin de leur chambre.


- On verra.


- On verra !



Sensuelle Ennemie