Chapitre 6

Write by sokil

Chapitre 6 : Saignements de cœur

- Toutes mes félicitations !!! Je viens d’apprendre l’heureuse nouvelle !

Placide m’avait fait sa demande et depuis lors, ce n’était pas de tout repos ! Entre les appels à gérer par ci et les demandes et sollicitations par là, je jubilais en même temps tout en prenant la peine de me ménager. L’annonce de nos fiançailles venait d’être faite et c’est tout le monde qui cherchait à nous voir pour nous parler, nous féliciter ; pire, même mon compte facebook affichait un grand nombre de demandes d’amis ! Je me posai sans cesse la question de savoir comment tout ce beau monde me connaissait. Je n’avais pas imaginé que le simple fait de publier une telle annonce raviverait ma côte auprès de toutes ces personnes.

L’annonce avait été faite publiquement, mais le secret de ma grossesse était bien gardé, c’était encore trop tôt. Nous étions focalisés sur la manière dont les choses se feraient. Placide était très enjoué à cette idée de devenir mon futur époux et le futur papa du bébé ! Je le voyais se démener pour telle ou telle chose ; nous n’avions aucune expérience dans ce domaine, encore moins moi ! Je n’avais jamais assisté ni de près ni de loin à des fiançailles et encore moins à une demande de la main.

- Au moins j’ai de l’avance ! J’ai déjà assisté à ce type d’événements dans ma famille, presque toutes mes cousines sont allées en mariage !

- Oui, sauf « Petite Fleur »…

- Sauf elle ! Mais elle est prête à tout pour nous donner un coup de main…

Priscilla était parmi les premières personnes à nous coller au train ! Elle en faisait des tonnes pour sois disant se rendre utile. Elle se proposa même de m’aider à acheter ma robe de mariage le moment venu, chose que je déclinai poliment, mais c’est sur insistance de Placide que je finis par céder.

- Elle va tout le temps en Europe… Autant mieux en profiter, elle te ramènera une belle robe et en plus tu n’auras rien à dépenser !

J’acquiesçai, de toutes les façons j’étais bien trop aveuglée et trop enjouée pour m’y opposer. Depuis tout ce temps, sa présence dans notre vie était devenue une habitude au point où il ne fallait pas prendre une quelconque décision sans la consulter ; ses mérites si bien vantés à mon encontre montraient bel et bien qu’elle possédait cet art démesuré pour les bonnes choses. Elle avait du goût et du style disait on. Je lui faisais confiance et je lui confiai l’organisation d’une grande partie de l’événement. Nous n’étions qu’au tout début et il fallait commencer par le commencement ; les réunions se déroulaient souvent chez elle, mais la plupart du temps chez la maman de Placide. Il était question que ce dernier demande ma main en bonne et due forme et que nous choisissions une date.

- Il faut aller voir ta tante et tu lui communiqes la date… Ce n’est pas décent ! Au moins elle saura que je ne suis pas un salaud comme elle l’a toujours pensé !

Placide me le martelait bien souvent, cette phrase ; et depuis que les choses avaient évoluées, ça devenait récurrent. Même sa mère n’en revenait pas que je n’ai presque qu’aucun membre de ma famille qui serait présent pour l’événement.

- Quoi ma fille ? Où sont tes parents ? Tu n’as donc personne ?

- Non ! Mais j’ai été élevée par ma tante, c’est elle qui est comme ma mère !

- Et pourquoi ne la vois tu pas ! Et comment on va faire ? Ce n’est pas normal ! Il faut au moins qu’on la voit si ce n’est qu’elle que tu as comme parent.

- Nous irons la voir…

J’en étais consciente et je savais qu’on en arriverait là ! Le temps avait passé et à force, je commençai à me faire un sang d’encre ; rongée par les remords, je finis par me rendre à l’évidence. Elle n’était peut être au courant de rien, elle ne savait peut être pas ce que j’étais devenue et moi pareil. Le besoin se fit ressentir et je ne souhaitais pas qu’elle le sache de la bouche d’une autre personne, en l’occurrence ma grossesse et mon mariage. J’avais le devoir de me rabaisser et de faire amende honorable ; je pense qu’elle n’attendait que ça, que je me rabaisse et que je ne la défie pas ; elle avait eu le cran de me « lâcher » comme ça sous prétexte que je lui avais fait comprendre que j’étais devenue une femme. J’avais eu mal moi aussi et j’avais toujours mal au fond de moi mais j’avais décidé de baisser la garde et d’arrêter cette guerre froide.

Je pris la décision d’aller lui rendre visite toute seule dans un premier temps ; j’avais pris soin de faire quelques courses afin de lui ramener quelques vivres. Placide avait apprécié mon geste et m’encouragea ; il m’avait déposée à l’agence le lendemain très tôt en matinée à 8h précises ; nous n’avions pas encore de véhicule, mais c’était en projet ; en attendant, il conduisait par moment le véhicule de Priscille., juste pour nous « dépanner les week – end » m’avait il dit.

- Tu fais un bon voyage chérie et tu lui passes mes hommages ! Cette fois ci ça va bien se passer et je pense qu’il faut lui dire la vérité, que tu attends un enfant de moi…

- Tu penses qu’elle sera émue ?

- Elle sera émue d’être grand-mère ! Tu ne chômes pas et encore moins moi, nous avons les moyens pour l’élever et en plus tu vas devenir ma femme !

J’arrivai aux alentours de 10h, trop préoccupée et plus anxieuse que jamais au point de ne pas ressentir les effets de ce voyage et encore moins la distance. Je me convainquis qu’avec tout ce temps passé et cette distance créée entre nous nous rapprocherait davantage. Surprise de constater que non seulement les motos taxis affluaient, je pus aussi remarquer la présence de certaines voitures communément appelées « opep » ou « clando » qui défilaient de part et d’autres à travers la ville. Je me lançai plutôt à la recherche d’une de ces voitures au détriment des motos, craignant plus pour mon état.

- Jaïda ??? Je rêve ou quoi ?

- Ehhh ! Bertrand c’est toi ?

- Qui d’autre encore c’est bien moi !!! Ça alors ! Yaoundé te va bien !

- Merci !

- Aller monte ! Je suppose que tu te rends chez ta mère !

- Oui oui ! Tu es devenu chauffeur de taxi ?

- On va faire comment ? Les temps sont très durs ! Je n’ai pas trop le choix, avec une femme enceinte et déjà deux rejetons, il faut bien que je les nourrisse !

- Le monde est vraiment petit ! Nous étions camarades de classe en Terminale au lycée...

- Je te dis… Je n’ai pas eu cette chance et j’ai fais des choix et me voila cloué ici à vie !

- Ne dis pas ça ! Tu peux encore espérer mieux…

- Comme toi ! J’ai appris que tu es déjà une grande dame là bas en ville… Placide Danga, c’est pas un petit !

- Qui t’a raconté ça !

- Rien ne se cache… Moi en tout cas je vous félicite… Voila, nous sommes arrivés !

- Merci, je te dois combien ?

- Non c’est gratuit cette fois ci ! C’est pour une prochaine fois ! Je voulais aussi te dire de ne jamais tenir compte des racontars !

- Pourquoi me dis tu cela ?

- Non pour rien ! Moi je vous apprécie beaucoup comme couple, vous êtes en quelque sorte une référence ici ! Et c’est bien comme tu es revenue… Il se raconte des trucs, mais ce n’est pas important, ne tiens pas compte de ça ! Tu ne pourras jamais fermer leur bouche…

- Comme tu dis ! On doit seulement vivre et avancer !

- Bien dis ! Tu me salues mon frère ! Dis lui que j’ai à lui parler… Il faut qu’il me trouve une place quelque part là bas ! Le pétrole, ça doit sentir bon surtout quand l’argent coule ! Aller je file !

- A bientôt Bertrand !

Il m’avait laissée juste devant la maison de ma tante, notre maison, celle où j’ai grandi ; un petit frisson me parcourut tout le dos. Prenant une grande inspiration, je m’avançai en regardant tout droit devant moi ; j’eus le temps d’apercevoir le rideau bouger et je sus qu’elle m’avait vue descendre du véhicule et me diriger vers la petite demeure. Je ne m’étais pas trompée car quelques secondes après, elle ouvrit lentement la porte et je la vis. Je souris timidement, pensant qu’elle répondrait à mon sourire, mais non ! Elle sorti et s’adossa contre l’une des balustrades de la véranda, croisa les bras et me fusilla plutôt du regard, comme une sorte de défi. J’avançai tout juste le pas tremblant et me posant mille et une questions, mais craignant plus qu’elle ne me demande de rebrousser chemin. J’eus de la peine à émettre un son. L’expression de son visage était de marbre ; elle semblait si indifférente, ce qui me mit très mal à l’aise ; je n’avais pas moyen de faire marche arrière et de retourner comme j’étais venue, il fallait que j’avance de toutes les façons. Lorsque je fus si près d’elle je vis qu’elle maintenait toujours ce regard si froid et paraissant snob à mon égard, elle me regardait de haut. Je pus en placer une.

- Bonjour… Tata, … maman… Ça… Ça fait une éternité !

- Une éternité !!!! Des siècles tu veux dire ! Tu n’as pas été fichue de venir ne serait ce qu’une fois de me rendre visite, tu n’es pas fichue de savoir comment je me porte !!! Depuis tout ce temps ! Tu as cru qu’en me passant un coup de fil à la volée, que tu en faisais assez ? Madame !!! C’est comme ça maintenant ? Et tout ce que je t’ai appris ? Et tout ce que j’apprends ! Tu as pris la grosse la tête !!!

- Non loin de là je n’ai pas pris la grosse tête ! J’avais peur !

- Peur de quoi ??? De moi ? Parce que je t’ai grondé ? Rentre ici !

Une fois à l’intérieur elle se radoucit, ce qui me soulagea ! Nous n’eûmes pas le courage de nous étreindre… Je lui remis les paquets et elle m’en remercia chaleureusement.

- Merci d’y avoir pensé, je n’avais plus rien et je comptais faire le marché la semaine prochaine seulement… Comment ça va ?

- Je vais bien !

- Comment va ton fiancé ! J’ai appris la nouvelle !

- Placide te passe le bonjour et il aimerait venir te voir dès que possible !

- Placide je ne le déteste pas, ma porte lui ait ouverte ! J’ai appris qu’il est devenu un grand pétrolier, j’ai appris pas mal de choses !

- Oui… En fait il bosse dans une société pétrolière mais il n’est pas pétrolier !

- Je ne comprends rien ! Je sais seulement qu’il est là dedans !

- On peut dire …

- C’est tant mieux…

Elle avait baissé la tête et n’avais plus dit mot ; nous étions assises face à face. L’ambiance était si gênante que moi aussi je fis pareil, je baissai à mon tour la tête. Sachant toutes les deux que nous avions ça en travers de la gorge, je pris mon courage à deux mains et je m’exprimai la première.

- Maman… Je n’ai jamais eu l’intention de te défier, loin de là… Tout ce qui s’est passé c’est…

- C’était pour que tu comprennes…

- Oui j’ai fini par m’en rendre compte !

- C’était pour que tu comprennes qui sont ces gens que tu fréquentes, cette famille…

- Placide est différent !

- Placide est un des leurs… Mais je ne t’en veux plus ! C’est ta décision, vous avez décidé de vous marier et je dois le respecter, je ne joue que mon rôle, parce que j’ai de l’expérience et je vois des choses que tu ne peux pas voir ni même comprendre !

- Tout ce temps, j’ai pu comprendre moi aussi, j’ai eu mal de savoir que nous en étions arrivées là ! Mais je souhaite et j’espère que tu me tiennes la main, que tu m’accompagnes dans ce choix ; j’ai accepté de devenir sa femme, et l’enfant que je porte…

- Tu… tu es enceinte ?

- Oui ! Tu vas devenir grand-mère !

Elle éclata en sanglots, je ne sus si c’était des larmes de joie ou de tristesse, mais elle pleura franchement et assez longtemps avant de s’essuyer péniblement les larmes et de reprendre.

- Jaïda… Tu es ma fille ! Je suis très émue ! Je serai grand-mère c’est vrai, ça me réjouit beaucoup! Mais si je pouvais… Si je pouvais te faire comprendre que là où tu mets les pieds c’est dangereux…

- Mais pourquoi ? Maman je suis heureuse !

- Ce n’est que le début ! Trop de choses se racontent ici à votre sujet, j’ai appris ton mariage ici de la bouche même de ses grand parents, j’en ai eu honte que je moi je ne sois pas tenue informée, mais ce n’est pas ça qui me chagrine…

- Je te demande pardon que tu ne l’apprennes pas de moi ! C'est aussi l'une des raisons qui m'a poussé à venir vers, toi, j'aimerai qu'on fasse la paix! mais dis moi ce qui te chagrine autant ?

- C’est … Oh !!! C’est que… Je les ai entendus parler de votre éventuel mariage ! Mais ils ne sont pas enjoués !

- Si ce n’est que ça ! Je comprends pourquoi ! C’est parce que nous ne sommes jamais allés les voir tous les deux officiellement, nous comptons le faire prochainement quand jereviendrai avec Placide !

- Hum ! Tu es sûre ?

- Oui, très sûre ! Tu n’as pas à t’en faire !

- En tout cas, je ne peux que te souhaiter beaucoup de bonheur, mais sache que ton choix, si ça ne dépendait que de moi, il n’est pas le bon ! Je respecte juste ta décision, mais j’aurai toujours ma langue bien pendue !

- On ne peut pas toujours faire l’unanimité !

- C’est vrai ! Mais qui est cette femme qui vient tout le temps ici avec lui ?

- Que veux-tu dire ?

- Je veux dire que j’ai aperçu ton fiancé en compagnie d’une autre femme venir ici voir ses grands parents ! Au moins deux ou trois fois !

- Ah bon ? Comment ça ?

- Dans un de ces gros bolides ! Un 4x4 je dirai ! Qui c’est alors ?

- Ah c’est sa cousine !

- D’accord… Mais fais attention ! Elle a des allures !!! A ta place je chercherai à savoir s’il y a un réel lien de parenté !

- C’est sa cousine et ils sont très proches et même avec moi elle est très gentille !

- On connait ça ! C’est du pur mensonge crois moi ! C’est une vraie bordelle ! Vas voir s’ils ne couchent pas ensemble ! Ton Placide se fourvoie crois moi ils font des choses ! De très vilaines choses ! C’est de la pure sorcel…

- Arrête !!! Je suis venue en paix, je suis venue faire la paix avec toi et mériter ton estime, alors je t’en prie un peu de compréhension !

- Tu as raison… Viens allons manger, j’ai fais légumes ! Parlons de ton futur bébé aussi, tu vas aussi devoir beaucoup le protéger, j’ai peur que…

- Mama, tout va bien je t’assure, tout va bien !

J’étais repartie la tête chargée et bourrée des paroles de ma tante. A la fin nous pûmes nous étreindre si chaleureusement. Nous nous séparâmes en bons termes, c’était l’essentiel ; elle n’acceptait toujours pas mon choix mais le respectait. Je voulais sa bénédiction, c’était fait ; il ne restait plus qu’à revenir avec Placide et programmer tout le reste. Sur le chemin du retour, malgré le fait que j’étais sur mes gardes, je ne manquai pas de me poser sans cesse la question de savoir pourquoi Placide ne m’avait rien dit au sujet de ses allées et venues constantes en compagnie de Priscilla au village ; je ne souhaitais pas me disputer avec lui sur ce sujet, pensant tout simplement qu’il était normal après tout qu’il voyage sans se cacher avec un membre de sa famille. Si c’était le contraire il ne prendrait pas autant de risques. Ce dernier vint me chercher à mon arrivée ; il me fit un baiser sur la bouche et fut ravi de constater que les choses s’étaient arrangées avec ma tante.

- C’est une très bonne nouvelle, je suis content ! Nous devons faire vite !

- Oui c’est bien et elle va nous donner sa bénédiction !

- Ça marche ! J’ai pensé qu’on doit le faire la semaine prochaine !

- La … La semaine prochaine ? On avait dit le mois prochain, pourquoi ce changement brusque?

- Je vais te dire…

- Dis-moi ! J'ai annoncé à ma tante que ça se ferait le mois prochain, le temps pour elle de se préparer, le temps d’aller voir tes grands parents, le temps de bien s’organiser... C'est pas trop pressé?

- Oui c’est vrai, mais je veux le faire vite « Petite Fleur » m’a dit que …

- Quoi encore ? Ça commence à me saouler !!!! Tout le temps ! Elle prend trop de décisions à notre place et surtout la mienne tu ne trouves pas ?

- Non ! Elle n’a rien décidé, c’est moi qui le pense, que nous devons faire vite !

- Je comprends je ne suis pas contre mais le fait de décider sans me consulter avant, cela me mets en rogne !

J’étais sortie de la voiture et j’avais pris le soin de claquer la portière. Une fois dans la chambre je pris une douche ; il me rejoignit plus tard et me fit asseoir.

- Chérie, je suis désolé, mais je dois te le dire !

- Quoi encore ? Que « Petite Fleur » c’est elle qui célèbrera notre mariage ?

Il sourit maladroitement, se gratta la tête, la releva et me regarda intensément ; il fronça les sourcils, plissa sa bouche avant de me l’annoncer.

- Chérie, on va avoir une vie encore plus décente... J’ai eu le visa … Pour l’Angleterre, c’est elle qui m’a aidé, Priscilla. Voila pourquoi je veux anticiper les choses; une fois là bas, je vais me battre pour que tu me rejoignes assez vite!

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