Chapitre 8

Write by leilaji

The love between us


Chapitre 8


La tête posée sur la vitre, j'essaie de ne pas avoir trop l'air désespéré tandis que je dessine de l'index des cœurs imaginaires. Parait que les sentiments négatifs ne sont pas bons pour le teint. Ce n'est pas comme si j'allais concourir pour miss Libreville mais bon, je n'ai pas envie de me réveiller demain avec un teint terne et des boutons. Le minimum de capital beauté que j'ai reçu doit être protégé au maximum. Je vais ignorer toute la peine qui s'est logée dans ma poitrine et faire comme si tout allait bien. Peut-être que ça marchera. Peut -etre que  dans quelques instants je n’aurais plus envie de retourner sur mes pas me réfugier dans les bras d’Idris.

 C'est la première fois depuis 5 ans que je ne peux pas compter sur lui  pour me dire que tout rentrera dans l'ordre. Ça me fait bizarre. 

Pierre se gare devant une belle villa de couleur ocre en bordure de route, juste après Awendje à l'orée de la cité Damas. C'est un quartier résidentiel, rien de comparable avec mes Akébés et son peuple de débrouillards. Je suis sure qu'ici ils ont l'eau du robinet  en permanence avec la fibre optique gratis. . Hum. Le genre d'endroit que je ne fréquente pas habituellement. Mais ça lui ressemble tellement que je ne suis pas plus étonnée que ça. 


— Ce n'est quand même pas avec ton salaire à CFAO que tu as construit ça. 

— Tu vas droit au but hein ! Remarque –t-il en rigolant. 

— Tu préfères que je me fasse de fausses idées ? J'espère que tu ne fais pas partie des gens qui détournent l'argent du pays. Je ne veux pas me retrouver dans les opérations Mamba et autres. 

— Meuh non. Je ne vais pas me vanter des réalisations de ma mère. C'est la maison qu'elle a obtenue après son divorce avec mon père. Et comme elle est médecin à Port-Gentil, c'est moi qui y habite.

— Ah avec le reste de la famille. 

— Non. Tout seul, corrige t il en se gratant la tête l’air gêné de se rendre compte d’à quel point la vie l’a gâté. L'année dernière j'y habitais avec mon ex. Mais …

— Mais ? 


Il klaxonne pour signaler sa présence au gardien. Le portail en fer forgé s'ouvre et il avance avant de garer dans un parking où deux autres voitures sont garées. 


— On ne va pas en parler dans la voiture. Descendons s'il te plait. 

— J'ai la flemme. Je me sens trop bien dans ta voiture, dis-je ne me carrant un peu mieux et en fermant les yeux pour ne plus voir son sourire coquin. 


J’adore l’odeur du cuir des voitures neuves. Si on pouvait mettre ça en bouteille j’en achèterai. Je trouve que les voitures neuves sentent comme un répulsif à problème. T’as toujours l’impression que la vie est belle dans une voiture neuve. Je l'entends sortir de la voiture et le vois la contourner pour ouvrir ma portière et me prendre dans ses bras sans effort. A croire qu'il va trouver une solution à tous mes caprices. Va falloir que je trouve mieux pour le décourager.


— Si tu penses gagner des points en faisant ça... c'est peine perdue! Je lui fais remarquer en le regardant droit dans les yeux.

— Non Manu tu es trop dure en affaires hein. 

— Qu'est-ce que tu crois ? Je suis une boss lady moi, il en faut plus pour m'impressionner !

— Je t'aurai bien répondu que j'ai dans mon pantalon de quoi t'impressionner mais je n'aime pas trop me vanter.

— Ton jouet là ! J'ai déjà vu mieux.

— Hein ! Petite impolie ! Dit-il en faisant semblant de ma lâcher.


On éclate tous les deux de rire. Je me trémousse pour m'accrocher à lui tandis que le gardien vient nous dire bonsoir et interrompt nos pitreries. La maison est impressionnante vue de près avec son jardin aux massifs taillés  mais mon attention est bien vite attirée par les deux bijoux dans le parking. Je m'en approche et regarde l'intérieur de la berline. Cette boite de vitesse donnerait des frissons à n'importe qui. 


— J'avais oublié que les voitures et toi c'est une histoire d'amour. 

-Comment tu sais ça ? 

-Qu’est-ce que tu crois, j’ai fait mes recherches sur toi. Propriétaire d’un garage hyper réputé, je suis impressionné, dit-il en sifflant.

— Elle roule ou c'est pour impressionner les filles que tu ramènes ? Je lui demande pour lui cacher à quel point son compliment m’a fait plaisir. 

— J'avoue que c'est un peu m'as-tu vu. La rouge c'est surtout pour impressionner les filles. 

— Je me disais aussi qu'avec les routes de Libreville, ce n'est vraiment pas malin d'acheter une voiture aussi basse. Mais bon tant que ce n'est pas mon argent qui achète mais que l'argent des réparations c'est dans ma poche, j'adore.


Quelques instants plus tard, on est installés tous les deux dans sa cuisine devant deux verres. Il boit du vin et moi une malta. Quand on a le cœur en miette, ça ne sert à rien de le noyer dans de l'alcool. Sinon il prend l'eau. 

 

— Alors ? Tu veux que je te fasse visiter ? 

— Non. Elle a l'air magnifique ta maison, ce n'est pas la peine. 


Il sait que je n'ai pas le cœur à être impressionnée par une baraque de gosse de riche, alors il n'insiste pas. Je me demande si je n’ai pas reculé trop vite. Si je ne fais pas une erreur en prenant la fuite comme ça. Est-ce que j’ai le droit de demander à Idris de prendre fait et cause pour moi alors que moi-même je ne suis pas prête à renoncer à mes acquis pour lui ? 


— Tu pourras rester quelques jours si ça te dit, propose Pierre interrompant ainsi mes réflexions.

— Seule ? 

— Crois moi t'en as besoin en ce moment pour faire le point. Moi je serai au boulot donc tu ne m'auras pas sur le dos. On se verra le soir. 

— Hum. Seulement le soir ? En fait tu m'as ramenée ici pour ce à quoi je pense !


Il me sourit histoire de me détendre. Son sourire un brin coquin est vraiment différent de celui d’Idris, qui est lumineux. 


— Si je te dis non, tu ne me croiras pas et si je te dis oui, je passe pour un connard. 

— Dis la vérité ça suffira. 

— Je veux juste passer du temps avec toi. Avec ou sans sexe, c'est toi qui décide. 

— Pourquoi tu fais ça ? Pourquoi t'es si gentil ? On ne se connait même pas vraiment. 

— Parce que tu m'intéresses et qu'on n'attrape pas des mouches avec du vinaigre. 


Je vide ma canette et range le verre qu'il m'avait donné. La cuisine est très luxueuse et semble neuve. C'est dommage qu'elle ne soit pas utilisée par quelqu'un qui saurait en profiter. Idris aurait adoré cuisiner ici. Avec toutes les belles marmites en fonte et les couteaux de grands chefs sagement rangés dans leur dévidoir. Je crois qu’il vient de me poser une question. Je ne l’écoutais pas. Je suis un peu perdue dans mes pensées. Pierre ne parle plus et m'observe l'observer. C'est très étrange comme situation. Ce silence paisible et délicat entre deux presqu'inconnus.


— Elle m'a trompé avec mon meilleur ami, lâche-t-il en vidant son verre. 


Apparemment c'est le moment des confidences. Je n'étais pas prête. 


— Mais bon, ce n'est pas comme si je ne l'avais pas mérité. C'est moi qui le premier ait tout foutu en l'air. J'ai tout payé, ses études, une maison pour ses parents, je lui ai trouvé un job, j'ai tout fait pour elle et ça me donnait l'impression que grâce à ça, elle n'aurait jamais aucune raison de me quitter. Donc je me permettais quelques petits dérapages...

— Ok, je vois. Et elle l'a découvert et t'a trompé aussi ? 

— Elle l'a découvert et m'a pardonné. Du moins c'est ce que j'ai cru. J'entendais toutes ses copines lui dire, Pierre t'aime, il est riche, il s'occupe bien de toi, ça ne sert à rien de le quitter parce qu'il t'a trompée. Tous les hommes trompent, l'important c'est d'être la femme de la maison. Et ça me donnait encore plus l'impression qu'elle n'avait vraiment rien à me reprocher à part ce que je me permettais de temps à autre. Après tout j’étais l’homme de la maison et un homme ça a des besoins à satisfaire qu’une seule femme ne peut pas toujours …

— Attends donc t'as continué ? 

— Ouep. Puis un jour j'ai dû faire un petit voyage pour ma société...

— T'as une société ?

— Tu penses que je crane à cause du salaire de CFAO et des biens de ma mère ? Tu me prends pour un fils à maman hein avoue. 

— T'es con ! Donc tu as fait le voyage et ? C’est une telenovela que tu me racontes. 

— J'ai raté l'avion tout bêtement et quand je suis rentré, ils étaient en train de coucher ensemble dans cette cuisine où elle me préparait de bons petits plats.  Et quand je dis coucher ensemble c’est pour ne pas choquer tes oreilles de petite fille… ils baisaient sauvagement… le porno hard à côté c’était de la gnognote ! 

— Waoh !

— C'est pour ça qu'elle est neuve par rapport à toute la maison. Je l'ai cassée. Entièrement et j'ai tout fait refaire. Franchement, j'avais l'impression d'être le mec le plus con de l'univers. Je me disais … J'ai tout fait pour elle et c'est comme ça qu'elle me remercie ? J'avais la haine. 

— Elle t'a supplié de la reprendre et tu l'as larguée ?  

— Non. Elle s'est barrée avec mon meilleur qui était amoureux d'elle. Et je ne le savais pas.  


Je sais que son histoire est triste et qu'il a eu mal alors j'essaie de compatir. Mais sincèrement je n'y arrive pas. J'essaie tellement de rester sérieuse que je finis par recracher par les narines le peu de malta que j'ai réussi à boire dans la nouvelle canette. Je me lève aussitôt et essuie sa chemise avec du papier essuie-tout. Lorsque je reprends mon sérieux, il est plus amusé que réellement choqué par ma réaction. 


— T'es vraiment la reine des mauvaises. Je te raconte mes péripéties "coeurales" et toi tu te fous de ma gueule. 

— T'étais tellement convaincu qu'elle allait te pardonner parce que tu as tout payé. Franchement c'était drôle. Il ne manquait plus que du pop-corn. 

— Si ça t'a fait rire c'est déjà ça. 

— Tu l'aimais ? 

— C'est ça qui est con. Je l'aimais comme un fou. 

— Et aujourd'hui ? Tu l'aimes encore ? 

— Non. Mais quand ça m'est arrivé j'aurais bien aimé que quelqu'un me réconforte. J'ai toujours eu l'impression qu'on oublie plus vite quand il y a quelqu'un à nos côtés et qu'on se donne du temps. Ça cicatrise tout seul.  Et toi ? 

— Quoi moi ? 

— Moi je te dis tout. 

— Ouais et ça me fait me poser des questions sur ta stabilité mentale ! 

— J'essaie de jouer carte sur table. Moi-même ça me fait bizarre d'être aussi transparent. Mais avec toi j’ai l’impression que je suis obligé de l’être. Que si je te mens tu le sauras tout de suite et tu me remettras à ma place. 


La seule personne avec laquelle j'ai toujours essayé d'être transparente c'est Idris. Je n'ai aucune envie de me livrer encore. 


— Tu te sépares d'Idris ? Il a fait quelque chose ou c'est toi qui a déconné ? 

— On ne sortait pas ensemble. 

— Arrête ! Je le vannais tout le temps à cause de ça. Je pensais que vous étiez un genre de sex-friend !


Le lève les yeux au ciel en signe d'exaspération. Il se croit dans un film américain ? Je ne couche pas avec mes amis. Je préfère coucher avec des mecs que je ne reverrai pas. C’est plus simple. 


— Donc j'aurai couché avec toi tout en sortant avec lui ? 

— D'où l'idée de sex-friend. Le truc c'est qu'on n'est pas obligé d'être exclusif.

— T'as fait tes études ici ? 

— C'est quoi le rapport ? 

— Réponds !

— Non. 

— Je comprends mieux tes idées bizarres. 


Je suis fatiguée et j'ai sommeil. Je baille ostensiblement. Il est temps qu'il me ramène chez moi. Je ne sais pas à quoi je pensais en le suivant. C'est complètement débile de vouloir fuir ce qui m'attend en me réfugiant chez un inconnu. On n'est pas dans une jolie comédie romantique alors je vais arrêter mes conneries et rentrer chez moi, pioncer un peu. Je regarde la porte et réfléchis. J'aurai dû prendre ma propre voiture. Ce n'était pas très malin de le suivre bêtement comme ça. En plus personne ne sait où je suis. Si jamais il m'arrive quelque chose... Pierre se lève et rince son verre dans l'évier avant de le placer sur l'égouttoir. Puis il s'approche et inspire avant de se mettre à parler. 


— La nuit où on s'est croisé, tu m'as plu. J'ai aimé ton style, sexy sans être trop travaillé, tu sais comme les filles aux longs tissages et au visage plein de maquillage qui à force de mettre les mêmes trucs finissent par toutes se ressembler. J'avoue que tu ne ressembles à aucune de mes ex. Et ton coté garçon manqué au début ça me faisait grave flipper. Mais finalement, ça te donne un genre, une assurance que peu de filles ont. 


S'il savait que cette assurance s'envole dès qu'une jolie fille est face à moi, il retirerait immédiatement ce qu'il vient de dire. Ce soir-là j'étais sexy parce que je n'en pouvais plus d'être le garçon manqué de la bande et qu'à force d'entendre Zeina me parler de fringues, j'ai eu envie d'essayer autre chose pour la première fois dans ma vie. Je crois qu'il me prend pour une fille que je ne suis pas. Du moins pas entièrement. 


— Mais le truc c'est que la première fois qu'on a couché ensemble, t'étais un peu bourrée. Donc techniquement, j'ai profité de la situation. Mais c'était tellement bien, t'étais tellement décontractée, toi-même que ça m'a donné envie de retenter ma chance mais cette fois-ci, avec toi complètement sobre... 

— Tu dis ça comme si j'étais une jeune fille naïve dont tu as profité.

— C'est l'impression que j'ai eue après. 

— C'est super responsable de ta part d'avoir cette impression mais je n'étais pas bourrée au point de ne pas savoir ce que je faisais. Donc techniquement, on a profité l'un de l'autre. Je ne voulais pas être seule cette nuit-là et tu étais là. Pour te dire la vérité, ça aurait pu être quelqu'un d'autre. Et pour ta gouverne, les remords c’est avant qu’il faut les avoir quand la fille est bourrée, pas après. 

— Aie. Ça fait mal ça. Donc tu n'as pas craqué pour ma belle dégaine ? 

— Les beaux gosses, ce n'est pas mon truc. Trop de problèmes. Trop de belles filles qui trainent autour. Je n’ai pas envie de passer ma vie à surveiller un mec qui aura mille occasion faciles de se foutre de ma gueule.. Et je ne fais clairement pas le poids si on me juge par rapport aux critères de beauté de 2018. Je n'ai pas la tête à une relation sérieuse en ce moment. Je viens à peine de réaliser que le mec qui est dans ma vie depuis 5 ans, ben il va falloir que je continue sans lui. Je viens de réaliser à quel point je tiens à lui. Je viens de me rendre compte que je suis... amoureuse de lui... Mais que je ne peux pas abandonner qui j'ai réussi à devenir pour être avec lui... je ne sais même pas si ce que je dis a du sens. Je me sens faible et égoïste. 

— Tu sais ma mère me dit toujours, ça qui arrivera arrivera. Je le sens bien que ton cœur est encore occupé avec Idris. Moi ça me va. Ce n'est pas comme si on devait se marier demain. Ce n'est rien de sérieux tant qu'on le décide. Je veux juste que tu me donnes une chance. Une vraie. Et moi en retour, je te donnerai du temps. Je trouve que c'est un bon deal. 


Ce mec est têtu !  Je penche la tête sur le côté. Il me fait un sourire de gamin, assez irrésistible. C'est la première fois qu'un mec se donne du mal pour être avec moi. C'est étrange comme sensation, de se sentir désirée à ce point. Non, ce n'est pas étrange, c'est grisant. Comme un shot de vodka qu'on vide d'un trait en posant brutalement le verre sur la table. Ça réchauffe. Ça fait du bien. Et c'est-ce dont j'ai besoin en ce moment. Ne pas penser à Idris. Qu'est-ce qu'il fait en ce moment ? Il essaie surement de me joindre sans succès. Je me lève, fais un sourire navré à Pierre. Il comprend que je veux quand même m'en aller. Qu'il me ramène ou pas, je m'en fous. J'ai dans ma poche de quoi prendre un taxi, ça devrait suffire, il n'est pas si tard que ça. 


— En réalité ce n'est pas toi que je veux aider mais moi...


Je ne comprends pas. Il se rapproche et s'explique. Je peux sentir son luxueux parfum m’envelopper. 


— Je ne savais pas que j'étais le salaud de notre histoire. 

— Genre tu la trompes et tu ne sais pas que tu es le salaud ? 

— Tu sais on dit toujours que les femmes murissent plus vite que les hommes mais c'est faux. C'est juste qu'on materne plus longtemps les garçons que les filles. Après vous vous étonnez qu'on agisse en gamin même après trente ans ! Certains d'entre nous trompent parce qu'on sait que vous allez nous pardonner. Vous passez votre temps à le faire... Alors je ne voyais pas ce que mon attitude avait de blessant à partir du moment où je me montrais discret. 

— Pas assez discret puisqu'elle a fini par le savoir.  

— Hé c'est plus humiliant pour un mec de se faire tromper que pour une femme. Avoue. La plupart du temps, elle ne savait même pas avec qui je la trompais, je la protégeais de tout ça. 

— Ce n'est pas elle que tu protégeais en le lui cachant, c'est ton image auprès d'elle que tu protégeais. Ça me fout les boules quand les mecs  trompent et disent, je respecte ma femme parce que je ne la trompe pas devant elle. Bande de tarés, quand on respecte on ne trompe pas point barre. 

— Ces filles n'avaient absolument aucune importance. 

— Si elles n'avaient aucune importance alors pourquoi le faire ? 

— Mais elle, elle a choisi direct mon meilleur ami. Avoue que c'était un coup de pute ça !

— Je n'avoue rien du tout. Tu as semé, tu as récolté, basta. Moi j'ai toujours été réglo avec ce genre de chose. Mais ça n'a jamais empêché les gens de me juger et de me traiter de fille facile, juste parce que je ne fais pas de chichi avec le sexe. Ça me fait bien rire. Quand je pense à toutes ces saintes-ni-touche supposément en couple et qui trompent leur mec. Juste parce que ça ne se sait pas, elles passent pour des saintes et moi, pour une belle racaille. 


Je ne sais même pas pourquoi je lui parle de ça. La conversation est tellement fluide entre nous que c’est parti en vrille dans ma tête. . 


— Le pire c'est que je me suis retrouvé seul comme un con. Tout le monde a pris parti pour elle et Lucien. Quand on fait 10 ans avec une meuf et un meilleur ami, tous les amis sont communs et quand les amis doivent choisir et que ce n'est pas toi qu'ils choisissent. Tu te retrouves seul comme un con. Le foot c'était pour sortir un peu et quand tu t'es ramenée dans l'équipe je me suis dit, on va encore s'embrouiller pour une fille. Mais tu ne minaudais pas, t'étais réglo... t'étais fun. C'est pour te dire que si c'était toi la tête brulée de votre duo, c'est pour lui que tes amis vont prendre parti et tu vas te retrouver seule...

— Comme une conne ? Ce n'est pas plus mal.

—  Alors soyons seuls comme des cons à deux. Hé tu ne trouves pas que c'est romantique ce que je viens de dire ? 


Il est vraiment taré ce mec. Mais tellement amusant. 


— Tu n'abandonnes jamais ? 

— Quand je veux quelque chose ? Jamais. Même si t'étais la femme du Prési, j'aurai tenté ma chance... quitte à aller en tôle. La vie est trop courte pour abandonner. Quand tu veux vraiment un truc, faut te donner le moyen de l'avoir. C'est l'une des leçons qu'on apprend en vivant sa vie à fond.


Alors finalement que je n’ai pas tort. Peut-être que si Idris me voulait vraiment moi et pas l’espèce de bulle qu’on s’est créé tous les deux, il aurait géré sa mère autrement. 


_Applique les leçons de maître Pierre et tu verras ta vie changer… dit-il en joignant les mains tél un moine bouddhiste.

— Ouais c'est pour ça que quand t'as voulu toutes ces filles, tu t'es donné le moyen de les avoir et que ça t’a fait perdre ta meuf !


Il éclate de rire en écoutant ma remarque. 


— Tu n'as pas le droit de retourner mes arguments contre moi.

— Je ne vais surement pas m'en priver. 

— Tu es un petit peu trop maligne pour mon bien. Mais je te pardonne quand même. Profite-s'en madame. Tu es vraiment, vraiment sure que tu veux dire au revoir à ces abdos de rêve ? 

— Si tu lèves encore ton tee-shirt pour me montrer ton ventre, je vais rayer ta voiture.

— Non mais attends, tu crois que je me tape des heures en salle de gym pour ne pas capitaliser sur ça ? Est-ce que tu dirais à une femme qui achète son tissage à 500 euros de le mettre sous un bonnet pour sortir ? 

 

J'en peux plus de lui dire non. 


— Ok... Va pour ce deal. 

— Alors on monte se coucher ? 

— On monte se rien du tout. Tu me passes une couverture et moi je dors dans le canapé de ton fabuleux salon. 

— Merde, j'y étais presque !

— T'es con !


Evidemment, il me propose de dormir avec moi sur le canapé. Ce que je refuse le sourire aux lèvres. Un bref instant, je me surprends les doigts sur le clavier virtuel de mon téléphone, prête à lui envoyer un message. J’ai tapé Idris puis je me suis arrêtée la. Je ne savais pas quoi écrire d’autre. . Pierre redescend avec des draps propres, un oreiller et une couverture. On finit par passer la nuit à bavarder et j'en oublie presque à quel point j'ai mal au cœur. 


Quand je me suis retrouvée toute seule la première fois, j’ai vraiment cru que j’allais mourir. Mais non, je m’en suis sortie, et plutôt bien si on met de côté le chaos de ma vie sentimentale. Idris m’a toujours dit : que je le veuille ou pas, ce que j’ai traversé toute ma vie durant avant de gagner mon indépendance, interférerait toujours avec ma vie d’adulte. Et moi je lui ai toujours dit : le passé c’est le passé. Mais aujourd’hui je dois reconnaître une chose : Une fois qu’on a goûté à l’indépendance, c’est dur d’apprendre à nouveau à courber l’échine. Idris et moi étions dans notre bulle. Maintenant qu’elle a éclaté, il faut faire face à la réalité. Je crois qu’au-delà de la féminité « africaine «  dans laquelle je ne me reconnais pas, il y a aussi cette stature de femme « mariable » que je n’aurai peut-être jamais. Trop de critères me manquent. Sinon je serai restée n’est-ce pas et j’aurai dit à sa mère : ok, je vais faire des concessions.

The Love between us