CHAPITRE 9

Write by Maylyn

-C’est l’heure des cadeaux !

-Ne sois pas si impatiente Cécile ! Et puis qui te dit que nous t’avons acheté des cadeaux cette année ?

-Eh bien juste la certitude d’avoir un mari et des enfants qui m’adorent...

-Oui c’est vrai…

-…Et qui craignent surtout El Dragón ! Ajoute-t-elle d’un air malicieux. 

Ce qui fit rire les quatre personnes réunies dans la pièce. Cinq jours étaient passés depuis le refus de Maman concernant le projet de Yélé et juste après m’avoir révélé son plan, ma petite sœur s’était rendue dans la chambre des parents pour se rabibocher avec notre mère. Après un dîner d’anniversaire intime mais dans une atmosphère chaleureuse et ponctuée de rires, nous étions dans le salon de Maman, savourant la « Forêt Noire »concoctée par Aïssata comme gâteau d’anniversaire. Maman et Papa étaient assis sur le divan, Yélé étendue sur le tapis, une grosse part de gâteau devant elle et moi sur un fauteuil.

-Hum ce n’est pas complètement faux ! Renchérit mon père, un gloussement dans la voix. 

-Alors, ils sont où mes cadeaux ? J’espère que vous avez eu des idées originales cette année ?

-Ne nous en demande pas trop Maman s’il te plait. C’est dur de trouver un cadeau original à une femme qui a tout. Pas vrai Papa ?

-Exact Mon Fils ! Alors, nous avons fait de notre mieux.

-Ok ok ! Assez parlé ! J’ai hâte de les découvrir ! 
-On commence par qui ?

-Par toi Môyô ! 

Papa sortit de la pièce pour revenir quelques minutes plus tard avec trois paquets volumineux. Maman se précipita telle une petite fille sur les boîtes sur lesquelles étaient inscrites le logo de trois grands noms de la mode marocaine et découvrit trois magnifiques caftans : le premier de coupe sobre en velours bleu marine superbement orné de véritables perles sur le devant et la ceinture, le second tout en mousseline blanche et en organza rouge brodé de fils de soie blanc et enfin le dernier en soie fine vert turquoise presque couvert en entier de fils d’or. Maman fut tellement émerveillée qu’elle eut du mal à trouver des mots de remerciements et ne put finalement que lui donner un tendre baiser.

-Après de tels cadeaux, le mien paraîtra bien fade.

-Mais non Pierre-Marie. Je suis certaine que le tien est tout aussi beau.

-Merci de me consoler d’avance Maman, lui répondis-je amusé. Mais ouvre-le d’abord. 

Après avoir déchiré le papier cadeau, elle s’écria :

-Oh Mon Dieu ! Tu l’as trouvé où PM ?

Elle contemplait les yeux pleins d’étoiles un sac d’une des plus prestigieuses marques de maroquinerie au monde.

-Ah ça c’est un secret ! Je ne peux rien te dire, lui dis-je l’air mystérieux.

-Mais c’est une Edition Limitée que je recherche depuis des années.

-Je sais. Alors, il te plaît ?

-S’il me plaît ? Il est PARFAIT tu veux dire ! Hum, j’ai hâte de le montrer à mes sœurs. Elles seront vertes de jalousie. Oh merci infiniment Mon Chéri ! Viens là que je t’embrasse !

Après m’avoir serré très fort dans ses bras, elle se tourna vers Yélé :

-Et toi Ma Fille, qu’est-ce que tu as pour moi ?

-Il n’y a aucun cadeau de moi dans cette pièce Maman.

-Comment cela ? Oh ce n’est pas bien grave si tu ne m’as rien acheté Chérie…

-Bien sûr que j’ai un cadeau pour toi Mamoune. Seulement, je ne peux pas le transporter jusqu’ici. Viens avec moi. Venez aussi Papa et PM.

Les yeux pleins de curiosité, Maman et Papa se levèrent précipitamment tandis que Yélé et moi échangeâmes un regard de connivence.

Nous descendîmes tous au sous-sol où se trouvait notre salle de cinéma privée.

-Installez-vous confortablement et donnez-moi une minute.

Nous obéîmes sans un mot, les yeux rivés sur l’écran géant et après que les lumières se furent éteintes, nous vîmes apparaître tout d’abord quelques extraits du film du onzième anniversaire de Yélé, organisé par Maman qu’elle avait voulu grandiose. Toute la famille y était à part moi et les parties choisies pour le montage montraient toutes Maman et sa fille riant, dansant ou chantant ensemble. Suivirent d’autres vidéos et photos de tous les moments importants dans la vie de Yélé tels que son premier jour de classe ou son premier voyage en avion ou encore le jour de son baptême,…Et sur toutes ces images agrémentées en musique de fond par des chansons telles que « Le Bonheur », « Mutoto » ou encore « Famille » de Lokua Kanza, l’artiste préféré de Maman, on pouvait voir celle-ci près d’elle, lui tenant la main ou la prenant dans ses bras lorsqu’elle avait peur ou riant avec elle quand c’était des scènes de bonheur. Bref, Yélé avait fait un montage de toutes les images qui au fil des années, dévoilaient l’amour qu’elle et Maman avaient l’une pour l’autre, une projection dont le message si simple mais oh combien important était « JE T’AIME MAMAN ! », un message qui apparut à la fin de la première partie de la projection, une photo de Yélé et Maman se souriant tendrement l’une dans les bras de l’autre en fond d’écran. 

Au moment où nos parents crûmes le film terminé, apparut une photo du book de Yélé, puis une autre, et encore une autre,…Ces photos que j’avais pourtant déjà vu, sur le grand écran m’hypnotisèrent complètement : on la voyait prendre différentes poses tantôt pensive, tantôt amusée ou encore…sensuelle ? Oui c’est le mot ! Elle dégageait un charme fou sur ces clichés, jouant avec l’objectif, flirtant presque avec lui dans différents styles de vêtements qui soulignaient parfaitement ses formes sveltes et harmonieuses : jeans et tee-shirts à la bad girl, robes de soirée échancrée et à la coupe recherchée et coiffures élaborées, ensembles tailleurs pantalons et jupes de femme d’affaires,…Elle termina cette deuxième partie avec une photo de son visage la montrant presque sans maquillage, fixant l’objectif d’un beau regard mystérieux. Mon Dieu, qu’est-ce qu’elle était belle ! 

Je sursautai presque lorsque les lumières se rallumèrent. Je ne m’étais même pas rendu compte qu’elle était venue s’asseoir à la place que je lui avais réservé à ma gauche entre Maman et moi. C’est nerveuse et pleine d’appréhension qu’elle se tourna vers elle et demanda dans un murmure :

-Alors Mamoune ?

Lorsque notre mère la regarda, nous vîmes son visage baigné de larmes s’éclairer d’un grand sourire. Après s’être essuyé les yeux avec un mouchoir donné par Papa, elle répondit, la voix un peu rauque :

-Alors Manfouè*, qu’attendons-nous pour faire de toi le plus grand Top Model de tous les temps ?

Criant et sautant sur son siège, Yélé se rua ensuite sur elle pour la couvrir de baisers.

-Et moi, alors ? Mon avis ne compte pas peut-être ? S’écria Papa, faussement outré.

-Non Désiré, pas la peine. Renchérit Maman provocatrice. Tu sais bien que le dernier mot me revient toujours non ?

-Eh oui Papa ! Parce que Maman a toujours raison !

Cette affirmation de Yélé fut ponctuée de rires. Puis reprenant son sérieux, Maman prit la parole :

-Vous savez quoi ? Je suis la femme et la mère la plus chanceuse et je remercie le Bon Dieu pour cela ! Je n’échangerai ma place pour RIEN au monde ! Vous me comblez de bonheur ! Je vous aime, je vous aime très très fort !

Après un long câlin collectif, elle s’exclama :

-Bon c’est bien beau tout cela mais j’ai une Star à révéler au Monde donc veuillez m’excuser mais j’ai du boulot.

-Quoi ? Mais Maman de quoi tu parles ?

-Tu veux devenir Top Model non ?

-Euh…oui…

-Alors laisses ta Mamoune s’en charger Ma Fille ! Ah oui, avant que je n’oublie, à partir de demain, tu devras surveiller ton alimentation : plus de gratins, de foufou, de foutou, de sauce graine et autres mets gras dont tu raffoles, plus de cochonneries à grignoter dans la journée, …Bref que de la nourriture saine !

-Ah non Maman, tu ne vas pas commencer …

-Oh si Mon Cœur, tu n’as encore rien vu ! Vive les légumes verts ! Jubila Maman, un brin moqueuse.

Puis se fichant de l’heure tardive, elle appela les « Happy Twins » qui vivaient ensemble tout en se dirigeant vers la sortie de la salle :

-Allô ! Natalia… Oui c’est Ceecee ... Oh arrêtes de râler, il n’est que Minuit ! Et puis, bien fait pour toi ! Fallait pas mettre ces idées dans la tête de Ma Fille c’est tout… Je sais tout cela ! C’est Ma fille je te signale alors normal qu’elle soit magnifique ! Mais je ne t’appelle pas pour ça ! Demain, je passe vous voir après la messe de 7h. Nous avons beaucoup de choses à mettre en place en commençant par lui changer d’agent…Quoi ? Votre escroc là ? Pas question qu’il s’occupe de ma fille…

Tous abasourdis, nous la regardâmes s’en aller. Puis, j’entendis Yélé murmurer :

-Dans quel pétrin me suis-je fourrée PM ?

Un rire dans la voix, je lui répondis :

-Vois le bon côté des choses Petite-Sœur. Avec Maman aux commandes, tu es sûre d’atteindre tes objectifs !

En riant, nous partîmes tous les trois à la suite de notre Cher et Tendre Dragon. 

Les jours qui suivirent furent en grande partie consacrés à l’élaboration d’un plan d’attaque pour faire de ma sœur la prochaine Naomi Campbell, et tout cela bien sûr sous les ordres de Maman. Elle fit jouer toutes ses relations combinées à celles de mon père et de ses frères et sœurs susceptibles de l’aider dans sa démarche. Elle commença par contacter un de ses amis, photographe célèbre dans le monde entier qui par chance était à Abidjan en vacances et lui fit refaire le book de Yélé. Il fut tellement subjugué par la photogénie de ma sœur qu’il demanda à ma mère la permission d’envoyer certaines des photos prises à des agences internationales dont il était certain qu’elles intéresseraient. Ce que Maman accepta bien sûr. Je me demandai d’ailleurs si ce n’était pas dans ce but qu’elle avait contacté ce professionnel. Ensuite, elle changea radicalement l’alimentation de Yélé, lui faisant un emploi du temps conseillé par un nutritionniste-ami de la famille bien entendu- qu’elle colla sur le frigidaire de la cuisine pour Aïssata. Finalement, ce changement ne fut pas aussi drastique que nous le pensions puisqu’elle avait droit à une alimentation saine, équilibrée et plutôt goûteuse en fin de compte. Elle avait même le droit à des « cochonneries » mais à des périodes et des quantités bien précises. Enfin, elle l’inscrivit à la salle de sport, lui octroyant un coach privé « qui saurait la galvaniser » d’après ses dires. Et ça ce ne fut que le début. 

Je profitai de ce que Yélé retenait l’attention de tous pour passer quelques jours avec Jean-Paul. Mon ami, un diplôme d’Ingénieur en informatique en poche, se spécialisait en Audit tout en faisant un stage dans l’un des cabinets les plus reconnus au monde. J’eus la grande surprise d’apprendre qu’il était en couple avec Irène, cette adolescente albinos devenue une belle jeune femme qu’il craignait pourtant tant au début. Je ne manquai d’ailleurs pas de le chambrer avec ça durant des heures, encouragé par Irène elle-même qui n’était pas en reste. Je ne pus voir par contre Yves, qui lui, vivait et terminait ses études en Physique-Chimie à Lyon. Malheureusement, toutes ces journées passèrent sans que nous nous en rendîmes compte et le jour de mon départ arriva bientôt.

-Je n’arrive pas à croire que cela fait plus d’un mois que tu es là PM. C’est passé tellement vite. 

-Et moi alors ! Non ne t’allonges pas Sun sinon tu vas froisser ta belle robe !

-M’en fous ! J’ai pas envie d’aller à cette soirée !

-Mais tu dois le faire. C’est important pour Papa…

-…Et pour ma future carrière ! Oui je sais !

Nous étions dans ma chambre, moi rangeant mes dernières affaires, prêt à me rendre à l’aéroport avec le chauffeur et elle toute belle dans une robe noire dont le bustier était parsemé de fresques brillantes couleur argent et dont les volants en satin descendaient en mouvements fluides jusqu’au dessus de ses genoux. Une fine ceinture grise venait souligner sa taille qui l’était tout autant. Ses cheveux étaient relevés en un chignon haut, révélant son port de tête de reine et un collier en argent confectionné par une créatrice ivoirienne. Les boucles d’oreilles et le bracelet dont elle était ornée faisaient aussi partie de la même parure. C’était un cadeau offert par ses marraines à son baptême. Elle avait négligemment posé sa bourse en soie noir qui lui servait de sac sur le lit et ses escarpins à hauts talons noirs eux aussi gisaient sur le tapis. Je devais presque m’obliger à regarder ailleurs tellement elle resplendissait. M’arrachant encore une fois à sa contemplation, je lui répondis :

-Exact ! Pour ta future carrière. N’oublies pas qu’à cette soirée, il n’y aura que du beau monde et même si Papa y va pour agrandir son carnet de relations, te concernant, c’est une belle occasion de rencontrer des gens du milieu de l’art car n’oublies pas que Tonton Stan est considéré comme un vrai mécène dans ce milieu. Il pourra te présenter des gens influents…

-Et surtout Maman pourra profiter de l’occasion pour me présenter des « potentiels prétendants », ajouta-elle ironique.

-Des prétendants ? Mais de quoi tu parles ?

-Oui oui, tu as bien entendu Frérot. Elle n’arrête pas de me trimballer dans ces dîners ennuyeux pour que je fasse connaissance avec les enfants de ces gens et en particuliers les garçons de mon âge « pour plus tard » comme elle dit. 

-Mais tu es encore trop jeune pour ça !

-Dans trois ans, j’ai 18ans je te signale. 

-On s’en fiche ! M’exclamai-je exaspéré. Il faut d’abord que tu aies ton BAC et ensuite, tu penseras aux garçons.

Se moquant de moi en riant, elle me dit :

-Attends PM, tu ne penses tout de même pas que je n’ai jamais eu de flirt non ?

-Quoi ? Qu’est-ce que tu racontes ?

-Oh calmes-toi ! Je suis encore vierge si c’est de ça dont tu as peur. Je ne suis pas une idiote qui irait la perdre avec le premier beau parleur venu ou juste pour faire comme mes copines ! Mais n’empêche que j’ai déjà eu un petit-ami. Maman ne te l’a pas dit ? 

-Non ! Ni toi d’ailleurs ! Pourtant, nous discutions au téléphone presque tous les jours !

-Mais ce n’était rien de sérieux Grand-Frère ! Juste un flirt d’ado ! Pourquoi tu te mets en colère comme ça ? Est-ce que moi je t’interdis de sortir avec Cruella ?

-D’abord, son prénom est Kady et ensuite, ce n’est pas pareil ! Je suis plus âgé que toi !

-Donc si je comprends bien, avant Cruella, tu n’as eu aucune copine au collège ou au lycée ?

-Si bien sûr mais…

-Mais quoi ? Elles avaient quel âge ces filles ? 

Sachant où elle voulait en venir, je ne répondis pas.

-Ah tu vois ? Donc arrêtes de jouer les grands-frères moralisateurs s’il te plait parce que ça ne te va pas du tout ! Et franchement, je ne comprends pas pourquoi tu es aussi fâché !

Moi non plus, je ne compris pas ma réaction excessive. Tout ce que je savais, c’est que l’idée d’imaginer un ado boutonneux tourner autour d’elle me dérangeait fortement. Avant que je ne trouve un prétexte valable pour justifier mon coup d’éclat, Maman entra dans la chambre entrebâillée, superbe dans le caftan en velours bleu marine que lui avait offert Papa. 

-Dépêche-toi PM sinon tu risques de rater ton avion.

Heureux de cette diversion, je déclarai :

-Je suis prêt Maman. Nous pouvons descendre.

Une fois sur le perron, les valises dans le coffre de la Range Rover, je me tournai vers les trois personnes les plus importantes de ma vie pour leur dire au revoir.

-Bon, c’est l’heure j’y vais ! Surtout pas de pleurs ravissantes dames sinon vous risquez de faire couler vos maquillages.

Ma tentative de plaisanterie fut un lamentable échec. Elles avaient déjà les larmes aux yeux qui risquaient à tout moment de couler le long de leurs beaux visages.

-Fais un bon voyage Mon Fils. Et n’oublie pas de nous appeler dès que tu seras arrivé, me recommanda mon père tout aussi ému.

-Promis Papa. Allez on se fait un câlin groupé. 

Après les avoir tous tenus longuement dans les bras, je m’écartai enfin et me tournant vers Yélé, je lui dis :

-Sois sage Sun ! Tu me le promets ?

Incapable d’émettre un son, elle hocha vigoureusement la tête. Une fois assis à l’arrière de la voiture, alors qu’elle avançait lentement, je descendis la vitre et je m’exclamai :

-Je vous aime Famille !

Ce à quoi Papa répondit :

-Nous t’aimons Pierre-Marie !

Remontant la vitre et me tournant vers Monsieur Koné, je lui dis :

-Nous pouvons y aller.

Manfouè* : (Mon) Bonheur en Abouré, ethnie du sud-est de la Côte d'Ivoire

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