CHAPITRE IX : Ma famille est la tienne

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Le dimanche, en prenant son petit-déjeuner, Cora essayait en vain de calmer sa nervosité. Malgré son sincère désir de connaître la famille de son ami, elle ne pouvait s’empêcher de ressentir une vive appréhension. Ayant toujours eu pour compagnons Dean et quelques camarades de classes, elle s’imaginait mal comment pouvait vivre une famille nombreuse car celle de Steve était composée de huit enfants. Elle craignait surtout de ne pas faire bonne impression.

Soignant particulièrement son apparence, elle avait mis un tailleur d’un haut couturier et avec ses cheveux retenus dans un chignon impeccable, elle donnait l’impression de sortir tout droit d’une revue de mode. Même ses escarpins tous neufs lui faisaient souffrir le martyr. Cadia ne pu cacher son étonnement en la voyant :

- Tu es tirée à quatre épingles Cora !

- Je ne vais quand même pas me présenter devant les parents de Steve en salopette.

- Pourquoi pas ? Ils ne s’attendent sûrement pas à ce que leur fils leur présente un mannequin. Sois donc naturelle, va mettre une petite robe ou un jean.

- Non maman, je me sens très bien ainsi.

- Si tu le dis, je n’insiste pas, conclut Cadia en quittant sa fille dont elle comprenait parfaitement la nervosité. Elle revoyait le jour où elle devait rencontrer les parents d’Ali pour la première fois. Elle était aussi nerveuse que Cora, sinon plus.

Lorsque Steve vint chercher Cora, une totale consternation se lisait sur son visage.

- Tu as changé d’avis ?

- Quelle question !

Perdant instantanément sa confusion, il éclata de rires et Cora en fut déconcertée.

- J’ai cru un instant que tu allais à un mariage.

- Ne me trouves-tu pas présentable ?

- Bien sûr Trésor, tu es très belle ; mais je veux tout simplement te présenter à mes parents. Mets simplement un jean, tu es si délicieuse là-dedans.

- Tu crois ? Il ne faut pas que je déçoive tes parents.

- Tu ne pourras jamais les décevoir Cora. Au premier regard, ils t’adoreront, que tu sois en tailleur, en jean ou en robe. Je veux que tu sois à l’aise dans ta peau.

Soulagée par le raisonnement de Steve, elle courut se changer. Elle opta alors pour un jean, un T-shirt et chaussa de confortables baskets.

- Tu crois que tes parents seront heureux de me rencontrer ? Questionna Cora tandis que Steve s’insérait dans la circulation qui était fluide ce dimanche matin.

- Bien sûr !

- Comment ont-ils réagit lorsque tu leur as parlé de moi ?

- Ils étaient un peu surpris car jamais encore je ne leur avais présenté une fille que je fréquente. Mais ils ont affirmé qu’ils seraient ravis de rencontrer enfin celle qui me retenait à Cotonou tout le week-end que je passais habituellement avec eux.

- Parle-moi un peu de ta famille. J’aimerais avoir une idée avant de les rencontrer.

- Mon père Olivier a eu cinquante-cinq ans il y a deux mois ; il est aussi grand que moi et tout le monde affirme qu’on se ressemble comme deux gouttes d’eau.

- Et ta mère ?

- C’est une femme fortement bâtie, mais elle est très belle. Elle a un sourire merveilleux.  Elle me rappelle ta mère. Elle est toujours présente lorsque nous avons besoin d’elle. Elle me manque beaucoup et je crois que c’est elle que j’ai le plus regrettée lorsque j’ai dû quitter Porto-Novo pour mes études. Son nom est Mathilde.

- Tu es sûr que je ne t’empêche pas de te concentrer sur la conduite ?

- Non Cora. Andy, mon frère aîné qui réside aux Etats Unis est actuellement en vacances avec sa petite famille. Sa femme Karin, une noire américaine est esthéticienne. Leur fils Kevin a deux ans.

- Qu’est-ce que ton frère fait comme métier ?

- Il est informaticien. Je suis le cadet et après moi, il y a Kader. Mes parents ont voulu lui donner un nom musulman parce que ma grand-mère maternelle était de cette religion. Il suit une formation en télécommunications.

- C’est un secteur d’avenir.

- Oui, de plus, il est le musicien de la famille. Après lui vient Amanda. Vous devez avoir le même âge et elle est une féministe acharnée. Avec trois garçons comme aînés, elle a très vite appris à se défendre car nous ne l’épargnions pas. Elle non plus ne perdait pas une seule occasion pour nous saboter auprès des parents. Mais elle nous adore. Elle passe en terminale scientifique cette année et veut être plus tard mécanicien d’avions.

- J’ai hâte de rencontrer cette intrépide. Comment est-elle physiquement ?

- Elle dépasse largement le mètre soixante quinze. Mais elle est harmonieusement taillée.

- C’est la seule fille de la famille ?

- Non, mais tiens-toi bien ! Dès qu’elle a été en âge de raisonner, elle affirmait que ce seront des jumelles qui naîtront après elle. Sa prédiction a dépassé tout ce qu’on pouvait imaginer. Figure-toi qu’après elle il y a eu des triplés, mais rien que des garçons. Elle a boudé durant trois jours.

- Il y a de quoi ! Comment tes parents s’en sortaient-ils ?

- Ils ne savaient plus où donner de la tête. A toute heure de jour comme de nuit, la maison résonnait de cris stridents. Trois vrais triplés, Elias, Elvis et Ellis. Ils ont quatorze ans et ce sont des diablotins. Mes parents ont juré que c’étaient les derniers. Mais la nature a décidé autrement ; alors naquit la perle de la famille, Mylène. Elle a juste cinq ans. Une vraie beauté, aussi délicate qu’une fleur exotique. Nous l’adorons tous.

- Après six garçons et un garçon manqué du nom d’Amanda, ce n’est pas étonnant.

- Tu as raison. Dans cinq minutes nous serons à la maison. J’espère que tu es à présent rassurée ?

- Oh oui ! Je sens que je vais adorer ta famille ; il me tarde de la rencontrer. Connaître une famille nombreuse a toujours été un de mes rêves les plus chers.

- Alors je t’en offre une, elle sera désormais ta seconde famille.

- Merci Steve ; je me sens tellement heureuse.

- Moi aussi.

Ce fut la petite Mylène qui se précipita pour accueillir son frère lorsque le jeune couple franchit le portail de la demeure des Lawson. Steve la souleva et la serra sur son cœur.

- Léna, comment te portes-tu ?

- Oh Steve, pourquoi tu n’es plus jamais venu passer le week-end avec nous ? Reprocha la fillette en descendant des bras de son aîné.

- J’ai été un peu occupé ces derniers temps. Je te présente Cora, c’est mon amie et elle avait hâte de te rencontrer, fit Steve en se tournant vers la jeune fille qui se tenait un peu en retrait.

- Bonjour Mylène, fit Cora en s’abaissant à son niveau.

- Bonjour, répondit la fillette avant de se retourner aussitôt vers Steve dont elle saisit le poignet.

Cora fut légèrement déçue, ce qui n’échappa à l’œil attentif de Steve qui lui adressa un clin d’œil encourageant. Quelques minutes plus tard, Cora faisait la connaissance des autres membres de la famille Lawson. Ils la reçurent tous avec amitiés.

- Voilà donc la perle que nous cachait Steve, s’exclama Kader, le plus élancé de la famille. 1m95, apprit plus tard Cora. Taille fine, corps musclé et épaules larges, il incarnait la beauté masculine et son teint clair rehaussait sa séduction.

- Bienvenue chez nous, souhaita Mathilde, la mère de famille dont le visage serein et souriant inspirait confiance.

Lorsque Cora se tourna vers Olivier Lawson, elle eut l’impression d’être projetée dans l’avenir. Celui qu’elle voyait en face d’elle était le sosie de Steve en plus mûr.

- Votre fils vous ressemble à s’y méprendre, s’écria Cora. Il me l’avait dit mais je ne m’attendais pas à ce que cela soit si frappant.

- Alors tu sais déjà à quoi ressemblera ce chenapan dans quelques années, affirma Olivier. Je ne lui reprocherai plus les nombreux lapins qu’il nous a posés, car je constate que la cause en vaut la peine. Sois la bienvenue Cora.

- Merci beaucoup, répondit cette dernière émue.

- J’espère que tu passeras une bonne journée en notre compagnie. N’est-ce pas les triplés ? Conclut le père de famille en guise d’avertissement à leur adresse.

- Oui papa, répondirent-ils d’une seule et même voix.

Celui qui était au centre prit la parole et dit :

- Moi, c’est Ellis, à ma gauche Elias et à ma droite Elvis.

- Enchantée. J’espère pouvoir vous distinguer bientôt.

Espiègles, ils éclatèrent tous les trois de rires.

- Ils te font comprendre ainsi que c’est une mission impossible, fit la voix d’une jeune fille qui venait d’apparaître à la porte. Salut, moi c’est Amanda.

D’un regard perçant, elle jaugea Cora avant de hocher la tête d’un air approbateur. Cora prit la main que la jeune fille lui tendait et eut l’impression que ses doigts étaient pris dans un étau de fer. Mais, malgré son physique énergique, Amanda ne manquait pas de charme et le jean qui la moulait presque comme une seconde peau laissait deviner une silhouette flatteuse. Quelques minutes plus tard, Andy suivi de sa petite famille fit son apparition.

Cora en quelques heures s’adapta complètement à la famille de son ami. Elle fut intimidée dans les premiers instants, mais ils s’empressèrent tous de la mettre à l’aise. Même les triplés, chose rare, la dispensèrent du baptême, rituel qui consistait à saler discrètement la première boisson qu’un ami de leurs aînés prenait dans la maison.

Le déjeuner apprêté par Mathilde fut simple mais délicieux. Mais avant qu’ils ne mangent, Amanda fit visiter à leur jeune invitée la propriété qui était immense. Elle se divisait en quatre blocs principaux : l’appartement des parents, celui des enfants et des amis en visite puis enfin la buanderie ; le tout était entouré d’un somptueux jardin dans lequel ils s’installèrent aussitôt le déjeuner achevé. Kader, l’artiste de la famille joua à la guitare puis lui narra quelques tendres anecdotes concernant leur tendre enfance.

A six heures du soir, les deux amoureux reprirent le chemin du retour. Mathilde arracha au jeune couple la promesse de revenir les voir bientôt. Deux heures plus tard, Steve déposait la jeune fille chez elle. En voyant son sourire radieux, ses parents mesurèrent son bonheur. Après avoir satisfait leur curiosité, elle monta se rafraîchir avant de les rejoindre pour le dîner.

Alors qu’une servante débarrassait le couvert, Cora et ses parents discutèrent de son prochain voyage sur Abidjan qui était prévu dans un mois. Ses parents, bien qu’un peu peinés de devoir se séparer d’elle approuvèrent sa décision. Elle avoua aussi son projet d’organiser une soirée dansante pour ses dix-huit ans.

- C’est une bonne idée, approuva sa mère.

- Je compte le faire au Yacht Club. C’est une salle de bal en plein air. C’est inauguré récemment et tous les jeunes ne jurent que par cela.

- Ok ! Répondit Ali, fais ta liste et on prendra les dispositions pour que d’ici mardi tu puisses partager les cartes à tes invités. Pour la restauration, il faut en discuter avec ta mère.

- Pourquoi pas avec Andréa, elle t’aidera avec plaisir, suggéra sa mère.

- Je ne crois pas que cela soit une bonne idée maman. Peut-être a-t-elle un emploi du temps chargé ?

- Parle-lui d’abord, coupa son père. Comment peux-tu savoir si tu ne le lui demandes pas ?

- D’accord papa, je le ferai.

- Tu deviens raisonnable. L’air de Porto-Novo semble t’avoir fait du bien, approuva Cadia.


Le Droit d'aimer