Chapitre10: Regret
Write by Lalie308
Cody
se réveilla difficilement avec quelques grognements inaudibles. La douleur à sa
jambe demeurait moyennement, lui rappelant rapidement les derniers évènements.
Il se redressa soudainement en sursaut puis posa son regard sur Luz qui était à
genoux au sol, les mains posées près de son corps et des larmes mouillant ses
joues, son cou et sa tenue. Elle ressemblait à une âme errante, au vestige
d’une lumière éteinte, brisée, terne.
— Luz? fit-il en se rapprochant
doucement d’elle, rassuré de pouvoir marcher.
Il grimaçait au fur et à mesure
qu’il s’avançait à cause de la pression sur son pied blessé.
— Je ne savais plus quoi faire Cody…
Il l’a tué, mon fils est un meurtrier… je…
Cody, de plus en plus perdu, fronça
les sourcils. Les paroles incohérentes de Luz lui parvenaient comme une chanson
aux paroles floues. Son regard perdu dans le vide, était rempli
d’incompréhension et de culpabilité.
— Mais qu’est-ce qui ne va pas chez
toi ? s’insurgea vertement Fiona qui venait de pénétrer dans la pièce.
— Fiona ? s’étonna Cody en levant
son regard vers elle.
Fiona
se rapprocha d’eux, les traits tendus par la colère.
—
Lysga a tué Lohita et sa mère l’a fait enfermer dans une des prisons du
village, des prisons qui ne sont même pas utilisées, annonça Fiona de la
manière la plus simple possible.
Luz se leva en titubant, des
vertiges la turlupinant puis posa son regard sur Cody qui la regardait d’un air
ébahi, sourcils froncés.
—
Tuer ? Tuer Lohita ? La Lohita qui est la mère de Solenna ? Tuer comme
tuer ? bafouilla-t-il, les yeux gros, soudainement essoufflé.
Luz hocha maladroitement la tête
puis nettoya ses larmes du revers de la main.
— Je le fais pour le protéger… expliqua-t-elle
doucement. Et il ne faut pas que Brad puisse le voir.
— Le protéger dis-tu ? Tu te
rappelles de cette fois où Peter t’a fait emprisonner ? Hongust voulait aussi
te protéger n’est-ce pas ?
— Ce n’est pas pareil, répliqua
froidement Luz en se tirant les cheveux.
Cody fit les cent pas dans la pièce,
préoccupé. Il était resté silencieux face au choc de la nouvelle, mais avait
finalement retrouvé ses esprits.
— Lysga a tué quelqu’un ?
demanda-t-il de nouveau, déconcerté.
Fiona leva ses bras puis les baissa
en secouant sa tête.
— Tu viens de commettre une autre
erreur, il se tournera encore vers Galista.
Tu es une mère indigne, cracha Fiona à Luz.
— Moi une mère indigne ? Mais que
sais-tu de tout ça Fiona ? Tu as toujours été seule et égoïste, tu…
Cody se plaça rapidement derrière
Luz puis lui bloqua la bouche de sa main libre.
— Il vaudrait mieux éviter
d’aggraver les choses.
— C’est pourtant vers moi que ton
fils s’est toujours tourné, termina Fiona en croisant ses bras sur sa poitrine.
Lorsque ses cheveux seront d’un blanc pur, ses yeux et son cœur, en harmonie,
d’un noir pur, là tu sauras que tu as perdu ton fils, à jamais.
*
Lysga se tenait dans la prison du
village. C’était une grande grotte, les barreaux de sa cellule étaient faits
d’un bois extrêmement solide avec des nuages noirs. La cellule se trouvait sur
une petite tour circulaire entourée d’un fausset dans lequel se trouvaient des
vers de terre géants. Lysga était debout, immobile, les bras le long de son
corps, fixant un poing devant lui. Solenna émergea du dessin d’un croissant de
lune blanche planté dans le mur, elle s'arrêta à quelques mètres de la cellule
circulaire. Ça faisait une journée que Lohita avait été tuée, une longue
journée durant laquelle Solenna avait pleuré toutes les larmes de son corps, et
même celles de son âme. Son père quant à lui, s’était retiré après sa menace,
puis plus rien. Le sang se trouvait encore sur les mains de Solenna, sa tenue,
son visage, son cou, ses cheveux.
— J’ai toujours été la seule à
croire en toi, la seule à voir le bon en toi, commença-t-elle doucement tandis
que Lysga ne bougeait pas d’un poil. Je me suis opposée à mon père, à mes
principes pour toi, j’ai même essayé de devenir une personne plus forte pour
toi. (Elle marqua une pause en esquissant un petit sourire au coin des lèvres.)
Et qu’as-tu fait pour moi Lysga? (Elle marqua encore une pause.) Tuer ma mère,
tuer ma mère en face de moi, fit-elle en tremblant légèrement, la voix secouée
par l’émotion.
Elle
regarda ses mains avant de poursuivre :
— Elle
est tombée dans mes bras, elle s’est vidée de son sang en face de moi.
Solenna
posa encore son regard sur Lysga qui ne lui en accordait pas un seul, les
poings serrés.
—
Tu as tué ma mère Lysga ! s’étrangla-t-elle tandis qu’une larme dévalait sa
joue.
Elle
semblait partagée : partagée entre l’envie d’envoyer Lysga au diable pour
venger sa mère et cette attraction incongrue qu’elle avait pour lui, pas de
l’amour ou un sentiment semblable, mais quelque chose d’incompréhensible, comme
une chaîne qui les reliait. Et elle savait au plus profond d’elle que Lysga
ressentait cette force aussi. Quoique, lorsqu’elle le regardait, elle voyait
qu’il y avait bien plus d’une force qu’il pouvait ressentir. Elle se téléporta
de l’autre côté du donjon rempli de vers, sur les quelques centimètres de terre
qui entourait la prison de Lysga, une plaque lumineuse apparut derrière elle,
comme pour la protéger contre les attaques des vers géants. Elle se jeta sur
les barreaux, les secoua de toutes ses forces en hurlant.
—
Pourquoi as-tu fait ça ? Pourquoi Lysga ? demandait-elle en larmes, sans obtenir
de réponse.
Elle
se calma un instant puis réapparut là où elle était auparavant, elle rebroussa
chemin pour sortir de la grotte. Elle avait bien trop mal, une douleur
insupportable lui rongeait les os, elle devait s’en aller, loin de lui, même si
au fond, elle savait qu’elle reviendrait toujours.
—
Lena… souffla Lysga.
Elle
s'arrêta brusquement, puis se tourna vers lui, en silence.
—
Elle… Elle voulait te tuer, confessa-t-il en posant enfin son regard sur elle.
Les
ongles de Lysga étaient soudainement noirs, les marques sur ses paupières
s’accentuaient. Il ne put s'empêcher de l’admirer un peu plus qu’il ne le
devait, s’attardant sur chaque parcelle de son visage.
—
Galista me l’a dit, ajouta-t-il.
—
Et tu fais confiance à cette Galista ? demanda Solenna en fronçant les
sourcils. Ce n’est pas celle qui a voulu éliminer tous les nelcaliens ? Celle
qui te fait souffrir ?
—
Ta mère me l’a confirmé. Elle a dit qu’elle devait ramener à la vie le seul
homme qu’elle n’avait jamais aimé. Elle avait la marque du premier rituel sur
sa cuisse ; elle voulait te sacrifier.
La
voix de Lysga était blanche, sans émotion, mais chacun de ses mots transperçait
les tympans de Solenna qui perdait de plus en plus son calme, sa tête. Elle
cligna plusieurs fois des yeux puis se passa une main nerveuse dans les
cheveux.
—
Je te jure que c’est vrai, ajouta Lysga un peu plus bas.
Solenna
était confuse, perdue. Mais si elle savait une chose de Lysga c’était qu’il ne
mentait pas, il disait toutes les vérités, les plus blessantes surtout. Elle se
tu, observa le sol, à court de mots. Sa mère voulait la tuer, et Lysga a tué sa
mère. Sa mère voulait la donner en sacrifice, pour ramener un nelcalien qu’elle
disait aimer. Alors qu’elle avait pensé que sa mère aimait éperdument son père.
Lysga posa son regard sur les mains de Solenna, sur le sang de Lohita. Il eu
l’illusion de voir Lohita se jeter sur sa fille, lui déchirer la gorge. La
noirceur dans son cœur augmenta, il serra les poings pour se contenir, mais les
chuchotements se déclenchaient. Il vit ensuite le bois traverser la poitrine de
Lohita, puis la vit s’effondrer au sol. Ses yeux devinrent sombres, et le blanc
monta encore plus dans ses cheveux. Les marques se dessinaient sur ses bras
puis disparaissaient puis se dessinaient puis disparaissaient, et ainsi de
suite. Chaque fois qu’elles se dessinaient, c’était comme des lames chauffées
qui transperçaient la peau de Lysga, c’était douloureux. Il fit soudain dos à Solenna.
Celle-ci ne posa aucune question, se contenant de sortir de la prison.
*
— Laissez-moi
le voir, siffla Brad entre ses dents près du corps de Lohita.
Ils
se trouvaient dans le patio, le corps de Lohita était allongé sur un grand
nuage blanc au centre la pièce. À leur mort, les cheveux blancs des nelcaliens
prenaient une teinte noire, comme une lune qui s’éteignaient et leur peau, une
couleur jaunâtre.
—
Pourquoi ?
Il
se tourna violemment vers Luz, en grinçant des dents.
—
Pour qu’il me dise pourquoi il a tué ma femme.
Un
éclat s’était éteint dans le regard de Brad, il semblait vidé, à bout. Comme si
on lui avait arraché une partie de sa personne.
—
Moi je sais.
Ils
se tournèrent tous vers Solenna qui venait d’entrer, moins lumineuse que
d’habitude, plus sombre. Elle n’ajouta pas un seul mot, se contentant de se
rendre près du corps de sa mère. Elle leva la robe blanche qu’on lui avait
enfiler pour découvrir la marque qui n’avait pas changé, comme une blessure non
cicatrisée. Elle ouvrit la bouche, le cœur serré, le souffle coupé. Elle porta
sa main à son cœur, laissant la robe montée jusqu’à la hanche de sa mère. Des
larmes brûlaient ses yeux, elle qui pensait ne plus en avoir.
—
Que sais-tu Solenna ? demanda Nalu qui était la seule à encore prononcer
un mot face à l’expression de Solenna.
— Je… Lysga m’a tout raconté,
répondit-elle, le regard fixé sur le cadavre en face d’elle. Elle... voulait me
sacrifier, pour, un sanglot déchira sa gorge et elle se tu.
— Lysga ? Tu es allée le voir ?
s’écria Brad en s’avançant, mais Nerdy le retint en arrière.
Fiona se rapprocha d’elle pour à son
tour poser son regard sur la plaie. Ça fit tilt soudain dans sa tête. Elle
comprit comment Galista avait pu s’échapper, et qui était cet intrus qu’elle
avait tant suspecté. Seule une personne extérieure aurait pu libérer Galista de
sa prison.
— Cette marque, Galista, souffla
Fiona en plissant les yeux, les bras croisés sur sa poitrine. Vous vous êtes fait
avoir en beauté et j’avoue que moi aussi, annonça-t-elle d’un ton quelque peu
sarcastique.
—
Mais de quoi tu parles ? demanda Brad, de plus en plus nerveux.
Un mélange malsain d’émotions se
répandait dans son corps, il ne savait plus où il était, qui il était et ce
qu’il devait faire. Celle pour qui son cœur battait si fort était allongée en
face de lui, sans vie et sans cœur, plus aucun cœur qu’il pourrait espérer faire
battre pour lui. Solenna ouvrit enfin sa bouche puis leur raconta ce que lui
avait dit Lysga.
—
Et tu le crois ? Et tu le crois ? Lena ?
s’indigna Brad, blessé d’entendre ces paroles-là, d’entendre que sa
Lohita ne l’aurait jamais aimé.
—
Eh bien, elle avait bien une idylle passionnée avec un nelcalian Duils, mais il
est mort pendant la guerre. Mais je conçois mal que Lohita puisse faire une
chose pareille, annonça Célesta, toute aussi surprise qu’eux tous.
— Vous ne voyez pas qu’il ment ? s’insurgea
Brad en se passant une main nerveuse dans les cheveux.
—
Lysga ne ment pas, mettez-vous ça dans le crâne. Il n’a pas assez de classe
pour, fit Fiona en balançant ses cheveux sur ses épaules, ce qui eut le don
d’agacer ses compagnons, qu’elle puisse rire dans un moment pareil.
Fiona
ne trouvait aucun intérêt à Lohita, et savoir ce qu’elle savait d’elle à
présent, la rendait encore plus antipathique à la morte.
— Elle a la marque sur elle. Elle voulait
sûrement plus de pouvoir, voler le trône ou un truc du genre pour pouvoir
ramener ce fameux Duils, ajouta-t-elle plus sérieusement. Et c’est moi qu’on
appelle méchante, remarqua-t-elle en secouant sa tête.
Brad
posa son regard sur Lohita puis sur les autres puis se mit à courir hors de la
pièce.
—
Brad ? Brad ? Tu vas où ? lui demanda aussitôt Cody en le talonnant.
Cody
boitait encore un peu, les autres les suivirent.
—
J’en ai ma claque. Vous croyez à ses mensonges. Lohita, ma Lohita ne ferait pas
ça, geignit-il en pressant le pas.
Lorsqu’ils
furent tous, excepté Solenna, près de la prison, Cody retint le bras de Brad.
— Calme toi Brad, et si Lysga disait
la vérité ?
— Tu penses qu’il dit la vérité ?
Non. C’est impossible. Lohita m’aimait, s’insurgea-t-il, en sanglots.
Il s’arracha violemment à l’emprise
de Cody puis traversa l’autre croissant de lune de l’extérieur pour apparaître
par celui de l’intérieur, accompagné des autres. Ils découvrirent avec stupéfaction,
les barreaux de la prison écartés, et les vers brûlés.
— Il s’est échappé, hurla Brad.
C’est de votre faute.
Puis il se tourna vers Solenna qui
venait de pénétrer la pièce, les larmes mouillant ses joues. Il ne se contrôla
pas lorsqu’il la retint par les bras en la secouant.
— Tu l’as aidé à s’échapper,
n’est-ce pas ? Tu le préfères à ta propre mère ? cria-t-il si fort que les
veines de sa gorge battaient.
Solenna s’arracha tout aussi
violemment à son emprise.
— Comment peux-tu me dire ça papa ?
Tu ne sais pas à quel point ça me fait mal de la savoir morte ! Et encore plus
de savoir qu’elle m’aurait préféré à sa place, cria-t-elle en sanglotant.
Les blessures encore nouvelles sur
son cœur s’ouvraient plus grandes, plus saignantes. Elle sortit en trombe de la
grotte puis courut vers sa chambre. Tous les habitants qui se trouvaient dans
le village avaient enfin été mis au courant de la nouvelle, ils se retiraient
tous, restaient dans la plus grande discrétion, se cachaient, effrayés de voir
apparaître Lysga qui pourrait leur faire du mal. Brad qui respirait bruyamment
rencontra le regard des autres dans la grotte puis sortit à son tour pour aller
vers une des montagnes du village. Là, des larmes dévalèrent ses joues, il se
sentait impuissant, trahi. Il refusait de croire ce que disaient les autres,
refusait de croire qu’il avait été aussi aveuglé, qu’il n’avait jamais connu ces
fameuses réelles intentions de Lohita, refusant de croire qu’il aimait un être
qui ne lui avait jamais accordé une vraie considération, et pire un être qui
aurait été capable d'ôter la vie à sa propre chair, à la prunelle de ses yeux.
— ça fait mal les trahisons, surtout
quand elles viennent des personnes pour qui on aurait tout donné.
Initialement à genoux, Brad baissa
son regard sur Nalu qui se trouvait à ses côtés.
— Mais Brad, tu as un cœur rare, un cœur
beau. Et ta fille n’a fait qu’hériter de ça. Ce n’est pas le moment de la
monter contre toi ou elle fera des stupidités. C’est le moment de la chérir.
C’est à toi d'être fort. Je sais que ça te fait mal, mais crois moi, pour avoir
vu défilé des milliards de vie depuis la lune, qu’aucune douleur n’est
insurmontable. Comme une blessure, elle peut laisser des cicatrices à vie, mais
au moins, tu peux la soigner. Lohita n’était pas une mauvaise personne, juste
une femme désespérée et Galista en a profité.
Brad écoutait attentivement Nalu,
quelque chose en elle inspirait le calme et la confiance.
— Tu crois vraiment que ta fille ne
connaît pas le vrai Lysga ? Je pense que c’est celle qui le connaît le mieux.
Brad ne répondit rien, se contenant
de respirer calmement. Il avait pourtant envie d’hurler, d’arracher son propre cœur
de sa poitrine pour ne plus avoir mal. La douleur proliférait encore plus vite
que les cellules de son organisme, comme des cellules cancéreuses en pleine
métaste. Nalu prit lentement sa main, puis une série d’images défila devant
Brad.
(Flashback)
Lysga était debout près de la
rivière du village, il avait encore huit ans. Des ombres noires se déplaçaient
autour de lui tandis qu’il était recroquevillé sur lui-même, en sanglots. Comme
si ces ombres l'empêchaient de bouger en l’emprisonnant. Dès que Solenna le
vit, elle courut vers lui, ses cheveux se balançant sur sa tête.
— Lysga !
Les ombres disparurent aussitôt.
Elle s’assit près de lui et posa un regard compatissant sur un Lysga renfermé
sur lui-même, au bord des larmes. Il semblait porter sur ses épaules un poids
trop lourd.
— Ils ne me laissent pas,
murmura-t-il en observant l’eau.
— Qui ?
— Eux, répondit-il en regardant
autour de lui. Ils parlent pour moi, ils prennent ma place, ajouta-t-il plus
bas, comme s’il avait peur que ces choses dont il avait peur l’entendent.
— Je vais t’aider à les battre, lui
promit Solenna en lui prenant la main avec son sourire de fillette qui
éveillait la sérénité et la paix dans le cœur de quiconque le voyait.
— Ils te feront du mal, et je ne
veux pas qu’ils le fassent. Tu es ma seule amie, chuchota Lysga. Je te déteste,
mais tu es ma seule amie, ajouta-t-il.
Solenna se contenta de l’observer
longtemps, puis un sourire se dessina à nouveau sur ses lèvres.
*
Brad redressa sa tête, en observant
le paysage en face de lui.
— Ta fille connaît le cœur de Lysga.
Cette fois-là, elle a été capable d’éloigner les effets de Galista ne serait-ce
que pour quelques secondes. Mais Lysga reste têtu et susceptible. Chaque fois
que les gens n’ont pas su le comprendre, Galista s’est immiscée dans son
esprit. Et là, je pense qu’il est tard.
*
Tous ceux qui étaient présents dans
le village étaient rassemblés autour de la grande boule géante qui s’éleva dans
les airs puis s'arrêta en hauteur pour s’ouvrir sous forme d’un plateau dont
les remparts apparurent ensuite. Luz, Cody et Célesta s’y trouvaient.
— Cher peuple, nous sommes affligés
par les derniers évènements. Mais je vous assure que tout s’arrangera, commença
Luz avec tout le semblant d’assurance possible.
— Glami, u to figliolu hè un mostru
(Glami, ton fils est un monstre), s’écria un nelcalien.
— Non il n’est pas un monstre, il
est juste perturbé. Soyez patients.
—
Tu dois le bannir, hurla un autre.
Puis
une clameur sourde se répandit dans la cour, tous donnaient leur avis de
manière satirique, ne concevant pas que Lysga puisse demeurer parmi eux. Fiona
roula des yeux avant de se mettre à marcher vers la forêt quand Solenna courut
vers elle.
—
Fiona, il faut que tu me dises où il est, fit-elle directement.
Fiona
leva un sourcil puis se posa derrière un arbre, Solenna la suivit.
—
Tu vas te faire tuer comme un insecte, fit Fiona, d’un ton calme et arrogant.
—
Personne n’est capable ici de l’aider, alors je préfère savoir que je fais au
moins quelque chose.
Fiona
roula des yeux en croisant ses bras sur sa poitrine.
— Pendant
des années tu as joué la psychopathe en lui courant après et lui parler de ton
monde de caramelle (sucettes) et de bisounours, mais ça ne fonctionne pas ainsi
petite idiote. Tu ferais mieux de rester à ta place et de laisser Lysga s’en
tirer seul.
Un
rire nerveux s’échappa de la gorge de Solenna.
—
S’en tirer seul ? Tu n’en as même pas été capable toi, comme le pourrait-il lui
avec toute sa colère ? rétorqua-t-elle d’un ton un peu trop élevé.
Fiona
la considéra pendant un moment, l’expression neutre.
—
Il y a un arbre dans la forêt qui dégage une aura particulière, c’est celle-là
la porte. Tu te débrouilles pour la retrouver et je n’aurai absolument pas ta
mort sur ma conscience, cracha Fiona.
—
Bien, rétorqua Solenna. Je pensais qu’ayant vécu pareil, tu serais d’une
meilleure aide, mais apparemment tu es comme eux.
Fiona
attrapa violemment son bras et la tirant vers elle.
—
Tu ne me connais pas Solennidiote, siffla-t-elle.
Solenna
retira son bras.
—
Et toi non plus tu ne te connais pas, répliqua-t-elle avant de s’en aller.
Fiona
resta sur place pendant des minutes avant que Nerdy ne s’approche d’elle. La
foule s’était dissipée de l’autre côté après que Luz ait prononcé plusieurs
paroles qu’elle n’avait pas pu entendre. Elle croisa ses bras sur sa poitrine
en posant un regard dur sur Nerdy.
—
Signore chì vole u tronu, cumu sò i vostri passi (Monsieur qui veut le trône,
comment avancent vos démarches ?)
Nerdy
se plaça en face d’elle, d’un ton neutre, il répondit :
—
J’abandonne. Je n’ai pas envie d’une responsabilité aussi toxique. Et puis Luz,
j’en ai définitivement marre d’elle.
Fiona
leva un sourcil.
— Aussi vite ? Quel lâche tu fais !
—
Dis ce que tu veux, je m’en fous. Mais franchement, je suis revenu à la raison,
et puis avec comment avancent les choses, il ne restera bientôt plus personne
sur cette planète pour qu’il y ait même de dieux.
— À
qui le dis-tu, soupira Fiona.
—
Où est Solenna ? demanda enfin Nerdy en regardant autour de lui.
—
Pourquoi tu me le demandes ? Je suis une gardienne pour nunuche ?
—
Je l’ai vu te courir après, déclara-t-il avant de poser un regard intense et
légèrement menaçant sur elle, alors où est-elle?
Ils s’affrontèrent du regard pendant
un long moment avant que Fiona ne parle enfin :
— Elle s’est mise en tête de libérer
son prince charmant, railla-t-elle d’une voix sarcastique.
— Quoi ? Et tu la laisser faire ?
s’exclama Nerdy en faisant les gros yeux.
Elle haussa les épaules.
— Si elle tient tant à rejoindre sa
mère, c’est son choix.
Nerdy se saisit de son bras qu’il
empoigna fermement, leurs visages n’étaient qu’à quelques centimètres l’un de
l’autre.
— Arrête de jouer avec cette
histoire. Tu penses que c’est un jeu.
Fiona fronça durement les sourcils
et les muscles du poignet de Nerdy claquèrent, le poussant à retirer sa main en
grognant.
— Je sais mieux que quiconque que ce
n’en est pas un. Mais moi je ne mettrai pas les pieds là, répondit-elle. Et
Galista ne pourra jamais la contrôler elle de toute façon.
— Tu y est bien allé une fois avec
Lysga non ? Et pourquoi reste-t-elle enfermée là ? N’est-elle pas si puissante ?
— Galista n’est pas idiote. Elle
anticipe chacune de nos actions. Elle a des raisons bien définies pour ne pas
encore se montrer. J’y suis allée une fois et c’était la dernière. Je n’y vais
plus, rétorqua-t-elle inconfortablement.
Nerdy la considéra pendant un moment
avant de hausser ses sourcils, comme s’il avait eu une illumination.
—
Tu as peur, puis un sourire se dessina à la commissure de ses lèvres.
Toi Fiona tu as peur ? C’est une nouveauté dis-donc.
Elle le gratifia d’un regard noir.
Nerdy prit soudainement sa main dans la sienne, ce qui prit d’abord Fiona de
court. Elle retrouva certes ses esprits en s’écartant légèrement, mais ne
retira pas sa main.
— Et j’ai aussi peur, on a tous
peur. Ùn aghju micca (Ne t’inquiète pas), même peureuse tu restes une vraie
sorcière, continua Nerdy en esquissant un léger sourire.
Fiona roula des yeux, mais ne put
empêcher le petit sourire qui se dessina sur ses lèvres. Ils se rendirent dans
le patio où se trouvaient Luz, Cody et Célesta. Dès qu’ils entrèrent, un froid
fut jeté dans l’assemblée. Le corps de Lohita n’y était plus depuis quelques
heures.
— J’ai deux choses à dire, commença
directement Nerdy. Première chose : désolé pour mon comportement. J’ai agi
comme un vrai imbécile. Mais j’ai juste été idiot avec mon obsession pour Luz
et ce trône. Franchement, je n’en veux plus. Et dernièrement, Luz n’a fait que
me décevoir.
Luz détourna son regard.
— Mais je la comprends. Ça ne doit
pas être simple de gérer Lysga. Mais je sais qu’elle s’en sortira comme elle a
toujours réussi à le faire.
Puis un petit sourire se dessina sur
ses lèvres tandis qu’il regardait Luz. Cette dernière laissa enfin son sourire
apparaître.
— Hala, où est Solenna ?
Ils se tournèrent tous vers Brad qui
venait d’entrer dans la pièce, le visage toujours aussi pale.
— Et voilà la deuxième chose… Solenna
a rejoint Lysga.