Douche froide

Write by Plénitudes by Zoé

Chapitre 22 : Douche froide


**** Évelyne ****


Aujourd’hui, on passe la journée ensemble avec Olivier. Et pour l’occasion je me suis préparée depuis hier. Épilation complète, maillot brésilien, massage pour être bien reposée à Jess House et ensuite je suis allée à la pharmacie prendre des préservatifs, de l’huile de massage comestible et du lubrifiant, des cristaux de menthe (ça ne rate jamais) j’ai l’intention de le manger tout cru, le dévorer tout entier. Je sors de là, et vais dans une boutique de lingerie, finalement, je ne trouve rien qui m’intéresse et décide d’y aller franco. Advienne que pourra. De toute façon aucun homme ne peut me résister. 

Olivier, je ne sais pas du tout quoi penser de lui. En fait, je suis une fille à blancs comme on dit chez moi, c’est-à-dire que j’ai l’habitude de sortir avec des blancs. J Je les attire comme des mouches. Mais malheureusement, ceux qui me draguent d’habitude, ceux qui viennent s’établir en Afrique sont soit vieux et à peu près riches, soit vieux et pauvres soit jeunes et pauvres. C’est vraiment décevant, mais je prends comme ça parce que sortir avec un blanc t’ouvre des portes partout, il y a une sorte de culture de la « suprématie blanche » dans ce pays. C’est triste et tout mais c’est comme ça. 

Et là, je décroche le jackpot ! Un blanc riche, jeune, beau et intelligent, ai-je déjà dit qu’il est riche ? Cet homme est parfait. Mais ça fait trop bizarre qu’il n’ait rien  tenté depuis un mois que nous nous fréquentons régulièrement. C’est la raison pour laquelle j’ai décidé de prendre les choses en mains. Après lui avoir montré et fait expérimenter mes tournures de reins, il ne pourra plus se passer de moi. Ça c’est sûr et certain ! Faîtes place, Evy est dans la place.

Ce matin, il m’a appelée vers 10h qu’il était en bas de chez moi, je loue un duplex dans un quartier plutôt cher au bord de mer appelé Baguida que je partage avec mon frère. Je vis en haut et lui en bas, je préfère, chacun a son espace et peut mener sa vie tranquillement sans avoir à se marcher dessus. Le temps de porter mes chaussures, retoucher mon maquillage, jeter un dernier regard dans le miroir, prendre mes affaires et mes clés puis descendre retrouver mon homme. Quand j’entre dans sa Yaris (j’accepte de monter dans cette voiture parce que ce n’est que temporaire) je le salue et comme d’habitude il écoute du gospel. Il va falloir que je lui apprenne à écouter de la vraie musique, et à se détendre un peu, comment tu peux vivre en surveillant tout ? Son alimentation, l’alcool, le tabac, la drogue, le sexe, il faut tout essayer au moins une fois dans la vie. Moi-même, j’ai essayé des tas de choses et je me suis faite mes propres expériences. Je ne m’en porte que mieux.

Nous avons passé une journée très calme et relaxante, je ne me suis pas gênée pour commander du champagne et tout ce qui me faisait envie. Ce n’était pas moi qui payais alors j’en ai profité. Pas que je ne puisse pas subvenir à mes propres besoins mais j’aime qu’on prenne soin de moi. Et qu’on soit aux petits soins pour moi. Ma tante me disait que j’étais une reine comme mon prénom et que l’homme qui m’aurait devrait se sentir honoré et toujours prendre soin de moi car c’était un privilège. Et elle avait tout à fait raison. C’était mon modèle, elle était magnifique, mariée trois fois à des hommes blancs plus riches les uns que les autres et les a plumés à chacun de ses divorces. Elle avait fini par amasser un véritable pactole, une fortune colossale mais bon elle n’a pas su la gérer et a tout perdu avant de mourir seule et abandonnée. Moi je suis plus intelligente qu’elle. Je saurai gérer mon patrimoine, d’ailleurs j’ai le nez pour les affaires.

Nous quittons l‘hôtel Novela Star aux alentours de 18h et nous mettons en route vers ma maison. Lorsqu’il se gare chez moi je l’invite à venir chez moi pour discuter. Il voulait me parler d’une histoire d’église, honnêtement je l’ai écouté de manière très distraite, j’ai surtout répondu ce qu’il voulait et voilà. C’est le moment de lui sortir le grand jeu :

Moi : Mais avant que tu t’en ailles j’ai quelque chose pour toi.

Je ne lui ai pas laissé le temps de répondre que j’ai disparu dans ma chambre. Là je me suis rapidement déshabillée pour passer à la douche. Je me suis rafraichie pour me débarrasser de l’odeur de sel et de la mer, j’ai utilisé monel douche qui sentait bon la fleur de coton. En sortant de là, je me suis mise en peignoir et mis quelques gouttes de Channel N°5 à des endroits stratégiques. Ceci fait, je sors de la chambre et je vois Olivier qui se fige dans son fauteuil, je lui fais de l’effet c’est certain. 

Mon peignoir est au sol à mes pieds, Olivier déglutissant péniblement dans son siège. Il me ferait presque rire celui-là. Je suis quand même fière de mon petit effet. Il ne devrait pas tarder à se lever et à avancer vers moi avec du désir dans le regard. Et après de longues secondes, c’est effectivement ce qui se passe. Il est à quelques centimètres de moi quand il se baisse, ce qui me surprend, je ne pensais pas qu’il était du genre à aller droit au but. Ça ne me déplaît pas. Je ferme les yeux pour profiter quand il me dit : 

Olivier (se remettant face à moi) : Tu as fait tomber ton peignoir, tiens. Bon je vais devoir rentrer, merci pour la journée.

Quand j’ai rouvert les eux, il était déjà parti. C’était quoi ça ? Qu’est-ce qui vient de se passer ? Je ne comprends rien du tout. Il s’était baissé, moi je m’imaginais déjà avec sa langue à certains endroits de mon anatomie mais il a juste ramassé mon peignoir pour m’en couvrir avant de prendre la porte. P****n ! On ne me rejette pas ! Personne ne me rejette ! Argh. Il va me falloir changer de stratégie.


**** Ruben ****


J’ai préféré faire mon stage de fin de licence pendant ces vacances, ce qui me permet de me faire un peu d’argent au lieu d’en dépenser et me permettre de faire autre chose pendant le second semestre de l’année prochaine qui était normalement prévu pour la période de stage. Pourquoi pas rentrer au Sénégal, après tout ça fait plus de cinq ans que je n’y suis pas retourné et essayer de voir ma mère biologique ? En tout cas j’aurai le choix. J’en avais discuté avec Simone qui m’a soutenu dans mes recherches de stage. Donc en ce moment j’ai trouvé une place dans une mine de bauxite à exploitation à ciel ouvert à Villeveyrac en Hérault. Je suis bien content, j’apprends énormément et c’est une très bonne chose. J’ai d’ailleurs pris la décision de m’établir en Afrique, j’ai entendu parler de la société minière IAMGOLD ESSAKANE qui se trouve au Burkina Faso, il paraît qu’ils paient bien et si j’ai la chance de m’ faire engager juste après mes études, je ne dirai pas non. Bon pour le moment, il me reste encore 3 ans avant de vraiment m’en soucier. 

Je pense de plus en plus à Marla, elle me manque mine de rien, c’était ma première véritable amie depuis mon arrivée en France et je suis conscient d’avoir été injuste avec elle. Ça m’a juste soulé qu’elle me dise tranquillement qu’elle s’est encore mise en couple alors même que c’est ce qui la met dans tous ces problèmes. Après tout comment pouvait-elle savoir que je l’aimais ? Je me souviens de la manière dont je l’ai ramassée la dernière fois qu’elle a voulu me parler.

Deux mois plus tôt :

Nous étions à la fin du cours au grand amphi, je discutais avec Gilbert quand elle m’a approchée. 

Marla (se mettant devant moi) : Ruben, je peux te parler ?

Moi (levant les yeux) : Qu’est-ce que tu veux ?

Marla (soutenant mon regard) : En privé s’il te plaît.

Moi : Non

Marla (mouvement de recul) : Non ?

Moi (me levant) : Non, je n’ai rien à te dire. Gilbert, on s’en va.

Marla : …

La dernière image que j’ai d’elle avant de sortir de l’amphi c’est l’éclair de douleur qui a traversé ses yeux. Sur le coup je m’en foutais royalement mais le soir-même elle m’a envoyé un message : « Je pourrais t’en vouloir pour la façon dont tu me traites parce que je n’en comprends pas la cause. Mais après avoir longuement réfléchi, j’ai pris la décision de ne pas t’en vouloir en souvenir de tout ce que nous avons traversé tous les deux et du fait que tu aies toujours été là pour moi jusque-là. J’attendrai que tu sois prêt à me revenir et je ne te poserai aucune question. À toi de voir si tu veux encore de moi dans ta vie. »

Je dois avouer que ce message m’a secoué et que je me suis senti honteux pour ce que je lui ai fait le matin-même. Mais j’avais été touché dans mon orgueil et je ne pouvais pas tout simplement revenir comme si de rien n’était. Il me reste encore un mois et demi de stage avant de rentrer. D’ici là je verrai comment gérer cette histoire.


**** Marla ****


Avec Akim nous venons d’atterrir à Lomé, notre relation ne fait que se dégrader, de mon côté en tout cas je ne supportais plus cette proximité. J’espère donc que notre retour ici, chacun chez soi nous fera le plus grand bien.

Nous récupérons nos affaires et prenons un taxi pour nous rendre chez lui. J’ai décidé d’y aller pour connaître l’endroit et passer la nuit avant de rentrer demain matin. Disons que je ne suis pas pressée de rentrer chez moi. Rien que de penser à ce qui m’attend, je sens mon cœur s’accélérer. Alors ce soir je ne veux penser à rien.

Nous arrivons chez lui et le taximan nous aide à décharger nos bagages que nous disposons dans son salon. Je regarde autour de moi. La maison est plutôt grande mais inachevée, il m’explique que c’est la maison de son père qu’il a récupéré depuis qu’il est venu s’installer à Lomé. Il est en train de la rénover petit à petit. En tout cas, elle a du potentiel. Tout comme lui.

Nous passons la nuit dans sa maison, dans le noir parce que pendant son absence la compagnie d’électricité lui a coupé le courant, il ira régler cela demain. En attendant, nous sommes trop exténués pour faire quoi que ce soit.

(***)

Cela fait un mois quasiment que je suis rentrée. Normalement, je devrais reprendre les cours dans une semaine mais avec mon père on a discuté et il m’a trouvé un stage dans une ONG dans le domaine de l’eau et de l’assainissement mais à Kara une ville à l’intérieur du pays à environ 6h en voiture de Lomé. Je me suis renseignée auprès de l’université pour savoir si je peux faire le semestre 6 qui est celui consacré au stage avant le semestre 5 et ainsi retourner en France en janvier juste après les fêtes. Ils m’ont dit que c’était effectivement possible et que certains étudiants avaient choisi cette option. Cela me rassure, c’est vrai que ça peut être intéressant d’aller faire trois mois dans cette ville où se trouvent mes racines. Certainement j’apprendrai beaucoup de choses sur mes ancêtres dans ces montagnes en foulant le même sol qu’eux.

Avec Akim tout se passe, je ne dirai pas bien mais ça se passe. Pour l’instant nous continuons notre relation et c’est vrai qu’avoir chacun son espace ôte un gros poids de mes épaules. Je passe quasiment toutes mes journées chez lui, à entretenir sa maison, je ressens toujours une sorte d’étouffement parfois mais c’est mieux qu’à Angers. 

Un jour, j’avais fait des courses pour Akim et je les avais ramenées à la maison pour réduire les tomates, piment et oignons en purée au mixeur pour ensuite les mettre dans des bocaux avant de les lui apporter. Il les mettrait ensuite au frigo et pourrait les utiliser quand il veut et en a besoin. Ma mère m’a surprise en le faisant, et elle a tout de suite deviné que j’avais quelqu’un dans ma vie. Au début elle avait l’air contente, fière, se vantant devant ses amies que j’étais « fiancée » et moi ça me tranquillisait. Mais c’était sans compter sur ses sautes d’humeur. Un beau soir parce que j’étais rentrée tard de chez Akim, elle m’a proprement insultée et maudite, moi ainsi que toute ma descendance en ajoutant que mon mariage serait pire que le sien. Bref j’ai juste hâte de partir à Kara. Ça me fera des vacances.


**** Nadège ****


Bon je suis en plein dans mon deuxième trimestre et étrangement mon ventre n’est pas vraiment sorti. Je n’ai toujours pas annoncé la nouvelle à Thierry. Surtout que maintenant Monsieur a découvert l‘abstinence, en tout cas on ne le fait plus aussi souvent. Il a décidé tout seul sans me consulter qu’on devait se mettre en pause sexuelle. Pfff, le seul point positif c’est qu’il ne m’a plus vue nue depuis plusieurs mois. Mais bon.

Aujourd’hui je suis au boulot et ce n’est plus possible de cacher ma grossesse. En plus, il fait super chaud cet été. Je me rends à la réception, là où je sais que je serai prise en charge rapidement et simule une syncope. J’entends les gens autour de moi commencer à paniquer et quelqu’un lancer un « Appelez une ambulance ! ». Je fais de mon mieux pour rester imperturbable, le plus immobile possible. L‘ambulance arrive et je suis transportée sur une civière puis nous nous dirigeons en toute hâte vers l’hôpital le plus proche. On m’évacue aux urgences où je fais semblant de me réveiller. Le médecin m’ausculte un instant et on me prélève du sang. Je suis ensuite évacuée dans la chambre 201, j’ai aperçu le numéro en passant la porte.

Thierry me rejoint en catastrophe à peine quelques minutes plus tard et me serre dans ses bras.

Thierry (se détachant de moi pour me regarder dans les yeux) : Qu’est-ce qui s’est passé ? Comment vas-tu ? Et le bébé ?

Moi (le cœur battant) : Quel bébé ? Je ne vois pas du tout de quoi tu parles.

Thierry (s’asseyant) : Ne me prends pas pour un idiot, je t‘ai laissé le temps nécessaire pour que tu m’en parles en te laissant tout l’espace nécessaire. Je me demandais jusqu’où tu irais pour me le cacher.

Moi : …

Thierry : Tu ne réponds pas ?

Moi : …

Le médecin (entrant dans la chambre) : Madame ce n’est pas bien, vous ne prenez pas suffisamment soin de vous surtout vu votre état.

Moi : …

Le médecin (me fixant) : Je vais vous prescrire des vitamines et quelques compléments alimentaires et vous redirigerai vers un confrère gynécologue si vous n’en avez pas encore un. (Se tournant vers Thierry) Monsieur, il faut éviter tout stress et surveiller son alimentation. Suivez-moi dans mon bureau.

Ils sont tous les deux sortis de ma chambre et je me suis pris la tête entre les mains. Eh ! Dans quoi je me suis embarquée ?

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