Épisode 19

Write by Mona Lys

Episode 19



CINDY


Ça fait deux heures de temps que je regarde Ken s’agiter. Depuis hier il est dans cet état. Nerveux, stressé et en colère. Contre qui ? Aucune idée. Il ne fait que ruminer et marmonner des choses inaudibles. Il ne fait qu’appeler sa mère et hurler les minutes qui suivent. Je ne veux rien lui demander parce que depuis ce qui s’est passé la nuit dernière je ne lui parle plus. Je me fiche même de ses états d’âme. Je ne tomberai plus dans son piège d’homme tantôt romantique tantôt détestable. Ça ne marche plus avec moi. Je sors de la chambre pour dire au revoir aux enfants qui vont à l’école. Quand je sors j’entends Ken parler au téléphone dans le couloir.


– Maman tu dois faire quelque chose parce que Kendrick est plus que déterminé à me prendre ma femme.


Je tique. Kendrick ? Sa femme ? Je descends les escaliers sans lui prêter attention. Kendrick veut lui prendre sa femme ? À moins qu’il n’ait une autre femme, je ne connais pas de Kendrick qui veuille de moi. Ce nom d’ailleurs je l’ai déjà entendu dans la bouche de Ken et pas qu’une seule fois surtout dans ses conversations avec sa mère. Je dis au revoir à mes bébés et remonte me préparer pour le boulot.


– Où pars-tu ? Me demande Ken dans mon dos.

– Au boulot, répondé-je sans le regarder.

– Tu n’iras pas.

– Pardon ? Fais-je en me retournant.

– J’ai dit que tu n’iras pas. Je veux que tu restes à la maison aujourd’hui.

– Et je peux savoir pourquoi ?

– Parce que je l’ai décidé point.

– Et bien moi aussi je décide de ne pas supporter tes humeurs. J’ai des responsabilités dans mon travail alors je ne vais pas rester chez moi à ne rien faire parce que monsieur n’est pas d’humeur.

– Cindy évite de me mettre de mauvaise humeur plus que je ne le suis déjà. Je suis ton mari et je te dis de rester à la maison.

– Si tu me donnes une raison vraiment sérieuse comme par exemple que ma vie est en danger je resterai. Mais si c’est juste encore un autre de tes caprices je suis désolée mais moi aussi je ne suis pas d’humeur à les supporter.


Je récupère mes effets sur le lit et au moment de m’en aller Ken me saisit par le cou.


– Lâche-moi Ken !

– Je t’ai dit de rester à la maison alors tu restes. Tu ne sortiras plus de cette maison jusqu’à nouvelle ordre.


Je réussi à me dégager malgré son emprise.


– Tu penses pouvoir me garder prisonnière ici pendant que toi tu vas sauter toutes les femmes d’Abidjan ? Non. Si tu veux bats-moi à mort, j’irai travailler un point c’est tout.


À peine je fais un pas qu’il me projette sur le lit. Le temps que je me relève il est sorti. J’entends ensuite la serrure craquer. Il m’a enfermé le salaud. Mais je ne m’en fais pas. Je sais où sont les doubles des clés. Il y en a même un peu partout dans la maison. Je fouille dans mon armoire et sors une clé. Je me rends rapidement au bureau avant qu’il ne réapparaisse. Je ne sais pas où il est mais il est sorti, sa voiture n’est pas là. J’arrive au travail et aussitôt m’y plonge. Travailler m’aide à oublier et me procure de la joie. La boutique c’est le seul endroit où je souris sincèrement. Il y a toujours de la bonne humeur avec les employées mais surtout avec Loraine. Si à la maison c’est la tristesse, au boulot c’est tout le contraire. Alors que j’aide une cliente à faire un choix de chaussures, mon portable sonne.


– Allô !

– « Allô Cindy, c’est moi. »

– Ken ?

– « Kendrick. »


Kendrick ? Ce nom je l’ai entendu ce matin dans la bouche de Ken. Ils ont la même voix.


– Qui êtes-vous ?

– « Qui je suis ? Demande-le à Kennedy. Toi et moi sommes beaucoup plus proches que tu ne peux l’imaginer. Dis à mon frère que je viendrai te chercher à ta descente pour nous rendre ensemble chez vous ce soir pour le diner. »

– Son frère ? Allô ? Allô ?


Il a raccroché. Il a dit son frère ? Ken n’a pourtant pas de frère. Toutes les fois où papa KALAMBAY disait frère, il voulait parler de cousin, en tout cas c’est ce que Ken a dit. Ce doit donc être ça. Un cousin Congolais qui vient nous rendre visite. Mon portable sonne à nouveau. C’est Ken.


– Oui !

– « Où es-tu ? »

– Au travail.

– « BORDEL JE T’AVAIS DIT DE NE PAS SORTIR. Rentre immédiatement. »

– J’ai du boulot Ken. J’ai même une livraison importante aujourd’hui. Avant que je n’oublie, il y a quelqu’un qui m’a appelé. Il dit qu’il est ton frère et qu’il viendra me chercher ce soir pour qu’on rentre ensemble. Il s’appelle Kendrick.


Je l’entends jurer plusieurs fois.


– « Je viens te chercher. »


Il raccroche. Il a quel problème celui-là même ? Mtchrr. Je reporte mon attention sur ma cliente qui a fini par se décider. Je continue ma ronde entre les rayons lorsque je me sens tirer par derrière.


– On rentre !

– Lâche-moi Kennedy, fais-je en lui retirant violemment mon bras. Tu n’as pas le droit de venir me sortir de mon travail surtout sans aucune raison.

– J’ai tous les droits en tant que ton mari. Ne me pousse surtout pas à bout.

– Je ne bougerai pas Ken. Je ne bougerai point.


Une gifle inattendue s’abat sur ma joue faisant tourner tous les yeux sur nous.


– Tu veux aussi me battre sur mon lieu de travail hein Ken ?


Les larmes me submergent ainsi que la honte d’être battue devant les employées. Ken me tire à nouveau et comme je résiste il me donne une autre gifle. C’est à ce moment que Loraine apparait et donne à son tour une gifle à Ken. J’en suis choquée.


– De quel droit te permets-tu de venir faire du scandale dans ma boutique ?


Les yeux de Ken se révulsent de colère. Il s’avance violemment vers elle mais je me place entre eux.


– Ken arrête !

– Non laisse-le Cindy. Qu’il vienne. Il verra que toutes les femmes ne sont pas stupides comme toi pour se laisser battre.

– Tu comptes sur ton lion de mari n’est-ce pas ? Lance Ken à Loraine.

– C’est parce que je suis une lionne que j’ai épousé un lion donc papa tente seulement.


Les gens s’attroupent encore plus autour de nous. J’ai honte, sacrément honte. Ken est à deux doigts de sauter sur Loraine. Moi qui pensais que Ken n’oserait jamais faire de scandale ici, eh bien je me suis trompée.


– On rentre Ken, ça suffit.

– Tu démissionnes avant.


Je tique de surprise. Il veut que je démissionne ? Mais il est malade.


– Ken rentrons !

– J’ai dit que tu démissionnes maintenant.

– Ken c’est mon travail et j’aime ça.

– Tu vas donc continuer de travailler pour une femme qui manque de respect à ton mari ?

– Ken je t’en prie.


Il appuie un regard menaçant sur moi. Je capitule. Je me tourne face à Loraine.


– Je suis désolée Loraine. C’est mon mari.


Elle beugue.


– Tu vas vraiment démissionner ? Demande-t-elle choquée.

– Oui.


Elle beugue à nouveau. La bouche ouverte elle nous regarde nous en aller. Je vais récupérer mes affaires et sors rejoindre Ken. Quand j’arrive au niveau de la voiture Loraine m’appelle. Dès que je me retourne, je reçois une gifle. J’ouvre les yeux complètement sur le cul. Je m’attrape la joue qui est en feu.


– Tu es la fille la plus stupide que je connaisse. Gâcher ta vie pour un homme qui ne t’aime pas ? C’est la meilleure. Tu sais pourquoi je t’ai donné une claque ? Pour te prouver que ton mari ne t’aime pas. Carl n’aurait jamais accepté qu’une personne qui qu’elle puisse être, lève la main sur moi. Mais regarde le tien, il est resté sagement assis dans sa voiture sans te défendre ni même se choquer. Réfléchis encore sur ton mariage.


Elle me tourne le dos et rentre dans la boutique. Le trajet à la maison se fait en silence. Quand nous arrivons je cours me réfugier dans la chambre. Ken m’y rejoint.


– Pourquoi es-tu sortie malgré mon interdiction ?

– Qui est Kendrick ?


Je le sens tressaillir. 


– Donne-moi ton portable.

– Jamais.

– J’AI DIT DE ME DONNER TON PUTAIN DE PORTABLE.

– ET MOI J’AI DIT JAMAIS.


Je reçois deux gifles automatiquement. Une lutte commence et bien entendu c’est moi qui reçois le plus de coup. J’essaie néanmoins de me défendre. Alors que je m’y attends le moins je reçois un violent coup de pied dans le vas ventre. Toutes mes forces me lâchent. Sentant que je devenais faible il me laisse pour se concentrer sur mon portable qu’il se met à manipuler. J’en profite avec le peu de force qui me reste pour m’échapper de la chambre. Il hurle mon nom en me courant après. J’accélère et descends les escaliers. Ken m’agrippe les cheveux alors que je suis encore au milieu. Il me donne encore des coups et dans la lutte, il me pousse. Je roule sur les escaliers jusqu’en bas. Je sens une douleur dans mon bas ventre. Mais je suis décidée à sortir de cette maison. Je cours faiblement vers le salon et Ken m’agrippe encore les cheveux. La bastonnade reprend de plus belle. Ken me lance des injures en me bastonnant et je l’entends aussi parler de ce Kendrik. Je suis épuisée de lutter alors je me laisse faire. J’encaisse coup sur coup. De toutes les façons que puis-je faire d’autre ? Alors que j’ai fermé les yeux allongée au sol pour encaisser les coups, j’entends quelqu’un traiter Ken de fils de pute et la seconde qui suit, je ne reçois plus de coups. Je garde cependant les yeux fermés. J’entends une bagarre entre Ken et un autre qui a aussi la même voix que Ken, ou à peu près. Quand j’ouvre enfin les yeux j’aperçois un autre homme, dont l’allure me semble familière. Un moment il tourne la tête brièvement vers moi et je reçois un choc. Je jurerai qu’il a le visage de Ken. Je fais l’effort de me lever pour mieux comprendre ce qui se passe. Le type en question a le dessus sur Ken. Il lui assène coup sur coup.


– Plus jamais tu ne la touches, gronde-t-il à Ken.

– Elle est ma femme espèce d’enculer.

– Plus  maintenant.


J’ai l’impression de voir la même personne.


– Ken ?


Les deux tournent la tête en même temps vers moi. Je suis stupéfaite. L’autre lâche Ken et se précipite vers moi.


– Cindy princesse comment ça va ?


Il veut me toucher mais je recule. Il reste juste là à me regarder. Plus personne ne parle. Les deux hommes me regardent comme s’ils attendaient ma réaction. Je regarde Ken et oui lui je le connais parce que je vis avec depuis cinq ans. Mais l’autre, c’est aujourd’hui que je le vois mais j’ai l’impression de le connaitre. La façon dont il est vêtu, cette manière tendre de me regarder. Comme pour vérifier quelque chose je promène mon regard par terre à la recherche d’un détail. Une casquette. Et effectivement,  j’en vois une sur la moquette.


– Mwinda !


Je reporte vivement mon attention sur lui. Il m’a appelé Mwinda, exactement comme avant. Avant ! Un autre détail capte mon attention sur lui. Il porte une chaîne à son cou. Je la regarde de plus près et la reconnais. C’est la même que la mienne. C’est l’autre moitié. Il fait un pas vers moi, j’en fais un en arrière.


– Qui es-tu ? Lui demandé-je dans un souffle.

– Kendrick. Et c’est moi le véritable Ken dont tu es amoureuse. C’est moi qui t’ai offert cette chaine quand on m’a obligé à te laisser à mon frère jumeau Ken.


Il se baisse pour récupérer sa casquette qu’il porte à l’envers.


– C’est moi ton mobali ya ngebu ngebu (beau gosse).


Je reçois un autre choc. Ils sont deux !? Deux ! Ce sont des jumeaux !? Une douleur sans nom me transperce le bas ventre m’arrachant un cri strident. Je baisse les yeux et vois du sang couler le long de ma jambe. Je perds aussitôt connaissance et m’écroule.


Je me réveille dans un hôpital et la première personne que je vois c’est lui. L’autre Ken dont je suis amoureuse. Lol dont je suis amoureuse. Je n’ai même pas pu me rendre compte qu’ils étaient deux et me voilà qui parle d’amour. Duquel étais-je amoureuse ? Kennedy ou Kendrick ? Il se lève sans me quitter des yeux.


– Comment tu vas ?


Je le regarde sans répondre. Je n’ai envie de parler ni à l’un ni à l’autre. Je ferme les yeux. Je me sens toute bizarre. J’ai mal dans mon bas ventre. J’ouvre de nouveaux les yeux lorsque la voix du médecin se fait entendre. Il est suivi de Kennedy et sa mère. Elle aussi le savait. Normal ce sont tous deux ses fils.


– Comment allez-vous ? Me demande le docteur.

– Mal. J’ai mal au bas ventre.

– C’est normal. Vous avez reçu assez de coups dans cette zone ce qui a causé vos précédentes fausses couches.


Je ne le lui ai jamais rien dit mais il l’a deviné. Il m’a à mainte fois incité à lui dire la vérité mais j’ai préféré couvrir mon mari.


– Comment est-ce qu’elle va docteur ? Demande Kendrick. Elle a saigné et s’est évanouie. Est-ce une autre fausse couche ?

– Non elle n’était pas enceinte.


Il soupire. Il lève un regard plein de tristesse sur moi.


– J’ai essayé à mainte fois de vous aider pour justement éviter que ce genre de chose arrive. Mais vous avez gardé le silence.


Il soupire à nouveau.


– Je n’ai pas de bonne nouvelle pour vous. Je ne voulais pas l’annoncer ainsi mais je le fais en espérant que ça puisse réveiller votre conscience.

– Qu’est-ce qu’elle a ? S’inquiète encore Kendrick.


Le docteur me regarde encore avec la douleur sur le visage.


– Comme je l’ai dit tantôt vous avez reçu assez de coups dans votre bas ventre occasionnant jusqu’à cinq fausses couches. Vos organes reproducteurs en ont été affaiblis mais plus précisément vos trompes. Elles ont été endommagées et nous avons dû les retirer.


Je ferme les yeux ayant compris où il voulait en venir.


– Qu’est-ce que cela veut dire docteur. Demande à nouveau Kendrick.

– Ça veut dire qu’elle ne peut pourra plus procréer.


En français simple ça veut dire que je suis devenue stérile. Je ne pourrai plus enfanter.   


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