Épisode 20
Write by Mona Lys
Episode 20
CINDY
Assise au salon j’écoute papa KALAMBAY hurler sur ses deux garçons. Kennedy est assis près de sa mère et Kendrick à l’écart, en face de moi. Ça fait cinq jours que j’ai appris la nouvelle concernant les jumeaux et aussi cinq jours qu’on m’a annoncé ma stérilité. Depuis lors, je ne suis plus moi-même. Ça fait cinq jours que je n’ai pas ouvert la bouche. Aucun mot n’est sorti de ma bouche ni à l’endroit de l’un encore moins de l’autre. Que puis-je bien leur dire ? Kendrick a essayé de me parler mais je n’ai pu lui répondre. Je me sens morte quoi que vivante. Je ne pourrai plus faire d’enfant. Pourtant je suis très gaga des enfants. Je voulais en avoir encore cinq en plus des jumeaux. Je voulais une maison remplie d’enfants. Les chouchouter, les dorloter, les gâter comme pas possible. Mais tout ça restera uniquement un rêve, et pourquoi ? Parce que j’ai choisi d’encaisser les coups plutôt que de les fuir.
– Vraiment vous me décevez, continue papa Luzolo. De Kennedy ça ne m’étonne pas mais de toi Kendrick, de toi. De vous deux c’est toi le plus sensé, ou du moins c’est ce qui devait être. Comment as-tu pu te laisser entrainer dans une telle bassesse ?
– Papa je…
– Tu me répondras quand je t’aurai donné la parole. C’est donc pour cela que tu refusais de venir en Côte d’Ivoire ? C’est pour cela que ton frère et toi étiez en froid ? Comment avez-vous pu jouer de la sorte avec une innocente fille ? Je veux que vous me racontiez toute la vérité sans omettre ne serait-ce qu’une virgule.
Les jumeaux se regardent et c’est Kendrick qui prend en premier la parole.
– J’étais venu pour les vacances lorsque Kennedy m’a demandé de l’aide pour mettre une pute dans son lit. (Me regardant gêné) C’est ce qu’il m’a dit. Il m’a dit que c’était une pute et qu’elle faisait la dure avec lui. Bien entendu j’ai refusé mais j’ai fini par accepter sous son insistance. Le but, c’était juste que Kennedy passe une nuit avec elle mais avant qu’on en arrive à cette nuit, je suis tombé amoureux de Cindy.
Je lève les yeux sur lui. Il me regarde avec ce regard plein d’amour et de douceur qui m’a toujours fait chavirer. Je ne sais pas ce que je ressens là présentement pour lui.
– Plus je la fréquentais dans le but de la mettre dans le lit de Kennedy plus je tombais amoureux d’elle. Vous savez tous que jamais auparavant ça ne m’était arrivé. Quand Cindy et Kennedy ont passé leur première nuit, j’ai failli en mourir. J’ai voulu prendre mes distances puisque maintenant l’objectif était atteint mais l’amour que je ressens pour elle était trop fort pour que je m’éloigne d’elle. Je voulais revenir cette fois en tant que Kendrick mais Kennedy profitait pour continuer à l’approcher.
Il marque une pause. Le désespoir se lit sur son visage.
– Je jure que je voulais arrêter. Je voulais tout te dire Cindy mais j’avais peur que tu me rejettes. J’avais peur de te perdre. Tu ne le sais peut-être pas mais… tu as été ma première fois. Que ce soit sexuellement comme sentimentalement. Je t’avais dans la peau. J’étais prêt à tout pour te voir heureuse et c’est ce que j’ai cru faire quand je me suis éclipsé pour te laisser à Kennedy. (Il regarde son père) Cindy m’a annoncé sa grossesse et je l’ai à mon tour dit à Kennedy. Il m’a clairement fait savoir qu’elle n’était pas de lui parce qu’il ne voyait plus Cindy. Il voulait même qu’on la fasse avorter mais j’ai refusé. J’étais prêt à assumer, que la grossesse soit de moi ou pas parce que je voulais Cindy dans ma vie. Mais contre toute attente, Ken a changé d’avis et m’a dit de but en blanc que c’était lui l’auteur. Je n’ai pas compris son changement subit de décision. Il m’a parlé de faire un test ADN et c’est lui qui est allé avec Cindy en France pour le faire.
Je me rappelle de ce voyage. Kennedy m’avait dit que c’était un voyage en amoureux. C’était donc pour un test ADN.
– Il est revenu avec le test et avant de l’ouvrir maman m’a dit que si je n’étais pas l’auteur de la grossesse je devais disparaître et ne plus jamais remettre les pieds ici en Côte d’Ivoire. J’ai accepté en étant convaincu que j’étais le père. Ken se disputait constamment avec Cindy et elle le mettait même à la porte des fois. Je me suis dit qu’il y a plus de chance que ce soit moi. Mais je m’étais trompé. Le test était en faveur de Ken et je devais disparaître. Je ne voulais pas la laisser. J’ai essayé de convaincre maman de me laisser épouser Cindy parce que je savais qu’avec Ken elle ne serait jamais heureuse, je savais qu’il n’allait jamais être un bon mari ni même un bon père mais j’avais déjà accepté la condition liée au test. Je suis donc allé dire mes adieux à Cindy et je lui ai offert une chaine (montrant la sienne) que nous partageons tous les deux. C’était le seul souvenir que j’avais d’elle. Maintenant encore, cinq ans après, je l’aime toujours papa. Je ne l’ai pas oublié. J’étais même en contact avec elle sans lui avoir révélé qui j’étais. Cindy, c’est moi Drick, ton ami virtuel.
Je plisse les yeux. Je n’arrive toujours pas à faire sortir un mot de ma bouche.
– Cindy était en communication avec moi lorsque Ken a commencé à la battre. J’ai entendu ses cris et ses pleurs. Elle m’a aussi imploré de lui venir en aide. Je n’en ai pas dormi pendant des nuits et mes jours étaient troublés. C’est alors que j’ai décidé de revenir tout lui avouer pour la libérer de ce mariage avant qu’elle n’y laisse sa vie.
Et j’y ai laissées mes trompes.
– Je te demande pardon Cindy. Si je pouvais revenir en arrière et faire les choses autrement je le ferais. Je suis revenu pour réparer mon erreur peu importe les risques.
Je détourne mon regard du sien et regarde Kennedy. J’ai toujours su qu’il avait une double personnalité mais j’ai cru à son histoire de bipolarité.
– Vous me décevez vraiment, reprend papa Luzolo. Comment avez-vous pu jouer de la sorte avec la vie d’une innocente fille ? Et le pire c’est que toi Anna tu sois complice de toute cette supercherie. Par votre faute, cette fille a passé cinq années dans la souffrance à encaisser les coups de cet imbécile qu’elle prenait pour son mari. Et maintenant elle a perdu sa fécondité. Vous méritez tous la prison. Non la pendaison.
– Aaah Luzolo ce n’est pas arrivé là-bas, rétorque Anna la mère des jumeaux.
– Tu as encore la bouche pour parler ? Je crois même que je t’ai donné un peu trop de pouvoir dans cette famille. Maintenant j’en reprends les rênes. D’abord Kennedy tu vas entamer la procédure de divorce pour libérer Cindy.
– Quoi ? S’exclame Kennedy, choqué. Non elle est ma femme papa.
– Ensuite, continue Luzolo sans prendre en compte les propos de son fils, nous allons refaire les tests ADN entre vous deux et les enfants pour confirmer la paternité.
Kennedy bondit de sa place.
– Non papa ! Ce sont mes enfants et j’ai déjà fait les tests.
– Eh bien tu ne dois pas craindre de les refaire si tu es sûr de n’avoir pas triché. Je te connais tellement et je sais que tu es capable du pire pour atteindre tes objectifs. Dès demain nous referons les tests ensuite on verra. Mais j’insiste sur la procédure de divorce.
– Maman fait quelque chose.
– Luzolo tu ne crois pas que tu en fais un peu trop ? Intervient Anna. Tout ça c’est le passé. Essayons de régler les choses calmement sans traumatiser les pauvres enfants.
– Est-ce que vous avez pensé à eux quand vous maltraitiez leur mère ? Non ! Donc ne faites pas semblant de vous intéresser à eux. Bo pesa nga kutu kanda te (Ne m’énervez surtout pas).
Une dispute s’élève entre les deux parents et Kennedy. Kendrick lui ne fait que me regarder attendant peut-être que je dise quelque chose. J’ai mal, atrocement mal. La douleur que je ressens au cœur n’a rien à avoir avec les coups que j’ai reçu durant toutes ces années. J’ai mal que Kendrick, celui avec qui j’ai partagé tant de belles choses, tant d’amour, tant de complicité, ait renoncé à moi aussi facilement en ayant connaissance de la souffrance qui m’attendait. J’ai mal d’avoir été utilisée par ces jumeaux, sans remord. Ils ont couché avec moi à tour de rôle, ils ont joué avec mes sentiments. Non, Kendrick a joué avec mes sentiments parce que Kennedy lui ne s’en ai jamais préoccupé. J’ai tellement mal qu’au lieu des larmes c’est un éclat de rire qui me surprend. Tout le monde tourne la tête vers moi. Je me mets à rire d’un rire rempli de douleur. J’ai tellement pleuré ces dernières années que je n’en ai plus la force. Il n’y a que le rire qui puisse me soulager, me libérer de toute cette douleur que je ressens. Toujours en riant je me lève et marche vers la sortie. Je sens une main me retenir, c’est Kendrick.
– Mwana (princesse).
Je le regarde et la seule réponse que je lui donne c’est un sourire. Il me regarde, confus. Je me dégage doucement de son emprise et sors. Je monte dans le premier taxi pour me rendre en bordure de mer. J’ai besoin d’être seule, de réfléchir à la suite, à ma vie. J’ai besoin de sentir le vent frais sur ma peau.
Assise sur le sable je contemple les vagues s’abattre sur le rivage. Il y a tout un monde d’un côté de la plage qui s’adonne à cœur joie à la nage. Certains restent juste en bordure attendant que l’eau vienne à eux tandis que d’autres, les plus courageux s’y jettent. Il y a cinq ans, Kendrick et moi passions beaucoup de temps sur cette plage à jouer comme des gamins, à rigoler et à faire l’amour. Je ne me rappelle plus du nombre de fois que nous y avons fait l’amour. Et c’était magique chaque fois. J’adorais tellement sa façon si tendre de me posséder que j’en redemandais encore et encore. J’étais la femme la plus heureuse quand il m’a demandé en mariage, ou plutôt quand j’ai cru que c’était lui qui m’avait demandé en mariage. Je m’étais dit qu’avec tout l’amour que nous ressentions l’un pour l’autre notre mariage ne serait que des plus heureux. Jamais je ne m’étais imaginée que je me mariais à la mauvaise personne.
Une ombre me couvre. Sans tourner la tête je devine qui s’est. Kendrick s’arrête devant moi avant de poser un genou dans le sable.
– Naku lomba uruma mboni ya jicho (Je te demande pardon prunelle, en Swahili).
Je le regarde sans rien dire.
– S’il te plaît dis quelque chose.
– À Brazza, c’était toi ?
– Oui.
– Et l’autre femme c’était ta femme ?
– Oui. Mais nous sommes sur le point de divorcer. Je l’ai juste épousé pour faire plaisir à ma mère. Tu as toujours été celle que j’aime.
– Il n’y avait que ton frère et ta mère qui comptaient pour toi puisque tout ce que tu as fait c’était pour eux.
– Je regrette tout amèrement je te le jure.
J’ai tellement mal que je n’ai plus de force pour détester. C’est comme si mon cœur avait disparu. Je ne ressens plus absolument rien. Je récupère mes chaussures que j’avais retirées et me lève pour m’en aller.
– Je t’aime Cindy.
Je m’arrête en étant de dos. Il m’aime. Avant ça m’émoustillait de l’entendre me dire ça. Mais aujourd’hui… Je me retourne face à lui.
– Mais pas assez pour ne pas me jeter dans les bras de ton jumeau.
Il n’ose répondre. Je reprends mon chemin jusqu’à la sortie de la plage. J’emprunte à nouveau un taxi pour me rendre cette fois chez ma sœur. Elle a été à mon chevet pendant mon séjour à l’hôpital. Notre mère aussi et elle n’a pas daigné ouvrir la bouche. Tout ce qu’elle a dit c’est sois forte ma fille et béni Dieu d’avoir déjà deux enfants. Je ne lui ai rien répondu. Quand elle ouvre la porte et qu’elle me voit sans aucune expression sur le visage, elle me prend juste dans ses bras et me conduit à l’intérieur. C’est allongé sur ses jambes que je m’endors.
À mon réveil il est 19h. J’ai dormi toute la journée.
– Bien reposée ?
Je tourne la tête vers Estelle qui fait son entrée dans le salon.
– Oui. Je vais rentrer.
– Où ?
– Chez moi. Les enfants doivent me chercher.
– Tu vas retourner chez ce type ?
– Il est toujours mon mari et tant que le divorce ne sera pas prononcé je dois rester avec lui. En plus je n’ai pas d’argent pour m’occuper de moi et des enfants. Je m’étais tout dans un compte commun avec Ken. Je n’ai même plus de boulot.
– Vous pouvez venir vivre ici.
– Ta maison ne peut tous nous contenir.
– On fera avec.
– Je préfère retourner chez moi et après le divorce venir. J’ai besoin de mettre de l’ordre dans mes affaires avant de le quitter.
– Ok je n’insisterai pas. Retiens juste que ma maison t’est grande ouverte.
– Merci !
Je rentre enfin chez moi et la première personne que je croise au salon c’est Ken, enfin Kennedy. Nous passons une bonne minute à nous échanger les regards. J’y mets fin et prends les escaliers. La seule chose dont j’ai besoin en ce moment c’est la chaleur de mes enfants. Ils viennent à peine de prendre leur douche. Ils viennent se jeter dans mes bras quand ils me voient. Je les serre tellement fort qu’ils se mettent à gigoter.
– Maman je ne peux plus respirer, dit Lena.
– Je suis désolée ma puce. Vous avez diné ?
– Oui, répondent-t-ils en chœur.
– Ok. Aujourd’hui maman va dormir avec vous.
– Youpii !!!
Je souris et les embrasse à nouveau avant de rejoindre ma chambre. Ken m’y rejoint.
– On doit parler, entame-t-il en glissant les mains dans ses poches.
– Je suis épuisée. Physiquement, psychologiquement, émotionnellement. Tout.
– Dans ce cas écoute-moi. Je voulais juste te dire qu’il n’y aura pas de divorce. Je ne le demanderai jamais et si tu le fais je ne te l’accorderai jamais. Tu es ma femme et tu le resteras jusqu’à ce que la mort nous sépare.
– Dans ce cas tue-moi Ken. Tout compte fait, ma vie est déjà gâchée. Si les tests ADN montrent que c’est Kendrick le père des jumeaux, je les enverrai vivre avec lui parce que toi tu n’as jamais été un père pour eux. Mais si tu ne me tues pas Kennedy, c’est moi qui le ferai puisque c’est la seule condition pour me libérer de toi.
Je sortirai de ce mariage même s’il faille que j’y laisse ma vie. Mais il est hors de question que d’une façon ou d’une autre je sois liée à Kennedy KALAMBAY.