Épisode 3

Write by Mona Lys

Episode 3



CINDY


La sonnerie de la maison retentie trois fois de suite. J’arrête donc le repassage que je faisais et me précipite pour ouvrir. Ken est dans son bureau en train de travailler sur des dossiers et les enfants regardent leurs dessins animés dans le petit salon. J’ouvre la porte et grande est ma surprise de voir ma belle-mère arrêtée devant la porte avec son sac de voyage.


– Maman ? Je ne savais pas que tu venais.

– Je dois donc avoir ta permission avant de venir voir mon fils ? Me demande-t-elle avec mépris.

– Non je veux juste dire que si j’avais été informée j’aurais tout organisé pour mieux t’accueillir.


Elle ne m’écoute pas et rentre prendre place dans la salle de séjour. Je récupère son sac et vais le mettre dans la chambre d’ami avant de venir lui servir à boire. Je vais ensuite prévenir Ken. Lui aussi est surpris. Nous la rejoignons ensemble pour demander les nouvelles.


– Maman je suis surpris de te voir. Comment vas-tu ? Lui demande-t-il en lui faisant une accolade.

– Je vais bien mon fils. Comme j’avais envie de te voir je suis venue passer quelques jours ici avec toi.

– Ah ok je suis content de te voir. Tu as bu quelque chose ?

– Oui. Où sont mes petits enfants ?

– En train de regarder la télé dans l’autre salon, dis-je.

– Hum je viens et tu ne vas pas leur dire que je suis là pour qu’ils viennent me saluer. Vraiment quelle est cette éducation?

– Pardon maman, dis-je rapidement pour éviter les histoires.


Je les laisse et vais chercher les enfants qui viennent saluer leur grand-mère avant de retourner à leur occupation. La conversation reprend entre Ken et sa mère me mettant complètement à l’écart. Mais je n’en suis aucunement  offensée. J’en ai l’habitude je dois dire. Cette femme ne m’a jamais vraiment aimé et elle ne l’a jamais caché non plus. Elle m’accepte juste à cause de son fils. Je ne comprends d’ailleurs pas c’est quoi cette histoire de venir passer quelques jours ici alors qu’elle vit dans la commune voisine. Me sentant de plus en plus inutile, je m’excuse et monte en chambre regarder mes mails pour le travail. Je suis l’adjointe de ma patronne et c’est moi qui me charge de m’assurer que les stocks arrivent à temps et soient conformes à nos demandes.


Le soir, nous nous mettons tous à table pour le diner. Ma belle-mère est accrochée à son fils comme s’il était son mari. En tout cas pour être attachée, elle l’est. Elle adore son fils, limite, le vénère. Normal quand c’est son seul fils. Chaque fois qu’ils sont ensemble, je n’existe plus. Ils peuvent rester tous deux dans leur monde sans s’occuper des gens autour. Ken est un enfant à sa maman. Il ne lui refuse jamais rien. Si elle lui demande la lune, il la lui donnera. Elle est plus sa femme que moi.


– Cindy je dis tu ne veux plus faire d’enfant ? Me demande subitement ma belle-mère.

– Si maman. Ça va venir.

– Ça va venir, ça va venir. Ça va venir quand ? Les jumeaux ont cinq ans et depuis rien. Tu veux gâter le nom de mon fils ?

– Maman stp ! Ken et moi prenions notre temps mais maintenant nous sommes prêts donc ça va venir.

– Ah si tu ne veux plus faire d’enfant à mon fils dis-moi je vais lui trouver une autre femme.

– Maman ce n’est pas arrivé là-bas.

– Ou bien tu es devenue stérile.


Là je pose ma cuillère et regarde mon mari attendant qu’il dise quelque chose mais rien. Il continue de manger comme si de rien n’était. J’ai envie de lui donner une réponse cinglante mais les enfants sont là. Je souffle et recommence à manger.


– Cindy je veux que tu donnes des enfants à mon fils.

– Bon sang nous avons déjà des enfants que je sache.

– Cindy ! Tonne Ken.

– Quoi ? Depuis que ta mère me casse les oreilles et tu ne parles pas. Elle agit comme si Lena et Nael ne sont pas tes enfants.

– Tu oses me manquer de respect devant mes petits-enfants. Sacrilège !


Je tourne les yeux vers les enfants qui m’ont l’air apeuré. Heureusement qu’ils ont fini de manger. Je leur dit d’aller dans leur salon regarder la télé. Ils obéissent aussitôt.


– Plus jamais tu ne manques de respect à ma mère.

– Dans ce cas dis-lui de ne pas se mêler de notre couple. Et surtout dis-lui au passage que j’ai perdu quatre grossesses à cause de tes coups.


Je me lève de table pour me rendre dans notre chambre. Je viendrai débarrasser quand ils auront terminé.


*Mona*LYS*


Je reprends le travail ce matin et c’est tant mieux. J’en ai marre de la présence de ma belle-mère. Heureusement qu’elle rentre aujourd’hui chez elle. Elle a juste fait le week-end chez nous. Je dépose les enfants à l’école et fonce à la boutique. Je travaille avec Loraine ANDERSON, propriétaire de la marque Lo’. Comme je l’ai dit tantôt, je suis son bras droit. C’est moi qui gère ses boutiques en son absence. Au début je ne gérais que celle où je travaille mais avec la confiance qui s’est installée après trois ans, elle m’a confié la gestion de toutes ses boutiques. Il y a certes des gens qui s’en occupent mais ils doivent tous me rendre des comptes pour que je les rende ensuite à ma boss. Ken ne voulait pas que je travaille mais je l’ai supplié. Quand je gare ma voiture, je vois celle de ma patronne. Elle aime beaucoup travailler donc elle est toujours présente. Je vais dans mon bureau déposer mes affaires avant de la rejoindre entre les rayons en train de vérifier les étiquettes sur les chaussures.


– Bonjour Loraine.

–  ça va mieux ? 

– Oui !


Elle tourne la tête vers moi. Elle me détaille longuement avant de reprendre ce qu’elle faisait.


– Malgré les nombreuses couches de fond de teint le bleu est encore visible.


Je ne dis rien. Je marche derrière elle dans le rayon.


– Vas dans mon bureau prendre mon fond de teint pour te le mettre. Puisque tu tiens tant à cacher tes souffrances.


Je ne dis toujours rien. Elle sait tout ce qui se passe dans mon mariage. Je n’ai pas eu besoin de le lui dire. Elle l’a deviné et je n’ai pas pu nier. Tout comme Estelle, elle me dit de quitter Ken parce qu’il ne me mérite pas. Mais moi je ne veux pas divorcer. J’ai foi qu’on va sortir de cette phase. Elle me laisse continuer ce qu’elle faisait à un autre rayon et va rejoindre une cliente. Je regarde ce rayon et soupire. C’est dans ce rayon que j’ai rencontré Ken.


Flash-back cinq ans plus tôt


Pour une première journée dans cette boutique je dois dire que tout se passe bien. J’ai été embauchée à la boutique mère de la marque de chaussure Lo’. Je parcoure les rayons en vue d’aider certains clients lorsque je vois une fille hésiter entre deux chaussures. Elle est avec un mec qui manipule son portable. Il doit s’ennuyer. Quand j’approche il s’éloigne pour répondre à un appel.


– Bonsoir puis-je vous aider à faire votre choix ?

– Oui. J’hésite entre ce mocassin et ces boots.

– C’est pour un évènement précis ou pas ??

– Bon pas vraiment. Juste ajouter une nouvelle paire à ma collection.

– Bien personnellement je préfère les mocassins. Ça passe sur presque tout et ça fait chic et sexy. Les boots c’est cool mais à voir votre corpulence et votre look les mocassins seront parfaits pour vous.

– Merci beaucoup. Mon cœur balançait plus pour ça.


Je lui fais un grand sourire. Oui je lui ai proposé les mocassins parce qu’ils sont plus chers que les boots. L’homme revient et quand il me voit il se met à sourire. Un sourire genre dragueur. Je fais mine de ne pas l’avoir vu.


– Bébé j’ai choisi celles-là, lui dit la fille.

– Ok tient ma carte va régler. Moi je vais voir si je peux trouver un truc pour ma mère.

– Ok.


Quand elle s’en va il s’approche de moi.


– Bonsoir beauté ! Alors que me proposez-vous pour ma mère ?

– Ça dépend ! Quel âge a-t-elle ? Et quelle est sa pointure ?

– Et si je vous disais plutôt ma pointure à moi. Vous verrez si vous pouvez supporter.


Je tique face à sa perversité. Il s’approche de moi et je recule.


– Vous devriez avoir honte de me dire une telle chose alors que votre copine est juste à côté.

– Ma copine ? Qui celle-là ? Non c’est juste un plan cul. Je suis un cœur à prendre.

– Ça ne m’intéresse pas.

– Je vois que vous voulez résister à Kennedy KALAMBAY. Aucune femme ne me résiste très chère.

– Je  serai l’exception. Il n’y a pas moyen que je tombe dans les bras d’un type aussi vulgaire et volage que vous. Oser me draguer alors que votre copine est dans les parages ? Très bonne tactique de drague. N’importe quoi !


Je m’apprête à lui fausser compagnie lorsqu’il m’attrape le bras. Je me dégage aussitôt.


– N’osez plus jamais me toucher.

– Je vous aurez ! Croyez-moi ! Je vous aurez ! Parole de Ken.

– Et puis quoi encore ? Mtchrrr. Fior de bior.


Deux mois plus tard


Satanée pluie. Depuis ce matin elle ne fait que tomber. Elle s’était arrêtée et à peine j’ai mis les pieds dehors que la voilà qui retombe deux fois plus fort. Me voilà obligée de m’abriter sous ce semblant d’appâtâmes perforé de partout. L’eau même coule en dessous. Il n’y a même pas de voiture à cause de cette satanée pluie. Je suis donc obligée d’attendre qu’elle cesse avant de prendre le chemin qui mène sur la grande voie pour  prendre un taxi. Des gouttes commencent déjà à me tomber sur la tête. Alors que je suis là à ruminer je sens une ombre me couvrir. Je tourne la tête et vois un homme arrêté près de moi, tenant un parapluie par-dessus nos têtes. Je regarde de plus près et constate qu’il s’agit de ce Ken. Celui-là ça fait deux semaines qu’il m’a lâché les basquets. Depuis la dernière fois il n’a pas arrêté de me harceler et à chaque fois je l’envoyais bouler. C’est seulement ces deux dernières semaines qu’il a réapparu.


– Je te croyais mort.


Il sourit. Bizarre. D’habitude il me répond direct et on passe le reste du temps à se lancer des piques.


– Que me veux-tu ?

– Te proposer mon aide. Il pleut et si tu restes là tu finiras par tomber malade.

– Je préfère tomber malade que d’accepter ton aide. Tu peux rentrer chez toi.

– Cette pluie ne va pas cesser de sitôt. 

– Donc quoi tu veux me proposer de me déposer chez moi et après tu vas m’y attendre tous les soirs pour enfin arriver à coucher avec moi ?

– Ça c’est une tactique pour les enfoirés. Je voulais juste vous proposer de prendre un café pour vous tenir au chaud le temps que cette pluie cesse.

– Pourquoi me vouvoies-tu ?

– Parce que tu ne m’as pas donné la permission de te tutoyer.

– Tu es sérieux ? Tu as commencé à me tutoyer à notre deuxième rencontre. Et puis je m’en fou je ne te suis pas. 

– Je vous promets de ne pas avoir de gestes ni de mots déplacés envers vous. On va juste aller dans un café ou même un restau pour manger un bout en espérant que la pluie cesse entre temps. Je sais que nous sommes partis sur le mauvais pied alors c’est une manière de m’excuser pour toutes mes maladresses. Après ça je vous promets de disparaitre de votre vie. Regardez, vous commencez même à grelotter.


Oui sur ce fait il avait raison. J’avais énormément froid et mes pieds dans cette eau qui ne cesse de couler n’arrange pas les choses. Je finis par accepter son offre et il me conduit à sa voiture. Une nouvelle voiture même. Nous prenons place dans un restaurant et Ken commande de la nourriture pour moi en plus d’un lait chaud. Lui ne prend qu’un jus de fruit.


– Un jus de fruit ? Je m’attendais à ce que tu prennes une de ces nombreuses boissons alcoolisées.

– Je ne bois pas.

– Tu es sérieux ? Toi un Bad boy tu ne bois pas ?

– Aussi bizarre que ça puisse paraitre je ne bois ni ne fume.

– Gros mytho.


Il sourit. C’est bizarre mais pour la première fois j’aime son sourire. C’est peut-être parce que c’est la première fois qu’il sourit normalement au lieu de me faire des sourires pervers. D’ailleurs je le trouve changé.


– Pourquoi me fixes-tu autant ? Me demande-t-il ?

– Je ne sais pas. Tu m’as l’air changé. On aurait dit une autre personne. Tu es poli, tu souris et es habillé différemment. Toutes les fois que nous nous sommes vus tu étais en costume et là tu es juste en survêt plus casquette.


Il sourit à nouveau.


– Seuls les imbéciles ne changent pas.

– Ou alors c’est une tactique pour me faire tomber dans ton piège !?

– Il n’y a pas de piège. Je te montre juste le vrai Ken. Celui que je suis vraiment, non celui que je veux montrer aux gens.

– Si tu le dis.


Retour au présent


– Oh Cindy arrête de rêvasser et viens t’occuper de ces deux clientes.

– Tout de suite Loraine.


Le boulot terminé, je vais chercher les enfants à l’école avant de rentrer. Je leur donne leur douche et pendant qu’ils sont devant la télé je vais faire le diner. Nous n’avons pas de servante parce que j’aime moi-même m’occuper de tout. J’aime prendre soin de ma famille.


Il est 21h et Ken n’est pas rentré. Je sais déjà qu’il ne rentrera pas. Une fois 19h passé et qu’il n’est pas là, plus la peine d’espérer le voir. Je vais mettre les enfants au lit avant de rejoindre le mien. Je soupire de désespoir. Ken est sans doute entre les cuisses d’une autre. Il ne s’en lasse pas et c’est d’ailleurs ça la seule raison qui puisse le faire découcher. Au milieu de la nuit il rentrera avec l’odeur de cette autre et un reçu d’hôtel. C’est ça mon quotidien depuis cinq ans. Si ce ne sont pas les coups, ce sont les infidélités. Je me couche et fais une prière.


– Seigneur, donne-moi la force de supporter cette épreuve. 


Je suis réveillée par un bruit. Quand j’ouvre les yeux, je vois Ken qui se déshabille. Je jette un coup d’œil sur la veilleuse, il est 2h du matin. Il jette ses habits par terre avant d’entrer dans la salle de bain. Je me lève pour les ramasser et les ranger. Sans même que je ne cherche, une marque de rouge à lèvres me tombe sous les yeux. Il était donc vraiment avec une femme. Bien que je le sache depuis cinq ans, ça me fait toujours autant mal de m’en rendre compte. Pourquoi faut-il toujours qu’il me trompe ? Je ne le satisfais pas pour qu’il ressente à chaque fois le besoin d’aller voir ailleurs ? Ken ressort de la salle de bain et sans un mot va se coucher. J’ai atrocement mal. Je le remplace dans la salle de bain et m’assois sur la lunette des toilettes. Mes larmes coulent sans que je ne puisse les retenir. Pourquoi est-il ainsi ?


– Je suis forte, je commence à me répéter. Je suis courageuse, je vais surmonter cette épreuve. Je suis une battante, une femme de valeur.


Je répète cette phrase encore et encore jusqu’à me calmer. Je me lave le visage et retourne au lit. Demain sera un jour meilleur. 


L'autre Lui