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Write by Les petits papiers de M

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Romain

Je quitte précipitamment le bureau et rejoins ma voiture aussi vite que je peux. Ça fait bientôt deux ans que le cabinet est ouvert. Tout n’est pas encore au beau fixe mais Vaïk et moi travaillons d’arrache-pied. J’ai plus ou moins délaissé toutes mes autres activités pour me consacrer à cela. Je fais confiance à Rachelle pour gérer le business dans la discrétion habituelle. Le cabinet ne faisant pas encore d’énormes bénéfices j’ai donc besoin qu’elle nous maintienne à flot pendant un moment encore.

Mais aujourd’hui plus que les autres jours, je n’ai pas la tête à travailler. Ariel vient de m’informer que notre père a fait un malaise au bureau et a été conduit d’urgence à la polyclinique les cocotiers. Encore un malaise. Son état de santé nous laisse tous perplexes. A commencer par ma mère qui ne sait plus où donner de la tête.

Mon père, de toute sa vie n’a jamais été vraiment malade. Sportif, il est très bien portant pour un homme de son âge. Il ne souffre ni de diabète, ni d’hypertension, à moins qu’il nous ait caché des soucis de santé. Mais depuis quelques mois, il enchaîne des malaises inexplicables. C’est déjà la quatrième fois qu’on se précipite ainsi tous à l’hôpital.

-         Que disent les médecins cette fois ?

Ariel me prend par le bras pour m’éloigner de maman avant de répondre. Nous sommes rejoints par Stéphane.

-         Le médecin lui-même ne comprend plus rien. Tantôt il présente des signes d’hypertension, tantôt d’insuffisance rénale ou parfois il fait penser à des problèmes cardiaques. Et comme d’habitude les analyses ne montrent jamais rien.

-         Ils ont exploré la piste du cancer ?

-         Cancer ? il a une vie plutôt saine non ?

-         Mais on ne sait jamais. Le cancer ne prévient pas non ?

-         C’est vrai. Et il perd de plus en plus de poids

-         J’espère que ce n’est pas l’autre maladie-là…

Ariel et moi nous tournons choqués vers lui

-         Tu penses à quoi là ?

-         Ce n’est qu’une hypothèse

-         Va au bout de ton idée

-         Sida

-         Noooon !

-         Je suis encore plus formel que Romain, c’est non. Je suis celui qui passe le plus de temps avec lui. Même si beaucoup de femmes lui tournent autour c’est impossible qu’il ne sorte pas couvert

-         Ok. Si tu le dis. Qu’est-ce qu’on fait maintenant ?

-         Je vais parler de la piste du cancer au médecin pour qu’il fasse des examens dans ce sens. Rejoignez maman en attendant

 

Finalement, Stéphane est contraint de retourner au boulot. Je vais m’asseoir près de ma mère que je trouve bien silencieuse.

-         (l’enlaçant) ne t’inquiètes pas trop. Ils vont trouver ce qui ne va pas

-         J’en doute

-         Pourquoi est tu si pessimiste ?

-         Ça fait combien de mois qu’on fait le tour des hôpitaux en vain Romain ? je connais ton père depuis très longtemps. Et je peux t’assurer qu’il n’a jamais rien eu de plus grave que le palu. Alors…

Sa voix se brise et elle laisse échapper quelques larmes avant de se moucher. Je me sens impuissant devant sa peine

-         Tu n’as pas une idée de ce qui pourrait être la cause de son état ?

-         Une idée ? ça veut dire quoi ? tu insinues que j’ai rendu ton père malade ?

-         (surpris par sa réaction) comment peux-tu dire ça ? on essaie tous de comprendre ce qui lui arrive. Même les médecins. C’est toi qui vis avec lui. Tu as peut-être vu ou remarqué quelque chose qui pourrait nous aider

-         (reniflant) je ne sais pas

-         Quand a-t-il commencé à se sentir mal ?

-         Environ un mois après son retour de France

-         De France ? papa n’est plus allé en France depuis un bon moment. Peut-être même avant mon mariage

-         Comment ?

-         Si, je t’assure

-         Tu dois te tromper. Il y était quand je suis allée à Libreville

-         Non. Il est allé en Suisse. Il a envoyé Ariel le représenter en France

-         Qui parle de moi ?

-         (se tournant vers lui) ton père n’est pas allé en France il y a six mois environ ?

-         Non. J’y suis allé à sa place. Il est allé en Suisse. Pourquoi ?

-         Maman pensait qu’il avait pu être contaminé par quelque chose pendant son séjour

-         Il n’y est pas allé. Il voulait te préparer une surprise en Suisse. Une espèce d’escapade en amoureux. Je suppose que c’est à cause de sa santé qu’il n’en a plus fait cas

 

Ma Caro

Je me jette sur mon lit et laisse libre cours à ma panique après m’être assurée que ma porte est bien fermée. Je rentre de la clinique où ils ont décidé de garder Alban pour quelques jours. Je fouille fébrilement mon sac à main pour en sortir mon téléphone et composer pour la énième fois depuis trois mois le même numéro.

-         Indisponible !!! in-dis-po-ni-ble !!!!? encore !

J’ai envie d’envoyer le téléphone valser contre le mur mais je n’ose pas. C’est ma seule chance d’arrêter ce qui est en train de se passer. J’ai essayé en vain de joindre ce marabout que j’ai été voir à Lambaréné. Et c’est là que je me suis souvenue avoir supprimé son numéro de mon téléphone une fois rentrée à Cotonou. Comme j’ai été idiote !

En fouillant ma valise, j’étais tombée sur le numéro de Manuel, le petit qui m’avait indiqué celui qui m’avait emmenée là-bas. Mais c’est comme si le mauvais sort s’acharnait sur moi. Le numéro restait obstinément indisponible. Mon seul recours reste Jeannette. Mais j’ai trop peur de l’appeler et de lui avouer ce que j’avais fait. Trop peur de reconnaître que je me suis peut-être faite avoir.

Je suis tirée de mes pensées par des coups frappés à ma porte.

-         C’est qui ?

-         Ma Caro, tonton Ariel demande de venir au salon

-         J’arrive

J’échange ma tenue de ville contre un bomba et me débarbouille avant de me rendre au salon. J’ai la désagréable surprise de tomber sur les frères d’Alban : Gisèle, Martine et Etienne. J’avais déjà oublié que je leur avais demandé de venir. Après les salutations d’usage, je rentre dans le vif du sujet.

-         Normalement, j’aurais dû passer vous voir. Mais vu la situation j’étais obligée de procéder de la sorte

-         Qu’est ce qui ne va pas ? et d’ailleurs où est Alban ?

-         C’est lui le sujet de cette réunion. Il est souffrant et hospitalisé depuis ce matin

-         Pour que tu nous fasses venir pour nous le dire, je suppose que c’est grave ?

-         Nous ne savons pas encore. Mais j’ai jugé important de vous informer. Il y a plusieurs mois qu’il a commencé à avoir de petits soucis de santé. Mais chaque fois, après un petit séjour à l’hôpital, ça passe. Mais cette fois, les docteurs semblent plus inquiets

-         Et depuis tout ce temps, c’est maintenant que tu nous informes ?

-         Gisèle, je ne voulais pas vous alarmer

-         C’est ça. Tu voulais plutôt t’assurer que personne ne t’empêcheras de faire ce que tu veux

-         Gisèle, arrêtes ça immédiatement intervient Etienne. Il est dans quel hôpital

-         Clinique les cocotiers

-         Vu l’heure, les visites sont certainement terminées. Demain nous irons lui rendre visite. Merci pour l’information Ma Caro.

-         C’est normal. Vous êtes la famille

 

Je prends congé d’eux en m’efforçant d’ignorer les messes basses des deux sœurs. Je dine rapidement avec Ariel avant de le raccompagner à son tour. Et comme c’est le cas chaque fois que je me retrouve seule, je relance le numéro de Manuel. Indisponible une fois encore. Je fais un message à Jeannette pour l’informer de l’état de mon mari avant de me coucher dans le noir. Mon Dieu, qu’ai-je fait ?

Quand je suis rentrée de Libreville, j’étais persuadée qu’il rentrait d’un séjour chez sa Dominique. Mais malgré moi, les conseils de Jeannette avaient fait leur chemin. Même si je ne voulais pas encore en parler, j’avais décidé de ne plus rien lui faire. Seulement il s’était remis à parler de voyage en Suisse. Bien qu’il m’ait dit qu’on irait ensemble, ma jalousie avait repris le dessus. Je ne le croyais pas. Je pensais que c’était un prétexte pour me sortir au dernier moment qu’on ne pourrait plus y aller ensemble. Ou encore un moyen de me tenir occupée là pour aller se vautrer chez sa Dominique. Et mes vieux démons étaient revenus me hanter.

Le lendemain à la première heure, je suis au chevet de mon mari. Il semble si frais qu’on ne croirait pas que quelques heures plus tôt il était quasiment inconscient.

-         Comment va madame Gbedji

-         C’est plutôt à toi qu’on devrait poser cette question. Tu nous as bien fait peur hier

-         (essayant de rire) c’est parce que vos cœurs sont trop fragiles

-         C’est ça. Tu devrais te recoucher. Tu as déjà pris ton petit-déjeuner ?

-         Oui. Gisèle s’en est chargée

-         Gisèle ? il est à peine huit heures. A quel moment… ?

-         Martine et elle sont passées ici très tôt. En sortant de la messe du matin. Et c’est mieux ainsi. J’imagine qu’elles t’ont fait des histoires hier ?

-         C’est oublié. Le plus important, c’est que tu te rétablisses

-         Tu as raison. Elles sont convaincues que ma maladie n’est pas naturelle

-         (le cœur battant) ce n’est pas surprenant. Tes sœurs voient le mal partout. Même pour les maux de tête, elles accusent le diable

-         Elles n’ont peut-être pas tort cette fois

-         (totalement paniquée : il sait, mon Dieu, il sait !) tu le dis sérieusement ?

-         Honnêtement, je ne sais pas. Je n’ai jamais été vraiment malade. Et le fait est que je me sens réellement mal mais la médecine ne trouve rien

-         C’est peut-être parce qu’ils ne t’ont pas fait les examens qu’il faut. On pourrait peut-être aller ailleurs…

-         Ou tout simplement aller voir qui m’en veut

-         Je ne crois pas à ces choses. Toi non plus d’ailleurs. Qu’est-ce qu’elles t’ont dit qui te met dans cet état ? elles ont un nom ? tu penses à quelqu’un en particulier ?

-         J’ai toujours eu beaucoup d’ennemis et tu le sais

-         Justement. Inutile de chercher qui se cache derrière. Encore que je pense que c’est tout simplement l’âge qui te joue des tours. Cherchons plutôt comment te guérir. D’accord ?

-         Tu as raison. Je me donne encore quelques semaines pour décider

 

Quelques heures plus tard, les résultats des examens tombent. Une fois encore, son bilan est nickel. Tout le monde en est surpris et aussi soulagé puisqu’il a vraiment bonne mine. Tout le monde sauf moi. Parce que ces montagnes russes que son état nous fait vivre m’inquiètent. Et je l’ai échappé belle ce matin avec cette idée que lui ont mis ses sœurs en tête. Si jamais ils mettent pied chez l’un de leurs charlatans, c’en est fait de moi. Depuis mon voyage, j’ai la preuve qu’en matière de mystique, ces béninois ne blaguent pas. Qui va me sauver de leurs mains ?

 

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