L'ombre des débuts
Write by Nobody
Dalila passa une main dans ses cheveux, jouant nerveusement avec une mèche, son regard perdu dans le vide. Soraya, assise en face d’elle, observait avec attention. L’atmosphère dans le cabinet était plus pesante que d’habitude. Ce silence qui s’installait entre elles, loin d’être inconfortable, semblait chargé de sous-entendus, comme si Dalila hésitait à franchir une nouvelle étape.
– « Parle-moi de Laura », murmura Soraya, rompant enfin le silence.
Dalila sursauta légèrement à cette mention. Elles étaient encore de parler de Vicky, elle n'avait pas fait sa conclusion sur cet épisode marquant de sa vie. Ce changement brusque de sujet la surpris mais un sourire amer effleura ses lèvres alors qu’elle croisait les jambes, ajustant machinalement la position de son fauteuil.
– « Laura… » répéta-t-elle doucement, comme si le nom avait un goût étrange sur sa langue. « Je suppose qu’elle a été un personnage important dans ma vie, à une époque. Une amie proche, peut-être même trop proche. »
Elle inspira profondément et poursuivit.
– « Amid l’adorait. Ils étaient si… naturels ensemble. Elle était l’une des rares personnes qui pouvaient le faire rire aux éclats. »
Soraya hocha doucement la tête, son crayon glissant sur le papier.
– « Raconte-moi un souvenir que vous avez partagé tous les trois. Un moment marquant. »
Un sourire fugace éclaira le visage de Dalila avant qu’elle ne s’efface rapidement.
– « Je me souviens d’un après-midi à la plage… »
Flashback : un été en bord de mer
Le soleil éclaboussait la mer de ses reflets dorés, et les vagues venaient s’échouer sur le sable chaud dans une danse apaisante. Dalila, Amid et Laura étaient allongés sur des serviettes de plage, les rires de Laura flottant dans l’air comme une douce mélodie. Amid avait proposé cette sortie, insistant sur le besoin de « déconnecter » pour une journée.
Laura, en maillot de bain rouge, racontait une anecdote hilarante sur son travail, ses mains gesticulant avec enthousiasme. Amid, allongé sur le dos, riait de bon cœur, ses lunettes de soleil masquant la moitié de son visage. Dalila, elle, observait la scène avec un sourire léger, mais son esprit s’attardait sur une sensation étrange, un malaise qu’elle ne pouvait nommer.
– « Je te jure, Amid, tu serais parfait dans mon bureau », plaisanta Laura en lui lançant un coquillage.
Amid attrapa le projectile avec agilité et le fit tourner entre ses doigts.
– « Je préfère rester en dehors de tes embrouilles professionnelles », répondit-il en riant. Puis, son ton changea subtilement. « Tu sais, Laura, il y a des moments où il faut apprendre à… se taire. Certaines choses ne doivent pas être dites. »
La remarque, bien que formulée sur un ton léger, fit naître un bref silence. Laura, un peu déconcertée, haussa un sourcil mais n’insista pas.
Dalila fronça les sourcils. Ce n’était pas tant les mots d’Amid qui l’avaient troublée, mais le regard qu’il avait posé sur Laura en les disant. Quelque chose dans ses yeux, un éclat presque imperceptible, la mit mal à l’aise.
L’après-midi continua néanmoins sans heurts. Laura et Amid se mirent à construire un château de sable, plaisantant comme deux enfants, tandis que Dalila s’éloignait un peu pour marcher le long du rivage, perdue dans ses pensées.
Retour au cabinet de Soraya
– « Il y avait quelque chose d’étrange ce jour-là », admit Dalila, son regard se fixant sur le mur derrière Soraya. « Je ne saurais pas dire quoi exactement, mais Amid… Il avait un côté que je ne comprenais pas toujours. Un côté que Laura semblait éveiller chez lui. »
Soraya hocha la tête, ses traits demeurant neutres.
– « As-tu déjà eu l’impression que leur relation dépassait celle d’une simple amitié ? »
Dalila secoua la tête avec conviction.
– « Non, pas dans ce sens-là. Mais il y avait une… dynamique entre eux. Laura était si lumineuse, si pleine de vie. Amid était attiré par ça, comme un papillon vers une flamme. Et moi… » Elle s’interrompit, cherchant ses mots. « Moi, j’étais juste là. »
Soraya nota quelque chose dans son carnet avant de lever les yeux.
– « Et toi, Dalila, comment te sentais-tu dans ces moments ? »
Un silence s’installa à nouveau, mais cette fois, il était empreint d’émotions palpables.
– « J’étais en colère, parfois », murmura Dalila. « Pas contre eux, mais contre moi-même. Je me demandais si j’étais assez. Je n'avais pas leur humour si unique et malgré tous les efforts de Amid pour ne jamais me laisser en dehors d'une conversation j'avais du mal des fois à suivre, ils devaient sans cesse m'expliquer des blagues ce qui enlevait tout le charme justement de la blague. Plusieurs fois Amid m'a demandé de lacher prise, après c'était lui et une de mes amies proches, je pouvais et je devais être moi-même mais malheureusement je n'y arrivais pas. Tu me connais So, je suis très très renfermée, tout l'inverse de mon fiancé »
Un sourire triste flotta sur ses lèvres.
– « Laura était mon amie. Amid était mon mari. Mais ensemble… ils formaient quelque chose que je ne pouvais jamais vraiment comprendre. Mais je te garantis que ça n'a jamais été ambigu, j'étais juste un peu triste de ne pas avoir ce coté folle pour faire la paire avec l'homme rationnel mais délirant quand il fallait qu'était mon chéri»
En finissant, un nouveau souvenir s'imposa à elle.
Quelques semaines après cet après-midi à la plage, Dalila avait invité Laura à dîner chez elle et Amid. C’était une soirée informelle, sans prétention, où chacun devait simplement profiter de la compagnie de l’autre. Laura était arrivée avec une bouteille de vin rouge et son éternelle bonne humeur.
Ils étaient tous les trois installés dans le salon, les assiettes vides posées sur la table basse. Amid racontait une histoire de son travail, et Laura riait aux éclats, ses yeux brillants d’admiration. Dalila les regardait, un verre de vin à la main, ses pensées s’égarant.
– « Dalila, tu ne dis rien ? » lança Laura, brisant sa rêverie.
Elle sursauta légèrement avant de sourire, gênée.
– « Désolée, je pensais à autre chose », répondit-elle.
Amid la dévisagea un instant, son sourire s’effaçant. Ses yeux, habituellement si chaleureux, étaient devenus froids, presque analytiques. Dalila détourna le regard, mal à l’aise.
Plus tard, alors que Laura s’était éclipsée dans la salle de bain, Amid s’approcha de Dalila.
– « Tu devrais faire un effort avec elle chérie, tu sais qu'on en a déjà discuté », murmura-t-il.
– « Un effort ? » répéta Dalila, les sourcils froncés. « C’est mon amie, Amid. Pourquoi dis-tu ça ? »
Il haussa les épaules, un sourire énigmatique aux lèvres.
– « Elle a besoin de se sentir à l’aise ici. C’est important. Quand je me comporte mal avec nos invités tu me le fais remarquer et j'ajuste immédiatement mon comportement tu le sais, ce n'est pas la première fois que tu ne participes pas à nos conversations. Je suis obligé de trop en faire et de tout le temps discuter avec elle pour ne pas que l'atmosphère devienne pesante, mais ça me fatigue aussi de faire la conversation tout le temps chérie, fais un effort »
Dalila n’insista pas, mais cette remarque la hantait.
– « Après cette soirée, j’ai commencé à voir les choses différemment », admit Dalila, son regard fixé sur le sol. « Laura était toujours aussi gentille avec moi, mais j’avais l’impression qu’il y avait quelque chose que je ne comprenais pas. Une sorte de… complicité entre elle et Amid qui m’échappait. »
Soraya prit une profonde inspiration, choisissant ses mots avec soin.
– « Penses-tu qu’Amid te cachait quelque chose ? »
Dalila haussa les épaules, un éclat d’émotion traversant ses yeux.
– « Je ne sais pas. Peut-être. Ou peut-être que c’est moi qui me fais des idées. Je me suis toujours sentie… inadéquate. Comme si je n’étais jamais assez pour lui. »
Soraya posa son carnet sur ses genoux, rompant légèrement son rôle d’observatrice.
– « Dalila, cette impression d’inadéquation, penses-tu qu’elle vient de toi, ou des attentes qu’Amid plaçait sur toi ? »
Cette question sembla déstabiliser Dalila. Elle ouvrit la bouche, mais aucun son n’en sortit. Finalement, elle secoua la tête.
– « Je ne sais pas, Soraya. Je ne sais plus. »
Pendant ce temps, Jimmy, plongé dans ses dossiers, examinait une série de messages retrouvés sur le téléphone d’une des victimes, Lisa. Parmi eux, un nom revenait souvent : Linda.
– « Linda… Qui es-tu, et quel est ton lien avec tout ça ? » marmonna-t-il pour lui-même.
Il parcourut rapidement les informations disponibles sur cette femme. Une ancienne collègue de Lisa, apparemment sans histoire, mais les détails de sa vie restaient flous. Jimmy fit une demande pour interroger Linda, espérant que cela débloquerait une partie de l’enquête.