Mes soeurs et mon ange
Write by Kossilate
Chapitre huit : Mes sœurs et mon ange
- Phoebe calme toi, sinon je risque de t'emmener à l'hôpital.
- …….
-
- Tati Joss, vient voir ta fille et parle lui. Elle est entrain de danser comme un éléphant devant une fourmi.
- Hein !! Ne pus-je m'empêcher de demander devant cette illustration totalement ridicule de Grâce.
-
- Parce que ça la tu as entendu keh, répondit le docteur en me souriant dans son siège.
- …….
- Grâce arrête de te comporter comme une enfant et d'embêter la fille, cria Tati Joss depuis la pièce d'à côté.
-
- Pardon viens la voir s'agiter et tu vas comprendre. En tout cas, si l'enfant est prématuré je ne vais même pas réfléchir avant de te dire « je te l'avais dit ». En plus…….
-
- Grâce…, hurla encore Tati Joss tandis que j'étais morte de rire devant le scénario du docteur.
Même si elle exagérait un peu, je reconnais que j'étais stressée et que sa tirade à au moins eu le mérite de me dérider.
Deux mois s'étaient écoulés entre cette scène et la réunion qui avait eu lieu dans le bureau de Tati. Entre temps, j'avais commencé à suivre mes cours de français avec une jeune femme du nom de Rachel. Mon vocabulaire a évolué et même si je comprenais plus que je ne parlais, c'était déjà un grand pas en avant par rapport à ma situation le mois passé. Concernant mon bébé, il grandissait lentement mais sûrement. J'étais dans mon septième mois de grossesse et j'avais décliné l'offre de Grâce pour connaître le sexe de mon enfant. Je voulais en avoir la surprise. Grace aux ressources du centre, j'avais déjà pu préparer la layette de mon enfant et plus les jours passaient plus j'étais excitée à l'idée de rencontrer ce petit être. Toutefois ce n'était pas la raison de mon agitation ce jour là. Outre m'aidée pour le bébé, le docteur m'aidait aussi à retrouver mes sœurs et son neveu Mickaël qui était chargé de les ramener, l'avait averti qu'ils seraient là aujourd’hui.
Au départ, mes sœurs n'ont pas voulu suivre Mickaël car elles ne le connaissaient pas. Quoi de plus normal. Il a donc fallu que je les appelle pour leur demander de suivre le jeune homme.
- Allo.
- …….
- Adouni ? Abeni ?
- ……..
- …..
- Aunty1 Phoebe….. ? Murmura en anglais une voix hésitante que je reconnus comme étant celle d’Adouni.
- Petite sœur…..
- Tu es où ? Qu'est ce qui t'es arrivée ? On a essayé de te retrouver….
- Calme-toi Adouni, dis-je en essayant de calmer le début d’hystérie de ma sœur et le tremblement de ma propre voix.
- ……
- Et Abeni ?? Elle est à côté….elle t'entends.
- Aunty….appela alors la voix de ma deuxième sœur.
- Abeni…..
- Oui……
- Je veux que vous m'écoutiez et que vous suiviez ce jeune homme, dis je en me rappelant de la réelle raison de mon appel
- …….
- Je sais que vous avez plein de questions à me poser et plein de choses à me raconter mais vous devez quitter cet endroit.
- …..
- Je suis désolée que vous ayez eu à vous débrouillez seules depuis plus d'un an mais je suis la maintenant et compte reprendre mon rôle de sœur. Je vous demande donc de suivre Mickaël.
- Papa ??….dit Abeni d'une faible voix.
- Depuis combien de temps ne l'avez-vous pas vu ? Demandai je aux jumelles malgré que je devinais la réponse.
- ……
- On ne l’a pas vu depuis plus d'un mois
- Mes chéries, vous êtes ma priorité. Lorsque vous serez en sécurité on parlera du cas de papa. Mais je ne compte pas vous laissez seules dans cette maison et prendre le risque qu'il vous arrive du mal.
Je parlai ce jour-là pendant près d'une heure avec mes sœurs pour calmer leurs craintes et les décider à suivre Mickaël. Entre les courses de Mickaël à Lagos et la préparation de toutes nos affaires, quelques trois jours s'écoulèrent avant que le neveu de Grâce ne nous rappelle pour annoncer leur future arrivée.
Depuis je suis dans un état de stress indescriptible. Je suis même allée à l'église pour essayer de me calmer. Trois jours plus tôt, le faire d'être derrière un téléphone m'avait aidé à appréhender les choses comme il fallait et à parler avec mes sœurs. Je doutais donc de pouvoir rester calme lorsqu'on se retrouverai face à face et donc de pouvoir rejouer mon rôle de sœur. Tati Joss sembla le sentir à travers mon sourire crispé lorsqu'elle rentra dans la pièce où Grace et moi attendions les filles. C'était l'une des pièces communes du centre mais pour l'occasion, elle avait été libérée juste pour nous.
- Grâce a raison Phoebe. T'excitée ainsi n'est pas bon pour ton bébé.
- Je sais mais…
- Tu as peur de ne pas être à la hauteur, finis Tati Joss à ma place.
- …….
- D'après ce que tu nous à raconter, tu étais celle qui prenait de tes sœurs à la mort de ta mère…..
- Mais depuis il s'est passé des choses…..
- Oui mais prendre soin de ceux qu'on aime est comme le vélo…ça ne s'oublie pas. Mieux c'est carrément inné et de ce que tu m'as dit tu as ça en toi.
- .......
- ….….
- ..…..
- Elles ont grandi, finis je par murmurer.
- ……
- Elles ont grandi sans moi.
- Oui. À toi de savoir de trouver le bon ton. Mais peu importe ce que tu feras tu t'en sortiras.
- ….Grâce, il y'a quelqu'un qui vous cherche, dit Richelle l'une des autres pensionnaires du centre, en entrant dans la salle.
- Oh.. merci Richelle, répondit Grâce en se levant.
- Je pense que ça y est….
- ….…..
Tandis que Grace sortait de la salle sur les pas de Richelle, je sentis mon cœur qui s'était calmé, battre de plus belle. Un regard de Tati Joss, m'aida à reprendre le contrôle de mes émotions. Je tentai sans vraiment y croire, de me convaincre que céder à la panique n'aurait pas un bon effet sur mes sœurs qui avaient besoin d'être rassurées.
Quand j'y repense aujourd'hui, je ne trouve que plus de raison de prier pour le repos de l'âme de Tati Joss. Sans la présence de cette vielle femme, ses sourires et ses regards, je serai tombée dans les pommes tellement mon rythme cardiaque semblait vouloir me conduire à une tachycardie. De plus, le temps semblait passer avec une lenteur infinie. Maintenant je peux vous dire qu'il ne s'est pas écoulé plus de quinze minutes entre la sortie de Grace et l'entrée des jumelles, mais vous m'auriez cette question à cette époque que je vous aurai dit que Grace était sortie depuis des heures.
Lorsque je vis mes sœurs finalement entrées dans la pièce, mon cœur rata un battement. Je me rendis compte que j’en étais presque venue à publier à quel point elles se ressemblaient, et mieux, à quel point elles ressemblaient à notre mère. À mon départ de la maison, j'avais laissé deux filles en proie à des changements hormonaux mais devant moi se tenaient de très belles jeunes femmes. Elles étaient devenues très belles et ce qu'elles avaient vécu pendant ces mois de séparation avait laissé une trace de maturité sur leur visage, les rendant plus grandes qu'elles ne l'étaient en réalité
- Aunty Phoebe, chuchota Adouni sur le pas de la porte.
Ne sachant pas quoi faire, je me contentai d'entrouvrir mes bras et à mon plus grand étonnement mes sœurs s'y précipitèrent et m’étreignirent du mieux que le leur permettait mon gros ventre. Dans cette étreinte chacune recherchaient un truc différent. Mes sœurs voulaient retrouver la présence de leur sœur et moi l'assurance de pouvoir être à la hauteur pour ces anges. Mais on y trouva toutes une chose beaucoup plus grande : la sécurité d'une famille.
- On va vous laissez. Je pense que vous avez beaucoup de choses à rattraper, dis Grâce me ramenant à la réalité.
- Oh…, dis je en clignant des yeux pour chasser les larmes qui s'y précipitaient.
- …..
- Attendez que je vous présente d'abord.
- Grâce, Tati Joss, je vous présente mes sœurs Abeni et Adouni. Adouni et Abeni, voici Grâce et Tati Joss, les deux femmes Grace à qui nous sommes ici entrain de nous chialer dessus, ajoutait je provoquant le rire de tout le monde.
- Enchantée les filles, répondis Tati joss.
- Enchantée mais…..qui est Abeni et qui est Adouni.
- Et la fille ci est trop sauvage. Tu ne peux pas juste dire enchantée et me suivre.
- Ah pardon laisse ça….
- Krkrkr. Les filles ne vous en faites pas, elles sont toujours comme ça, dis je en faisant un clin d'œil à mes sœurs
- Ekié…si on ne peut plus poser de question, où va le monde ??
Heureusement, Tati Joss tira sa nièce interrompant ainsi sa tirade. Je compris plus tard que ce petit cinéma était dans le but de détendre mes sœurs et moi-même et cela réussit assez bien. Ce fut dans une atmosphère dénudée de stress et de peur que nous primes place autour de la table.
- …….
- …….
- J'ai appris que vous aviez eu votre bepc…..
- Oui…
- Je suis très fière de vous. Vous avez su faire la part des choses….
- C'est parce que tu as payé tous nos frais de scolarité avant que ……., commença Adouni.
- …….
- ……..
- Mickaël a dit à sa tante que vous travailliez pour vous économisez en vue de la seconde…
- Oui. Une de tes amies est venue nous voir il y a cinq mois et nous a aidés à trouver du travail dans un bar-restaurant.
- Laquelle ? Demandai-je en fronçant les sourcils.
- Je ne me souviens plus très bien de son nom. Ça devait être kara ou Kiara…..je ne sais plus trop répondit Abeni timidement.
Lorsque j'entendis ce nom mon cœur fit un bond. Kira…..
- Kira ???
- Oui voilà.
- Elle est venue quelques temps après les résultats du bepc. Papa avait replongé dans son délire alcoolique et disparaissait de la maison comme par magie.
- ……
- Il ne nous a jamais dit pourquoi tu avais disparu mais on a fini par comprendre ce qui t'es arrivé……les hommes saoulés aiment beaucoup parler…..
- Oh, fis-je ne sachant pas quoi dire.
- Il a essayé de te retrouver mais il a lamentablement échoué pour mieux sombrer dans l'alcool, finis Abeni dans un murmure
- Je suis désolée les filles. J'aurai du me battre pour rester……pour vous….pour nous….mais j'étais trop sage ou trop timide ou juste trop faible…
- ….
- Mais je compte bien me rattraper maintenant que je vous ai retrouvé.
- Nous aussi on compte te coller comme jamais.
- Quand on est rentré à la maison ce jour là et qu'on a trouvé la maison sans dessus dessous, papa à moitié noyer dans son alcool et sa bave et toi qui n'étais pas présente, on a cru que le ciel nous tombais dessus, commença Adouni qui s'était tu jusque là.
- ….…..
- Depuis la mort de maman tu as tout fait pour qu'on ne ressente pas son absence. Tu as d'ailleurs tellement réussi dans cette mission que le jour où tu as disparu on a non seulement ressenti ton absence mais aussi celui de maman.
Ne pouvant en supporter davantage je me levai et pris mes sœurs dans mes bras. Ce soir là, elles dormirent avec moi et on profita pour rattrapez le temps perdu, pour « taper les divers » et faire « les congossas » comme dise les camerounais. Au départ, j'eus beaucoup de mal à leur confier ce qui m'était arrivé. Je semblais vouloir les protéger de la noirceur de mon histoire mais très vite je compris que ce n'était pas la bonne façon de faire et que je n'avais pas le monopole de la souffrance dans cette situation. Elles avaient eu aussi leur lot de malheurs et de difficultés. En effet, si notre père ne les avait pas vendues, c'était parce qu'il était tout le temps saoul pour que quelqu'un lui prêtre de l'argent et pour qu'une situation semblable à la mienne se reproduise. Toutefois, cela ne les a pas sauvées de tous ces abus verbaux et de tous ses coups dans ses mots de folie alcoolique.
La semaine de la venue des filles fut chargée en émotions et en courses. Nous devions les installés au foyer de l'amie de Grâce, qui se trouvait à dix minutes de marche du centre où j'étais hébergée. J'avais finalement compris que cette mesure avait été prise pour éviter toutes tensions dans le centre ou certaines pensionnaires me traitaient déjà de favorite de Tati Joss. Lorsque l'effervescence de cette semaine fut passée et que mes sœurs commencèrent leurs cours de français, je pus faire une chose qui me démangeait depuis un certain temps.
- Allo….Kira ?, dis je lorsque la personne au bout du fil fini par décrocher
- …..Qui est ce ? demanda t elle une voix méfiante.
- Ne me dis pas que tu m'as déjà oubliée l'aïeul…..
- Phoebe ????
- Oui, répondis je dans un souffle.
- ...….
- …….
- C'est bien toi Phoebe ? Demanda t elle en reniflant.
- Je t'ai tellement manqué que tu pleures déjà ? Dis je en essayant de retenir mes propres larmes.
- Snif….snif…où es tu ?? Je n'ai plus eu de nouvelle. Mon contact m’a dit que tu avais quitté Adjashè2 mais qu'il ne savait pas où tu étais maintenant.
- Ah Kira. Tu ne me croiras pas quand je te raconterai ce qui m'est arrivée.
- Avec toi….je m'attends à tout. Commence seulement, je me charge d'écouter
- Krkrkr…..après dis-moi que tu n'aimes pas les affairages.
- Hé pardon les unités passent. Parle vite.
Ce jour là je fis part à Kira de tout ce qui m'était arrivé depuis mon départ de Lagos. Je lui parlai de Sylvain, de ma rencontre avec Grâce, des cours de français, des coups de mon bébé et je finis avec les nouvelles de mes sœurs.
- Oh…, fit-elle lorsque j'abordai ce dernier sujet.
- …..
- ……
- Tu veux que je te tire les vers du nez ou tu vas m'en parler, dis je ironiquement en attendant qu'elle m'explique comment j’avais retrouvé mes sœurs.
- Eh bien…..
- Kira, toi-même tu l'as dit le crédit passe alors parle. Je sais déjà que c'est toi qui est venue en aide à mes sœurs. Je veux juste savoir comment cela s'est passé
- ………
- ..…..
- Apres que tu sois partie. Je me suis rendue compte que le créancier de ton père ayant perdu sa source de revenue, c’est-à-dire toi, pourrait essayer d'acheter une de tes sœurs. Tu sais en Afrique il y a un proverbe qui dit « Qui bois, boira »
- ...….
- J'étais donc convaincu que si je n'agissais pas, l'une de tes sœurs voir les deux, viendrait bientôt te remplacer au boudoir et si cela advenait tu aurais été brisé. J'ai donc demandé à Charlie de suivre le créancier de ton père un jour où il était de passage. C'était deux ou trois jours après ton départ. Madame k était furieuse et même si elle me soupçonnait, elle n'avait aucune preuve et s'est donc contentée de me faire travailler plus dure avec des clients plus pervers et malades les uns que les autres.
- Oh….Kira je suis désolée….
- Krkrkrkr..tu n'as pas à l'être ma chérie. Celle qui m'a vraiment fait du tord ne l'est pas alors ne le soit pas
- ……..
- Lorsque Charlie à trouver le quartier, il a fait des recherche pour retrouver tes sœurs. En Afrique tous le monde est parenté à tout le monde. Il ne lui as donc pas fallu beaucoup de temps pour les retrouver et nous mettre en contact. J'ai ainsi appris que depuis l'obtention de leur bepc un mois avant la venue de Charlie, elles survivaient grâce à la vente des produits de votre jardin mais c'était suffisant de justesse puisque votre père les dépouillait de leurs économies dès qu'ils le pouvaient….
- Pourquoi ne m'as-tu pas dit tout cela les rares fois où tu m'as appelée à Porto….
- Phoebe….qu'est ce que tu aurais pu faire ?? Tu ne pouvais pas retourner dans votre petit quartier au risque que le monsieur qui t'as « louée » à madame k ne te voit et ne te ramène à Lagos…..
- Mais j'aurai pu leur envoyer l'argent que je gagnais chez Aladja….
- Comment tu te serais alors occupée de ton enfant….
- ………
- Je suis désolée de t'avoir caché cela mais je ne voulais pas que tu t'inquiètes dans ton état. Surtout que je gérais déjà la situation. De plus je comptais les ramener avec moi lorsque je serai prête à partir
- ..……
- …..…..
- Merci Kira, murmurais-je du bout des lèvres.
- Depuis tu vas dis ça, on va finir avec l'histoire là et tu me mets des coups de pressions gratis au téléphone.
- Tu es trop sauvage la fille là, répondit je en sentant un sourire naître sur mes lèvre.
- Je sais
- Hmmm…..mais plus sérieusement, je te remercie vraiment. Par ce geste envers mes sœurs, tu leur as permis d'aspirer à un bien meilleur destin et je suis sure que la nature te rendra au centuple tout ce que tu as fait à ma famille.
- C'est plutôt moi qui remercie la providence de t'avoir mis sur ma route. Rencontrer ton innocence dans ce monde de dépravation m'a fait me rendre compte que moi aussi j'aspire à plus.
- J'en suis heureuse, mais je vais devoir raccrocher la fille qui parle quand le crédit veut finir là est entrain de me casser mes tympans.
- Kiakiakia. Je te rappellerai plus tard petite fille.
- Au revoir l’aïeul.
Quand je raccrochai, je pris quelques temps pour calmer mon esprit avant d'aller rendre son portable à Tati Joss. Après avoir récupérer le numéro de Kira chez les jumelles, je lui avais expliqué ce que j'avais appris et elle avait accepté me prêter son portable pour que j'appelle la jeune femme. Dans mon lit ce soir là, je me rendis compte à quel point j'avais grandi et étais devenue riche pendant ces quinze derniers mois. J'avais appris à compter sur moi, à me défendre et ne pas désespérer et surtout j'avais gagné bien plus que tout l'or du monde. J'avais désormais des personnes comme Kira prêtes à l'impossible pour me venir en aide.
Aunty1 : mot anglais qui veut dire tante mais qui est parfois utilisé par les yoruba, les nago et les ibo au même titre que le mot sœur.
Adjashè2 : il s'agit de l'un des nombreux noms de la ville de Porto-Novo. Il est en langue yoruba.