Partie 59 la douche froide

Write by labigsaphir

- Je ne sais pas, je ne sais pas, je ne sais pas, dis-je en mordant dans un croissant chaud.

- C'est la énième fois que tu le dis, fait maman en portant la tasse de thé à ses lèvres.

- J'ai l'impression de t'ennuyer avec mes problèmes, m'impatientai-je.

- Du tout, du tout, réplique-t-elle en enlevant une poussière imaginaire sur la nappe de la table.

- C'est l'impression que tu donnes ; j'ai l'impression que ça l'arrange un peu, elle pourra ainsi m'avoir pour elle toute seule.

- Les apparences sont parfois trompeuses, tu sais. As-tu des nouvelles d'Elric ? Demande-t-elle, passant du coq à l'âne.

- Maman, je te parle de ma mésaventure en Afrique du Sud et toi, tu demandes après Elric ?

- N'est-ce pas ton petit-ami ?

- Si.

- Bah, alors ?

- Maman, je te parle de ce qui me dérange ou me pèse, m'insurgeai-je en me redressant ; je suis vraiment dégouttée par son attitude.

- As-tu de ses nouvelles ?

- Non, aucune ; réflexion faite, c'est tout de même bizarre. Je me suis dit qu'il préférait peut-être se mettre au vert afin de régler son affaire avec Louhann. Mais ne rien me dire, ça fait tout de même bizarre.

Maman se lève avec sa tasse et se dirige vers l'évier, lave rapidement ladite tasse en ayant l'air de réfléchir. Elle se lave les mains, puis les essuie et se dirige vers la porte. Devant la porte, elle se ravise, revient vers moi et s'assied.

- Jen,

- Oui, maman, dis-je en faisant les petits yeux.

- Ce n'est pas drôle, se plaint-elle. Tu sais bien qu'il m'est difficile de te refuser quoi que ce soit, lorsque tu fais cette tête.

- Ha ha ha ha ha ha, fais-je pour cacher mon trouble ; elle arbore à cet instant, l'air des grandes occasions. Je sais que la discussion qui suivra, risquerait d'être épique.

- Jen, écoute-moi, s'il te plait.

- Tu as toute mon attention, maman.

- Je sais que ça été difficile, voire compliqué. Cela fait une semaine que tu es rentrée d'Afrique du Sud. Tu ne peux imaginer ma joie lorsque tu m'as appelée, me demandant de venir te chercher à l'aéroport. J'étais contente car j'allais te revoir, te serrer dans mes bras. Jen, je confesse, j'ai vraiment eu peur de te perdre, dit-elle les larmes aux yeux.

- Oh nooon, ma petite maman. Je t'aime et tu le sais.

- Merci, merci, mon bébé.

- Inutile de me dire merci, c'est tout naturel.

Je me lève et vais la prendre dans mes bras, elle se laisse faire. Je suis heureuse de la sentir aussi proche de moi. Je lui fais des bisous sur le front, elle ferme les yeux et savoure le moment. Nous nous détachons l'une de l'autre et chacune regagne sa place en reniflant.

- Ceci dit, il faut que tu saches vraiment ce que je pense.

- Ok.

- Je comprends que tu sois en colère. Je ne peux dire que je comprends vraiment ce que tu penses ou ressens ta colère, car c'est ton histoire. Tes émotions, je ne peux prétendre les ressentir car je ne les ai pas vécus. Je comprends que tu ais été perturbée, bouleversée par les récents évènements et même que tu en veuilles à Rustine.

- Huhum...Je lui en veux tellement, maman. Elle aurait pu me laisser à sa mère et continuer les études.

- C'est vrai.

- Elle a préféré m'abandonner à des inconnus, des inconnus. C'est inadmissible !

- Je comprends mais...

- Mais ...

- Nous t'avons inculqué certaines valeurs, Jen. Nous t'avons donné une certaine éducation mais ton récit me prouve malheureusement que nous avons échoué quelque part.

- Quoi ? M'exclamai-je abasourdie.

- Oui, Jen. Tu aurais pu montrer ton ressenti mais pas de cette façon car tu leurs as manqué de respect.

- Mais maman, essaie-t-elle en se redressant.

- Non, Jen, tu aurais pu montrer que tu n'es pas d'accord mais autrement.

- Mais...

- Tu leur as manqué de respect, Jen !

- Mais comment ?

- Je trouve que tu t'es arrogée le droit de juger comme si tu étais le bon Dieu.

- Mais maman !

Je me lève, me mets à arpenter la pièce durant quelques secondes, puis me tourne vers ma mère.

- Maman, n'as-tu pas entendu ce que je viens de te dire ?

- Tu baisses déjà le ton d'un cran, s'il te plait.

- Excuse-moi, maman.

- C'est déjà mieux et tu reviens t'assoir, tu finiras par me donner le tournis si tu continues ; je m'exécute sans broncher.

- Maman,

- Non, Jen. Bien que je te comprenne tu aurais pu t'exprimer autrement car j'en suis sure, tu as blessé ces deux femmes.

- Elles le méritent en même temps.

- Non. Que t'a fait ta grand-mère ?

- ...

- Jen, que t'a fait ta grand-mère pour que tu la traites de cette façon ?

- ...

- Voilà, c'est bien ce que je pensais. Elle a essayé d'apporter du réconfort à sa fille, comme le ferait toute mère.

- ...

- Tout comme Rustine, sa mère est choquée voire troublée par la suite des événements. Et vois-tu, je l'ai vraiment trouvée humble, car s'humilier comme elle l'a fait devant toi en pliant, pliant, il en faut. C'est dire qu'elle tenait vraiment à ce que vous réconciliez.

- ...

- Elle a mis son orgueil de côté, te demandant de donner une chance à sa fille et qu'as-tu fait ? Bien que tu lui ais demandé de se relever, tu as craché dessus et t'en es allée.

- Qu'aurait-il fallu que je fasse ?

- Que tu dises ne pas être prête, que tu as besoin de temps, je ne sais pas moi. Au lieu de faire cette sortie, j'aurais préféré que tu t'exprimes posément, poliment avant que tu ne t'en ailles.

- ...

- Je suis au regret de te dire que tu es sortie par la petite porte.

- Ok ; je serre les dents, déçue par ce que raconte ma mère.

- C'est vrai qu'elle aurait dû te laisser une chance en te laissant à tes grands-parents mais c'est la vie. Nous avons tous un passé, nous faisons tous des erreurs. Tu sais, nous avons tous au fond de nous, un regret même si nous n'en parlons jamais. Dans notre vie, nous avons tous fait une folie que nous regrettons.

- ...

- J'ai l'habitude de dire que la moralité peut être circonstancielle. Non, non, elle est circonstancielle et surtout, évolue dans le temps. Tu sais, tu sors un mot ou une action de ce contexte, cela ne voudrait plus rien dire. Je ne tiens pas à excuser son geste, que ce soit claire.

- Ok.

- Elle avait 16 ans à l'époque des faits et donc une gamine. J'insiste sur ce point, afin que tu le gardes dans un coin de ta mémoire. Rustine était précoce, hyper intelligente mais précoce. Elle n'était surement pas prête à être mère. Oui, il faudrait vraiment que tu le prennes en considération.

- ...

- Elle a surement préféré donné la possibilité à une autre personne, même si ce sont des inconnus, de te donner l'amour et l'affection qu'elle n'aurait pu te donner à ce moment-là. Vue de cette façon, je dirai qu'elle est loin d'être égoïste.

- Tu crois ?

- Oui, Jen, oui. Elle avait décidé d'accoucher sous X mais s'est ravisée à la dernière minute. Je comprends tout simplement qu'à un moment donné, elle a pensé pouvoir te retrouver ; elle n'a vraiment pas exclu cette possibilité.

- ...

- Jen, dis-toi qu'elle n'a pas exclu cette possibilité malgré son extrême jeunesse. Une fois bien assise, elle t'a cherchée. Ses parents et elle, ont mandé des détectives qui t'ont cherchée même si ce n'était pas dans le bon pays, mais elles l'ont quand même fait. C'est l'intention à mon humble avis, qui compte.

- ...

- Cette femme quoi qu'il arrive, t'a vraiment aimée et t'aime encore.

- Moi, non.

- Pour le moment, disons-le, pour le moment. Prends le temps qu'il faudra mais ne coupe pas le lien avec eux.

- Ok.

- Je ne le dis pas pour t'offusquer ou t'énerver. J'aurais pu te demander de couper tout contact avec eux, profitant d'une occasion pareille pour te bourrer la tête et te garder près de moi. Avoir deux familles, c'est comme avoir un père et une mère, d'origines différentes. Tu devrais voir tout ceci comme une richesse, une chance pour toi de connaitre certaines personnes, de t'édifier afin de pouvoir avancer dans la vie d'autant plus que vous aviez un bon feeling.

- C'est vrai, le reconnus-je tout de même.

- C'est tout ce que j'avais à te dire.

- Ok.

Elle me fait un bisou sur la joue et s'en va, me laissant dans un flou total. Je me lève, procède à un rapide ménage, puis sors de la cuisine en cogitant. En passant par le couloir menant à la chambre, je constate que papas est assis dans le petit salon. Je vais m'asseoir près de lui et sans un mot, il m'attire vers lui.

- Ah ma petite Jen, la vie est compliquée, dit-il tout simplement.

Je me blottis dans ses bras, nous regardons la télé durant deux heures et lorsque le film est terminé, il enlève tout simplement le son.

- Jen,

- Oui, papa. Ta mère et moi, ainsi que tes frères, t'aimons de tout notre cœur.

- Je n'en doute pas.

- Tu sais, parfois lorsqu'on est en colère, il est parfois bon et plus que conseillé de se taire et attendre que l'on puisse posément, sans monter dans les aigus avant de s'exprimer car la colère est mauvaise conseillère.

- Huhum.

- Il est facile de s'ériger en moralisateur, ma chère fille. Seulement, se mettre à la place des autres ou mieux, essayer de les comprendre, s'avère être un exercice de haute voltige. Il est plus que conseillé dans ce cas, de les écouter, remettre tout dans le contexte, afin de pouvoir analyser la situation à froid puis prendre une décision qui ne soit pas hâtive.

- Ok.

- Voilà le conseil que je peux t'offrir. J'espère qu'il t'aidera.

- Merci papa.

DEUX JOURS PLUS TARD...

Je gare devant l'immeuble, sors les bagages du coffre et monte en prenant tout mon temps. Je pose les pose devant la porte quelques minutes plus tard en respirant fort, épuisée par toutes les marches. Tout parait à sa place, pensai-je en balayant la pièce du regard. Je fais rentrer les bagages, encore fatiguée et jette els clés sur la table avant de tomber sur le canapé et finis par m'endormir.

Je me réveille quelques heures plus tard, me dirige vers la chambre. En passant devant le miroir, je constate qu'il y a une fine couche dessus. J'avance et recule car Elric ne laisserait jamais la poussière s'accumuler de cette façon. Je sors en courant me dirige vers le salon, allume la réglette et constate que la poussière est bel et bien sur les meubles : la table basse en passant par les chaises du coin « salle à manger ».

- Cela fait des jours qu'il n'est pas venu ici ou mieux, longtemps qu'il est parti d'ici.

Je repars vers les chambres et ouvre les portes de la penderie en grand. VIDE ! Les étagères de la penderie, du côté d'Elric sont bel et bien, vides ! Je crois devenir folle et m'exhorte au calme.

- Jen, respire, respire la bouche grande ouverte et ferme les yeux, s'il te plait.

Mon cœur se met à cogner dans ma poitrine, je suis obligée de m'asseoir sur le lit et mettre ma tête entre mes jambes, afin d'assécher les nausées qui montent. Quelques minutes plus tard, alors que le malaise est passé, je compose le numéro d'Oan et lance l'appel, indifférente à l'heure tardive.

- Non, je n'ai aucune nouvelle de lui. Il ne répond pas à mes appels ou sms.

Je raccroche après l'avoir remercié d'avoir décroché et me pose milles et une questions. Je compose son numéro, mais il ne répond pas et ne répond pas à mes sms...qui ne lui arrivent pratiquement pas. J'ai l'impression d'avoir été bloquée, c'est le choc. Je sens les larmes monter mais me calme et promets attendre demain afin de connaitre le fin mot de l'histoire et ouvrir les vannes. Je fais rapidement un sac et vais rejoindre Amicie, heureusement que son chéri n'est pas là. Elle me met au courant des derniers potins avant que je m'en dorme. Je sais qu'elle a des questions à me poser et lui en suis gré de ne pas le faire, respectant ainsi ma pudeur.

LE LENDEMAIN MATIN...

Il est 11h lorsque je me réveille, il n'y a plus personne dans la maison. Sur la table de la salle à manger, Amicie a laissé un message avec un double des clés. Je n'ai vraiment pas faim, fait un rapide ménage avant de m'en aller. Au lieu de rentrer chez moi, je décide sur un coup de tête, de faire un tour chez Louhann.

Je suis encore au feu à deux cent mètres du domicile de Louhann, lorsque j'aperçois un couple au loin. J'avance et manque de rentrer dans la voiture devant moi, en reconnaissant Louhann, Elric et leur enfant dans la poussette. Je décide de garer sur le bas-coté en voyant Elric rigoler à je ne sais quoi et prendre la main de Louhann. PANGALAN ! Mon cœur est en train de se briser et les larmes remplissent mes yeux.

- Pourquoi me fais-tu cela, Elric ? Pourquoi ? Que t'ai-je fait ?

J'éclate en sanglots et pose ma tête sur le volant, appuyant par mégarde sur le klaxon. Je vous laisse imaginer la suite.  


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