Stéphane MASSALA

Write by EdnaYamba

  

 


La garde est plutôt calme ce soir. Dans la salle des médecins, accompagné de Martin, mon collègue, je parcours le cahier des traitements ayant été administrés aux patients par ceux qu’on a remplacé à la garde. Il est impératif de suivre avec exactitude les doses recommandées par le Chef de Service au cours du staff. Néanmoins mon esprit ne peut s’empêcher de repenser Stéphane à l’évènement vécu quelques heures plutôt : La jeune fille dans la salle d’attente des consultations de gynéco. Elle m’avait troublé et Je n’ai pu oublier son visage. L’expression de ces beaux yeux en amande qui avaient rencontrés les miens. Il a fallu que je rappelle d’une commission urgente à faire pour le Docteur Raoul pour que je détache son regard d’elle. Quand je suis revenu, elle n’était déjà plus là…

-         Tu as l’air ailleurs Steph, constate Martin

-          Tu vas me trouver bête, mais je crois que j’ai laissé passer une chance aujourd’hui

Je referme le grand cahier des consignes.

-         Explique-toi !

-         Il y avait une jeune fille aujourd’hui, une patiente du Dr BEKALE, je ne sais pas j’ai senti comme un feeling entre nous !

-         Vous vous êtes parlé ? me demande-t-il

-         Non !

Martin éclate de rire. Mon histoire lui semble tellement digne d’un scenario de film.  Un coup de foudre, il n’arrive pas à le croire. Je regrette déjà de m’être confier à celui qui trouvera là, un moyen de me taquiner.

-          Type, tu es fou ! une fille à qui tu n’as pas parlé, tu dis que tu as senti un feeling entre vous ?

-         Laisse tomber !

-         Non, mais plus sérieusement, une patiente en gynéco ça peut être une femme mariée, une femme qui vient peut-être pour la procréation avec son conjoint …. Admets quand même que ton histoire de feeling là c’est improbable.

Martin n’a pas complètement tort. D’un point de vue extérieur, cette histoire est ridicule, mais je l’ai ressenti ce lien particulier quand nos regards se sont accrochés l’un à l’autre. C’est la première fois que ça se produit. J’ai reçu, au cours de mon parcours universitaire dans le domaine médical, des centaines de jeunes filles en consultation, plus belles les unes que les autres, mais je n’ai jamais ressenti aucune attirance physique ni connexion de ce type avec aucune d’elles. Je peux les apprécier comme tout jeune homme normalement constitué mais sans rien de plus. Par contre, aujourd’hui, avec cette fille, quelque chose de particulier s’était passé durant ce bref instant.

Je revois encore son beau visage mat, rond, ses yeux en amande, elle portait un maquillage discret et sur ses lèvres un rouge à lèvres rose pale. Qu’est-ce qu’elle était jolie ! Je me sens malchanceux de n’avoir pas pu échanger un mot avec elle. Maintenant, je ne la reverrais certainement plus jamais. Tandis que Martin continue de se moquer de moi et de mon histoire, une infirmière vient nous interpeller pour une urgence.

Le temps de rêvasserie est fini. L’heure est au travail. De toutes les façons, le lendemain, après la garde, j’oublierai certainement toute cette histoire.  Aucune distraction ne m’est permis. Mes patients requièrent mon entière concentration, c’est la raison pour laquelle j’ai choisi d’exercer la médecine, sauver des vies.

À l’heure de la descente de la garde, après une garde particulièrement toxique, le sac à dos sur une épaule, je me dirige vers le Parking où est garée ma petite voiture, achetée après avoir économisé sa bourse et quelques entrées gagnées en faisant des gardes par ci et là dans les cliniques de la ville.

N'étant pas issu d’une famille aisée, c’est son oncle Pascal MASSALA qui m’a élevé alors que mes parents faisaient les champs au village. J’ai tout fait pour faire honneur à ma famille, et jusqu’à présent, je m’en sors plutôt bien.

Quand je m’apprête à ouvrir la portière de sa voiture, j’aperçois la jeune fille de la veille. Une heureuse surprise, la vie semble m’offrir une nouvelle chance.

Elle est debout à l’entrée de l’hôpital, avec une veste jean au-dessus d’une robe mousseline fleurie et une sandale, les écouteurs aux oreilles, elle semble emportée par la musique.  C’est bien elle ! Je dépose son sac dans la voiture, bien décidé à ne pas rater cette nouvelle chance qu’on m’offre. Je ne sais absolument pas ce que je vais lui dire, ni comment je vais engager la conversation. Peu importe, je vais improviser. Ce n’est quand même pas la première fois que j’aborderai une femme. Le plus important, c’est d’obtenir son numéro pour commencer.

Quand elle lève les yeux et m’aperçoit. Je vois dans son beau regard que je ne me suis pas trompé la veille.

-         Bonjour, dis-je en approchant alors qu’elle retire les écouteurs de ses oreilles.

-         Bonjour !

-         Je suis Stéphane, on s’est vus hier quand vous étiez en salle d’attente.

-         Oui, je me souviens de vous !

Elle se souvient de moi, ça me parait plutôt bon signe quoique son expression trahit un peu d’hésitation.

-         Ma démarche va peut-être vous sembler étrange et brusque...et croyez-moi, je n’ai pas pour habitude de le faire. Hier, j’ai eu l’impression d’avoir fait une bêtise en vous laissant partir sans vous aborder et aujourd’hui, la vie m’offre une seconde opportunité. J’aimerais la saisir en vous demandant si on peut devenir amis, je serais très déçu, si vous dites non !

-         J’avoue que je trouve la démarche surprenante d’autant plus qu’on ne se connait pas ! je ne vous ai vu qu’une fois !

-         L’occasion nous est donnée de mieux nous connaitre. Puis-je avoir votre numéro ?

L’hésitation ne semble pas l’avoir quittée. J’espère avoir été assez convaincant. Maintenant que je me trouve en face d’elle, plus près que la veille, je réalise à quel point elle est vraiment jolie. Je ne suis prêt pour un rejet. J’ai l’intuition que cette histoire pourrait être spéciale. Je me suis souvent fié à son intuition sans jamais me tromper. Exactement comme quand il m’a fallu choisir la filière pour mes études universitaires. Mes amis m’ont traité de fou parce que j’ai décidé qu’aller à la faculté de Médecine. Elle était réputée dure et briseuse des rêves. Les autres avaient choisi de faire des concours. C’était un pari très risqué, d’autant plus qu’il ne fallait pas perdre sa bourse.

Aujourd’hui, le parcours n’a pas été sans embuches mais je ne regrette absolument pas d’avoir suivi son intention. Celle-ci ne m’a jamais conduit à l’erreur. L’exception ne se présentera certainement pas aujourd’hui.

-         D’accord, accepte-elle

Un sourire s’étire sur mon visage visiblement satisfait que la jeune fille précisa :

-         Juste pour une amitié !

-         Pour l’instant, lui dis-je en la fixant dans les yeux et en lui tendant mon téléphone pour qu’elle y mette son numéro

Je ne peux m’empêcher de l’admirer, elle est vraiment ravissante, environ 26 ans, de jolis petits yeux en amande mis en valeur par un fard à paupières et un mascara qui intensifiait son regard et des lèvres qui semblent être un appel à la tentation, le tout avec quelques joues rondes. Magnifique ! Le médecin que je suis ne peux passer à côté de ces détails anatomiques. Il ne me reste plus qu’à espérer qu’en la connaissant un peu plus, ses valeurs intrinsèques ne feront pas défaut à ce beau physique.

-         Je vous dépose quelque part ? Je suis véhiculé, proposé-je.

-         Non merci, ma mère ne va pas tarder. C’est elle qui me récupère.

-         Si vous recevez un appel d’un numéro inconnu, ne rejetez pas ! Il y a de fortes chances que ça soit moi !

-          D’accord.

-         Je ne connais pas votre prénom.

-         Alice.

-         Au revoir Alice. A très bientôt !

****

 Je regarde le jeune homme s’en aller. Je n’ai certainement pas rêvé. Nous avons bel et bien parlé et je lui ai donné mon numéro de téléphone. J’en suis encore toute retournée. Mon mirage est bien plus réel que mon nez au milieu du visage. Et il semble charmant en plus. Une amitié, juste pour une amitié Alice, me répété-je, alors que différentes émotions me submergent. C’est tout ce que je peux lui offrir. Je suis en couple avec Anthony. Mais mon cœur qui bat follement, me fait douter. Je commence à me demander si lui donner son numéro était une bonne idée. De toute évidence, le beau médecin, ne me laisse pas indifférente. Je le ressens comme une onde de choc parcourant mon être entier.

C’est la première fois que ça se produit.

Je rejoins ma mère dans sa Citroën DS3 cabriolet noire qui vient de stationner.

-         Tu n’as rien à faire à la maison j’espère, me demande maman, je vais regarder une tenue pour accompagner ton père à une soirée dans quelques jours, et après j’irais au salon pour changer de coiffure, tu m’accompagnes !

Faire les magasins avec sa mère, voilà une activité que j’apprécie particulièrement. Jacqueline MOUSSAVOU, ma mère, la quarantaine révolue, aux formes généreuses comme la majorité des femmes du SUD du pays dont elle était originaire, aime rester coquette. Elle connait les bons coins pour acheter les vêtements de marque à prix raisonnable.

La raison n’était certainement pas que nous manquons de moyens d’aller dans ces grandes boutiques luxueuses qui ornent les ruelles du centre-ville que nous venons de traverser, mes parents sont à l’abri du besoin. Mon père a investi et son entreprise est plutôt très prospère. Mais ils aiment vivre simplement et savent également se faire plaisir aussi quand il le faut.

Dans le petit magasin d’Ousmane, l’abonné de ma mère, situé dans les AKEBE, j’apprécie et juge les différentes tenues, récemment rapportées de Turquie, dans lesquelles maman défile quand son téléphone sonne.

Un numéro inconnu.

Ok si vous recevez un appel d’un numéro inconnu ne rejetez pas, il y a de fortes chances que ça soit moi.

Je me surprends à faire des prières, le téléphone ne cesse de sonner entre mes mains. Je souhaite que ce soit lui. Quand je me décide enfin qu’il est temps de répondre, je m’éclipse alors que maman crie en riant :

-         Sinon, Y a aussi le réseau ici hein !

-         Oui, je sais mais on capte mieux dehors, souris-je à mon tour, en m’échappant ! allo.

Arrivée, devant la porte du petit magasin qui donne directement sur la route, c’est contre notre voiture que je m’adosse souriante, alors que les riverains du quartier qui passent me dévisagent étrangement.

-         Allo, bonjour Alice.

Je reconnais la voix chaude au rythme lent qui laisse paraitre quelqu’un de calme. Mon cœur s’emballe. Une sensation étrange mais plutôt intense me parcoure alors qu’il me parle.

-         Allo, bonjour Stéphane.

-         Je vois que tu as retenu mon prénom, j’appelais pour te donner mon numéro et pourquoi pas t’inviter manger si possible.

-         D’accord ! dis-je sans hésitation

-         Ce soir, ça te dirait ?

-         Ok.

-         Je te rappelle alors.

Alice qu’est-ce que tu fais ? Me dit ma consciente, elle-même étonnée de la spontanéité de mes réponses.

Mais rien voyons je vais juste manger avec quelqu’un que je veux connaitre pour en faire un ami, qu’est-ce que tu crois ?  Répondis-je pour la faire taire.

Je ne suis pas prête à entamer dans un débat avec sa conscience à l’heure actuelle.

-         Ma fille, ici y a des braqueurs faut bien attraper ton téléphone là, lui dit une dame en passant.

Elle remercia la dame et retourna dans le magasin où sa mère avait déjà fait son choix.

-         Tu n’aurais pas aussi de jolies robes de mon âge, demanda-t-elle

-         Si, moi vendez tout, ‘’ya ton taille'’ aussi ! lui dit-il en se précipitant pour aller chercher un tas de robes.

Il fallait qu’elle trouve impérativement une jolie robe pour son rendez-vous de ce soir.

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