UNE AMIE MÉCONNUE
Write by Puma
Ce soir-là lorsque Sèna rentra de l’entrainement, elle jura que ce serait la dernière fois que ses pieds fouleraient un terrain de football. Ce qu’elle venait de voir, elle ne l’avait jamais imaginé. Comment avait-elle pu rester aveugle si longtemps ? Maintenant qu’elle était au courant, tout semblait se dévoiler à ses yeux. Les questions un peu trop osées de Bayi, ses regards un peu trop intimes et sa jalousie inutile envers ses autres copines. Tout s’expliquait désormais.
Le soleil brillait déjà dans le ciel lorsque ses yeux s’ouvrirent. Sèna n’avait pas pris soin de régler son réveil la veille. A peine était-elle rentrée qu’elle s’était assoupie dans ses torrents de pensées. Même le bonsoir à son papa d’amour ne fut que simple formalité. Ne parlons plus de la bonne cuisine de maman qu’elle esquiva. Elle avait tôt fait de prétexter des flatulences pour se retrouver seule dans sa chambre. Il lui fallait digérer ce qu’elle venait de voir. Qu’importe ! Si elle avait pu noyer son traumatisme dans un long et profond sommeil, la réalité demeurait à son réveil.
Il lui fallut encore près d’une demi-heure pour complètement s’éveiller. Le temps était parti. En jetant un regard sur son téléphone, elle découvrit les dizaines d’appels en absence de Bayi. C’était sans compter les tonnes de messages audios qu’elle lui avait laissés sur les réseaux sociaux. Sèna savait que Bayi lui en voudrait d’être partie ainsi hier sans l’attendre. Elles avaient pour habitude de cheminer ensemble au retour des classes. Cela faisait des années qu’elles se fréquentaient. Elles avaient pratiquement été élevées ensemble, leurs parents étant voisins. Monsieur Tovi, le père de Bayi était fonctionnaire au ministère des sports. Il venait d’être affecté avec promotion au poste de directeur du sport scolaire . Il ne tarda pas à prendre en amitié Monsieur Sun dont la courtoisie était inégalable. Une belle amitié qui avait réussi à contaminer leurs enfants. Bayi, fille unique craignait d’être dépaysée en se retrouvant dans cette ville inconnue. Tout au contraire, c’est une sœur qu’elle gagna. Hélas, tout cela allait prendre un grand coup. Sèna venait de découvrir une toute autre Bayi alors qu’elle croyait bien la connaître.
Juste le temps d’une petite toilette et la voilà prête à partir.
_ Bonne journée Papa, bonne journée maman, lança-t-elle en dévalant les escaliers.
_ Et ton petit déjeuner ? demanda Maman visiblement mécontente.
_ Je suis en retard, fit-elle en passant les embrasser.
_ Dans ce cas je te dépose, conclut Papa en vidant sèchement sa tasse.
Sèna connaissait bien son père. Le silence qu’observait Monsieur Sun durant le trajet n’était pas habituel. Cela se voyait qu’il avait quelque chose sur le cœur. Elle comprit alors que la proposition de la conduire au cours n’était qu’un alibi pour se retrouver seule avec elle.
_ Que se passe-t-il ? finit-il par lui demander
_ Rien, s’empressa Sèna de répondre
_ S’il y avait quelque chose tu me le dirais ?
_ Je te le dirais car je sais que tu es mon ami.
C’était un jeu entre eux. Un jeu innocent qui a bravé le temps et consolider leur relation. Ils avaient pris l’habitude de se donner ainsi la réplique à chaque fois que l’un d’eux semblait préoccupé. C’était un code entre père et fille. Seulement, voilà. Cette fois-ci, Sèna n’osa pas croiser le regard de son père. Ce dernier comprit qu’elle n’était pas sincère. Mais il avait confiance en sa fille. Il savait qu’elle finirait par se confier à lui.
À peine stationnés devant l’établissement que Bayi courut à leur rencontre. Elle attendait impatiemment l’arrivée de son amie. Elle avait pris le risque d’être en retard au cours. Même si elle allait s'en faire expulser, elle préféra attendre son amie pour comprendre pourquoi elle lui avait posé un lapin la veille. Passant le bras autour de la taille de Sèna, elle s’obligea aux salutations d’usage vis-à-vis de son père. C’était geste courant entre amies. Cette dernière n’y aurait vu aucun mal si elle ne l’avait pas vue dans les bras de Téna. Contrariée et mal à l’aise devant son père, elle repoussa violemment la main de Bayi avant de se diriger vers les salles de classe. Sèna réussit à distancer Bayi pour aller en cours. Elle n’avait aucune envie de lui parler. En tout cas, pas à cet instant. Elle devait mettre de l’ordre dans ses idées. Et le plus important pour elle était ses études. Sèna se dépêcha donc de rejoindre sa classe. Heureusement elle était en classe de première et Bayi faisait la terminale. Seulement un détail lui avait échappé : Téna était dans la même classe qu’elle. Impossible de se concentrer. Tout au long du cours, elle ne put s’empêcher de repenser à la scène de la veille. A chaque fois que leurs regards se croisaient, elle les revoyait ensemble amoureusement enlacées. Dans sa tête, mille et une questions. Elle n’arrivait pas à comprendre comment une fille aussi belle que Téna pouvait être intéressée par les filles. Tous les garçons étaient littéralement à ses pieds. Déclarations sur déclarations. Cadeaux sur cadeaux. Elle les attirait tous tel du nectar floral exposé à des papillons. Et c’est vrai que ses rondeurs pouvaient donner des envies. Sèna ne parvenait vraiment pas à comprendre ce qu’elle faisait avec Bayi.
***
Sika rejoignit Aya dans un coin de la cour de l’établissement scolaire. C’est toute en larmes qu’elle la trouva. Elle était assise, les mains serrant son sandwich. Tremblante, elle était incapable d’avaler la moindre bouchée de son petit déjeuner. Ce ne fut qu’au bout d’une dizaine de minutes que Sika réussit à la calmer. Aya semblait moins affligée. Son amie parvint même à lui faire manger une partie de son repas. Mais lorsqu’elle voulut prendre des nouvelles d'Orou, Aya s’effondra à nouveau en larmes. Avec Orou c’était l'idylle. Sika s’étonnait qu’il ne soit pas à ses côtés en ce moment de grande tristesse. Étrange lorsqu’on sait qu’en deux ans de relation jamais ils n’avaient eu de dispute. C’était un bon garçon. Tout le monde l’appréciait. La plupart des filles jalousaient Aya pour être tombée sur quelqu’un de beau, sérieux et travailleur. Et elle savait l’aimer en retour. Jamais elle n’avait cédé aux avances des autres garçons. Ils étaient vraiment amoureux l’un de l’autre. Pas comme la plupart des amourettes de banc. Entre eux c’était du solide.
L’idée qu'Orou soit la cause du mal être d’Aya n’avait à aucun moment traversé l’esprit de Sika. Et pourtant à palper l’amertume qui se dégageait de ses larmes à l’évocation de son nom, il n’y avait aucun doute. OROU était à la base du désarroi d’Aya. Mais alors, qu’avait-il bien pu faire pour la mettre dans cet état ? Est-ce qu’enfin il aurait donné raison à la pensée populaire selon laquelle tous les hommes sont infidèles ? Sika n’eut pas à attendre trop longtemps pour avoir réponse à ses interrogations.
-il m’a quitté, murmura Aya
-pour quelle raison, demanda Sika presque furieuse
-il a honte de moi à cause de tout ce qui se raconte au sujet du club.
Cela faisait quelques mois qu’Aya et Sika avaient intégré le club féminin de football du collège d'enseignement général de Nanguézé. Si leur amitié fut spontanée, c’est en partie grâce à cette passion commune pour ce sport. Mais depuis le début des rumeurs d’harcèlement sexuel au club, Aya pensait de plus en plus à se retirer. Sika avait jusque-là réussi à la convaincre de rester. Par solidarité amicale, elle avait accepté. Même si elle n’en voulait pas à Sika, cette dernière se sentait un peu coupable de la rupture entre les deux amoureux. Si elle savait qu'Orou se laisserait autant influencer par les ragots, elle n’aurait pas retenu AYA.
-je suis désolée
- ce n'est pas à toi de t’excuser. Il n’a juste pas assez confiance en moi. En plus ses parents ont dû lui mettre la pression.
La famille Neem était très respectueuse de tout ce qui était normes sociales et codes de vie. Fervents pratiquants de leur religion, les parents tenaient à transmettre à leurs enfants les valeurs acquises. Pour cela, ils n’hésitaient pas à trier les relations de ces derniers. Dis-moi qui tu fréquentes, je te dirai qui tu es, telle était leur devise. Jamais ils n’avaient souhaité voir leurs enfants mêlés aux conneries des adolescents de leurs âges. Ils s’évertuaient donc à les tenir dans la droite ligne des recommandations des saintes écritures. Orou en bon fils aîné avait toujours fait la fierté de ses parents. Studieux et exemplaire, il était le modèle sur lequel se calquaient ses frères et sœurs. Lorsque si jeune tant de responsabilités vous incombent, l’on ne vit plus pour soi. Il se contentait d’être ce qu’il devait. S’il était tombé amoureux d’Aya c’était pour ces valeurs qu’elle avait en commun avec lui. Il la savait pure et candide. Et c’était les seules raisons pour lesquelles son père tolérait leur relation. Même si tout un chapelet de conditions faisait office de règles à suivre, Orou avait réussi à faire accepter Aya dans sa famille. Cela fut un choc pour lui lorsqu’elle lui annonça son entrée au club de football.
- qu’est-ce que tu iras faire là-bas ?
- c’est un sport comme tout autre.
-non, c’est un sport de garçons. Il y a d’autres jeux pour les filles
Aya avait eu beaucoup de mal à le convaincre de sa passion. Mais au fil des jours son brin de talent finit par avoir raison de son amoureux. Il s’était rendu compte que les filles pouvaient prendre au sérieux le football et y jouer professionnellement.
De plus, lorsqu’elle lui lista tous les avantages à faire partie du club, il manqua presque de l’envier. Du moment où elles jouaient seulement entre filles, cela le rassurait . Il fallait le voir sortir de ses gongs lorsqu’il découvrit que l’entraineur était de sexe masculin.
- cette fois-ci tu ne peux plus continuer dans le club.
- ce n’est qu’un entraîneur voyons. N’est-ce pas toi qui disait que c’était un jeu de garçon ? Il est donc bien placé pour nous former.
-oui, mais, et s’il se mets à te courtiser et même te harceler ?
-je le repousserai comme je repousse toutes les autres avances
Aya avait encore réussi cette fois-là à faire triompher sa passion du jeu. Mais cette fois-ci, elle ne pouvait plus rien. C’était la goutte d’eau qui faisait déborder le vase. Orou ne pouvait accepter qu’Aya fréquente des filles qui avaient des attitudes contraires à ses convictions religieuses. Déjà que lui s’abstient de toute pratique du genre avec sa bien-aimée…
- ce ne sont que des rumeurs, moi je n’ai rien vu de tel
-tu es trop innocente pour voir quelque chose. Elles finiront par t’entrainer dans leur perversion
- ce n’est pas vrai. Je ne fais pas de suivisme
-pour le moment. Mais bientôt tu auras envie de faire comme elles
- c’est comme si tu ne me connaissais plus aujourd’hui. Si j’étais ce genre de fille il y a longtemps que j’aurai offert ma virginité à n’importe quel prétendant ou prétendante
-ah ! Vois-tu comme tu te trahis ? Les rumeurs sont donc fondées, vous vous courtisez entre vous
-mais non Orou, c’est une façon de parler. C’est toi qui me fais dire n’importe quoi
-je ne peux pas continuer à te faire confiance si tu restes dans ce club
-je te jure que je ne suis mêlée à rien de tel
-toi non, mais tes amies, si
- je n’en ai aucune idée. Est-ce important ?
-oui
-plus que notre amour ?
-c’est notre image qui en dépend
-mais puisqu’on n’a rien à se reprocher ?
-cela ne suffit pas. Il faut t’éloigner de ces filles
-sinon ?
-sinon ce sera moi qui m’éloignerais
-Orou ne dis pas ce genre de choses
-alors?
-je n’ai aucune raison de quitter le club
- tu aurais fait ton choix.
***
Bayi avait un côté garçon très prononcé. Habillement, coiffure, démarche, langage, tout d’elle montrait qu’elle se masculinisait. Pour avoir grandi avec la petite fille à couettes qu’elle était, Sèna avait du mal à reconnaître son amie d’enfance. Elle avait complètement changé depuis sa rupture avec Kodjo. Cela remontait à quelques mois cette transformation de fille en rose et paillettes en garçon manqué. Brusque et profonde, cette métamorphose n’avait d’égale que la douleur de la désillusion qu’elle avait subie.
A l’époque, elle ne cessait de clamer combien elle l’aimait. Rien de lui n’était défaut. Il était parfait à ses yeux. Et pourtant cela crevait les yeux que Kodjo était loin d’être un saint. Un vrai bad boy, toujours à la recherche de nouvelles conquêtes. Il se faisait appeler beau gosse. Et c’est vrai qu’il l’était, une vraie beauté machiavélique. Il usait de son charme pour attirer les filles dans ses bras. Bayi ne croyait pas aux rumeurs. Elle a toujours été convaincue que les mauvaises renommées étaient fausses. Surtout entre adolescents, il était fréquent que des mensonges se forment de toutes pièces pour être propagés. Alors elle était devenue adepte de la philosophie "Tu le vois comme ça mais au fonds il est différent" .
Malgré les signes qui prévenaient du machisme de Kodjo, Bayi se laissa emporter par son charme envoûtant. Il ne lui fallut que quelques semaines pour ouvrir les yeux. Ce dernier ne tarda pas ; une fois l’orange sucée, il jeta sa peau. Bayi s’était toujours préservée. Certes, elle ne conditionnait pas la perte de sa virginité au mariage mais elle attendait le vrai amour qui y conduirait. Et avec Kodjo, elle pensait l’avoir trouvé.
Tout a commencé l’année dernière, à cette même période. C’était un jour de forte pluie. Comme à l’accoutumée, Sèna et Bayi s’étaient rejointes à la sortie des classes pour regagner ensemble leurs domiciles. Plantées devant le portail de l’établissement, elles attendaient un signe clément du ciel. Grande fut leur joie lorsqu’un véhicule s’immobilisa à leur niveau. Elles reconnurent tout de suite Kodjo. De famille nantie, il avait le privilège d’avoir un véhicule à sa disposition. Fils unique, ses parents lui avaient pris un conducteur afin de le mettre dans les meilleures conditions pour relier l’école et la maison. Ce jour-là, Kodjo invita ses camarades à monter. Cela faisait un moment qu’il avait remarqué qu’elles empruntaient le même chemin que lui. C’était une occasion de plus pour fanfaronner mais surtout séduire la belle Sèna dont les déhanchées lui activaient les glandes. Malheureusement pour lui, sa réputation l’avait précédé. Vantard de son physique, il ne se souciait que de son apparence. Il en était encore plus fier lorsqu’il voyait les ravages qu’il causait dans le cœur peu averti des demoiselles. C'est le genre de garçon dont Sèna s’était toujours méfié. Lorsqu'il lui fit part de ses intentions , elle se contenta de repousser ses avances. Mais au lieu d’être découragé, Kodjo semblait encore plus intéressé. Sûrement parce que rarement on lui disait non. Dès lors, il en fit un défi à relever coûte que coûte.
Au fil des semaines d'avance et de refus, Sèna fit le constat que Bayi ne semblait pas indifférente à son prétendant. Malgré toutes ses critiques à son sujet, elle regarda impuissante son amie tomber sous le charme de Kodjo. Tellement emportée, Bayi ne se rendait pas compte qu’il était plutôt intéressé par Sèna . Cette dernière espérait que cela lui passerait comme ses habituels coups de foudre. Hélas, cette fois-là c’en était un véritable. Une vraie foudre qui allait briser son cœur. Lorsque ce dernier se rendit compte de l'intérêt que lui portait Bayi, il fit l’intéressé tout en continuant par courtiser son amie. Sèna tenta en vain de montrer le vrai visage de Kodjo à Bayi. Et quand elle osa dire que ce dernier la désirait, elle méconnut son amie. Si l’amour rend aveugle, il avait écervelé Bayi. Elle s’en prit à Sèna :
- tu te crois plus belle que moi ?
- pourquoi parles-tu ainsi ?
- donc Kodjo te trouve plus belle que moi ?
- je dis juste qu’il me drague. Tu l’aurais remarqué si tu ne passais pas ton temps à l’admirer.
- dis plutôt que c’est toi qui veux de lui.
- qu’est-ce que tu racontes ?
- oui, oui, jusque-là tu refusais les avances des garçons. Maintenant que tu tombes sur un riche héritier, tu te découvres femme
- n’importe quoi, je n’ai rien à faire de son argent.
- ah, c’est donc son physique qui te charme.
- tu sais bien que non, je n’aime pas ce qui attire trop de mouches
- s’il en attire autant c’est qu’il est sucré.
- pas toujours ma chère, les excréments aussi attirent les mouches. Et d'énormes d'ailleurs.
- il est loin d’en être un
-comment le sais-tu ?
- regarde tout ce qu’il m’offre et toute l’attention qu’il me porte.
- c’est parce qu’il n’a pas encore ce qu’il désire.
- qui dépenserait autant s’il n’était pas sincère
- quelqu’un pour qui l’argent n’est pas un problème.
- tu es trop méfiante. On ne peut donc plus donner des preuves d’amour ?
- toutes les preuves ne sont pas d’amour, encore moins quand on en donne à plusieurs à la fois
- c’est moi qu’il aime, il me l’a dit. Les autres c’est pour le plaisir.
- quel bel amour à plusieurs. Il m'a dit la même chose. Je ne comprends pas que tu acceptes cela.
- tu mens. Tu es jalouse c’est tout. Il couchera avec toi et te laissera après.
-voilà, c’est exactement ce qu’il fera avec toi et toutes les autres. Moi il ne m'aura pas.
Et comme une prédiction, Bayi n’eut que ses yeux pour pleurer son cœur brisé et sa virginité perdue. C’est une autre Bayi qui naquit de cette douloureuse expérience. Elle détestait les hommes et enviait ce droit qu’ils semblaient avoir de mener les relations amoureuses à leur guise. Pour cela, elle se mit à les imiter afin de se donner un air plus assuré auprès des filles qui, désormais, étaient ses cibles.
***
Le gouvernement avait revu depuis deux ans sa politique sportive. Les lycées et collèges étaient devenus le vivier de ces héros qui porteraient désormais haut le drapeau de la patrie dans le monde. Pour réveiller et maintenir allumée la flamme de cette passion sportive, des clubs sportifs avaient été créés dans tous les collèges d'enseignement général et lycées. L’admission se faisait sur rude sélection. Elle était assortie de bourses scolaires. En plus d’être dispensés de la scolarité, les bénéficiaires recevaient une allocation financière mensuelle. La valeur de cette aide variait suivant l’année d’étude. Elle s’élevait tout de même à des centaines de mille de nos francs. Ce qui permettait aux parents de mettre les enfants à l’abri de tout besoin. L’Etat assurait ainsi les conditions idoines pour que l’apprenant se concentre sur ses performances scolaires et sportives. Et si elles étaient excellentes, il pouvait bénéficier d’une bourse de formation dans un plus grand club sportif à l’étranger.
En priorité, le réveil féminin du sport tenait à cœur au gouvernement. Les clubs féminins étaient donc particulièrement suivis. Les filles étaient encouragées par des dons de diverses natures. Tout était mis en œuvre pour permettre leur plein épanouissement.
Le collège d'enseignement général de Nanguézé expérimentait à son tour les classes sportives. De tous les clubs de l’établissement, le club féminin de football donnait les meilleurs résultats. On ne pouvait en attendre moins. Le quartier Nanguézé est le premier du département à se doter d’un club de football féminin. De plus, Sèna, la pionnière du club de quartier, en était l'actuelle capitaine. Sa passion pour ce sport ne l’avait jamais quittée depuis l’enfance. Elle savait la transmettre à ses coéquipières pour que le club reste toujours parmi les meilleurs. La vie aurait pu continuer à être belle pour la jeune fille si des rumeurs ne venaient pas salir la renommée du club.
De plus en plus de parents accusaient le club féminin de football d’être un club de perversion et de détournement de leurs filles. Sèna pensa tout d’abord à un changement de comportements de la part des adolescentes. Elle se rassurait de ce que les parents comprendraient bientôt que ce n’étaient que les pulsions éphémères de l’âge ingrat que traversaient leurs enfants. Mais elle fut très vite surprise par la gravité des accusations. De plus en plus de filles se plaignaient d’être harcelées sexuellement par leurs camarades. Sèna se souvint qu’il y avait déjà eu des démissions pour des raisons non élucidées. Les filles prétextaient un mal-être personnel et disparaissaient du jour au lendemain. Et si tous ces évènements ne relevaient que de la même problématique ?
Jamais Sèna n’avait pensé à faire face à pareille situation. Certes, il lui arrivait, en tant que capitaine d'équipe, de résoudre des malentendus. Entre filles, cela ne manquait jamais. Et quand les affaires de garçons venaient à en opposer certaines, elle savait trouver les mots pour leur faire retrouver leurs esprits. Si elle en avait entendu parler, elle n’avait jamais fréquenté de filles qui aimaient les filles. En tout cas, pas à sa connaissance. Encore moins dans son club au point d’imaginer qu’il y ait harcèlement sexuel. Pourtant, cela faisait quelques mois que Vivi venait se plaindre de Bayi à ses oreilles. Elle lui racontait des faits qui mettaient cette dernière en très mauvaise posture. C’était son amie intime, sa sœur d’une autre mère. Elle ne croyait rien des propos de Vivi. Elle se contentait de l’écouter d’une oreille débiter ses médisances pour les ressortir de l’autre. Mais avec toutes ces histoires, elle commençait à se poser des questions sur la véritable identité de Bayi. Après l'avoir surprise dans les vestiaires en train d’embrasser Téna, elle commençait à se dire que Vivi n'avait pas si tort que ça.
***